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No temas a la ley, Le cave est piégé, Victor Merenda, 1963
Coproduction franco-espagnole, No temas a la ley, est un film à tout petit budget dans lequel on retrouvera quelques habitués du cinéma de Frédéric Dard, et d’abord Victor Merenda. Le film est basé sur un très bon roman qu’on dit être d’Yvan Noé, un vieux réalisateur dont le principal de la carrière s’est réalisé avant la guerre dans des comédies légères. On attribue également le scénario à Yvan Noé en 1963 donc alors qu’Yvan Noé est mort cette année-là. C’est tout juste si ce n’est pas un mort qui a travaillé la main dans la main avec Merenda ! Evidemment nous n’aurons probablement jamais la preuve que Dard a travaillé au roman et sur le film. Cependant comme on va le voir plusieurs indications donne du corps à cette hypothèse. J’ai lu les cinq romans policiers signés Yvan Noé, et le style fait penser à celui de Frédéric Dard, la phrase est sobre, le vocabulaire est précis et l’intrigue bien construite. Le titre parait aussi être décalqué de Raccrochez c’est une erreur dont la version française avait été écrite par Odette Ferry.
Jean Farrand est un ancien joueur de football français qui a fait sa carrière à Barcelone et qui maintenant dirige une agence de voyage. Il accompagne sa femme qui va prendre le train pour aller se soigner à Megève. En s’en retournant il roule doucement sous la pluie, mais il va heurter une jeune femme, Micaela, et la renverser. Plus de peur que de mal, celle-ci finalement l’invite chez elle, puis après lui avoir servi à boire, elle lui signale qu’elle a perdu dans l’accident un bijou de prix. Ferrand ne barguigne pas, il lui fait un chèque royal, s’étant culpabilisé de cet accident un peu absurde. Puis il rentre chez lui. Le lendemain, alors qu’il part à son bureau, il se rend compte qu’il a oublié sa montre chez Micaela. Il va y retourner, mais l’immeuble est envahi par la police car Micaela a été assassinée. Dès lors il va se retrouver en fuite, car tout l’accuse, et principalement la montre oubliée marquée à son nom. Dans sa fuite il va trouver cependant de l’aide d’abord sa secrétaire qui ment ouvertement à la police, puis un détective Bruno qui va se lancer sur la piste de Micaela qui semble être coutumière de l’entôlage. Mais alors qu’il s’approche du but, Bruno va être tué par celui qui suit sans relâche Ferrand. Traqué de toute part, Ferrand va rencontrer le véritable assassin et le tuer en légitime défense. Pendant ce temps, Flora est revenue de Megève car elle a compris que son mari ne peut pas être l’assassin. La police est partagée sur la culpabilité de Ferrand, si l’inspecteur le croit coupable, par contre le commissaire trouve que l’accumulation d’indices est un peu trop grossière pour être réelle. Dans un final assez curieux, Ferrand sera finalement disculpé et pourra retrouver sa tendre épouse.
Ferrand a renversé Micaela
Outre l’accident de voiture qui est semblable à celui qu’on trouve dans L’homme de l’avenue, il y a d’autres similitudes avec des œuvres de Dard, et particulièrement avec des épisodes de Kaput. Par exemple le chantage que le propriétaire de l’hôtel tente d’exercer, ou encore la façon dont Ferrand se planque pour la nuit en louant les services d’une prostituée. C’était une habitude de Dard que de recycler les bonnes idées et c’est ce qui lui permettait de produire beaucoup et vite.
Le scénario du film a été transposé de Paris à Barcelone sans doute pour des questions de co-production. Ce film ressemble dans son modèle de production à ceux que Dard a écrits pour José Antonio de la Loma. Des acteurs de second ordre dont la carrière piétine à Paris, un bricolage au niveau de la réalisation accompagnent un tout petit budget. Tentations de José Antonio de la Loma débute d’ailleurs avec une idée empruntée au premier épisode de Kaput, La foire aux asticots. Les simplifications abusives qu’on a opéré pour le film mettent un peu plus en valeur les personnages secondaires comme Flora, l’épouse, ou la secrétaire de Ferrand, un peu comme si on doutait de pouvoir centrer le film sur le seul personnage de l’ancien sportif. La fin est également complètement bâclée et on ne saura jamais pourquoi le commissaire ne croit pas à la culpabilité de Ferrand, il n’y a en effet pas de preuve qui le disculpe sérieusement.
La police cherche Farrand
Si le scénario est bancal, quoiqu’il s’appuie sur un solide roman, la réalisation frise la nullité absolue. Merenda pouvait faire illusion avec Sursis pour un vivant, essentiellement parce qu’il s’appuyait sur un scénario un peu plus travaillé, un très bon photographe et sur des acteurs chevronnés. Ici la mise en scène est des plus plates, cadré de près les acteurs ont l’air peu à l’aise, ça manque de nerf. Même le décor de l’immeuble où habite Susana qui a été construit par Gaudi ne donne aucun cachet particulier au film. Souvent tourné dans les décors naturels de Barcelone – on verra même le Camp Nou – cela reste étriqué. Merenda ne savait sans doute pas faire bouger une caméra. Tout est statique dans ce film. Les scènes qui sont censées dévoiler les jeunes femmes frisent le ridicule, certes nous sommes encore à l’époque de Franco, mais cela ne suffit pas. Et encore je passe sur la prostituée que lève Ferrand pour pouvoir se planquer.
Flora apprend que son mari est recherché pour meurtre
Le film n’est pas aidé non plus par les acteurs en bois qui ont été engagés pour cette réalisation. Frank Villard qui avait tenu le premier rôle dans la pièce Bel Ami que Dard avait adaptée de Maupassant, était aussi dans la distribution du Crime ne paie pas est incapable de tenir un premier rôle. Au lieu d’être effrayé, il a l’air complètement ahuri. Les acteurs espagnols ne sont pas à l’honneur, que ce soit Marisa Prado qui incarne Flora, ou même Maria Mahor qui tient le rôle de Micaela. Et je ne dis rien de l’acteur qui joue Toni et qui est censé être un tueur diabolique. Mais plusieurs acteurs surnagent de ce naufrage : d’abord Fernando Sancho dans le rôle du propriétaire de l’hôtel. Il se recyclera ensuite dans des westerns spaghetti tournés en Espagne où il jouera les méchants mexicains. Il y a ensuite Dario Moreno qui fait ce qu’il peut pour donner un peu de vie à son rôle de détective et enfin Dany Carrel dans le bref rôle de la secrétaire dévouée. On notera la curiosité de l’apparition de Broderick Crawford, cet immense acteur qui s’illustra dans le film noir fait seulement un clin d’œil amical.
Bruno va aider Ferrand à découvrir la vérité
On classera ce film au rang des curiosités cinématographiques, comme un exemple de ce qui ne faut pas faire pour gâcher un bon scénario. Ce film au destin incertain, mollasson en diable, aura subi toutes les avanies : la réédition en DVD dans la collection bien nommée Les invisibles du cinéma français est d’une qualité médiocre pour ne pas dire plus. Mais enfin on s’en contentera en attendant que cette même firme nous ressorte les films de José Antonio de La Loma. On l’y encourage vivement !
Ferrand est face à l’assassin
Eugenio veut faire chanter Farrand
Tags : Victor Merenda, Frédéric Dard, Dany Carrel, Frank Villard, Dario Moreno, Film noir, Yvan nOé
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