• The ballad of Buster Scruggs, Joel & Ethan Coen, 2018

     The ballad of Buster Scruggs, Joel & Ethan Coen, 2018 

    Le projet est plutôt curieux. Ce fut d’abord une mini-série en six épisodes tournés pour Netflix, puis c’est devenu un film, toujours en six épisodes, mais raccourcis si on veut. Le long métrage diffusé au cinéma ne permet pas d’apprécier pleinement le projet. C’est le deuxième western pour les frères Coen après l’excellent True Grit en 2010. On retrouvera d’ailleurs quelques éléments de ce film dans The ballad of Buster Scruggs. Les frères Coen vont donc revisiter le western, ou plus précisément la légende du western avec une volonté affirmée de démystification. C’est un scénario original, bien que le générique fasse semblant qu’il s’agisse de l’adaptation d’une œuvre ancienne. Les frères Coen ont assuré qu’ils pensaient à cette histoire depuis très longtemps – vingt ans – mais qu’ils ne l’avaient jamais réalisée parce que la durée de chaque épisode était trop courte. On ne sait pas trop si c’est vrai parce qu’ils sont assez familiers avec les fausses informations. 

    The ballad of Buster Scruggs, Joel & Ethan Coen, 2018 

    Buster Scruggs tue son adversaire d'une drôle de manière 

    Buster Scruggs est à la fois un joueur de poker, un tueur et un chanteur qui s’accompagne sur sa guitare. Il parcourt le pays avec Dan son cheval, vêtu d’une superbe tenue blanche immaculée. Fin tireur, il défie à peu près tout le monde, jusqu’au jour où il va tomber sur plus rapide que lui. Une fois mort, son âme partira en chantant au Paradis.

    Un malheureux apprenti pilleur de banque tombe sur un banquier des plus rétifs et des mieux organisés. Il échouera, et capturé, il sera destiné à être pendu. Cependant, il sera sauvé par les Indiens qui tueront ceux qui vont le pendre. Mais il n’est pas tiré d’affaire pour autant, les Indiens le laissent attaché sur son cheval, la corde au cou. Chance ou malchance, il va être délivré de cette fâcheuse posture par un voleur de bétail qu’il se décide à accompagner. Malencontreusement, il va être pris et pendu cette fois pour de bon pour ce larcin qu’il n’a pas commis. Il emportera avec lui le regard d’une jeune fille énamourée venue le voir pendre.

    Un sinistre équipage écume les villages de montagne avec un spectacle plutôt étrange : un « artiste » sans bras et sans jambe raconte des histoires où se mêle en même temps des bribes de récits bibliques et des revendications sociales. Mais ça marche de moins en moins bien, et son imprésario décide de le remplacer par une poule qui sait compter ! Il achète la poule et tue son associé.

    Un vieux chercheur d’or arrive dans une vallée paradisiaque où semble-t-il l’homme n’a jamais mis les pieds. Avec beaucoup de difficultés et d’acharnement, tout en chantonnant, il va finir par trouver un vrai et beau filon. Mais une canaille l’a suivi et l’abat pour s’approprier le butin. Mais le vieux chercheur d’or n’est pas mort. A son tour il tue celui qui voulait le dépouiller, et après cette soigné, il repartira avec son or.

    Alice et Gilbert Longabaugh veulent partir vers l’Oregon, ils rejoignent donc une caravane qui est guidée par Billy Knapp et le vieux pistard Arthur. Mais Gilbert meurt en route du choléra. Mlle Longabaugh ne sait pas quoi faire, elle n’a plus d’argent et elle doit 400 dollars à un jeune escroc qui est sensé guidé son chariot. Elle s’en ouvre à Billy Knapp, celui-ci lui propose alors de l’épouser, avec le projet de fonder une famille de fermiers. Elle est d’accord. Mais elle s’éloigne de la caravane et les Indiens l’attaquent. C’est Arthur qui a retrouvé sa piste qui va la défendre. Cependant comme Alice croit qu’Arthur est mort, elle va se suicider.

    La dernière histoire met en scène des voyageurs dans une diligence. Il y a là René le français, un sceptique très préoccupé des questions amoureuses, une femme un peu âgée qui va rejoindre son mari, un trappeur et deux chasseurs de prime. Chacun se raconte à sa manière, et Clarence, un des deux chasseurs de prime va chanter ce qui va émouvoir le maigre public. Ils vont arriver cependant de nuit dans un hôtel un peu effrayant, mais ils n’ont plus le choix. 

    The ballad of Buster Scruggs, Joel & Ethan Coen, 2018 

    Le malheureux apprenti voleur va être pendu 

    Ce film a eu à la Mostra de Venise 2018 le prix du meilleur scénario. C’est très exagéré. La première observation qu’on peut faire c’est que ces six histoires sont très inégales. Deux sont vraiment excellentes et valent le déplacement, Meal ticket, cette histoire de récitant sans bras et sans jambe, et The gal who got rattled. Deux autres sont assez drôles, All gold canyon et The mortal remains, et les deux autres sont un peu ennuyeuses. La première The ballad of Buster Scruggs qui donne le titre à l’ensemble, laisse craindre le pire. Mais il faut patienter, ça s’améliore nettement au fil de minutes. On retrouvera un humour noir qui est un peu la marque de fabrique des frères Coen. Mais l’ensemble donne cependant une impression bizarre : en effet, il y a une atmosphère sinistre et mélancolique qui va bien au-delà d’une simple démystification. Tous ces personnages qui sont venus dans un pays neuf sont d’abord désillusionnés par ce qu’ils y trouvent. Ils sont d’ailleurs tous irrémédiablement seuls et abandonnés. L’aspect mélancolique du film c’est que cette solitude est opposée à la magnificence de la nature, et on ne peut s’empêcher de penser que la civilisation a massacré cette beauté. Ces européens qui ont envahi et colonisé l’Amérique, sont des analphabètes et des grossiers personnages, violents, menteurs, sales et mal embouchés. Ce sont eux qui ont fondé cette civilisation qui a abouti à Donald Trump ! Les Indiens sont dépersonnalisés comme dans tout western réactionnaire, comme s’ils n’étaient qu’une partie de l’élément naturel qu’il faut soumettre. 

    The ballad of Buster Scruggs, Joel & Ethan Coen, 2018 

    L’artiste et son impresario arrivent en ville 

    La réalisation est comme le scénario très inégale et paresseuse assez souvent. Certes il y a du métier, mais peu d’application, sauf en ce qui concerne les deux histoires qu’on a signalées et qui sortent du lot. La dernière histoire, The mortal remains, est tournée d’une manière minimaliste, champ-contre-champ et un seul décor à l’intérieur de la diligence. La première, The ballad of Buster Scruggs, et la deuxième, Near Algodones, empruntent toutes les deux aux mauvais tics du western spaghetti avec des effets de poussière et de cache poussière. Les deux meilleures histoires sont non seulement celles qui possèdent le meilleur scénario, mais celles qui se prêtent le mieux à l’utilisation des décors naturels. Ces villages de montagne quasiment abandonnés à l’hiver, avec des personnages complètement décalés, semblent attendre une fin du monde qui arrive au fond avec la carriole de ce curieux spectacle présentant un récitant sans bras et sans jambe. Il y a une tension très forte dans la manière dont « l’artiste » raconte ses histoires, sans doute aussi par un effet de répétition. La caravane vers l’Oregon traverse des paysages qui donnent une idée de l’immensité du pays et de la faiblesse des personnages qui s’y débattent. Mais c’est peut-être un peu moins surprenant. Il y a aussi tous les tics de mise en scène des frères Coen avec des gros plans sur des figures grotesques. 

    The ballad of Buster Scruggs, Joel & Ethan Coen, 2018 

    Enfin le chercheur d’or a trouvé un filon, mais ses ennuis ne sont pas terminés 

    L’interprétation est tout autant mitigée que le sont les histoires. Le meilleur est sans doute dans celle de Mlle Longabaugh par Zoé Kazan. C’est la petite fille d’Elia Kazan. Bien que Mlle Longabaugh soit timide et perdue, son personnage rappelle celui de Mattie Ross dans True Grit, d’autant que le personnage de M. Arthur est assez semblable à celui de M. Cogburn interprété par Jeff Bridges. Liam Neeson est assez remarquable aussi dans le rôle de cet impresario qui hésite entre le criminel et le compatissant protecteur de ce malheureux estropié. celui-ci est incarné par un formidable Harry Melling, pathétique. Tim Blake Nelson dans le rôle de Buster Scruggs cabotine un peu trop à mon goût, mais après tout c’est le rôle qui veut ça. Brendan Gleeson est également très bon dans celui du chasseur de prime.  Tom Waits qu’on dirait sorti d’un film de Jim Jarmusch tient sa place, mais sans plus. Plus que dans la qualité de l’interprétation, c’est le casting qui est remarquable par les sortes de caricatures qui peuplent ces histoires.

     The ballad of Buster Scruggs, Joel & Ethan Coen, 2018 

    Billy Knapp propose à Mlle Longabaugh de la débarrasser de son chien 

    Cela ne restera sans doute pas comme le meilleur des frères Coen. Mais disons qu’il se laisse voir au moins pour les deux histoires qu’on a dites. Remarquez que depuis True Grit leurs films marchent nettement moins bien. L’excellent Inside Llewyn Davies n’a pas eu beaucoup de succès tout comme Hail Caesar qui avait pourtant un budget très important. La carrière des frères Coen se fait un peu ronronnante comme s’ils vivaient un peu trop sur leurs acquis. 

    The ballad of Buster Scruggs, Joel & Ethan Coen, 2018 

    L’hôtel où les passagers de la diligence vont passer la nuit n’est guère rassurant

    « L’enfer est à lui, White Heat, Raoul Walsh, 1949La nuit de terreur, So dark the night, Joseph H. Lewis, 1946 »
    Partager via Gmail

    Tags Tags : , , , ,
  • Commentaires

    Aucun commentaire pour le moment

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :