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Parasite, 기생충, Bong Joon-Ho, 2019
Récoltant plusieurs Oscars, après la Palme d’Or à Cannes, Parasite est un film qui mérite le détour. Ne vous attendez pas cependant à voir un chef d’œuvre. Mais il démontre la vitalité du cinéma asiatique. Il est arrivé en tête des Oscars devant toutes les grosses daubes colossalement friquées, 1917, The irishman ou encore Once upon a time in Hollywood… Seul Joker a tenu son rang. Si Parasite a été aussi applaudi, c’est également parce que le cinéma occidental, et particulièrement français, est dans un état de décomposition très avancé. Le cinéma américain ne vaut pas beaucoup mieux, pourtant à Hollywood on est capable de mettre 160 millions de dollars sur le film de Scorsese, ni fait, ni à faire, vide de tout contenu. Cela en dit long sur la manière dont s’achète et se vend le cinéma du monde entier. Ce n’est pas du tout un film fauché cependant, son budget s’est établi à 11 millions de $ et le film en a rapporté avant les Oscars déjà 16 fois plus. Le rendement est déjà meilleur que celui de Joker. Bong Joon-Ho était déjà connu pour faire des films très rentables, comme Host par exemple. Film de peu d’intérêt, mais doté d’un budget très faible. Parasite a réuni un financement international, et particulièrement français. C’est une comédie noire, un peu dans la veine de La vie est un long fleuve tranquille dont on pourrait dire qu’il est un remake asiatique. Evidemment avec une touche particulière puisque la fin tourne au film d’horreur.
Ki-woo et Ki-jung cherche à capter la Wi fi de la voisine
La famille Kim est en perdition, ils sont presque tous au chômage et ne survivent qu’en pliant des boîtes pour emballer des pizzas. Ce sont les ratés de la réussite économique coréenne, probablement parce qu’ils sont incapables d’en comprendre les codes. Mais un jour, l’ami de Ki-woo doit partir à l’étranger et lui demande de le remplacer auprès de la famille Park pour donner des cours d’anglais à la jeune Da-hye. C’est bien payé. Pour obtenir la place la famille va fabriquer des faux diplômes. Une fois que Ki-woo est bien installé la famille va élaborer un plan pour introduire sa sœur qui donnera des cours de dessin thérapeutiques au jeune fils Park. Et puis Ki-jung va laisser trainer sa culotte sur le siège de la voiture de Park pour faire chasser le chauffeur. Par la suite, la famille Kim fait croire que la gouvernante est atteinte de la tuberculose et donc va la faire chasser elle aussi. La mère Kim va prendre sa place. Kim-woo a aussi une idylle avec la jeune Da-hye. Tout marcherait comme sur des roulettes, si un jour l’ancienne gouvernante revient alors que la famille Park est partie au camping. On va apprendre qu’elle cachait dans les sous-sols de la maison des Park son mari qui, criblé de dettes, était recherché par ses créanciers. Personne ne connaissait ce refuge. Une bataille va s’ensuivre, et les Kim vont ficeler les deux empêcheurs de tourner en rond. Mais à peine sont-ils débarrassés de ces deux intrus que les Park sont de retour. La famille va s’en tirer tant bien que mal, et en dehors de la mère qui joue toujours gouvernantes, ils s’en vont sous des pluies diluviennes retrouver leur maison. Mais les égouts de la ville ont débordé et ils doivent se réfugier dans un gymnase. Le lendemain, le soleil est de retour et la famille Park décide de donner une grande fête pour l’anniversaire de Da-song. Tout se passerait à peu près bien si les deux prisonniers du sous-sol ne sortaient pas de leur trou. Geun-sae va se munir d’un grand couteau et provoquer un carnage. Auparavant il a fracassé la tête de Ki-woo. Il va poignarder aussi Ki-jung. Le père de celle-ci non seulement va tuer Geun-sae, mais il va aussi poignarder mortellement Park qui veut réquisitionner la voiture pour conduire son fils à l’hôpital. Ki-woo n’est pas mort, il se réveille de son coma un mois plus tard et constate que sa sœur est bien morte. Le père a disparu, mais lui et sa mère vont passer devant un tribunal, ils seront acquittés. Par hasard, Kim-woo va découvrir que son père s’est réfugié dans les sous-sols de la maison qui a été entretemps vendue à des Allemands. Il arrive à communiquer avec lui en morse et pense qu’en devenant riche, il pourra racheter la maison et délivrer enfin son père.
Ki-woo est le premier à pénétrer dans l’antre de la famille Park
L’opposition des classes sociales dans la Corée du Sud d’aujourd’hui est moins le thème du film que le véhicule pour autre chose. A voir ce film on a l’impression que la Corée est un pays pauvre. C’est assez faux, et à l’heure actuelle le taux de chômage est au plus bas, il est l’un des plus bas du monde. Les Kim sont plutôt des inadaptés sociaux, ce qui est différent. Et sans doute ce que ne peut pas comprendre la famille Park qui vit complètement dans l’air du temps, le mari faisant fortune dans la high-tech. Si on part du principe que les Kim sont des faux chômeurs qui ne veulent vivre que de combines, le film prend un sens très différent. Et c’est là que le rapprochement avec le film d’Etienne Chatillez devient intéressant. Nous avons deux familles symétriques qui sont opposées par des simples éléments matériels, la richesse, il y a un père et une mère, puis un garçon et une fille. Et dans les deux cas les deux groupes cherchent à défendre l’unité de la famille, de se protéger contre les intrus qui pourraient en défaire le noyau dur. Les uns utilisent l’argent, les autres la ruse. Le second thème est le minage insidieux de la famille riche par la pénétration d’éléments extérieurs. C’est le thème qu’on a vu cent fois traité dans les années cinquante quand on annonçait l’invasion des rouges dans un film comme Them ! de Gordon Douglas, ou Invasion of the body snatchers de Don Siegel. Mais ici ce n’est pas la peur des rouges qui intéresse Bong Joon-ho, mais le minage des valeurs coréennes par les classes inférieures. Les Park trouvent que les Kim sentent tout de même férocement mauvais. On peut rappeler que dans les temps anciens on appelait les pauvres, les « pue-la-sueur ». C’est en reniflant que les riches démasquent les pauvres !
Dong-ik ayant trouver la petite culotte dans sa voiture va licencier son chauffeur
La naïveté de la classe supérieure est confondante, mais en la montrant on comprend aussi que derrière l’apparence de la politesse et des relations cordiales, c’est de la haine dont il s’agit. C’est d’ailleurs cette haine trop longtemps contenu, cachée dans les sous-sols de la maison cossues des Park qui va finir par exploser et tout emporter, lorsque Geun-sae s’armera d’un long couteau de cuisine pour massacrer tout ce qui bouge. La métaphore du sous-sol est intéressante : on enterre au fond tout ce qu’on ne veut pas voir, mais comme les égouts de la ville, la colère peut aussi bien déborder. Les Kim méditent sur la gentillesse apparente des Park. Ki-taek soulignera que pour être gentil, il faut en avoir les moyens. C’est peut-être ce qui distingue les riches asiatiques des riches occidentaux qui eux sont ouvertement méchants – voir le milliardaire Trump par exemple. Il est vrai que dans les temps en Occident les riches affichaient bien moins leur haine des pauvres, mais c’était avant que n’explosent les inégalités de depuis la contre-révolution conservatrice Reagan-Thatcher. En Corée du Sud, les inégalités sont bien moins fortes que chez nous. Est-ce parce que la Corée du Nord est si proche, est-ce parce qu’il n’y a pas d’immigration ? C’est très difficile à dire. Le taux de criminalité est étonnamment faible selon les standards occidentaux. Bong Joon-ho semble penser que c’est seulement parce que la colère est étouffée, mais que la marmite est prête à exploser. Il est vrai que la Corée, en général très hostile aux étrangers – c’est un territoire mille fois conquis, par les Occidentaux comme par les Japonais – a développé aussi une conscience sociale plutôt âpre, et très hostile aux Etats-Unis. Le film contient de nombreuses piques anti-américaines, mais aussi évidemment contre le dictateur de la Corée du Nord. La parodie des informations provenant de ce dernier pays est hilarante.
L’ancienne gouvernante est revenue
Le scénario manque un peu de rigueur cependant. C’est assez déséquilibré. Toute la première moitié du film, au rythme assez lent, décrit l’invasion de la maison Park par la famille Kim, puis soudain, ça vire au cauchemar, ça parait un peu téléphoné, de même la résurrection du peuple de la cave passe assez mal, et le rythme devient plus nerveux. La réalisation manque un peu de style, on à l’impression que Bong Joon-ho a aseptisé son propos pour gagner le cœur des publics festivaliers. Si c’est très drôle, parfois même touchant, la réalisation n’est pas extraordinaire. On filme la nuit en utilisant les couleurs habituelles du film néo-noir, ici une touche de jaune, là un peu de vert, et une pointe de rouge. Mais l’ensemble est assez rapide, quoique longuet dans sa deuxième partie. Le film dure plus de deux heures tout de même. L’ensemble est filmé sur écran large, sans que cela semble être une nécessité absolue. On peut se demander aussi où sont passé les 11 millions de dollars du budget.
Geun-sae va provoquer un massacre pendant la fête du petit Da-song
Si la réalisation est un peu plan-plan, les acteurs sont par contre tous très excellents. Song Kang-ho dans le rôle du père Kim est impressionnant dans sa façon mélancolique de rechercher l’amour chez les autres. Cho Yeo-jeong dans le rôle de la mère Park est aussi très bien, avec une fausse naïveté qu’elle porte en bandoulière comme un trophée. Mais les deux familles sont interprétées par des acteurs très solides à la forte personnalité, capables de mettre en œuvre un jeu intérieur intéressant.
A leur procès la mère et le fils seront acquittés
Malgré tous les défauts qu’on a soulignés, le film vaut le détour pour son originalité et sa hargne. Il prouve une nouvelle fois que le cinéma est porteur d’avenir, mais surtout en Asie ! C’est de ce côté-là, du côté chinois et coréen qu’il faut trouver le renouveau, loin des niaiseries occidentales. Le film va retrouver une meilleure diffusion grâce aux Oscars et pour une fois cela aura servi à quelque chose.
Tags : Bon Joon-ho, satyre sociale, comédie noire, Oscar, Palme d'or
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