•  De minuit à l’aube,Between Midnight and dawn, Gordon Douglas, 1950

    Ce film vient juste après Kiss Tomorrow Goodbye, un autre excellent film noir de Gordon Douglas avec James Cagney et Barbara Payton[1]. Ce dernier film était une belle adaptation musclée d’un roman d’Horace McCoy. Ici Gordon Douglas va porter à l’écran une histoire de flics. 1950 reste une année charnière, c’est le moment où le film noir devient moins épuré, plus réaliste et en même temps se penche sur le vécu des policiers. Il y a une évolution de la thématique et de l’esthétique. C’est aussi sans doute là, en pleine chasse aux sorcières, que le film noir se donne l’apparence du conformisme, sur le mode le crime ne paie pas et la police vous protège. Le scénario est principalement de Leo Katcher. C’est un scénariste qui n’a pas beaucoup écrit pour le cinéma, mais il est intervenu sur des films noirs marquants, par exemple l’excellent M de Joseph Losey[2], ou encore Party Girl de Nicholas Ray qu’on dit être le dernier film du cycle classique du film noir.     

    De minuit à l’aube,Between Midnight and dawn, Gordon Douglas, 1950 

    Romano est victime d’un racket

    Barnes et Purvis sont très liés, ils patrouillent ensemble, souvent de nuit. Un jour ils tombent sur les Romano, des commerçants qui se font racketter par un certain Quist. En suivant sa piste, ils tombent sur Garris, un truand qui possède aussi un cabaret. Ils embarquent Quist, mais ils n’ont pas assez de preuves pour le retenir et doivent le relâcher, d’autant que les Romano refusent de les reconnaître. Dans le service ils font la connaissance d’une standardiste, Kate Mallory, la fille d’un policier qui a été tué en mission. Les deux amis emmènent Kate dans la cabaret de Garris, mais ils se rendent compte que celui-ci est en discussion avec un autre truand, Cusick, qui veut s’associer dans les affaires de Garris. Mais celui-ci refuse. Barnes et Purvis vont finalement louer un appartement dans la maison que possède la mère de Kate. Les policiers continuent leur travail, et un soir ils apprennent que Cusick a été abattu. Les policiers se lancent à la poursuite de Garris, et finissent par le coincer, Quist est décédé. Traduit devant un tribunal, Garris est condamné à la chaise électrique. Kate entre temps a fini par choisir Barnes, et projette de se marier avec lui. Mais Garris organise son évasion de la prison. Toute la police le recherche. Barnes et Purvis sont sur ses traces, une fusillade s’engage, et Barnes est abattu. Garris est arrivé à fuir. Purvis accompagne son coéquipier à l’hôpital, mais, c’est trop tard. Purvis va continuer à traquer Garris, toute la police est sur les dents. La surveillance de la maison de la maitresse de Garris permet de le repérer. Il veut partir pour le Mexique avec Terry Romaine, celle-ci refuse. Mais il la menace et lui demande de faire sa valise. Apercevant la police qui cerne l’immeuble, il va se servir de la petite fille comme bouclier. Purvis va cependant arriver à s’introduire dans l’appartement et dans la fusillade, il abat Garris, mais celui-ci a tué Terry Romaine qui s’était interposée pour protéger Purvis, lui sauvant la vie. Kate Mallory va décider alors de faire sa vie avec Purvis. 

    De minuit à l’aube,Between Midnight and dawn, Gordon Douglas, 1950 

    En suivant la piste de Quist ils aboutissent au cabaret de Ritchie Garris 

    Le film est construit comme une sorte de semi-documentaire. Il y a une tendance à l’inscrire dans la vie quotidienne des policiers, aussi bien en nous faisant visiter les locaux de la police, les vestiaires que les tâches plus ingrates ou plus banales, intervenant dans les rues. En même temps pour nous montrer qu’ils sont des hommes comme les autres, on les voit aussi avoir des problèmes de cœur. C’est une tendance du film noir qui ira en se développant et en se raffinant par exemple en travaillant un peu plus la corruption endémique qui ronge la société américains. Mais ici on n’en est pas là, c’est à peine si on verra Garris tenter d’acheter Purvis et Barnes, ceux-ci refuseront évidemment. Une des dimensions de ce genre de film est de montrer que la police c’est un tout, un collectif et bientôt une famille. Cette volonté entraîne d’ailleurs des difficultés avec le scénario qui reste un peu trop longtemps sur les relations entre les deux flics et Kate et sa mère. De même la fin très abrupte qui voit Kate se mettre en ménage avec Purvis, alors que Barnes à qui elle s’était promise vient à peine de décéder. Ce qui peut apparaître un rien scabreux surtout pour l’époque. 

    De minuit à l’aube,Between Midnight and dawn, Gordon Douglas, 1950 

    Les Romano refusent de reconnaître Quist comme leur agresseur 

    Comme on le voit le cœur de la dynamique du film n’est pas du tout l’enquête policière qui est d’une simplicité biblique, mais l’éternel trio. Barnes et Purvis sont présentés comme deux amis, ils font tout ensemble,  habitent ensemble, mangent ensemble et ont les mêmes loisirs. Cet ordonnancement va être dérangé quand Barnes tombe amoureux de Kate dont il n’a entendu que la voix à la radio. C’est le syndrome d’Ulysse et des sirènes qui visent à le détourner du droit chemin. Il le paiera de sa vie d’ailleurs. Ce trio est joyeux et enthousiaste, jusqu’au moment où, au pied du mur, Kate doit choisir. Là le trio va se disloquer, bien avant que Garris n’abatte Barnes. Kate a brisé une belle histoire d’amour entre deux hommes. Purvis fait contre mauvaise fortune bon cœur. Mais il triomphera car l’amour finit toujours par triompher ! Le scénario est construit sur l’opposition entre Barnes et Purvis. Le premier est plus jeune, plus tolérant aussi, mais curieusement Purvis va le rejoindre quand il comprendra que Terry Romaine n’était pas une mauvaise fille. De même il fera un effort sur lui-même pour surmonter sa violence. 

    De minuit à l’aube,Between Midnight and dawn, Gordon Douglas, 1950 

    La fin du service dans les vestiaires  

    Le personnage clé du film pourrait être la mère de Kate Mallory qui, depuis que son mari est mort en mission, rêve que sa fille suive son propre chemin, qu’elle épouse un flic ou deux – pourquoi pas – et c’est pourquoi elle les accueille si volontiers dans sa maison. Quels que soient les inconvénients, Kate doit suivre la voie tracée par sa mère pour prolonger cette famille idéalisée, mais qui pourtant prouve ses limites par le métier même que les policiers exercent et les risquent qu’ils courent. Ce décalage entre les aspirations de la mère et celles de la fille indiquent une forme de conflit larvée entre les générations, et quand Kate finalement se plie à ses injonctions et qu’elle accepte de faire sa vie avec Purvis, c’est le passage vers la vieillesse qui est décrit. Derrière ce qui pourrait apparaître au premier abord une sorte de vaudeville dans la gestion de ce trio,  il yè a une forme d’amertume liée aux personnages qui peuplent la ville et la nuit de leur solitude. Et c’est solitude de Kate comme celle des policiers qui sont tous absorbés uniquement par leur travail qui fait verser le film vers la tragédie 

    De minuit à l’aube,Between Midnight and dawn, Gordon Douglas, 1950 

    Purvis et Barnes sont tous les deux attirés par Kate 

    Le film cependant introduit aussi une touche d’ambiguïté, car si Garris est une crapule qui n’hésite pas à tuer, on comprend aussi qu’il aime – à sa manière – la chanteuse, prenant tous les risques en revenant la chercher. D’ailleurs son physique lui donne l’allure d’un adolescent innocent, peu conscient du tort qu’il cause. Le décor est celui de la nuit, avec des cabarets, des chanteuses aux épaules dénudés. C’est le monde parallèle par rapport à celui de la vie de travail ordinaire, et les policiers sont coincés entre ces deux mondes, sans appartenir à aucun. Les gangstersne en dehors de Garris sont de simples silhouettes convenues. L’ensemble est situé dans une ville dont on ne connait pas le nom. On pourrait la situer du côté de Chicago, on parle de gangsters puissants qui viennent de l’Est. C’est une sorte d’archétype des villes américaines industrielles qui sont rongées par les faux loisirs sur lesquels les gangs prospèrent sournoisement. Le cabaret apparait comme le lieu privilégié de ce faux luxe qui ne trompe que les gogos. 

    De minuit à l’aube,Between Midnight and dawn, Gordon Douglas, 1950 

    Garris s’est enfui 

    C’est du studio, avec sans doute un budget assez faible. Gordon Douglas est obligé de filmer dans des espaces étroits. La prison, l’hôpital ou encore le tribunal sont très stylisés et ne permettent guère de jouer de la profondeur de champ. Le réalisateur compense cette pauvreté de moyens par des mouvements de caméra astucieux et un montage très rapide. Les poursuites sont un peu rudimentaires, mais le final, avec la petite fille balancée au dessus du vide, tandis que Purvis tente de passer sur la corniche, est très bon, sobre et haletant. Il semble que l’excellent film d’Hathaway, Fourteen hours, sorti l’année suivante, s’en soit inspiré, moins pour l’histoire qui est très différente que pour le personnage du flic débonnaire qui marche au bord du vide, en équilibre, ne sachant pas de quel côté il retombera[3]. On retrouve cette même attraction pour le vide qui provoque un sentiment de vertige chez le spectateur. On saura gré à Gordon Douglas de ne pas rallonger les scènes semi-documentaires dans les réunions de flics ou dans le tribunal. Elles sont cependant suffisamment présentes pour donner un sentiment de vécu. Les scènes de l’hôpital sont parfaitement maîtrisées et appui par leur sobriété la dramaturgie de l’intrigue. 

    De minuit à l’aube,Between Midnight and dawn, Gordon Douglas, 1950 

    Garris est condamné à la chaise électrique 

    L’interprétation est de qualité, le toujours très juste Edmond O’Brien est Purvis. Très convaincant dans le rôle du bougon qui finalement admet sa défaite face à son coéquipier dans la conquête de Kate Mallory. Mark Stevens est également très bon, avant de devenir réalisateur il fit une carrière remarquée dans le noir. Le duo fonctionne très bien sur l’opposition jeune/vieux, cool/rigide. Gale Storm dans le rôle de la jeune Kate Mallory qui recherche un mari est bien moins convaincante, elle sourit un peu à contretemps. On peut lui préférer Gale Robbins qui joue le rôle de la chanteuse Terry Romaine, malheureusement travailla par la suite surtout pour la télévision. Donald Buka est parfaitement bien choisi pour le rôle de Garris, il a une arrogance et une innocence capricieuse qui lui permettent de donner du corps à son rôle. On retrouvera encore des vieux habitués du film noir de l’époque, comme Tito Vuolo dans le rôle de Romano, le restaurateur apeuré, ou comme Philip Van Zandt dans celui de Quist le lugubre homme de main de Garris. 

    De minuit à l’aube,Between Midnight and dawn, Gordon Douglas, 1950 

    Les hommes de Garris l’aident à s’évader de l’infirmerie 

    C’est un film un peu oublié aujourd’hui, mais qui à cause de la stylisation de la mise en scène de Gordon Douglas, bien appuyé par la photographie de George E. Diskant sort de la production courante. Il n’existe plus d’édition de ce film, ni en DVD, ni en Blu ray. On peut l’apercevoir de temps à autre sur la chaîne TCM. A mon sens il mériterait une réédition en HD. 

    De minuit à l’aube,Between Midnight and dawn, Gordon Douglas, 1950 

    Barnes est sur la table d’opération  

    De minuit à l’aube,Between Midnight and dawn, Gordon Douglas, 1950 

    Garris menace de tuer la petite fille 

    De minuit à l’aube,Between Midnight and dawn, Gordon Douglas, 1950 

    Purvis abat Garris 



    [1] http://alexandreclement.eklablog.com/le-fauve-en-liberte-kiss-tomorrow-goodbye-gordon-douglas-1950-a114844682

    [2] http://alexandreclement.eklablog.com/m-joseph-losey-1951-a127760466

    [3] http://alexandreclement.eklablog.com/14-heures-fourteen-hours-henry-hathaway-1951-a211704856

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  •  La fin de carrière de cinéastes réputés

    Il est assez connu que les jeunes gens sont plus remuants et révoltés que lorsqu’ils avancent dans l’âge. Enfin du moins était-ce vrai dans le temps. Pour les cinéastes, c’est la même chose. Au début des années soixante-dix des cinéastes comme Martin Scorsese, Steven Spielberg ou Brian de Palma ont lancé leur carrière avec des œuvres qui se voulaient des critiques plus ou moins radicales du capitalisme. En abandonnant tout point de vue critique, ils ont en même temps trouvé le chemin du public et connu des succès énormes. Mais leur fin de carrière se réalise dans l’indifférence générale, avec des œuvres de très peu d’intérêt. Martin Scorsese et Steven Spielberg développaient une vision anarchiste et pessimiste de l’Amérique. Le premier réalisait Boxa Berha, une adaptation calamiteuse de l’ouvrage de Ben Reitman, Sisters of the road, en 1972. La révolte était à la mode, et les anarchistes aussi. Le film n’eut guère de succès, bourré de contradictions et plutôt filmé paresseusement, il mettait pourtant en avant des idées assez iconoclastes y compris du point de vue féministe[1]. Mais enfin, on se disait que c’était là une des premières œuvres de Scorsese – en fait le second long métrage après Who’s that knocking at my door – et qu’il avait de bonnes intentions et l’avenir devant lui. La qualité de ses films a commencé nettement à décliner avec ses collaborations avec Leonardo Di Caprio qui est pourtant un très bon acteur. Mais on est arrivé carrément au lamentable avec The Irishman, ressassant sans éclat des vieux thèmes de mafia et du syndicalisme corrompu. Le film était mauvais, techniquement parlant, du fait de sa longueur, de ses effets spéciaux ridicules, mais aussi fondamentalement puisque si Boxcar Bertha défendait le syndicalisme contre la répression patronale, The Irishman, à l’inverse, traitait seulement de la corruption de la bureaucratie syndicale, à la manière idiote du défroqué Elia Kazan qui justifiait ainsi le fait qu’il ait vendu tous ses copaines à l’HUAC[2]. Cette fantaisie avait coûté 160 millions de dollars ! Quelque temps auparavant, Scorses avait commis Hugo Cabret, film sur le cinéma qui n'a pas connu le succès attendu, compte tenu de son coût initial. Cette tarte à la crème du film sur le cinéma, on nous la ressort un peu tout le temps, pour masquer qu’on a rien à dire. Tout le monde n’est pas Vicente Minelli et capable de réaliser The bad and the beautiful. Aujourd’hui ça donne Babylon le bide noir de Damien Chazelle, ou encore Empire of light de Sam Mendes, un autre insuccès ruineux, produit encore et toujours par Netflix qui ne se sert des salles de cinéma et des festivals uniquement pour la promotion de sa plateforme. Il est d’ailleurs curieux que Scorsese qui se plaint de la disparition des films en salles se soit laissé acheté par Netflix, alors qu’il était déjà très riche, et qu’à la fin de sa carrière, il n’avait pas de nécessité matérielle particulière pour participer à cette entreprise de destruction du cinéma par les plateformes de VOD et de streaming. Hugo Cabret arrive dans la cinématographie de Scorsese comme un regret de ce qu’il aurait pu faire, s’il ne s’était pas fourvoyé dans des combines juteuses financièrement, mais lamentables cinématographiquement. La nostalgie qui sourd de ce film, n’est pas celle d’un âge d’or du cinéma qui s’inventait, mais celle d’un constat qui a vu Scorsese gâcher ses belles dispositions. Car en effet, Scorsese est sur le plan technique sans doute un des meilleurs réalisateurs encore vivants, novateur par son style et sa science du mouvement, mais il se laisse entraîner, sans doute par opportunisme, par des sujets mal maîtrisés ou sans intérêt. On ne le dira pas assez, les plus grands succès – je ne parle pas du point de vue financier – de Scorsese, ce sont les films avec Robert De Niro, sauf évidemment The Irishman. Nous verrons bien si malgré son âge Killers of the flower moon est un sursaut, nous le souhaitons d’autant plus que le livre est excellent. 

    La fin de carrière de cinéastes réputés  

    Descendons d’un cran en dessous. Steven Spielberg qui a habitué le monde avec des niaiseries pour vacances scolaires et les cinéclubs de la paroisse, est lui aussi un cinéaste contrarié. Après quelques bricoles, il commence sa carrière avec Sugarland express en 1974, un film clairement anarchiste à la gloire des en-dehors et des bandits de grands chemins[3]. C’est un film subversif, et sans doute est-ce pour cette raison qu’il n’a pas connu un très grand succès. Tourné deux ans après Boxcar Bertha, il disposait d’un budget assez restreint, mais enfin un bon budget tout de même. Les choses vont changer avec Jaws, un film de requins dont on se demande bien quel sens cela peut avoir d’aller regarder cette histoire dans un cinéma, mais ce fut un immense succès planétaire, et le marché s’en contentera. Il continua dans la niaiserie friquée avec Close Encounters of the Third Kind, encore un cran en dessous dans l’imbécilité confite à la gloire du progressisme et de la « science ». Cahin-caha, il enchaîne les succès et les bides sont très rares, il tire comme ça jusque dans les années 2010. De temps à autre il refait un Indiana Jones pour se refaire une santé quand le public semble le bouder. C’est bon pour son portefeuille, on dit qu’il a perdu plusieurs millions de dollars dans les combines de Madoff. Si les années 2010 marquent une chute très nette dans le succès, les années 2020 le voit enchaîner les bides ruineux. D’abord l’inutile remake de West Side Story – déjà on peut se demander si le premier valait le déplacement – qui plonge complètement et qui montre que Spielberg ne comprend plus son public. Ensuite, il y a The Fabelmans une nouvelle niaiserie sur le cinéma et sur le pourquoi du comment Spielberg s’est intéressé à lui. Mais la vie de Spielberg ne passionne pas les foules, et sa nostalgie du cinéma d’antan, non plus. Partant d’une glorification des exploits d’en-dehors, il dérive jusqu’à devenir un cinéaste des plus conformistes. Il est conformiste non seulement dans le choix de ses sujets, c’est de la bonne conscience paresseuse, mais aussi sur le plan technique. Il filme plat, autant que Clint Eastwood si ce n'est plus, et contrairement à Scorsese qui a toujours des idées originales – sauf dans The Irishman – pour filmer, des angles de prises de vue particuliers surprenants, ou des mouvements inattendus de caméra. Dans le début de sa carrière, il était vu d’ailleurs comme un médiocre technicien par des revues comme Les cahiers du cinéma ou Positif. Mais le cinéma ayant perdu ses meilleurs talents, il est salué maintenant comme un grand réalisateur, même si peu de gens seraient capables de nous expliquer en quoi il possède une grammaire cinématographique particulière.   

    La fin de carrière de cinéastes réputés  

    Descendons d’un cran encore. Voilà Brian De Palma qui a débuté avec Robert De Niro dont on ne soulignera jamais assez l’importance comme catalyseur du Nouvel Hollywood. En effet on trouve le personnage de Jon Rubin dans Greetings et dans Hi, Mom, en 1968 et 1970. Ce sont des pamphlets sur l’Amérique, son racisme, son engagement dans la Guerre du Vietnam, et même les formes traditionnelles de la famille. Mais on n’a pas remarqué que ces deux films sont aussi une réflexion sur le cinéma, la télévision et la manipulation des images. D’une manière moins naïve, De Palma amorce une réflexion sur le cinéma, il commence là où Martin Scorsese et Steven Spielberg terminent leur course. A défaut d’être très sophistiqués, ces films avaient au moins du cœur. De Palma par la suite trouvera un peu le chemin du succès en tournant des films d’un intérêt très limité, oscillant entre film noir au goût de giallo, Carrie, Obsession, et blockbuster, du passable The untouchables, au franchement calamiteux, Mission : impossible. Mais il essuiera de plus en plus de déconvenues. Si Carlitp’s way tient parfaitement la route – sans doute ce qu’il a fait de mieux, bien que le succès ne soit pas au rendez-vous – après Mission : impossible, le succès le fuiera aussi bien sur le plan critique, ce qui peut se surmonter, que sur le plan public, ce qui est rédhibitoire. Son dernier film, Domino, ne couvrira même pas ses frais de lancement. Cette descente aux enfers du box office est le résultat de cette incapacité de De Palma de se fixer une conduite, hésitant entre le système et sa critique, l’un et l’autre ne lui pardonneront pas. 

    La fin de carrière de cinéastes réputés 

    Le nouvel Hollywood se fait vieux 

    Le Nouvel Hollywood se fait vieux, tout le monde vieillit, mais courir après sa jeunesse en pratiquant un conformisme hors de saison est une très mauvaise tactique.


    [1] http://alexandreclement.eklablog.com/boxcar-bertha-martin-scorsese-1972-a114844718

    [2] http://alexandreclement.eklablog.com/the-irishman-martin-scorsese-2019-a177715326

    [3] http://alexandreclement.eklablog.com/the-sugarland-express-steven-spielberg-1974-a127010170

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  •  La mort aux enchères, Still of the night, Robert Benton, 1982

    Robert Benton n’est pas un cinéaste arrivé tout à fait à la consécration, il est assez mal connu malgré quelques succès retentissants et un travail de mise en scène sophistiqué. C’est une sorte d’autodidacte, il est arrivé à Hollywood avant les Coppola, les Scorses et les Spielberg, anticipant le courant qu’on a appelé le Nouvel Hollywood. Il s’est immiscé entre le vieux système moribond des studios et cette nouvelle vague. Ce qui était encore possible dans les années soixante-dix aux Etats-Unis, et qui maintenant ne l’est plus, ni à Hollywood, ni à Paris, on peut le regretter tellement le cinéma occidental est devenu totalement lisse et convenu. Benton a appris le cinéma principalement en regardant des films dans les salles d’Art et d’Essai, notamment des films français ! 

    La mort aux enchères, Still of the night, Robert Benton, 1982

    Bonnie and Clyde, 1967 

    Robert Benton a commencé à se faire connaître pour avoir été le scénariste avec David Newman son complice de Bonnie and Clyde d’Arthur Penn qui a eu le succès planétaire que l’on sait. Il travaillera aussi à l’écriture du film de Joseph L. Mankiewicz, Le reptile, et également le Superman de Richard Donner. Robert Benton a toujours eu l’ambition d’être un auteur complet et donc écrire ses propres histoires. A quelques exceptions près, il a travaillé ses scénarios lui-même, souvent avec son complice David Newman. 

    La mort aux enchères, Still of the night, Robert Benton, 1982

    Bad Company, 1972 

    Robert Benton a finalement assez peu tourné, moins d’une douzaine de longs métrages, alternant les succès et les échecs commerciaux. En tant que réalisateur il a commencé à se faire connaître avec un néo-western ou un western révisionniste comme on disait en parlant de ces westerns sombres et peu optimistes qui décrivaient la face noire de la création de l’Etat américain, Bad company, en 1972, le film n’eut guère de succès, bien que la critique l’ait trouvé très intéressant. 

    La mort aux enchères, Still of the night, Robert Benton, 1982

    The late show, 1977 

    Ensuite il réalisa en 1977 The late show, un film noir plutôt parodique et fort drôle, un film à tout petit budget, mais qui avait l’intérêt de montrer tout le talent de Lili Tomlin dans une mise en scène volontairement relâchée. Il n’eut qu’un petit succès d’estime. De Bonnie and Clyde jusqu’à son dernier film, c’est la thématique un peu désenchantée du film noir qui reste dominante, notamment avec très chandlérien L’heure magique en 1998 avec Paul Newman et Gene Hackman. 

    La mort aux enchères, Still of the night, Robert Benton, 1982

    Kramer contre Kramer, 1979 

    C’est un film dramatique sur le divorce, Kramer contre Kramer qui fit triompher Robert Benton comme réalisateur et le fit connaitre du grand public en remportant plusieurs Oscars. Le film qui avançait dans les déchirements d’un couple se disputant la garde d’un enfant, signait la fin du modèle américain de la famille, il était porté par deux acteurs charismatiques au sommet de leur art, Dustin Hoffmann et Meryl Streep. C’était en 1979, comme clôturant une décennie exceptionnelle dans l’histoire du cinéma américain. Cette période avait été aussi bien un retour aux sources du cinéma hollywoodien que le dépassement de ce classicisme. 

    La mort aux enchères, Still of the night, Robert Benton, 1982 

    Robert Benton va dans son film suivant, La mort aux enchères, retrouver Meryl Streep dans un thriller très rythmé. C’est l’histoire d’un psychanalyste, Sam Rice, dont un des patients est assassiné et qui se croit tenu de découvrir pourquoi on l’a tué. Au cours de son enquête, il va tomber amoureux de la maîtresse de celui-ci, la belle et énigmatique Brooke Reynolds, alors que tout porte à croire qu’elle n’est pas innocente. Paradoxalement, plus les preuves contre elle s’accumulent, et plus il veut croire en elle ! N'est-ce pas une preuve d’amour ? A moins qu’on ne regarde cela comme une maniaquerie morbide. 

    La mort aux enchères, Still of the night, Robert Benton, 1982 

    Avec ce film Robert Benton avouait avoir voulu rendre un hommage à Alfred Hitchcock. C’est sans doute certainement vrai, mais c’est tout de même un petit peu plus que cela, Benton a en effet un peu plus de personnalité que Brian de Palma par exemple, il reste bien moins engoncé dans les normes et les conventions qu’on pourrait dire hitchcockiennes. D’ailleurs, il ne reprend pas les petites incises faites de blagues et d’allusions comiques toutes britanniques du maître. 

    La mort aux enchères, Still of the night, Robert Benton, 1982 

    Pour le cinéphile qui connait bien la filmographie d’Hitchcock, on va reconnaitre des scènes inspirées de La mort aux trousses – la vente aux enchères et le saut dans le vide final – de Fenêtre sur cour – Rice, jouant les voyeurs, observe Brooke par la fenêtre en train de se faire masser toute nue par un chinois énigmatique ! Et encore Pas de printemps pour Marnie, la blonde durement traumatisée par la mort de son père dont elle n’est pas responsable, Sueur froide aussi, avec cette obsession qui pousse le héros à inventer une femme qu’il suit un peu de partout, tentant de transformer un rêve en réalité. L’assassinat au couteau peut aussi évoquer Psychose et Frenzy. Le rêve de George Bynum est comme dans La maison du docteur Edwards la clé de l’intrigue. 

    La mort aux enchères, Still of the night, Robert Benton, 1982 

    Mais pourtant, cette saturation de références n’aubère pas l’originalité du propos, aussi bien sur le plan thématique que sur le plan de la forme. Le film est construit sur la personnalité confuse et solitaire du psychanalyste qui essaie de comprendre ce qui lui avait échappé dans ses relations avec son client assassiné. Par cette enquête parallèle qu’il mène, il montre que sa spécialité n’est finalement pas très utile, et c’est d’abord cela qui va le motiver avec le but de démontrer sa supériorité intellectuelle sur la routine du policier qui enquête. Et c’est ainsi qu’il va chercher à être utile à Brooke Reynolds qu’il pense être en danger. 

    La mort aux enchères, Still of the night, Robert Benton, 1982 

    A partir de là, Rice va tenter de se positionner pour devenir un homme, reconquérir sa virilité. Il est piégé en réalité par les femmes qui le cernent, sa femme qui l’a rejeté et qui a obtenu le divorce, sa mère qui passe son temps à redresser son jugement et à le reconditionner. Et puis Brooke Reynolds qui lui apparait tellement mystérieuse qu’elle pourrait très bien le manipuler. C’est un velléitaire et d’ailleurs ce n’est pas lui qui sauvera Brooke Reynolds, mais le pur hasard. C’est donc totalement contraire à Hitchcock dans l’esprit puisqu’en général le héros avec bien des difficultés retrouve son statut de mâle qui sauve la belle blonde évanescente. 

    La mort aux enchères, Still of the night, Robert Benton, 1982 

    De même la blonde un peu décolorée n’est pas coupable, elle est totalement innocente, et son sentiment de culpabilité vient d’un traumatisme lointain. Elle n’est pas du tout manipulatrice et n’enfreint aucune loi. Il vient donc que les rapports entre l’homme et la femme sont plutôt différents de ce qu’on peut trouver chez Hitchcock. 

    La mort aux enchères, Still of the night, Robert Benton, 1982 

    Le film a été catalogué comme film néo-noir, sans doute parce qu’il est tourné en couleurs et dans un format 1,85 : 1. Robert Benton fera plusieurs incursions dans ce domaine, avec Billy Bathgate, avec Dustin Hoffmann en 1991, puis avec L’heure magique avec Paul Newman et Gene Hackman, en 1998, une déambulation crépusculaire particulièrement réussie dans l’univers de Raymond Chandler. 

    La mort aux enchères, Still of the night, Robert Benton, 1982 

    Sur le plan formel, il y a dans La mort aux enchères une approche très personnelle et gracieuse qui, donne pourtant de l’humanité à ces personnages déboussolés. D’abord la manière dont est utilisé le flash-back, figure traditionnelle du film noir, il est ici à plusieurs étages. Le récit au passé du patient qui a été assassiné renvoie Sam Rice à son propre passé et le fait revenir à la prise en compte de ses notes d’analyse. Benton va donc mêler la présentation orale et la présentation écrite, comme si la confrontation de ces deux points de vue allait éclairer l’affaire, chacun contenant sa propre vérité. La répétition des flash-backs avec George Bynum nous le fait voir sous un jour changeant qui fait évoluer l’opinion de Rice. Il y a un dialogue incessant entre le psychanalyste et son client décédé par-delà la mort. 

    La mort aux enchères, Still of the night, Robert Benton, 1982 

    Le rêve raconté par George Bynum qui est le point de bascule de l’intrigue, est très original. On y voit en effet une petite fille qui arrache l’œil d’un ours en peluche, et le saignement qui s’ensuit va tâcher sa chemise de nuit blanche, immaculée. C’est donc une petite fille qui grandit et le sang représente les premières règles. C’est l’image d’une fille qui se fait violer, et c’est très brutal dans sa présentation, puisqu’elle force George Bynum à prendre la fuite pour ne pas rester confronté à cette image de la mort. Ce genre d’image ne peut pas se trouver dans un film d’Hitchcock, elle est bien trop dérangeante. L’enfant est encore une fois pour Robert Benton une sorte d’obstacle à une vie paisible entre deux amants, exactement comme dans Kramer contre Kramer, mais il intervient ici comme une sorte de cauchemar. Cette remise en question du statut de l’enfant est typique des années soixante-dix, par exemple L’exorciste de William Friedkin et ses séquelles horrifiques. 

    La mort aux enchères, Still of the night, Robert Benton, 1982 

    Mais ce qui me semble le plus original dans ce film c’est le traitement de la couleur. La photo est due au très renommé Nestor Almendros dont le principal de la carrière s’est fait en France. Il avait déjà travaillé avec Benton sur Kramer contre Kramer et retravaillera avec lui sur Billy Bathgate, Les saisons du cœur et sur Nadine. Mais si on compare son travail à celui qu’il a fait par exemple avec François Truffaut, on voit bien que c’est Benton qui est à la manœuvre. La chromatique est volontairement très proche de celle des giallos. Les couleurs ne sont pas pastellisées. Il y a une domination des rouges, des bleus et des jaunes, couleurs très saturées qui vont être opposées au beige et aux couleurs plus pâles dans une alliance non conventionnelle. Le rouge est sanguinolent, souvent tirant vers le brun. Le bleu très soutenu à des allures crépusculaires, comme le soir qui tombe trop brutalement. C’est ainsi que le film tire un peu plus vers Mario Bava ou même vers Dario Argento que vers Hitchcock. Benton est clairement influencé par l’esthétique du giallo. Mais il l’adapte à une forme plus américaine, un peu plus lisse. 

    La mort aux enchères, Still of the night, Robert Benton, 1982 

    Les objets vont avoir une grande place. Après tout, nous sommes dans un milieu bourgeois et fortuné qui va être ici mis à distance. D’abord il y a les tableaux qui seront vendus aux enchères, des peintures mortes en quelque sorte, et qui sont très souvent présents dans le film noir comme pour montrer le caractère dépassé de la peinture face à l’art nouveau qui est celui du cinéma et donc du mouvement. On trouve cette approche dans Laura de Preminger, ou dans les films de Fritz Lang, La femme au portrait et La rue rouge, et même dans Sueur froide quand Madeleine va au musée admirer un portrait qui pourrait être son sosie. Le public qui assiste à la vente aux enchères est évidemment snob et participe à une compétition à coups de milliers de dollars. C’est plus un jeu pour assurer sa suprématie, que de l’amour de l’art. On remarque aussi que le couple Brooker-George fume des gauloises, ce qui est un hommage à la France et au cinéma français, mais aussi une autre forme de snobisme pour les bourgeois américains que de fumer des cigarettes prolétaires françaises ! 

    La mort aux enchères, Still of the night, Robert Benton, 1982

    Brooke Reynolds est une femme mystérieuse, pour illustrer cette évidence, Benton donne à la voir massée par un chinois énigmatique au prétexte qu’elle a des problèmes avec son dos. C’est en vérité un clin d’œil à Diaboliquement votre qui fut le dernier film de Julien Duvivier et qui est sorti en 1968, sauf qu’ici le chinois masseur est seulement un leurre. 

    La mort aux enchères, Still of the night, Robert Benton, 1982 

    L’interprétation est tout à fait à la hauteur. Roy Scheider, excellent acteur, qui a cette époque tournait beaucoup dans des films d’action de qualité, est ici à contre-emploi dans le rôle d’un psychanalyste un peu peureux qui non seulement porte des lunettes roses, ce qui n’est pas un signe de virilité, mais qui en outre reste totalement passif quand il se fait agresser dans Central Park, le spectateur est pris à contrepied car il s’attend à ce que le héros massacre le pâle voyou. C’est la conséquence de sa passivité générale. On lui a blanchi les cheveux pour lui donner un peu plus de respectabilité, mais aussi un air un peu fatigué. Meryl Streep est très bien aussi, bien qu’elle soit un peu en retrait, sans doute pour lui donner un air mystérieux. Elle aussi a travaillé sa couleur de cheveux pour lui donner un ton hitchcockien. Contrairement à Hitchcock, le vrai coupable est assez effacé, bien qu’il soit incarné par une excellente actrice, Sarah Botsford. Son portrait manque de précision et ses motivations restent un peu superficielles. Il ne sera connu qu’à la fin. 

    La mort aux enchères, Still of the night, Robert Benton, 1982 

    Le film n’a pas eu beaucoup de succès à sa sortie, sans doute parce qu’il n’y a pas vraiment de héros positif dans cette histoire, mais enfin, avec le temps il a couvert ses frais. Pour ma part je trouve qu’il est à redécouvrir, aussi bien pour sa thématique sous-jacente que pour son esthétique originale. On en trouve une très bonne édition de ce film en Blu ray chez BQHL, édition à laquelle j’ai participée. Pourquoi s’en priver ? 

    La mort aux enchères, Still of the night, Robert Benton, 1982

     

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  •  Sherlock Jr., Buster Keaton, 1924

    En 1924 Buster Keaton est au sommet de sa gloire. Ce qui va lui permettre de prendre des initiatives dans les formes utilisées à l’écran. En effet, Sherlock jr. est un de ses films les plus compliqués et les plus ambitieux sous les apparences d’une grande simplicité. Le film est relativement court, 44 minutes, mais Buster Keaton l’a beaucoup travaillé. Il en fournira trois versions essentiellement parce qu’il n’était pas content des deux premières, suite à des previews un peu décevantes. C’est pour cela que le film ne dure que trois quarts d’heures, alors qu’il était prévu pour durer un peu plus d’une heure. Comme Chaplin, mais cela se sait moins, Keaton était un perfectionniste. Il va s’éloigner peut-être encore plus des formes anciennes de burlesque héritées de Max Sennett et développer des formes plus poétiques qui feront par la suite de lui l’égal d’un Chaplin dans l’histoire du cinéma. Bien entendu son personnage un peu lunaire de l’amoureux transi et obstiné était déjà près depuis quelques années, mais ici il devient plus original, abandonnant le réalisme slapstick pour imposer une forme plus rêveuse. C’est bien entendu la firme de Buster Keaton qui produira le film, ce qui veut dire qu’il aura la pleine maitrise de son sujet, dans le fond comme dans la forme. À l’origine le film aurait dû être mis en scène par Fatty Arbuckle, mais il était tellement déprimé qu’il ne put tenir le rythme et démissionna au bout de trois jours. 

    Sherlock Jr., Buster Keaton, 1924 

    Le projectionniste se fait engueuler par son patron 

    Un projectionniste qui s’ennuie dans son cinéma étudie un livre qui devrait lui permettre de devenir détective. Ce faisant il néglige son travail, oublie de nettoyer la salle et se fait engueuler par son patron. Mais il est aussi par ailleurs amoureux d’une jeune fille. En balayant la salle, il va trouver un dollar. Il passe en réalité de la fortune, mais cela lui suffit pour acheter une boite de confiserie dont il maquille le prix pour donner du relief à son cadeau. Il va offrir celui-ci chez elle où elle habite avec son père et sa mère. Mais il y a un autre prétendant. Celui-ci vole la montre du père, la porte chez un préteur sur gages et avec cet argent va acheter un cadeau plus onéreux que celui de Sherlock Junior. Se rendant compte qu’on lui a volé sa montre, le père se lamente, et le petit projectionniste qui se prétend détective, applique la règle édictée dans son livre, fouiller tout le monde. Le second prétendant glisse le reçu qu’il a obtenu du préteur sur gages, se laisse fouiller mais exige aussi que l’apprenti détective soit fouillé aussi. Découvrant le reçu, le père chasse le projectionniste. Celui-ci va alors appliquer un autre principe, suivre son concurrent. Mais ce dernier se méfie et le dupe en l’enfermant dans un wagon. La jeune fille cependant reste amoureuse du projectionniste et entreprend une enquête de son côté. Elle découvre que le voleur ne peut-être autre que le second prétendant. Lassé, le projectionniste revient à son travail, lance le film, puis s’endort. En rêvant, il passe de sa cabine de projection à la salle, puis de la salle il rentre dans l’écran, prenant le public à témoin, il va résoudre un vol de diamant, le voleur ayant pris entre temps la figure du second prétendant. Mais ce n’est pourtant pas lui qui résoudra l’énigme, c’est sa promise qui vient le réveiller et qui confondra le fourbe prétendant ! 

    Sherlock Jr., Buster Keaton, 1924 

    Sherlock Junior offre des confiseries 

    Si l’intrigue est assez passe-partout, le film est plein de surprises à tous les niveaux. D’abord il est une moquerie plutôt gentille du personnage de Sherlock Holmes et plus généralement de la littérature policière anglaise, dénoncée comme bourgeoise. En effet à cette époque il y a aux Etats-Unis une déferlante de ce genre littéraire contre lequel vont s’élever les créateurs de romans noirs, les Dashiell Hammett, les Raymond Chandler qui théorisera cette révolte ou encore les James M. Caïn. Ce n’est donc pas du tout un hommage à Auguste Dupin, le détective d’Edgar Poe pour sa célèbre trilogie policière, comme certains ont pu se hasarder à le dire. Mais le film de Buster Keaton ne prétend pas non plus ouvrir la voie à d’autres formes de romans criminels. Il va s’en servir pour créer des situations nouvelles qui sont à la fois une critique de la vie américaine, et une analyse des plus fines sur les relations amoureuses. C’est d’abord de la poésie. Buster est en effet un rêveur qui ne s’intéresse pas à l’argent, sa promise non plus d’ailleurs, mais elle est tout de même attentive aux petits gestes de celui qui la courtise. L’argent joue un rôle, mais c’est du côté d’un voyou, ce petit voleur va curieusement être adoubé par la famille qui le trouve à son goût et qui va écarter Buster pour lui. Si l’amour triomphe une fois de plus, c’est malgré les entraves qui sont imposées par la société. On remarque que son concurrent est grand, il a la moustache bien cirée et s’impose en bousculant tout sur son passage, il est l’américain typique, arrogant et prédateur. Il est vrai que l’univers qui est décrit, est assez pauvre, loin de l’opulente Amérique qu’on présente généralement. Bien entendu ce n’est pas non plus un film social, mais il est un antidote à ce pessimisme latent de l’entre-deux-guerres qui minait le moral de l’Amérique.

    Sherlock Jr., Buster Keaton, 1924 

    Le projectionniste apparaît très timide 

    Le personnage de Buster n’est pas un va-de-la-gueule comme le voleur trop bien habillé pour être honnête. Il ne s’impose pas, et veut d’abord que la jeune fille l’aime pour ce qu’il est et non pour ce qu’il a. il se révèle extrêmement respectueux de tous et de chacun, ne voulant pas forcer le destin, il quitte la maison dont il a été chassé injustement. Mais il est obstiné, et va revenir par des voies détournées. Étant rêveur par nature, il est malchanceux, dès le début on le voit désarmé face à l’argent. Trouvant un dollar, il est très content, mais il le donne à plus misérable que lui, puis il va louper la possibilité de mettre la main sur un portefeuille bourré de dollars. Tout cela ne semble pas l’affecter, il est imperméable. La scène où il trouve le dollar, puis le portefeuille est une scène au fond assez typique des premiers films de Buster Keaton, il n’est pas chanceux, il est donc forcément le contraire de l’arriviste qui veut faire fortune. Il refuse donc de se mettre en compétition avec son concurrent, et donc il récuse un des axiomes de l’american way of life qui nous dit que la vie est une lutte et l’argent un but. Sans être un révolté, Buster Keaton est en dehors des codes sociaux, à la marge clairement. Ce qui ne l’empêche pourtant pas d’avoir une morale bien carrée. 

    Sherlock Jr., Buster Keaton, 1924 

    Il est chassé par le père de son amoureuse 

    Deux aspects importants vont guider la mise en scène, d’abord la mobilité acrobatique de Buster, il se déplace constamment, n’étant fixé nulle part, il peut s’évader concrètement, jouant avec aisance de la loi de gravité. Bien évidemment durant le tournage, il s’était une nouvelle fois blessé, ayant pris des risques inconsidérés. C’est pourquoi on le verra prendre le train, symbole des hobos et des hommes libres de l’entre-deux-guerres. Mais en prenant le train, Buster va recevoir du fait de la fourberie de son rival, une douche froide qui va le ramener à la réalité et par contrecoup vers sa bien-aimée. Cela signifie que la fuite n’est pas une solution pour lui. La solution va se trouver dans le rêve justement. A partir du moment où il s’endort dans la cabine de projection, tout devient facile, comme Alice il passe à travers et le miroir et trouve la solution du mystère. A partir de ce moment-là le cinéma devient bien plus réel et plus vrai que la réalité. Lui-même devient autre, plus perspicace et invincible. Il est un super héros. Il est alternativement un héros et un maladroit. A la fin du film il regarde la vie par sa fenêtre de sa cabine de projection, se demandant en quoi le cinéma peut l’aider à trouver la solution pour embrasser son amoureuse qui n’attend que ça ! Il se retrouve à hésiter entre deux mondes, le passage entre les deux est étroit. Si cette idée du film dans le film avec la confusion qu’elle entraine entre la réalité et la fiction, est vieille comme le cinéma, elle est ici particulièrement soignée. Le corps de Keaton se dédouble, il intègre le film en rentrant dans l’écran. Buster Keaton lui-même avançait que pour ce film il avait bénéficié du talent exceptionnel d’Elgin Essley, qui tirera des superbes effets de tunnel des mises en abîme de la cabine de projection et de la salle de cinéma. Ce mélange entre cinéma et réalité tourne au surréalisme quand il se retrouve dans des situations dangereuses, soit au bord d’un précipice ou face à un lion qu’on imagine féroce. L’idée sera souvent reprise, notamment par Woody Allen dans The purple rose of Cairo. 

    Sherlock Jr., Buster Keaton, 1924 

    Le projectionniste sort de son corps pour pénétrer une autre réalité 

    On retrouvera les poursuite habituelles et acrobatiques de Buster Keaton, des scènes burlesques comme la filature du rival de Buster Keaton qui font sa petite silhouette dans la massive puissance du voyou. C’est du muet bien entendu. Les acteurs sont très bons, très bien dirigés. La girl c’est Kathryn McGuire, qui était déjà dans The Navigator, un autre chef-d’œuvre de Buster Keaton. Le méchant domestique c’est l’excellent Erwyn Connelly qu’on retrouvera encore dans Seven Chances de Buster Keaton l’année suivante. Ward Crane est le fourbe rival, habitué des rôles de cauteleux séducteur, il fait merveille ici. 

    Sherlock Jr., Buster Keaton, 1924 

    En rentrant dans l’écran, il va changer le film ! 

    Le film eut un très bon succès public, mais tout de même un petit peu moins que les précédents de Buster Keaton. Les critiques furent très bonnes, il fallut cependant attendre pour que ce film soit élevé au rang de monument cinématographique et qu’on en reconnaisse toute l’inventivité. Pour certains il s’agit du meilleur film de Buster Keaton, ce n’est pas tout à fait ce que je pense, mais en tous les cas il est excellent, et on prend toujours autant de plaisir à revoir ce moyen métrage qui va avoir cent ans bientôt ! On trouve ce film un peu partout bien entendu, mais on peut le voir maintenant dans une vision restaurée de type Blu ray qui donne de très beaux contrastes et beaucoup de qualité esthétique à la photo. 

    Sherlock Jr., Buster Keaton, 1924 

    Il se demande ce qu’il doit faire avec son amoureuse

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  • L’empire de la nuit, Pierre Grimblat, 1962 

    Voilà un film d’une grande rareté. En effet, à sa sortie il n’était resté que quelques jours en salle, apparemment pour cause des histoires de procédures confuses. Mais L’empire de la nuit est aussi un film adapté et dialogué par Frédéric Dard. Grimblat retravaillera avec Frédéric Dard, c’était pour un téléfilm, Emmenez moi au Ritz. L’empire de la nuit, c’est le second long métrage de Pierre Grimblat qui, s’il ne connut pas un grand succès au cinéma, il en eut beaucoup par la suite en montant des séries pour la télévision. Sa série la plus connue est Navarro avec Roger Hanin pour dix-huit saisons et 108 épisodes, puis Série noire, d’après des ouvrages publiés en Série noire, avec 38 épisodes à la clé. Dans cette dernière série, il tournera deux épisodes lui-même, donnera l’occasion à plusieurs réalisateurs de renom d’intervenir, comme José Giovanni – deux épisodes – Yves Boisset, et même à Jean-Luc Godard pour un épisode adapté de James Hadley Chase avec Jean-Pierre Mocky comme acteur ! Il s’attaquera aussi à Simenon, pour 13 épisodes. Au cinéma il avait tenté l’aventure en mêlant comédie et film noir. Ça donnera deux films avec Eddie Constantine, et un autre film, Cent briques et des tuiles avec Jean-Claude Brialy et Marie Laforêt adaptant encore un roman de Série noire de Clarence Weff. Mais si on regarde de plus près, en réalité, L’empire de la nuit est très semblable dans sa tonalité et dans son intrigue aux Tontons flingueurs de Lautner qui sortira l’année suivante. Je ne sait pas si les scénaristes de Lautner se sont inspiré de ce film, mais en tous les cas l’idée de réaliser des parodies de films noirs était tout à fait dans l’air du temps. 

    L’empire de la nuit, Pierre Grimblat, 1962 

    Les frères Balkis prétendent prendre le contrôle de l’empire de la nuit 

    Eddie Parker et son ami Sim sont des artistes de music-hall sur le déclin. Obligés de quitter les Etats-Unis, ils trouvent opportunément un contrat de David Balkis, l’empereur de la nuit qui possède plusieurs établissements à Paris. Mais à leur arrivée en France, ils apprennent que celui-ci est décédé. Forts de leur contrat, ils rentrent en contact avec les trois frères de Balkis qui en vérité veulent dépouiller la veuve de l’empereur de la nuit. Eddie intervient pour la défendre. Dès lors, Eddie et Sim vont rejoindre la cité des artistes, une résidence que David Balkis avait faite construire. On y trouve de tout, du magicien à l’acrobate en passant par les hercules de foire. Rapidement Eddie et Sim sont adoptés. Eddie rencontre alors la jeune Juliette qui est très attirée par lui. Les frères Balkis n’en restent pas là, terrorisant les pensionnaires de la maison des artistes, ils veulent faire signer à Geneviève, avec la complicité de l’ancien comptable de David,  la veuve, un document qui leur abandonnerait la direction des cabarets. Les frères Balkis envoie leur gorille armé d’un fouet pour remettre de l’ordre dans cette cité des artistes, mais le gorille va être défait par Eddie. N’arrivant à rien, les frères Balkis décident d’enlever l’enfant de Geneviève pour la faire céder. Eddie retrouve l’enfant. Cependant, le retour inattendu de David Balkis qui n’est pas mort, change les perspectives. Il donne ses ordres à ses frères, avant de repartir mourir dans un lieu tenu secret, qui décident hypocritement de tuer Geneviève. Mais le plus jeune des frères Balkis, Gaspard, est tué en faisant une mauvaise chute en affrontant Eddie. Tout le monde va se retrouver au Gay Paris, alors que le spectacle démarre, Eddie et Sim, aidés par les personnes de la cité des Artistes, vont affronter les frères Balkis et leurs sbires. Ils sortiront vainqueurs, mais ils repartiront, Eddie ne voulant pas choisir entre Geneviève et Juliette.

    L’empire de la nuit, Pierre Grimblat, 1962 

    Eddie et Geneviève se retrouve dans une étrange pièce 

    C’est un scénario assez paresseux qui vise ouvertement la parodie du film noir. Frédéric Dard est soupçonné d’avoir écrit le scénario d’un autre film d’Eddie Constantine, Ça va barder de John Berry, dont le Fleuve Noir avait publié la novellisation. On n’en a pas la preuve formelle cependant. Mais en tous les cas, il y a une proximité évidente entre l’univers d’Eddie Constantine et celui de San-Antonio. La légèreté, un certain sens de l’humour, l’action et son prolongement dans le rôle du séducteur qui attire toutes les filles qui passent à sa proximité. Du reste chaque fois qu’Eddie Constantine s’est écarté de la légèreté, ça n’a pas été un succès, voir par exemple le fiasco du film de Jean-Luc Godard, Alphaville. Eddie Constantine à cette époque développait une image d’homme généreux, par exemple en mettant dans ses films toujours des enfants qu’il protégeait de gangsters sans foi, ni loi. Mais dans ce film il y a autre chose de très personnel à Frédéric Dard, l’amour qu’il portait aux artistes de music-hall et du cirque. C’est un thème qui revient plusieurs fois sous la plume de Frédéric Dard, sous différentes signatures d’ailleurs. La femme à barbe lui plaisait beaucoup ! 

    L’empire de la nuit, Pierre Grimblat, 1962 

    Eddie arrive dans la Maison des artistes 

    Le sujet est donc Eddie appuyé par son ami Sim, qui défend la veuve et l’orphelin, c’est le cas de le dire. Mais en même temps qu’il est attiré par la superbe veuve, il a aussi la volonté de séduire la jeune Juliette ! C’est donc bien une histoire de trio amoureux. Incapable de choisir, il renoncera à ses désirs sexuels et préférera se retirer de la scène. Par définition Eddie est un raté, c’est le contraire des frères Balkis qui accumulent l’argent et les femmes ! menant une vie errante, il n’a aucune ambition autre que celle de servir la justice, du moins ce qu’il entend par la justice. Il préférera la camaraderie d’un noir à l’idée de se fixer avec une femme. Derrière cette histoire, on trouve encore un autre thème, celui de l’opposition entre l’individualiste Eddie Parker et la communauté des artistes qui va agir sous sa direction d’une manière collective. Dès lors nous avons deux collectivités : celle des truands bas du front qui ne vivent que de leur propre méchanceté, et celle des artistes, des rêveurs quoi restent obnubilés par leur numéro qu’il perfectionne . 

    L’empire de la nuit, Pierre Grimblat, 1962 

    Le gorille des frères Balkis manie le fouet 

    On pourra y voir aussi une critique de la famille, les frères Balkis sont fourbes et se trahissent entre eux. Mais la veuve Geneviève n’est guère plus claire, que faisait elle avec son mari ? Elle dira, c’était un bon mari, mais c’est la formule d’usage pour décrire une relation où l’amour n’a pas sa place. Les gens du milieu sont représentés comme des demeurés, comme si leur seul talent était celui d’utiliser la violence. On aura droit au portrait du plus jeune des Balkis qui court dans les couloirs après Juliette, et qu’il faut enchaîné car il ne se maitrise pas. Les trois frères sont Gaspard, Melchior et Balthazar, des rois mages tellement modernes qu’ils menacent physiquement l’enfant auquel ils n’apportent pas de cadeaux ! Mais quand Eddie refuse de choisir entre les deux femmes, il refuse la famille comme une contrainte à porter, trop lourde pour lui. 

    L’empire de la nuit, Pierre Grimblat, 1962 

    On vient d’annoncer à Geneviève que son fils a été enlevé 

    La tonalité de l’ensemble est la caricature, comme le sera Les tontons flingueurs. Mais Frédéric Dard s’était déjà avancé sur ce terrain, avec La bande à papa, un film de Guy Lefranc, tourné en 1956, avec Fernand Raynaud et Louis de Funès. La veuve faussement éplorée est belle et séduisante, les gangsters sont affreux, on en verra qui évidemment parlent avec un accent corse à couper au couteau. Le comptable est véreux. Mais Eddie est aussi une caricature qui va rencontrer sa propre caricature sur laquelle on s’est exercé à faire des cartons ! Cette image fantaisiste le renvoie à sa propre dérision. Malgré la supposée gravité de la situation, il n’y a nulle crainte, et on verra très peu de morts, c’est à peine si les frères Balkis seront occis.  

    L’empire de la nuit, Pierre Grimblat, 1962 

    Les hommes de main des Balkis investissent la Maison des artistes 

    La mise en scène avait étonné à cette époque, saluée par la critique pour sa vivacité. Car Pierre Grimblat venait du milieu des films publicitaires qui ne s’accommodent pas des rythmes lents. La photographie est excellente, elle est due à Michel Kelber, prestigieux photographe dont la très longue carrière l’amènera à côtoyer aussi bien Julien Duvivier que Robert Siodmak ou Claude Autant-Lara. L’utilisation de l’écran large, 2,35:1, donne beaucoup de champ, et quelque chose de moderne dans la conduite du récit. Les bagarres sont assez platement filmées, mais il y a quelques scènes très intéressantes, la poursuite de Juliette dans les couloirs, ou encore quand Eddie grimpe dans les cintres pour agrafer Melchior. 

    L’empire de la nuit, Pierre Grimblat, 1962 

    Gaspard poursuit Juliette dans les couloirs 

    Ce côté farceur va être renforcé par la présence d’Eddie Constantine qui fait comme à son ordinaire du Eddie Constantine. Cet acteur souriant venait du music-hall, on le verra ici dans l’ébauche d’un numéro de music-hall avec Harold Nicholas, chanteur et danseur de claquettes. Cet aspect décontracté permet d’éviter de se poser la question de leur qualité de jeu d’acteur. Évidemment si vous n’aimez pas l’acteur, vous n’aimerez pas le film. dans la distribution, il faut remarquer Elga Andersen dans le rôle de la veuve éplorée, une actrice sculpturale, qui rata complètement sa carrière à cause d’une vie absolument dissolue. Geneviève Grad incarne la jeune Juliette dans son innocence, elle trouvera le chemin du succès aux côtés de Louis de Funès dans la série du Gendarme de Saint-Tropez en incarnant la fille Cruchot. Le trio des frères Balkis, les affreux est incarné mollement par Michel de Ré, une vedette de la télévision et du théâtre de l’époque, il est Melchior. Claude Cerval un habitué des polars fauchés et des pornos soft à la José Bénazéraf, incarne Balthazar, à sa manière paresseuse qui faisait merveille dans le rôle d’une crapule. Plus inattendu est Guy Bedos dans le rôle de Gaspard, l’obsédé criminel et sexuel qu’il faut tenir en laisse pour éviter les dérapages. 

    L’empire de la nuit, Pierre Grimblat, 1962 

    Le retour de David Balkis est surprenante 

    L’ensemble est un film noir parodique qui donne une idée décalée de ce qu’était la France du début des années soixante, alors qu’elle commençait à sortir de la misère et de la Guerre d’Algérie. Le film n’a eu qu’un succès tronqué pour les raisons que j’ai dite ci-dessus, mais enfin, en France il a passé le million cent milles de spectateurs et il s’est bien vendu en Espagne et en Allemagne. C’est tout de même intéressant qu’il soit de nouveau accessible, aussi bien pour les fans d’Eddie Constantine que pour ceux de Frédéric Dard, et les nostalgiques de la France des années soixante. Il est réapparu grâce à la chaîne de VOD TV5Monde qui est gratuite et facile d'accès.

    L’empire de la nuit, Pierre Grimblat, 1962 

    Eddie traque Melchior dans les cintres

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