• American Sniper, Clint Eastwood, 2015

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    Clint Eastwood est un acteur qui se fit connaitre grâce à des western-spaghetti, puis par des rôles de flics un peu bas du front et hyper-violents. Sur le tard il se mit en tête de devenir réalisateur. Sur le plan commercial cela lui réussit assez bien, et du reste son dernier opus est une gros succès. Sur le plan de la critique, alors qu’il était considéré comme un médiocre faiseur aux Etats-Unis, une intense campagne de presse lui permit d’être considéré en France comme un auteur. Cet aura lui ouvrit bien des portes et retraversa l’Atlantique. En effet, si la France, le pays de la critique cinématographique, le reconnaissait comme un réalisateur de premier plan, il n’y a avait pas de raison de bouder son plaisir aux Etats-Unis. D’autant que l’époque changeant, les thèmes réactionnaires développés par Clint Eastwood devenaient très porteurs. Pour ceux qui veulent des détails pratiques sur les modalités de la réussite commerciale de Clint Eastwood, on leur conseillera de lire le très bon ouvrage de Patrick McGilligan, Clint Eastwood, une légende, paru aux éditions Nouveau Monde en 2009.

    Quoi que l’on pense de la qualité cinématographique des films réalisés par Clint Eastwood, ce qui domine ce sont les sujets réactionnaires et assez niais. Ce n’est évidemment pas sans raison qu’il soutient sur le plan politique le parti républicain et accessoirement la famille Bush. Ce n’est pas non plus un hasard si Eastwood se croit presque toujours obligé d’insérer des images de curés ou de pasteur dans ses productions. 

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    Kyle couvre la progression de ses compagnons depuis les toits 

    Clint Eastwood n’a jamais fait la guerre, et comme de nombreux américains qui aiment les guerres qui se passent loin de leur territoire, il adore en faire l’apologie, que ce soit en revisitant d’une manière hypocrite les codes de la Seconde Guerre mondiale avec Mémoires de nos pères ou Lettres d’Iwo-Jima, ou que ce soit avec le portrait d’un militaire de carrière qui dresse de jeunes recrues dans Le maître de guerre. Mais cette apologie ne passe pas directement par la présentation de faits de guerre dans leur brutalité, mais par l’opposition entre une culture de la viriité par temps de paix et les ruines que traversent les troupes américaines en Irak.

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    Les Irakiens n’hésitent pas à sacrifier leurs enfants 

    Son nouveau film prend comme objet un sniper americain, comme son titre l’indique. L’histoire est basée sur les mémoires de Chris Kyle qui aurait tué 255 personnes pendant la guerre d’Irak. Il est mort depuis, abattu à son tour en 2013 par un autre ancien membre de la Navy Seal. Ses mémoires étaient déjà un fort succès de librairie. Evidemment en mêlant le destin de cet individu qui en plus a eu le bon goût de se faire tuer en temps de paix et chez lui, et l’amour des Américains pour les armes à feu, il est assez facile d’obtenir un fort succès de box office. D’autant que le budget du film était très élevé, une soixantaine de millions de dollars. 

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    Mustafa est le symétrique de Kyle 

    Ne comptez pas sur Clint Eastwood pour dresser un constat politique sur ce que fut cette guerre en Irak, ni sur ce qu’elle a coûté sur le plan humain et sur le plan financier. Cette absence de recul ne gêne pourtant pas les thuriféraires d’Eastwood. Ils préférent en rester au constat que la guerre c’est dur et terrible, que ça fait des morts, bouleverse des destins et engendre des gestes qui ne sont pas très jolis-jolis. Mais Eastwood sait ce qu’attend son public. Enfin, pas toujours parce que ses derniers films sans être des bides noirs n’avaient pas très bien marché. Donc, après décrit les années de formation de Kyle, il va particulariser la guerre d’Irak à travers l’affrontement de deux snipers, l’un américain, et l’autre irakien. Mais cette fausse symétrie sera rompue dès lors que Kyle sera obligé de tuer un enfant. En vérité le spectateur comprend que si le sniper américain tue un enfant, ce n’est pas qu’il est cruel, mais au contraire résultat d’une douloureuse nécessité que ce sont les Irakiens qui le sont puisqu’ils n’hésitent pas à envoyer des enfants ou des femmes à la mort. Evidemment il est assez facile de faire le lien avec la sauvagerie de l’armée de l’Etat Islamique qui défraye en ce moment la chronique. 

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    Kyle donne la mort, mais aussi la vie 

    Le film ne se gêne pas pour mettre en scène les exploits morbides de Kyle. On détaille ses armes, les diatnces auxquelles il est capable de faire mouche, comme s’il s’agissait juste d’un sport. Et puis Kyle est un être humain comme les autres n’est-ce pas. On assiste à son émotion lorsque sa femme accouche. C’est bien la preuve qu’il n’est pas seulement capable de donneer la mort. Il est aussi du côté de la vie ! C’est ce genre de philosophie sommaire qui assure le succès de Clint Eastwood et qui suscite l’admiration du vieux Michel Ciment qui officie encore à Positif, qui en un demi-siècle est passé de Joseph Losey à Clint Eastwood, sans même se rendre compte qu’il avait changé de camp non seulement sur le plan du fond, mais également de la forme.

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     La traque des résistants irakiens a commencé 

    Peut être est-ce ça la marque véritable du cinéma d’Eastwood, cette façon de tourner autour du pot, de filmer longuement les gestes les plus simples. C’est cette lourdeur qui sans doute lui vient de Sergio Leone qui consiste à appuyer lourdement la moindre scène, que ce soit les vomissements de la fille que Kyle séduit, où l’émotion qu’il ressent lors des attentats du 11 septembre. Outre que cela permet de refermer des phénomènes politiques sur des destins seulement individuels, ces scènes visent aussi à la confusion entre émotion et niaiserie. A vingt minutes de distance, Eastwood répétera la même scène du jeune enfant irakien qui marche au suicide conttre les troupes américaines surarmées.   Quoiqu’on pense du régime de Saddam Hussein, le film de Clint Eastwood présente les Irakiens comme des terroristes, pourtant il est facile de comprendre que les troupes américaines sont des troupes d’occupation. En personalisant le conflit irakien autour des figures de Kyle et de Mustapha, le scénario tourne à la compilation de scènes de genre sans lien véritable entre elles. 

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    L’assaut durera longtemps 

    Evidemment comme c’est du Clint Eastwood, on aura droit à la figure du prêtre qui tôt ou tard dans ses films intervient comme la figure de l’explication dernière sur ce qu’il faut penser. La Bible accompagne d’ailleurs nos bons soldats de partout. Mais le pire est sans doute la complaisance avec laquelle l’activité su sniper est filmée. Certes on comprend bien que c’est un professionnel, mais l’alternance des plans nous le montre comme une sorte de Dieu le père protecteur de ces malheureux soldats surexposés à la vindicte des Irakiens.  C en’est pas un soldat parmi tant d’autres, c’est une sorte d’esprit vengeur qui surplombe le conflit. La niaiserie du scénario atteint sans doute son comble avec cette fausse symétrie entre Kyle et Mustapha, un autre sniper, mais cette fois au service de « la mauvaise cause ». Cependant le spectateur attentif aura remarqué que la différence entre les deux snipers est que Kyle est suréquipé, bien organisé, et il est la point avancée d’une troupe bien ordonnée qui est venue mettre de l’ordre. A l’inverse, Mustapha est un individu isolé, il ne peut compté sur une troupe nombreuse et doit s’appuyer sur des femmes et des enfants en guenilles – preuve qu’ils sont tout à fait mauvais, ils n’ont même pas d’uniforme ! Ce contraste entre les deux snipers est renforcé par le fait qu’on verra Kyle prendre ses repas au milieu d’une fraternité militaire et virile. Le furtif Mustapha restant dans l’ombre, on ne sait même pas s’il mange !! 

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    Kyle est évacué en hélicoptère 

    L’autre défaut du film, au plan de la forme, est sans doute qu’il est excessivement bavard. Mais ce sont les bavardagesqui justifient auprès du spectateur complaisant le fait que ce n’est pas un simple film de guerre. En enlevant les bavardages inutiles et didactiques, sans même parler des scènes répétitives, le film aurait pu être réduit d’un bon tiers. Commeje l’ai dit plus ghaut le budget du film était très élevé, ce qui n’empêche pas certaines grossiéretés, comme ce poupon qui est sensé représenter le fils de Kyle et que les deux époux se repassent comme un objet sans vie. Ou alors sur les étandages des toits de Bagdad, on constate que les draps qu’on a mis à sécher sont bien repassés, comme si les femmes iraliennes bien peu logiques repassaient leurs draps avant de les mettre à sécher !!!

    « Nous sommes tous en liberté provisoire, L'istruttoria è chiusa: dimentichi, Damiano Damiani, 1971Hold-up, Plunder road, Hubert Cornfield, 1957 »
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  • Commentaires

    1
    Lundi 2 Mars 2015 à 11:50

    C'est toujours le même problème par rapport au jugement d'une oeuvre, doit on juger un film à l'aune de la personnalité de son réalisateur ou un long-métrage se suffit-il à lui-même ? Eastwood a fait des merdes sans nom, notamment tous les "Buddy Movies" débiles et les inspecteurs Harry ne brillent pas par leur finesse. Curieusement, Clint peut aussi nous sortir quelques chefs d'oeuvre, je pense à "Josey Wales, hors-la-loi" ou à "Impitoyable" ! Il y a bien un Docteur Eastwood et un Mister Clint dans la filmo du personnage qui, curieusement, est toujours encensé par la gogoche des Cahiers alors que l'homme est un républicain radical ! Peut-être parce que Clint emmène une certaine virilité cinématographique qui  tranche avec les "bobodieuseries" d'un Klapisch.

    2
    Jeudi 12 Mars 2015 à 20:24

    il y a non seulement un problème de contenu idéologique, mais il y aussi des problèmes de forme qui font que ce film est à chier. 

    3
    Jeudi 12 Mars 2015 à 20:44

    Je veux bien te croire, d'ailleurs je n'irai pas le voir.

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