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    Lendemain de cuite – rue Rigaud, Marseille, 7ème arrondissement

     

    M. Lacroix travaillait à la recette des postes. Il est dépressif ; il ne s’est jamais remis des années passées dans les camps de prisonniers et n’a pas repris son travail depuis 1945. Sa femme, Louise, noie son chagrin dans l’alcool et finit parfois au poste après des esclandres dans les bars du quartier. C’est le cas le 11 juin 1949 quand la police attend qu’elle décuve pour la laisser rentrer. La nuit ne lui porte pas conseil puisqu’elle est à nouveau prise d’une crise d’éthylisme, se dispute avec son mari, à leur domicile du 21, lui assène un coup de fer à repasser, avant de lui trancher la gorge avec un couteau. Elle prend alors la direction du Vallon-des-Auffes pour se jeter du pont.

     

     

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    La chute de dix mètres n’est pas fatale et elle est transportée à la Conception où on l’ampute des jambes. Mais l’alcool ne conservant pas tout, elle finit par succomber à ses blessures quelques jours plus tard.


    Extrait de Angélique Schaller et Marc leras, Guide du Marseille des faits divers de l’antiquité à nos jours, Le cherche midi, 2006.

     

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    C’est le remake direct de High Sierra, film tourné en 1941 et qui permit à Humphrey Bogart de devenir la grande vedette que l’on sait. Le scénario est de Willam R. Burnett qui est un des maîtres du roman noir. High Sierra, le roman, a donné naissance à trois films. Le premier en 1941, tourné par Raoul Walch, le second date de 1949 et toujours signé par Walsh il devient une sorte de Western avec Joel McCrea et Virginia Mayo.

    C’est l’histoire d’un bandit vieillissant, au grand cœur, Roy Earle, qui sort de prison grâce à Big Mac. Jack Palance est Roy Earle. Pour remercier celui-ci il s’engage à faire un dernier casse qui doit le mettre à l’abri. Bien sûr le destin se met en travers de sa route. C’est d’abord cette jeune fille au pied bot dont il va tomber amoureux, mais c’est ensuite le chien au mauvais œil qui ne le lâche pas d’une semelle. En outre, il fait équipe avec deux gangsters à la mie de pain, incarnés ici par Lee Marvin et Earl Holliman. Bien sûr le hold-up réussira, mais les complications vont apparaître insurmontables. Roy va avoir beaucoup de mal à récupérer sa part. Il sera blessé par le flic véreux qui veut mettre la main sur les bijoux. Dès lors Earle est un homme traqué qui ne peut que mourir. 

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    Le film de Stuart Heisler, qui avait déjà réalisé La clé de verre d’après Dashiell Hammett, est excellent. C’est probablement son meilleur. Très souvent on l’oppose au film de Walsh. A tort selon moi. Si le film de Walsh vaut principalement pour l’interprétation de Bogart d’Ida Lupino, le film d’Heisler me semble plus subtil. En effet, il insiste bien d’avantage sur la cruauté de la jeune Velma qui préférera faire sa vie avec un garçon inconsistant, que de suivre Roy. De même le fait d’avoir choisi Shelley Winters pour incarner Marie permet de mieux suivre les transformations de Roy. Celui-ci est au début plutôt rebuté par Marie, la trouvant geignarde et sans guère d’attrait, mais ensuite il la comprend comme un double de lui-même. Du reste elle sera d’une fidélité exemplaire.

    Egalement le personnage qui explique à Roy que le chien a le mauvais œil est un mexicain, bien moins caricatural que le noir qui roulait des yeux fous dans le film de Walsh. Si le film de Walsh est très bon, celui d’Heisler l’est tout autant.

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    Mais il y a un autre intérêt au film d’Heisler, c’est qu’il est tourné en couleurs et en cinémascope. Que ce soit Los Angeles ou la Sierra, les paysages prennent une dimension qu’ils n’avaient pas dans les deux films de Walsh, mais aussi cela donne une dimension plus luxueuse à l’hôtel qui va être le cadre du hold-up. Quand Walsh multiplie les plans rapprochés, Heisler au contraire use de plans larges et tout en profondeur de champ. 

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    Au final c’est un très bon film noir – en couleurs ! Jack Palance est remarquable de sobriété. Et si Shelley Winters en fait comme à son habitude des tonnes, tous les seconds rôles, de Lee Marvin à Lori Nelson, sont remarquables. Le spectateur est tout à fait du côté de Roy Earle, et d’ailleurs la façon dont il est exécuté par la police apparaît comme scandaleuse : une balle dans le dos, alors qu’il accourt vers son chien. On ne peut mieux résumer le combat de l’homme seul contre l’ordre et la société. C’est bien sûr un des codes du film noir que de montrer que les apparences sont trompeuses et donc que parfois un gangster représente plus de force morale qu’un vulgaire bourgeois attaché à son pognon. Quant à la jeune fille qui faisait mine d’aimer regarder les étoiles, elle se révèle, une fois débarrassée de son handicap, opportuniste et vulgaire, manquant complètement de dignité. 

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    Gun Crazy est considéré à juste titre comme un des meilleurs films noirs. Film à tout petit budget, avec des acteurs de seconde catégorie, il est devenu au fil des années une référence incontournable.

    C’est un film curieux, à la fois errance désespérée d’un couple, méditation sur la solitude et l’amour, la complexité de ses références en fait un objet rare. C’est un film de la marginalité dans une Amérique en voie de normalisation.

    Bart est un enfant passionné par les armes. C’est un garçon gentil qui craint de faire du mal et qui se trouve bouleversé lorsqu’il tue un poussin. Il n’aime pas tuer.  

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    Le film s’ouvre sur le vol d’un révolver après un bris de vitrine dans une petite ville sans histoire. Il pleut, c’est la nuit, mais le shérif qui le connait très arrête Bart. Le juge qui n’est pas particulièrement mauvais décide de le placer dans une maison de correction histoire de lui faire passer son goût pour les armes. Devenu adulte il s’engage dans l’armée où il devient moniteur de tir. Mais cette vie ne lui convient pas et il revient dans sa ville natale. Il y retrouve ses amis d’enfance qui sont tous deux devenus des hommes respectables et rangés : l’un est devenu shérif.

    Un soir qu’ils déambulent tranquillement dans une kermesse itinérante, Bart croise Laurie. Celle-ci est une championne de tir au pistolet. Cette passion des armes va les rapprocher. Après s’être débarrassé du patron qui les emploie, Bart et Laurie décident de se marier. C’est aussi simple qu’un coup de foudre ! Ils vont vivre ensemble une vraie passion amoureuse, mais très vite ils manquent d’argent et une vie rangée ne convient guère à Laurie. La scène la plus significative en ce sens est le regard que Laurie porte sur la sœur de Bart qui doit s’occuper de ses trois enfants pendant que son mari est à San Francisco. Celle-ci va les entraîner à commettre des attaques à main armée. Bart n’aime pas trop cela, mais il ne veut pas perdre Laurie et finalement il se lance avec elle dans une randonnée sanglante. 

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    Si le reste du film est prévisible, l’important réside dans le traitement. Film rapide et percutant, c’est à travers cette course effrénée que les deux amants vivent leur passion amoureuse. Du reste quand ils ont terminé leur dernier gros coup, ils n’arrivent pas à se séparer, alors que précisément la prudence leur conseillerait de s’éloigner l’un de l’autre pendant quelques mois. Traqués, ils mourront ensemble.

    C’est donc un film sur la transgression : à quoi bon vivre si c’est pour ne pas connaître des sensations fortes, même si cela les mène au bord du précipice. N’étant pas fait pour assouvir le rêve américain, ils ne vivent que pour leur passion amoureuse et les coups qu’ils montent ensemble. C’est cette complicité dans la course à l’abîme qui est le cœur du film. Certes ils ont tous les deux été blessés par la vie, mais cela n’explique pas tout et certainement pas les pulsions sexuelles qui les animent tous les deux. 

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    Sur le plan formel, le film est un vrai chef d’œuvre, l’alternance de plans rapprochés et de longs travellings, le jeu des acteurs ont été remarqué. Toutes les ficelles du film noir sont utilisées : que ce soit les flash-backs, les poursuites en voiture ou le hold-up très travaillé. Outre le rythme soutenu, cela renforce la passion amoureuse de deux êtres en train de se perdre. Ce n’est peut-être pas le meilleur film de Joseph H. Lewis, on peut lui préférer The big combo. Mais c’est un film qu’on peut voir et revoir sans se lasser. Il y a une force poétique qui empêche le film de sombrer dans le lieu commun. Si Laurie entraîne effectivement Bart sur la pente fatale, elle n’en aime pas moins Bart. Ce dernier est tout à fait conscient des risques qu’il prend, il sait que tout cela finira mal, mais il l’assume pour l’amour de Laurie. Les scènes où on voit Bart prendre Laurie dans ses bras pour la rassurer, la consoler sont parfaitement maîtrisées. Peggy Cummins qui n’a pas un physique affriolant joue à la fois de la froide détermination qui l’anime et de sa faiblesse toute féminine. John Dall est un innocent absorbé par la fatalité de sa propre trajectoire. Joseph H. Lewis joue du contraste entre les deux amants : l’un grand, la lèvre épaisse, l’air sain, l’autre frêle la bouche mince qui a besoin de protection. Aucun de ces deux acteurs qui semblaient s’entendre parfaitement dans ce film ne retrouveront des rôles à la hauteur de leur talent, mais aussi ils ne seront plus jamais dirigés par Joseph H. Lewis. 

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    Cette revue qui en est à son 113ème numéro a beaucoup évolué au fil du temps. Elle est ainsi de moins en moins consacrée à des dossiers. En même temps elle nous demande de voter pour des livres, français ou étrangers que la plupart du temps nous ne connaissons pas et qui sont le plus souvent des ouvrages poussés par les grandes maisons d’édition.

    La dernière livraison de cette revue est presqu’essentiellement centrée sur le polar récent. Elle comporte de très nombreuses interviews d’auteurs comme Caryl Férey, ce qui l’a fait ressembler à une revue promotionnelle. Ce qui fait que quand on a lu l’interview de Férey, on se dit qu’on n’a pas besoin de le lire !

    Mais ce serait bien injuste de ne rester que sur cet aspect. Comme toutes les revues polardières il y a des articles qui nous plaisent et d’autres qui nous indiffèrent, voire qui nous irritent. C’est la loi du genre puisque le public du polar est extrêmement éclaté.

    Donc dans la dernière livraison, on trouve des interviews de directrices de collection qui nous expliquent leur choix, la façon dont elles construisent une collection. On y comprend ainsi que le polar français n’a pas une très bonne image à tord où à raison et que c’est bien difficile de se faire publier si on est Français, ce qui est d’ailleurs bien développé par Caryl Férey. Au passage, on comprend que le départ de Robert Pépin vers Calmann-Lévy a fait beaucoup de ravages au Seuil et a laissé de sacrées aigreurs. Mais faisant contre mauvaise fortune bon cœur, Marie-Caroline Aubert « alias M.C.A., figure incontournable du milieu » énonce que ce n’est pas une perte que de ne plus avoir Connelly a son catalogue, vu que la qualité de ses livres a beaucoup baissée ! Ce qui est assez vrai, mais la sincérité de M.C.A. serait mieux ressentie si en même temps elle ne nous disait pas être très contente d’avoir Jonathan Kellerman dans la liste de ses meilleures ventes, même si la qualité de Kellerman a toujours été assez étale et assez plate finalement.

    Dans  ce dernier numéro de 813, on trouve un hommage à Harry Crews qui vient de disparaître, présenté comme un auteur génial et novateur. C’est en effet un auteur assez sympathique, qu’on peut saluer, mais de là à en faire un auteur incontournable, il y a une marge qui est ici franchie assez allègrement.

    Enfin 813 a le mérite de nous rappeler l’existence de Ross McDonald, retraduit par Jacques Mailhos, dont Gallmeister republie les aventures qu’on espère cette fois moins tronquées que dans les précédentes traductions. Ross McDonald est en effet un auteur incontournable de l’histoire du polar,  aussi bien par ses œuvres que par l’impact qu’elles ont eu sur un grand nombre d’écrivains américains. Il est d’ailleurs considéré comme un des grands maîtres du « noir » outre-Atlantique et étudié comme tel dans les universités américaines. Il est dommage qu’en France il ne soit considéré encore que comme un petit maître dont la carrière aurait été éclipsée par celle de sa femme la très grande Margaret Millar.

    On espère que les éditeurs français continueront dans cette voie de la réhabilitation des grands auteurs américains. C’est déjà le cas pour Hammett, c’est semble-t-il le cas pour Jim Thompson dont Jean-Paul Gratias s’occupe de donner des traductions non tronquées pour Rivages. Le grand absent de ces re-traductions reste tout de même l’immense Chandler qui avait été si mal traité par la Série noire et dont seul The long-good bye a été retraduit par Gallimard. Rappelons ici que l’œuvre de Charles Williams, bien ou mal traduite, n’est pas actuellement entièrement traduite en français. Il y manque au moins The wrong Venus. 

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    Nouvel épisode de la saga du commissaire Montalbano, Le champ du potier est une histoire policière astucieusement menée. C’est l’histoire d’un cadavre qui a été découpé en trente morceaux comme pour rappeler les trente deniers de Judas, et le champ du potier c’est le lieu où Judas s’est pendu, mais c’est aussi le lieu où on retrouve le cadavre. Tout semble indiquer qu’il s’agit d’un règlement de compte lié à la mafia. Le doute ne serait pas permis si ne rentrait pas en scène une belle femme d’origine colombienne qui fait tourner la tête à tous les hommes qu’elle croise et qui détourne ainsi du droit chemin l’adjoint de Montalbano Mimi Augello.

    Le champ du potier est la 17ème aventure du commissaire Montalbano. Paru en Italie en 2008, le Fleuve Noir a du retard dans les traductions puisqu’en 2012 on en est à la 26ème. A moins que le Fleuve Noir craigne de saturer son marché ! Camilleri écrit bien plus vite que ses traducteurs ne le traduisent. Il a une moyenne de 5 romans par an ! Ce qui est une performance pour un auteur de cet âge, Camilleri aura en septembre 87 ans ! Mais cette prolixité ne nuit pas pour autant à la qualité. Montalbano est apparu en 1994 et le succès de ses aventures a été immédiat, tant en France qu’en Italie, en Sicile le jugement sur son œuvre est un peu plus mitigé, les Siciliens le trouvant un peu trop folklorique. Mais il connait aussi un bon succès en Angleterre et en Allemagne.

    Bien que l’intrigue du Champ du potier soit finalement assez mince, c’est un très bon roman. Cela est dû avant tout à la qualité de l’écriture, non pas aux formes langagières qu’on peut percevoir à travers la traduction de Quadruppani, mais à ce mélange particulier d’astuce et d’ironie. L’astuce de Montalbano est de conduire son enquête en manipulant tout le monde, à faire ses coups en douce pour arriver à ses fins. L’ironie se trouve un peu à toutes pages, avec les angoisses du commissaire qui vieillit, les personnages incongrus qui peuplent le roman, les disputes entre Montalbano et son éternelle fiancée Livia qu’il trompe presque sans le vouloir et sans le dire aussi.

    Si la lecture des aventures de Montalbano nous plaisent toujours autant c’est bien sûr parce qu’on retrouve toujours les mêmes personnages qui reviennent. Andrea Camilleri est un peu le Frédéric Dard de la Sicile, et sa saga avec Montalbano ressemble un peu à celle de San-Antonio : on y trouve la même dérision. Du reste, ce sont les aventures de son commissaire qui ont le plus de succès. C’est une sorte de Maigret qui aurait de l’humour.

    Au fil des épisodes le commissaire change, mais la situation de la Sicile comme de l’Italie change aussi. En 2008 quand est écrit Le champ du potier, on est encore en plein Berlusconisme. Mais Camilleri paraît aussi de plus en plus désenchanté sur le plan politique. Même s’il porte toujours un regard féroce sur les mœurs politico-mafieuses de son pays et même s’il ne paraît pas avoir renoncé à ses idées d’extrême-gauche, il ne semble plus revendiquer une transformation sociale pour son pays. Il oppose par exemple la vieille mafia à la nouvelle avec une nostalgie un peu étrange. Mais c’est vrai que c’est un sentiment commun pour les Siciliens de la région d’Agrigente. Ce n’est d’ailleurs pas la première fois que les pas du commissaire croisent ceux de la mafia. A chaque fois il se trouve que la piste mafieuse est toujours un trompe-l’œil. On est loin de ce que peut en dire un Roberto Saviano par exemple qui met en scène l’aspect dramatique bien réel de la pieuvre sur le pays. Mais il est vrai que les Siciliens sont lassés par le rappel constant qu’on leur assène du rôle de la mafia dans leur pays.

    Montalbano a des états d’âme récurrents et ici, autour de la figure de Judas c’est à une méditation sur la trahison à laquelle il se livre. Le personnage de Judas était déjà indirectement présent dans un autre livre de Camilleri, La disparition de Judas. Du reste Montalbano s’aide pour son enquête de la lecture du livre de Camilleri !

    Ici le roman policier n’est plus une dénonciation, mais plutôt un jeu. Montalbano joue avec tous les personnages de son roman comme Camilleri joue avec nous. Dans ce jeu il y a à la fois une forme de classicisme de l’enquête policière et le développement de caractères singuliers qui est pourtant bien plus moderne par l’épaisseur qu’il leur donne justement. Les décors, les ambiances sont bien réelles, même si elles soutiennent des histoires finalement assez irréalistes. C’est bien ces curieux croisements qui font l’originalité de Camilleri et que quand on lit un « Montalbano », on ne le lâche pas avant la fin. 

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