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    John Guillermin est surtout connu pour ses grands succès au box-office que sont King Kong, La tour infernale et Mort sur le Nil. Mais il a réalisé également trois films avec George Peppard qui sont très intéressants, Blue Max, un film très original sur la guerre de 14-18, et deux films noirs, House of Cards et P.J. ces deux dernier films tournés en 1968 s’inscrivaient dans le renouveau du film de détective qui avait été initié en 1966 par Harper de Stuart Rosemberg avec Paul Newman, tendance poursuivie par la paire Frank Sinatra-Gordon Douglas qui réalisèrent ensemble trois films en 1967-1968, Tony Rome, Lady in cement et The detective.

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    P.J. reçoit le paiement de ses petites combines 

    L’histoire est assez simple, dans la tradition, un détective un peu cynique, un peu mélancolique, est embauché par un milliardaire, William Orbison, comme garde du corps pour protéger sa maîtresse qui a reçu des menaces de mort. P.J. (pour Peter Joseph) va s’attacher à la protéger et également à comprendre qui veut la peau de la belle Maureen. Les fausses pistes sont nombreuses, et c’est lors d’un voyage touristique dans une île touristique qu’il va comprendre qu’il est l’enjeu d’un complot qui le dépasse. Mis sur la touche par Orbison, P.J. va cependant poursuivre son enquête, provoquant l’éclosion de la vérité.

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    Maureen craint qu’on ne veuille l’assassiner

     C’est un film qui a bien passé les années, probablement parce qu’il se cantonne dans la tradition chandlerienne, sans vouloir aller plus loin. Le scénario est solide et met en scène cette situation de lutte des classes entre un homme avide d’argent et plutôt avare et un autre à la fois plus généreux et moins intéressé par les basses réalités matérielles. Cependant, P.J. n’est pas tout à fait un chevalier blanc, il est aussi très cynique, utilisant pour gagner sa vie des petites combines un peu sordides tout de même. Evidemment c’est le milliardaire qui accumule toutes les tares de notre civilisation, non seulement il est cupide, mais en outre il est avare, torturant jour après jour son entourage, nul ne songeant trop à lui résister. Seul P.J. s’opposera à lui parce qu’il n’a rien à perdre et qu’avant tout il est un homme libre.

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    Entre Maureen et P.J. nait une certaine complicité 

    Le film est bâti sur le même modèle que House of cards, que la paire Peppard-Guillermin réalisera la même année. Dans House of cards, George Peppard sera cette fois confronté à un homme riche et criminel qui passe son temps dans des complots politiques plutôt scabreux. Dans le premier film il est opposé au massif Raymond Burr, dans le second à Orson Welles lui-même. C’est toujours le même jeu entre un homme riche et puissant et un homme libre et pauvre, dont la pauvreté est la seule garantie qu’il pourra conserver son intégrité.

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    Le milliardaire Orbison aime jouer de son pouvoir 

    C’est un film qui a une bonne réputation et que la critique a salué lors de sa sortie. Sa réussite repose, en dehors d’un scénario cohérent, sur le casting impeccable. D’abord George Peppard, acteur un peu oublié, mais qui a fait une carrière très importante dans les années soixante, alignant les films avec Vincente Minelli, Henry Hathaway ou Blake Edwards. On peut considérer qu’il s’est gâché un peu en s’entêtant à travailler pour la télévision. En tous les cas ici il est remarquable, à la fois séducteur et mélancolique, intègre et un peu corrompu aussi. Il est à noter que George Peppard a tourné au moins deux autres films noirs intéressants, difficiles à trouver aujourd’hui, Le témoin du troisième jour en 1965 et Pendulum en 1969, avec Jean Seberg. 

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    Waterpark est un policier perspicace

     A ses côté on trouve Raymond Burr, une figure du film noir des années cinquante. Son physique impressionnant lui permet presque de ne pas jouer. Habitué à jouer des pervers et des crapules, il reprend encore cette veine ici. Si ce n’est pas son meilleur rôle, il ne démérite pas. Gayle Hunnicutt joue la jeune femme cynique et femme fatale aussi. Elle n’a pas fait grand-chose, sauf qu’elle fit deux apparitions dans des personnages chandleriens, Marlowe, en 1969, film de Paul Bogart avec James Graner dans le rôle-titre, et Marlowe, la série télévisée avec Powers Boothe dans le rôle du célèbre détective. Elle est très bien. On retiendra encore Brok Peters dans le rôle de Waterpark, un acteur subtil qui a malheureusement été peu distribué.

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    Maureen a touché de l’argent

     Reste évidemment la question de la mise en scène. Guillermin n’a jamais été un très grand technicien. Mais ici le résultat est plutôt bon. Il y a des scènes plutôt réussies, comme cette approche du pont de Brooklyn pour retrouver la piste d’un employé d’Orbison qui s’est fait assassiner, ou alors la scène d’introduction où P.J. se fait passer à tabac, les hommes de main semblant oublier qu’il s’agit d’une mise en scène. D’ailleurs P.J. prend beaucoup de coups, comme dans cette scène où il est attiré dans une boîte bourrée d’homosexuels. Cette scène ressemble d’ailleurs à une du même genre dans The detective de Gordon Douglas. Ici elle n’est pas très convaincante, et on pourra y voir une des premières ébauches d’une banalisation de l’homosexualité dans les grandes villes.

    Sans aller à dire qu’il s’agit d’un chef-d’œuvre, on peut dire que le film est bon et passe plutôt bien les années. A noter encore que la bande son est signée Neal Hefti, une musique de jazz comme en trouvait alors vers cette époque dans les films noirs.

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    Elle décevra P.J.

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  • gambling house 1 

     

    Un film étrange et original. Ça commence comme un film noir, et puis cela vire à l’analyse sociale de la prise de conscience d’une identité plus ou moins floue et refoulée. Un joueur de profession, un peu cynique, un peu désinvolte, va couvrir le meurtre d’un autre joueur par son patron, Joe Farrow. Il va être acquitté en invoquant la légitime défense. Mais la justice n’en reste pas là, et va vouloir l’expulser parce qu’il n’est pas en règle : en effet, d’origine italienne, il n’a jamais pris le temps, ni même compris la nécessité de se faire naturaliser américain. Se trouvant en attente d’expulsion, essayant de plaider auprès du tribunal l’indulgence, il va rencontrer Lynn Warren, une jeune femme qui s’occupe justement des immigrants et qui les aides comme elle peu à intégrer la société américaine. Dès lors le film prend un double aspect, d’un côté la lutte de Marc contre son propre patron qui essaie de l’escroquer, et de l’autre la relation de Marc avec Lynn qui va remettre en question le mode de vie de Marc et l’inciter à devenir un citoyen américain normal et responsable. La fin sera plutôt heureuse, le tribunal autorisera Marc a demandé la nationalité américaine, Farrow sera éliminé et notre héros pourra couler des jours heureux avec Lynn.

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    Marc se retrouve à l’hôpital, accusé d’avoir tué 

    Ted Tetzlaff est assez peu connu comme réalisateur, il a eu une carrière beaucoup plus longue de directeur de la photographie, travaillant notamment pour Hitchcock sur Notorious. Mais il a surtout réalisé The window en 1949 d’après une nouvelle de William Irish, qui est en sorte une première mouture de Rear window d’Hitchcock qui sera tourné d’après une autre nouvelle de William Irish.

    C’est un film parfaitement maîtrisé sur le plan technique, avec un beau noir et blanc qui met en valeur les dangers de la grande ville, New York. Le rythme est soutenu, les rebondissements nombreux pour un film durant à peine 1 h 20. Ce n’est tout de même pas un suspense. Ce qui sqemble le plus avoir intéressé Tetzlaff, c’est la prise de conscience de Marc suite à un choc émotionnel important : on menace de l’expulser du pays où il est né et pour lequel il s’est battu pendant la Seconde Guerre mondiale.

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    Acquitté pour la mort de Benheim, il est menacé d’expulsion 

    C’est Victor Mature qui interprète Marc. Ce qui est assez inattendu, c’est que cet acteur, d’habitude plutôt monolithique et fermé, manifeste ici des doutes et une prise de conscience sociale. Il est tout à fait remarquable, oscillant entre dilettante et affranchi, s’imprégnant de la misère des autres quand il pénètre dans cette salle où attendent les immigrants en voie d’expulsion, ou quand il croise ces polonais qui ne seront finalement pas admis sur le territoire américain faute de quelqu’un pour les parrainer.

    A côté de Victor Mature, la jeune Terry Moore ne fait pas beaucoup le poids dans le rôle de Lynn, jeune bourgeoise dévouée à soulager la misère. Elle est très pâlotte. Mais ce n’est pas un problème particulier. Par contre William Bendix qui a joué plus souvent qu’à son tour des rôles de canailles infâme est ici curieusement éteint. C’est bien sûr lui qui va incarner le rusé Farrow. Mais il manque un peu de conviction.

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    Le tribunal met en délibéré la requête de Marc 

    Il y a trois films en un, un film noir, Marc essayant de piéger Farrow avant que celui-ci ne le détruise, Marc face au tribunal pour plaider sa cause et demander son assimilation, et puis toute cette longue dérive à partir du travail de Lynn et qui nous fait visiter aussi bien les lieux de rétention des immigrants en voie d’expulsion, que les difficultés de ceux-ci à s’intégrer dans une société dont ils ne parlent même pas la langue. Ce dernier aspect qui est le meilleur et qui donne lieu à de belles scènes. Mais c’est cependant l’aspect criminel du film qui fait évoluer les personnages et qui les met dans des dispositions nouvelles. Le passage devant un juge plus ou moins compréhensif, qui en a vu d’autres, est de loin le moins intéressant, un peu trop lénifiant par rapport justement au personnage cynique de Marc.

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    Marc cherche à récupérer le carnet de Farrow 

    Il y a aussi quelques belles scènes d’extérieur, justement quand les tueurs de Farrow cherchent à retrouver la piste de Marc pour protéger leur patron. Dans l’ensemble, c’est donc un film noir singulier, original et attachant. 

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    Lynn accepte d’accompagner Marc qui veut récupérer l’argent que lui doit Farrow

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    Marc doit se cacher des tueurs de Farrow

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    Marc va plaider pour ne pas être expulser des Etats-Unis

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    Un vrai film noir, et en plus basé sur un ouvrage d’Horace McCoy, ouvrage traduit en français sous le titre Adieu la vie, adieu l’amour… C’est un auteur de romans noirs un peu oublié aujourd’hui,  mais que dans les années soixante on considérait comme un auteur majeur aux côtés de Hammett, Chandler et quelques autres. La plupart de ses romans (peu nombreux, il vécut surtout de son activité de scénariste) ont été adaptés à l’écran, avec plus ou moins de bonheur. C’est un auteur classé très à gauche sur la palette du « noir », voire anarchiste. Du reste son histoire Kiss tomorrox goodbye est clairement démarquée de l’ouvrage d’Edward Anderson, Nous sommes tous des voleurs, paru quelques années plus tôt. Tous ses romans sont bons, ses recueils de nouvelles, un peu moins. Mais en France on connait surtout le spectaculaire On achève bien les chevaux qui fut porté à l’écran par Sidney Pollack. Et un peu aussi Un linceul n’a pas de poche adapté par Mocky avec les qualités et les défauts qu’on connait à ce réalisateur.

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    Kiss tomorrow goodby c’est l’histoire de Ralph Cotter une sorte d’intellectuel déclassé qui s’évade d’une ferme-pénitencier en compagnie de Toko Carleton, un autre prisonnier, qu’il abat en s’enfuyant, de même qu’il abat un gardien. Son évasion a été organisée par Holiday, la sœur de Toko et Jinx, un autre voleur. La voiture a été prêtée par un garagiste handicapé, Manson. Mais, pressé de se refaire, Ralph va faire un hold up au supermarché, juste à côté. Ralph en même temps est plus ou moins amoureux d’Holiday qu’il rudoie un tantinet. Il faut dire que cette Holiday n’a pas froid aux yeux et elle se paye aussi Jinx, avant de fricoter avec Reece un flic véreux. Ralph ne prend aucune précaution, il brutalise le garagiste et ses complices commencent à prendre peur de lui.

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    Horace McCoy 

    Mais le garagiste va se venger de Ralph en le dénonçant à la police. Celle-ci se pointe en effet sous les figures de l’inspecteur chef Webber et du Lieutenant Reece. En vérité ces deux policiers sont complètement corrompus et se contentent de dépouiller Ralph à qui ils enjoignent de quitter la ville avec Holiday. Ralph est évidemment furieux, mais il va trouver un moyen de piéger les deux flics. Il les appâte en laissant voir au garagiste qui les a trahis de l’argent que lui a prêté Jinx. Lorsque les deux flics viennent pour les racketter à nouveau, Ralph les enregistre à l’aide d’un magnétophone et ensuite il va les faire chanter. Pour cela il utilise les services d’un avocat véreux qu’ils ont rencontré par l’intermédiaire d’un charlatan à la tête d’une secte, le docteur Green. C’est chez celui-ci que Ralph va rencontrer Margaret Dobson, une fille très riche et distinguée dont il tombe amoureux. C’est d’ailleurs réciproque et il va se marier avec elle, au grand dam de son père qui pense que Ralph en veut à sa fortune. Il va lui demander de signer une annulation de mariage en échange de 25000 $ (35000$  dans le roman) que Ralph décline, alors qu’il accepte de ne plus revoir Margaret.  En vérité il comprend que de s’attaquer à Dobson, le gros bonnet de la ville est bien plus difficile que de commettre des crimes ordinaires.

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    Ralph et Toko vont s’échapper du pénitencier 

    Mais il a d’autres ambitions, il va s’attaquer directement aux gros bonnets de la ville qui gère les paris clandestin et le crime et qui sont protégés par la police. Pour cela il va utiliser Webber. Son coup va réussir. Tandis que Webber et Reece ne savent pas quoi faire pour se débarrasser de Ralph, Margaret et son père reviennent à la charge et finalement le père lui annonce qu’il n’a pas utilisé l’annulation, que le mariage est toujours valide et qu’il faudra qu’il veille sur les millions de dollars de Margaret. Dobson est motivé par le fait que sa fille est difficile à caser, qu’elle semble avoir enfin trouvé son maître, et aussi par son honnêteté apparente. Mais Ralph accumule d’autres difficultés, d’abord du côté de Holiday qui est de plus en plus mécontent de lui et qui le méprise, mais surtout qui va apprendre qu’il est à l’origine de la mort de son frère. Elle va finir par l’abattre.

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    Reece et Webber viennent racketter Ralph 

    Le roman a été écrit à la première personne. Et surtout il ne révèle aucune bonté, aucune grandeur d’âme. Ralph est mauvais, c’est un psychopathe, lâche, corrompu, toujours prompt à trahir. Mais Holiday ne vaut pas mieux, c’est une garce qui file doux parce qu’elle a peur de Ralph, ce qui n’empêche pas de le tromper avec Jinx. Ceux qui sont sensés être du bon côté de la loi, sont tout aussi répugnant. Les flics, bien sûr, mais aussi les gardiens du pénitencier qu’on peut acheter pour presque rien, et l’avocat marron. C’est toute la société qui est corrompue et qui vit dans le mensonge.

    Donnons quelques passages qui expriment bien le style de McCoy et qui en font un continuateur d’Hammett :

    « Je me disais qu’il serait bien agréable d’enfoncer la lampe à souder dans la gorge de Mason et de lui ouvrir dans le crâne un trou assez lourd pour y passer le pied » p. 60.

    « Asseyez-vous donc. Je m’excuse encore une fois de vous avoir fait attendre, mais j’ai eu un tas d’ennuis depuis trois heures de l’après-midi. Ces salauds ont déclenchés une grève dans mes usines.

    C’est lamentable, dis-je.

    C’est lamentable pour eux. D’ici une semaine, ils feront la queue à la soupe populaire, je ferais le nécessaire pour ça. J’ai ici une police particulièrement bien entraînée pour briser les grèves, et une Garde Nationale spécialisée dans le ramassage des fortes têtes. Sans compter quelques organisations patriotiques qui brandiront la bannière étoilée pendant le nettoyage… » p. 265. 

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          Ralph règle son compte à Manson 

    Le film suit assez bien la trame du roman, mais il y a des changements importants qui a mon avis affadissent l’histoire. D’abord le film s’ouvre sur le procès de tous ces gens corrompus, et se sont des flash-backs qui vont raconter approximativement la même histoire que celle d’Horace McCoy. Le message est clair : malgré la corruption, la justice triomphe du mal. Ce qui n’a rien à voir avec l’esprit de McCoy. Ensuite, dans le film Holiday est simplement d’une jalousie maladive et veut garder Ralph pour elle seule. Là encore c’est une trahison de l’esprit de McCoy qui fait de la femme l’égale de l’homme dans la noirceur… y’a pas de raison de faire autrement. Autre changement un peu mineur, c’est le personnage de Ralph. Dans le livre comme dans le film c’est bien un psychopathe – pour cette raison on l’a rapproché de Cody de White heat qu’il avait tourné l’année précédente – mais dans le roman il est en plus lâche, plus intellectuel aussi. 

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          Chez le docteur Green Ralph rencontre Margaret 

    C’est assez fréquent cependant que les romans noirs soient plus audacieux et moins contraints que les films qui les adaptent. On a vu cela avec Le guet-apens  de Thompson porté à l’écran par Peckinpah. Une fois admises ces restrictions, le sentiment que l’on a en voyant ce film est assez ambigu. Il y a  quelques bonnes scènes de pure violence – par exemple quand Ralph règle son compte à Manson, ou quand il massacre le directeur du supermarché, quand il frappe Holiday avec une serviette mouillée, etc. Mais la mise en scène de Gordon Douglas, dont c’était le premier long métrage, est paresseuse, comme s’il n’aimait pas son sujet, il n’y a pas d’ampleur, de profondeur de champ. C’est étriqué. Les poursuites en voitures sont médiocrement filmées avec des transparences risibles. L’attaque des hommes de main du patron des bookmakers est escamotée, simplement tournée à l’intérieur de la voiture.

     

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    Ralph et l’avocat piègent Webber 

    Reste les acteurs. Probablement c’est ce qui, avec le scénario, sauve le film. Bien que James Cagney soit un peu vieux pour jouer Ralph, il a toujours cette rage instinctive qui le rend crédible dans les scènes de colère. Le film est produit par lui, c’est un véhicule à sa gloire. Mis à part quelques scènes où il cabotine, il est très bon, particulièrement quand il prépare ses accès de violence. Holiday est interprétée par Barbara Payton, actrice plus que mineure qui joua surtout dans des westerns de seconde catégorie. Mais elle est très bien, à la fois enragée, roublarde et amoureuse. Ensuite il y a les flics, avec en tête Ward Bond – cette canaille anti-communiste – qui est Webber, promenant sa raideur et sa carrure au-delà de la mêlée. C’est un de ses meilleurs rôles – on l’a trop souvent vu faire le pitre chez John Ford.  

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          Ralph va racketter à son tour le gros bookmaker de la ville en se faisant passer pour un policier

     La distribution est complétée par des habitués du film noir, comme Steve Brodie qui joue Jinx, ou Barton MacLane qui interprète Reece.

    En tous les cas, le film se laisse voir et malgré toutes les restrictions qu’on a dites, il nous rappelle aussi bien qu’Horace McCoy est un très grand auteur de romans noirs, et que James Cagney était aussi un très grand acteur.  

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    Holiday ne supporte pas que Ralph veuille la quitter et surtout qu’il ait tué son frère

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    Voilà un roman bien plus compliqué qu’il n’y parait à commenter. C’est une histoire d’espionnage. Un anglais alcooliques, journaliste engagé très à gauche, menant aussi une vie de débauche est amené à espionner pour le compte du Guépéou, plus ou moins par conviction, et plus ou moins pour de l’argent. L’action se passe au moment de la conférence de Gênes, en 1922, quand les soviétiques se mirent à collaborer avec le monde occidental.  Descendant en train vers l’Italie, notre héros est amené avec l’aide d’un journaliste américain à tuer un agent du contre-espionnage français. A Gênes, on ne sait plus vraiment qui est qui, d’autant que se mêlent aussi bien les diverses fractions du parti bolchévique qui luttent pour le pouvoir ou pour leur survie, que des Russes blancs qui sont aussi manipulés par les services d’espionnage anglais. Les fascistes ne sont pas en reste dans les sombres magouilles.

    L’ensemble est bien documenté, et écrit dans une langue suffisamment traditionnelle pour que nous soit restitué un parfum d’époque. L’histoire tient assez bien la route et se lit facilement. Ce qui étonne par contre c’est le ton. Slocombe avait écrit un bref récit, Monsieur le commandant, qui avait connu en 2011 un gros succès. Mais cette fois le roman est bien plus gros, et cela engendre des ruptures de ton un peu problématiques. Au début on se croit dans un roman d’Éric Ambler, un des plus grands auteurs de romans d’espionnage, avec un ton un peu léger et ironique. Mais au fur et à mesure que l’ouvrage s’avance, le récit devient de plus en plus tragique. Ce changement de pied déroute un petit peu. Si le début est un peu sautillant et « rigolo », la fin est franchement dramatique. Ça manque un peu d’unité quoi

    Au-delà de l’écriture proprement dite, il y a aussi un point de vue politique qu’on ne saurait négliger. D’abord le titre, il rappelle – sans que l’on sache si cela est fait exprès – un autre titre de roman noir, Abattoir ensoleillé de Léo Malet. Et du reste la tonalité politique des deux romans est semblable : car Slocombe, s’il fait un effort pour comprendre l’enthousiasme qu’engendra la Révolution russe, défend un point de vue anarchiste. Il montre incidemment comment le parti bolchévique a confisqué la révolution en éliminant toute l’opposition, et en la vidant de son sens. Il y aussi des réflexions sur Staline et Mussolini qui ont comme point commun d’aimer d’abord l’argent et une capacité à se vendre à celui qui leur en donne le plus. L’idéal n’est pas de mise ici.

     

    En tous les cas si le héros n’est guère reluisant, le récit est attachant et le contexte très intéressant. C’est une manière aussi de nous rafraîchir la mémoire au moment où on commence à sentir les tensions monter.

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    Gilbert Nodier est un petit délinquant, il rentre, il sort de prison, commettant des agressions minables le plus souvent. Toujours un peu dépressif et violent, il finit par rencontrer en prison Serge Donati qui lui n’a rien trouvé de mieux que d’attaquer les prostituées dans le bois de Boulogne. Serge et Gilbert vont s’associer avec Maurice dont la femme, Ginette, tient un bistrot de quartier. Lors d’une agression aussi minable que les précédentes, Gilbert va être sauvé par Liliane, une prostituée dont il va tomber amoureux et qu’il va épouser. Ce quatuor va commettre des agressions un peu partout, jusqu’au jour où une prostituée que Serge avait agressée va le reconnaître chez Ginette. Elle va évidemment prévenir d’autres voyous qui vont se venger sur le bar de Ginette qu’ils mettent à l’amende. Gilbert ne l’entend pas de cette oreille et va tenter de rencontrer le chef de cette bande. Une embrouille survient et Cerutti qui tient un bordel, est tué. La police va finir par coincer le quatuor. Liliane qui est en liberté provisoire va tenter de faire sortir Gilbert et Serge en pénétrant dans le palais de justice. Ils prennent alors le juge et son greffier en otage et s’enfuit. Après une cavale désespérée, traqués par la police ils sont arrêtés presque par hasard.

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    Gilbert rentre et sort de prison 

    Ce film d’Edouard Molinaro est typique du cinéma des années soixante-dix. C’est-à-dire qu’il met en scène des petits voyous d’une manière plutôt réaliste, sans les présenter comme des sortes de héros romantiques. Ces délinquants sont assez irresponsables et ne présentent en rien un plan de carrière crédible. Gilbert lui manifeste carrément des tendances suicidaires, mais Liliane est encore plus inconscient que lui, elle n’aurait d’ailleurs pas hésité à tuer leur dernier otage, une jeune femme, sans l’intervention de Gilbert. Leur arrestation procède aussi de cette inconséquence. Ça se passe presque par hasard, ils tombent nez à nez avec une patrouille de police secours. Le scénario est dû à Alphonse Boudard qui ne peut pas s’empêcher de porter un regard très ironique sur ces petits délinquants. La scène de l’arrestation du quatuor dans une auberge à l’extérieur de Paris sera reprise par lui dans le très bon Flic story de Jacques Deray deux ans plus tard. 

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    Liliane sauve Gilbert 

    Le scénario est certes un peu paresseux, mais il ménage quelques scènes très intéressantes, très naturalistes en ce qui concerne les mœurs des petits voyous de l’époque. On dit qu’il a été inspiré d’une histoire vraie. Je le crois assez volontiers, il y a un naturalisme naïf qui ne trompe pas. Les scènes de bar, le comportement des voyous, fait d’amitié et d’inconscience dans l’imprévision des lendemains est tout à fait typique de cette époque. C’est d’ailleurs à cette époque que Mesrine défrayera la chronique. Egalement on retiendra la longue cavale finale quand le trio erre dans Paris à la recherche d’une improbable issue, fatigués, sans moyens, ils sont complètement misérables. Le portrait de Liliane aussi est très bon, cette espèce de folie qui de temps à autre s’empare des femmes et qui les pousse vers le précipice pour le plaisir de la jouissance de l’instant.

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    Liliane prostituée intellectuelle veut participer aux agressions 

    La distribution est plutôt atypique. Je crois que c’est le seul premier rôle de Daniel Cauchy qui, s’il a eu une longue habitude dans l’interprétation des petits voyous, a toujours été cantonné à des seconds rôles. Il est très bien ici, il a tout à fait l’allure du petit voyou un peu romantique, un peu énervé. Daniel Cauchy a semble-t-il été très impliqué puisqu’il est signalé comme co-producteur du film. Plus étonnant est d’avoir confié un rôle de voyelle à Bulle Ogier qui à cette époque était plutôt cataloguée comme une actrice de films d’auteur avec tout ce que cela comporte d’intellectualisme. Probablement qu’à cette époque elle cherchait à casser cette image qui la poursuivait depuis au moins La salamandre puisqu’elle récidivera dans un autre polar à la sauce des années soixante-dix en tournant l’année suivante Bel ordure de Jean Marboeuf. Elle n’est pas mal dans ce rôle, mais elle n’atteint pas les sommets comme dans les films de Jacques Rivette ou d’Alain Tanner. Le reste de la distribution est assez terne tout de même.

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    Gilbert et Liliane se marient

     Sur le plan cinématographique, il n’y a rien de marquant, mais Molinaro n’a jamais été un brillant technicien, quoiqu’il ait réalisé quelques films noirs intéressants au début de sa carrière comme Le dos au mur d’après un roman de Frédéric Dard, ou Un témoin dans la ville avec Lino Ventura d’après un roman de Boileau et Narcejac. Il y a effectivement peu de scènes bien filmées, quelques rues de Paris au moment de la cavale finale, la sortie du bureau du juge d’instruction avec les otages. L’ensemble manque généralement d’ampleur et de profondeur de champ. C’est assez criant dans les scènes qui se passent en prison, on ressent mal ce sentiment d’étouffement qui est sensé expliquer les tendances neurasthéniques de Gilbert. Mais peut-être que cela est dû à un manque de moyens.

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    La maquerelle accueille Gilbert qui veut voir Cerruti 

    Il reste au final un petit polar pas désagréable à regarder, très réaliste avec cet arrière-plan un peu misérable représenté par la lassitude des parents de Gilbert, presqu’un témoignage sur la petite délinquance des années soixante-dix quand on croyait que tout était possible. Je dirais seulement qu’il y manque un peu d’émotion.

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    Gilbert et Liliane prennent le juge en otage

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