•  Contre-enquête, Q & A, Sidney Lumet, 1990

    Q & A est tellement dans la veine de Serpico et de The prince of the city, qu’on a parlé à son propos de la clôture d’une trilogie newyorkaise. C’est un autre très bon Lumet. Sans doute Lumet vieillissant le film est un peu plus sombre, un peu plus désespéré. Certes la corruption est généralisée, comme dans les autres films de Lumet dont nous avons parlé, mais cette fois il n’y a pas d’issue. Dans Serpico ou dans The prince of the city, les personnages étaient meurtris, assez désabusés, mais ils leur restaient une espérance qui ici a disparu complètement. Comme à son habitude, Lumet s’est appuyé sur un ouvrage très fort pour construire son scénario. Le sujet est en effet dû à Edwin Torres, un juge de la Cour suprême de l’Etat de New York qui est aussi l’auteur du livre à l’origine d’un des rares bons films de Brian de Palma, Carlito’s way. Et sans doute ce qui l’a attiré est aussi bien cette sorte de méditation sur la corruption et ses conséquences que la précision réaliste de la description de ses méandres.

      Contre-enquête, Q & A, Sidney Lumet, 1990

    En pleine nuit, le jeune Al Reilly est appelé par son supérieur pour enregistrer la déposition d’un policier, Mike Brennan, qui vient d’abattre un petit bandit portoricain en état de légitime défense. Toutefois le spectateur sait déjà qu’il s’agit d’un assassinat. Ce qui devait être une simple affaire de routine va devenir très compliqué, car non seulement des témoins plus ou moins fiables car opérant dans le crime organisé affirme que Brennan a tué un homme sans défense, mais un de ces témoins s’est mis à la colle avec l’ex-petite amie de Reilly. Celui-ci va se trouver rapidement à porte-à-faux avec sa hiérarchie et va se confier à un procureur qui est intéressé à la fois par la mise au rebut de Brennan et de Quinn. Parallèlement à cette guerre interne à la police et la justice, Texador comprend que Brennan veut le tuer, il va donc demander de l’aide à la mafia italienne qui en réalité emploie aussi Brennan pour un certain nombre de contrats. Mais Brennan est rusé et efficace en sus d’être brutal et il va se mettre sur la piste du dernier témoin qui peut lui nuire. Il le poursuivra jusqu’à San Juan, l’éliminera et tuera également Texador, mais ses jours sont comptés car les choses ont été trop loin. Cependant, l’affaire en restera là et l’impossibilité de poursuivre jusqu’au bout Quinn amènera Reilly a donné sa démission.

     Contre-enquête, Q & A, Sidney Lumet, 1990 

    Le procureur Quinn confie l’affaire à Reilly 

    C’est donc un scénario compliqué comme les aime Lumet, centré sur la notion de culpabilité : pour lui les flics sont majoritairement catholiques et donc ils ont une grande propension à vouloir se racheter de leurs fautes. Certes la fin est un peu lénifiante, et l’histoire d’amour entre Reilly et Nancy est un peu tirée par les cheveux, même si pour pimenter la sauce on y a greffé par-dessus une sombre querelle de racisme. Mais l’ensemble tient assez bien la route. L’intérêt est soutenu par l’opposition traditionnelle entre le vieux flic un peu véreux, brutal, raciste et rusé, et le petit juge blanc-bec, qui se caparaçonne derrière un rigoriste un peu borné. D’ailleurs ce rigorisme juridique est tout à fait le contrepoint de sa raideur dans les relations avec Nancy qu’il a lui-même écarté de son chemin. Bien que le personnage de Brennan soit intéressant, il est insuffisamment fouillé. En effet on ne sait rien de ses motivations profondes. Il est un peu trop présenté comme une machine, même si finalement il échappe au contrôle que la mafia veut exercer sur lui. Comme dans Serpico le jeune Reilly est opposé à un vieux flic expérimenté et roublard, un homme qui a l’expérience de la rue.

    Contre-enquête, Q & A, Sidney Lumet, 1990 

    Brennan fait sa déposition 

    C’est un Lumet où, si les personnages s’affrontent dans des rhétoriques aussi verbeuses, il y a beaucoup de scènes d’action. Et cela bien sûr grâce au personnage de Brennan qui n’hésite pas à employer les grands moyens pour éliminer les gêneurs, dès lors qu’il se sent menacé. C’est une brute dans toute son efficacité. Il assassine les travestis, mais fait aussi exploser les bateaux. C’est un des films de Lumet parmi les plus violents. Il n’hésite d’ailleurs pas à recycler des scènes vues ailleurs, on pense à ces tueurs de la mafia qui s’introduisent par la fenêtre pour occire les gardes du corps de Franconi, cela vient du troisième épisode du Parrain de Coppola. A l’évidence aussi Lumet a retenu les leçons de cinéma de Melville. Déjà dans The prince of the city il s’inspirait du Samouraï pour les scènes sur le pont de chemin de fer, mais ici il utilise la mobilité de la caméra pour tourner autour de ses personnages dans le bureau de Reilly, un peu à la manière du Doulos et du fameux plan séquence de l’interrogatoire de Reggiani. Bien évidemment l’inspiration n’est pas le plagiat, après tout Melville lui-même s’était inspiré souvent de Rudolph Maté sans que cela nuise à son originalité.

     Contre-enquête, Q & A, Sidney Lumet, 1990 

    L’avocat fait semblant de protéger les témoins 

    L’interprétation est éclatée entre des caractères très opposés. Il y a d’abord le spectaculaire Brennan incarné par Nick Nolte qui a déjà interprété ce type de flic dans Affliction ou dans les hommes de l’ombre. Il est comme souvent excellent. Ici il est un fauve furieux, sûr de sa force et de ses colères, jouant de ses larges épaules. Reilly est incarné par le pâle Timothy Hutton, mais ce n’est pas gênant parce que le rôle qu’il interprète demande ce genre de physique un peu lisse et un peu raide, sans humour. Texador, le mafieux portoricain qui est fatigué de la vie dérisoire qu’il mène est joué par Armand Assante qui est très bien, quoiqu’un peu plus convenu sans doute que ses deux partenaires dans ce trio bizarre. Il ne croit plus non plus à sa force, et c’est plus par routine qu’il continue à lutter. Comme toujours ce sont les personnages féminins qui se font remarquer par leur absence. Le seul caractère un peu dessiné est celui de Nancy, interprétée par la propre fille de Sidney Lumet, Jenny Lumet[1]. Mais comme je l’ai dit ce personnage est un peu rapporté, et il est difficile de lui donner beaucoup de densité. On reconnaitra quelques acteurs connus comme Patrick O’Neal dans le rôle de Quinn. Le très bon Luis Gusman dans le rôle du flic portoricain, ou encore Charles Dutton dans celui de Chappie le flic noir à qui ce raciste de Brennan a sauvé la vie !

     Contre-enquête, Q & A, Sidney Lumet, 1990 

    Brennnan explique comment il voit son rôle de gardien de la loi 

    On retrouve encore une fois cette capacité à se saisir des décors réels, montrer des endroits un peu incongrus de New-York comme la rue où loge la mère de Nancy[2]. La pluie, les parebrises mal essuyés des voitures de police, les palissades qui masquent des chantiers, les murs décrépis, tous ces éléments qui attestent de la vie réelle et glauque de la ville. C’est à tel point qu’on se demande si Lumet sait vraiment filmer autre chose de New-York ! Mais oui ! La preuve, il filme à la perfection les bavardages et les tensions qui en résultent entre les protagonistes. Il y a là une vraie science de l’alternance des plans moyens et des gros plans, de la multiplication des angles qui marque la montée de la tension. Et puis il y aussi toutes ces scènes qui se trouvent dans des espaces fermés, les boîtes de nuit, les bureaux, les loges d’artistes.

     Contre-enquête, Q & A, Sidney Lumet, 1990 

    Reilly retourne au domicile de la mère de son ex-petite amie 

    On ressent comme je l’ai dit une grande amertume à la vision de ce film. La raison en provient sans doute pour partie de cette division des populations qui va jusqu’à la haine, que ce soit envers les travestis drogués ou entre les différentes communautés qui font New-York. Les négros et les youpins, les latinos et les irlandais tous se détestent cordialement et se méprisent, s’insultent copieusement sous le couvert d’une ironie grinçante. Ce que ne montraient pas justement les précédents films de Lumet est ici un argument moteur de la narration. Reilly a reçu un choc terrible quand il a appris que le père de Nancy était noir et cela a conduit à la rupture. Cette impossibilité de se comprendre est encore plus évidente quand Brennan met en scène l’idée que se font les travestis de lui : il serait en fait un homosexuel refoulé. Mais Brennan se sert de cette idée peut-être fausse, peut-être vraie, pour liquider justement des témoins très gênants. Toutes les scènes entre Brennan et les travestis, ceux qui se prostituent dans la rue ou ceux qui se donnent en spectacle dans des boîtes de nuit, sont d’une très grande ambigüité, non seulement parce que le policier semble attiré par eux, mais aussi parce que les travestis même s’ils ont peur de lui sont fascinés par sa brutalité et la souhaitent.

     Contre-enquête, Q & A, Sidney Lumet, 1990 

    Brennan menace un travesti 

    C’est encore un Sidney Lumet incontournable pour les amateurs de films noirs dont il connaissait tous les codes autant qu’il avait la capacité de les dépasser. En le revoyant je me suis dit qu’il était étrange de faire un rapprochement entre Melville et Lumet, le premier évitant autant que faire se peut le réalisme, alors que le second le revendique comme essentiel à son œuvre. Mais ce qui les réunit est d’abord la recherche d’une vérité essentielle. Ce n’est pas un hasard si Melville comme Lumet met l’accent sur cette vérité selon laquelle tout le monde est coupable. 

     


    [1] Elle est aussi incidemment la petite fille de la grande Lena Horne dont Lumet a épousé la fille.

    [2] On l’a déjà vue dans un autre film, mais je ne me souviens plus lequel.

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  • Le prince de New York, Prince of the city, Sidney Lumet, 1981

    C’est un très bon film noir qui est passé plutôt inaperçu lors de sa sortie et qui continue, malgré une tendance à la réhabilitation de Sidney Lumet, à rester ignoré. J’ai essayé de comprendre en le revoyant pourquoi le public n’a pas suivi. A mon sens cela vient d’abord de la trop grande complexité du scénario. Le point de départ est un ouvrage de Robert Daley, ancien policier du NYPD, il a été ensuite aussi l’auteur de L’année du dragon qui fut adapté de belle manière par Michael Cimino. Le scénario a été rédigé par Sidney Lumet lui-même avec l’aide de Jay Presson Allen qui avait travaillé sur Marnie d’Hitchcock, mais aussi sur Cabaret et avec Vincente Minelli. Elle retravaillera d’ailleurs avec Lumet sur un film mineur de celui-ci, Piège mortel.

    Le prince de New York, Prince of the city, Sidney Lumet, 1981  

    L’histoire est celle de Daniel Ciello, le chef d’une équipe de la brigade des stupéfiants qui a des succès considérables. C’est une équipe très soudée. Certes de temps en temps elle s’accommode un eu de la loi, mais dans l’ensemble tout se passe bien. Jusqu’au moment où une équipe des affaires internes va lui tomber dessus pour lui demander de coopérer et de faire tomber aussi bien un avocat véreux de la mafia, que des flics corrompus qui touchent de l’argent. Danny trouve là l’opportunité de se mettre au clair avec les petits passe-droits qu’il a effectués durant sa carrière. Il demande seulement à ne pas citer ses anciens coéquipiers. Le cauchemar ne fait que commencer. Il va porter un micro pour piéger ceux qu’il rencontre, mais ce n’est pas ce qui lui fait le plus peur, c’est même presqu’un jeu. Le plus inquiétant est que l’enquête va durer des années, et qu’au fil du temps tout le monde va savoir qu’il balance. Dès lors sa vie et celle de sa famille vont être menacées. Il lui faudra se planquer, être protégé en permanence. Son cousin, travaillant pour la mafia, sera assassiné. La complexité de la loi est telle que Danny risque d’être accusé de parjure et d’entraîner dans sa perte l’ensemble de ses anciens coéquipiers. Le procureur, les juges vont s’acharner sur cette équipe, la diviser, la réduire en bouillie, les montant les uns contre les autres. Certains en mourront.

     Le prince de New York, Prince of the city, Sidney Lumet, 1981 

    La brigade dirigée par Danny Ciello va de succès en succès 

    La première partie du film met en avant le passage de Ciello de la brigade des stupéfiants au rôle de balance. La seconde décrit comment le système travaille contre des gens qui pourtant ne songent qu’à bien faire. C’est le côté malsain des affaires internes et des procureurs qui poursuivent les policiers : ils demandent des confessions, un acte de contrition qui n’en finit jamais, qui ne peut pas finir. Le policier devient alors un criminel qu’il faut poursuivre, punir, éradiquer. Cette manière démente de traquer le mal est portée particulièrement par le procureur Polito qui se moque bien des dégâts que cela peut faire, pour lui la rigueur de la loi ne doit souffrir aucune exception. Et donc il sera le plus acharné à détruire Ciello alors même que celui-ci l’a aidé. Mais la justice n’est pas la seule à être travaillée par l’ambiguïté. Ciello lui-même a des déterminations très incertaines. Pourquoi balance-t-il ? Est-ce parce qu’il est catholique et qu’il est travaillé par le besoin de rachat ? Gus Levy, l’inspecteur juif de la brigade, lui est sûr de son bon droit, et n’ayant rien à se faire pardonner, décide de ne pas coopérer comme on dit. Comme on le voit, le cœur du problème est celui de la culpabilité, et cette ligne incertaine qui partage le bien du mal dans des situations explosives.

     Le prince de New York, Prince of the city, Sidney Lumet, 1981 

    Danny va aider la justice à enquêter sur la corruption dans la police 

    C’est donc un film très complexe, bien plus que ne l’était Serpico. Ce dernier n’avait aucun état d’âme. Même si son travail de déminage de la corruption était dangereux et difficile, il savait pourquoi il l’entreprenait. Cette complexité scénaristique s’accompagne d’une complexité de mise en scène. En effet, on retrouve tout ce qui a fait le succès des films noirs de Lumet : cette capacité à saisir les décors naturels, les rues de New York, les imposantes architectures des bâtiments administratifs. Il en tire aussi bien une profondeur spatiale et une densité très vivante que des figures géométriques étonnantes, l’art de tirer des diagonales par exemple. Quelques scènes d’action sont aussi très rondement menées. Mais ce n’est sans doute pas là le plus étonnant. C’est plutôt la deuxième partie où les gros plans resserrés analysent la tension qui n’en finit pas de monter entre les différents protagonistes qui restent souvent sans voix. 

    Le prince de New York, Prince of the city, Sidney Lumet, 1981 

    Il portera un micro 

    Le film est très long, 2 h 40, mais c’est nécessaire pour comprendre la transformation des personnages. Et encore les rapports entre Ciello et sa femme ont été à peine évoqués. Certes on comprend bien que celle-ci n’approuve pas la démarche de son mari, elle sera d’ailleurs la première à le mettre en garde contre le caractère sournois des procureurs. Mais c’est égal, elle le soutient tout de même jusqu’au bout, alors même que l’enquête puis le procès n’en finissent pas. Ce qui oppose d’ailleurs Ciello à Mayo qui lui n’a pas cette chance et qui se suicidera. Ciello suit son chemin de croix, tout le monde se détourne de lui, et même à la fin quand il redevient moniteur pour les policiers en formation, l’un des participants lui fait comprendre qu’il n’est plus des leurs parce qu’il a manqué au devoir de solidarité. Il sera même stupéfait lorsqu’un dealer lui crachera au visage dans le bureau du procureur : il n’est plus un représentant de la loi respecté, mais un simple traitre à sa cause. C’est un homme seul, exclu de sa famille, tenu à distance par ses collègues qui se méfient de lui.

    Le prince de New York, Prince of the city, Sidney Lumet, 1981  

    La mafia soupçonne Danny d’être une balance 

    Malgré leur côté colorés, les mafieux et leurs avocats ne sont pas très présents, ils ne sont que des pièces d’un jeu qui se joue finalement ailleurs. Certes, ils sont là avec leurs rites désuets et la peur qu’ils peuvent générer. Le cousin de Danny sera d’ailleurs assassiné et flanqué dans une poubelle. Danny devra se barricader et resté sous protection policières pendant de longues années. Mais ce n’est pas un film sur la mafia, ni même un film sur la police, c’est un film noir parce qu’il traite d’abord de l’âme humaine et de l'ambiguïté quant aux décisions que parfois nous devons prendre.

     Le prince de New York, Prince of the city, Sidney Lumet, 1981 

    Danny donne des rendez-vous clandestins

    L’interprétation est portée de bout en bout par Treat Williams, à la fois solide et entreprenant, et fragile et pessimiste sur les chances qu’il a de s’en sortir. Il n’a jamais retrouvé un rôle aussi important. Mais je l’ai déjà dit, Lumet est un très bon directeur d’acteurs, et tous les acteurs sont excellents. Sans doute le plus étonnant est James Tolkan qui incarne le rigoriste procureur Polito. Il a cette immobilité de visage qui masque et révèle en même temps la dangerosité du personnage. On se demande même si ce n’est pas lui qui, à force de puritanisme intransigeant, est le plus criminel. Les acteurs sont peu connus, on retrouvera tout de même le très bon Jerry Orbach dans le rôle de Gus Levy. Bien sûr un tel film ne peut se faire sans qu’il y ait aussi des têtes très particulières pour incarner les mafieux qui par nature sont plus remarquables que les fonctionnaires du département de la justice. Ron Karabatsos est Benedetto avec la violence et la truculence nécessaire. Tony Munafo est l’autre grand mafieux, Rocky Gazzo. Ce n’est pas un film de femme, et encore une fois les personnages féminins ne sont pas très présents, mais Lindsay Grouse est excellente dans le rôle de l’épouse maternelle et présente. 

    Le prince de New York, Prince of the city, Sidney Lumet, 1981

    Le cousin de Danny lui annonce qu’un contrat est sur sa tête 

    On retiendra quelques scènes étonnantes, la rencontre entre Ciello et The King, ce dernier qui était le roi de la ville il y a peu est maintenant dans la débine, la justice lui ayant confisqué tous les biens qu’il avait pu acquérir avec l’argent de la corruption. Ou encore le délibéré des procureurs qui se demandent s’ils vont ou non poursuivre Ciello pour parjure. Ils sont là, bien tranquilles, derrière les jalousies, dans l’ombre de leurs certitudes, comme un contraste avec la vie risquée des policiers  qui sont sur le terrain. Ou encore cette immense pitié qui prend Ciello lorsqu’il est confronté à la misère des deux junkies qui se battent pour leur dose d’héroïne.

     Le prince de New York, Prince of the city, Sidney Lumet, 1981 

    Le King, ruiné, interpelle Danny 

    C’est un très bon film noir, avec toute l’amertume nécessaire portée par une ville qui ne sait plus que faire pour relever la tête et qui s’enfonce dans la turpitude et la corruption. Il serait trop facile de dire que seul un newyorkais comme Lumet était capable de le réaliser avec autant de vérité. Le film n’a connu aucun succès, ni public, ni critique, au moment de sa sortie. Je me souviens l’avoir vu dans une petite salle, alors que les grandes salles de première exclusivité ne l’avaient pas distribué. Mais avec le temps c’est un film qui est reconnu pour ce qu’il est : un très grand film noir parfaitement maîtrisé. 

    Le prince de New York, Prince of the city, Sidney Lumet, 1981

    Danny est un homme seul, Mayo s’est suicidé

     Le prince de New York, Prince of the city, Sidney Lumet, 1981 

    Dans l’ombre feutrée de son bureau, le procureur en chef doit décider ou non de poursuivre Ciello au nom du gouvernment

     Le prince de New York, Prince of the city, Sidney Lumet, 1981 

     Le prince de New York, Prince of the city, Sidney Lumet, 1981

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  •  Serpico, Sidney Lumet, 1973

    Le film noir se penche souvent sur la vie ordinaire tout autant qu’ambiguë des policiers, aussi bien en ce qui concerne les rapports qu’elle a avec la population qu’elle doit protéger, qu’en ce qui concerne la corruption. C’est un thème qui a souvent été utilisé – on le trouve par exemple dans Le détetive de Gordon Douglas en filigrane[1]. Mais ici c’est le thème central. Serpico est inspiré de la vie de Frank Serpico dont Peter Maas, l’auteur des Valachi paper’s qui donna le film Cosa Nostra avait tiré un ouvrage à succès de son expérience dans la police newyorkaise. Ce dernier film parlait déjà d’un homme, Valachi, un tueur de la mafia, qui vendait sont organisation.  Ici c’est la police qui est balancée par une sorte d’intrus, Serpico. Sidney Lumet est aussi un grand réalisateur dont la thématique l’a éloigné d’un couronnement par la critique cinématographique. Mais même si tout n’est pas bon dans sa filmographie, on trouve quelques perles qui ont passé les années. Serpico en fait partie, l’épreuve du temps le confirme.

      Serpico, Sidney Lumet, 1973

    Frank Serpico est un flic atypique, non seulement il refuse l’usage de la violence aveugle qui se protège derrière son badge, mais il ne veut pas participer à la corruption généralisée de la police newyorkaise. Ayant de l’ambition dans la vie, il va tacher d’évoluer d’un service à l’autre. Mais rapidement sa situation va devenir intenable, car ne participant pas aux pots de vin, il est suspect aux yeux de ses collègues. Peu à peu il va se faire à l’idée qu’il doit combattre cette gangrène. Mais les choses sont difficiles, sa hiérarchie ne réagit pas comme elle devrait et il lui est difficile de faire confiance à ceux qui prétendent l‘aider. Pourtant, il va finir par trouver des hommes intègres avec qui il va pouvoir faire équipe. Pour secouer le cocotier, il ira jusqu’à mettre le New York Times dans le coup pour faire pression sur l’opinion publique et les édiles de la ville. Mais muté à la brigade des stupéfiants, il va tomber dans un piège monté par ses propres collègues et se faire tirer dessus en pleine face. Il ne mourra pas, rétabli il finira par témoigner devant une commission chargée d’épurer la police, puis il démissionnera.

     Serpico, Sidney Lumet, 1973 

    Serpico vient de se faire tirer dessus 

    Comme on le voit c’est une trame simple. C’est seulement dans la manière de traiter ce sujet que le film a un intérêt. En revoyant ce film on se dit que tout de même les années soixante-dix ont été des grandes années pour le cinéma, innovantes aussi dans la manière de faire. Le film s’ouvre sur Serpico abattu et transporté à l’hôpital dans un état critique. Tout de suite il est très entouré, et on comprend que pour beaucoup de policiers se serait un drame qu’il disparaisse. Le laissant là entre la vie et la mort, le film va reprendre l’histoire de Serpico à partir du moment où il intègre la police. Tout de suite on comprend qu’il est aussi bien un intrus chez les gens normaux qui se méfient de la police, qui la savent brutale et corrompue, et chez les policiers de qui il va se distinguer aussi bien par son intégrité et son acharnement au labeur que par son dégoût de la corruption. Assez rapidement il va adopter aussi un look très atypique : habitant Greenwich Village, il porte des cheveux et une longue barbe, mais aussi des tuniques et des jeans patte-d’éléphant, alors que ses collègues en sont encore au costume-cravate. Marginal de partout, il l’est même avec les femmes qu’il n’arrive pas à garder. Lorsque ce film est tourné, en 1973, nous sommes encore très près des grands mouvements revendicatifs qui, aux Etats-Unis comme en Europe, ont fait vaciller le système économique et politique. Mais c’est aussi une époque où les affaires de corruption ravagent la police qui mettra longtemps – au moins dix ans – à se remettre. 

     Serpico, Sidney Lumet, 1973 

    En prenant l’uniforme, Serpico ne sait pas ce qui l’attend 

    Le scénario mêle habilement le registre de la vie quotidienne et celui de la lutte contre la corruption : Serpico est un homme seul qui lutte contre le système sans être sûr qu’il fait toujours le bon choix. La très grande force de Sidney Lumet, newyorkais comme Al Pacino, est une utilisation particulièrement habile des décors naturels. Ce sera encore vrai dans un film excellent mais assez peu connu, Le prince de New York. On peut dire sans exagérer que cette manière de faire est une vraie révolution dans le cinéma. Les couloirs de l’hôpital public où atterrit Serpico sont vraiment crasseux, décrépis, et ils sont filmés comme ça. Les rues sont défoncées, les trottoirs jonchés de poubelles. Tout cela donne une vérité d’ensemble bien plus que documentaire, une vérité qu’on pourrait dire poétique si le mot n’était pas galvaudé. Rappelez-vous qu’à cette époque une grande partie de la ville était à l’abandon, des quartiers entiers détruits dans l’attente de la gentrification qui arrivera finalement à la fin des années soixante-dix et au début des années quatre-vingts. Mais au début des années soixante-dix New York est une ville en pleine régression, où les quartiers riches côtoient les quartiers moisis. Le délabrement matériel est le reflet du délabrement mental de la ville. Cette vérité des décors c’est aussi une vérité de la lumière et des couleurs.

     Serpico, Sidney Lumet, 1973 

    Les collègues vont tenter de l’acheter 

    Sidney Lumet sait aussi parfaitement filmer les rues et le trafic automobile, il utilise toute la largeur de l’écran pour saisir les carrefours et la mobilité. Il y a une scène assez étonnante où un policier poursuit un délinquant en remontant la rue en marche arrière sur plusieurs centaines de mètres. Mais ce n’est pas le spectaculaire de French Connection, le but n’est pas le même. C’est filmé presqu’à ras de terre, à la hauteur de Serpico si on veut. La scène où Serpico et son acolyte vont passer par les toits et l’escalier de secours est une belle scène d’action aussi. Bien qu’il y ait des scènes plus intimistes, avec ses femmes notamment, le film est centré tout de même sur la carrière du policier. Les femmes sont juste là comme contrepoint, pour montrer comment Serpico qui est sensé défendre l’ordre et la morale est aussi un vrai marginal dans l’âme.

    Serpico, Sidney Lumet, 1973  

    Au commissariat, il est considéré comme un pestiféré 

    L’interprétation est évidemment dominée par Al Pacino, tout juste auréolé de son succès dans La Parrain. Serpico intervient dans sa carrière juste après L’épouvantail de Jerry Schatzberg qui obtiendra la Palme d’or à Cannes en 1973. Autant dire qu’il est en pleine confiance. C’est seulement en vieillissant qu’il cabotinera de plus en plus. Mais à cette époque il est toujours assez juste quand il endosse le costume des gens ordinaires, un peu paumés, et même quand il se met en colère, il le fait avec retenu.. L’avantage de son interprétation est que son physique est assez proche de celui du vrai Serpico. Il incarne le doute, même si ce doute se marie avec l’obstination de ceux qui choisissent d’aller au bout de leur destin. Il regarde le monde d’une manière finalement assez inquiétante et on se dit que si sa deuxième maîtresse le quitte c’est parce qu’il n’est pas très normal. C’est tout cela qui passe dans les jeux de regard de Pacino. Pacino est entouré de « gueules » ce qui est nécessaire dans un film sur la police de New York. Parmi celles-ci on reconnaitra John Randolph qui lui vient en aide et qui lui donnera finalement la médaille d’or des inspecteurs. Il y a encore Tony Robert dans le rôle du jeune flic aux relations politiques étendues mais qui pour autant va l’aider dans son enquête contre la corruption. Les personnages féminins sont plutôt sacrifiés. Cornelia Sharpe qui incarne la première maitresse de Serpico n’a pour elle que sa plastique.  Barbara Eda-Young est plus intéressante, elle a ce profil des gens ordinaires – elle incarne une infirmière – c’est une actrice qu’on ne reverra plus au cinéma par la suite, elle fera toute sa carrière à la télévision.

     Serpico, Sidney Lumet, 1973 

    Serpico doit se défendre contre ses collègues 

    Le film est donc très bon, même si on se perd en conjectures sur les intentions véritables de Sidney Lumet. Certes au premier niveau il participe à cette critique d’un ordre social bancal et corrompu où l’argent est roi. Mais les images montrent finalement un Serpico beaucoup plus complexe : on a l’impression que celui-ci s’est donné une mission aussi bien parce qu’il s’ennuie que parce qui déteste profondément ses collègues qu’il regarde de haut. En effet, c’est un flic intellectuel, il lit, il va aux ballets, il y a même un échiquier chez lui. Les autres flics sont présentés comme principalement mus par la         cupidité et la  violence. Animé de la volonté de les racheter coûte que coûte, Serpico est une figure christique qui use même de la délation pour arriver à ses fins.  Toujours en train de juger les gens qui l’entourent, il se retrouve finalement complètement isolé, presque coupé de la réalité des choses de la vie.

    Serpico, Sidney Lumet, 1973  

    Ayant du mal à trouver des appuis, Serpico décide de balancer au New York Times 

    Le film eut un très bon succès des deux côtés de l’Atlantique, à tel point qu’on en fit une série télévisée. Pacino va retravailler encore avec Lumet sur Une après-midi de chien qui fit sensation à sa sortie puisque le thème était celui d’un petit voyou homosexuel qui braque une banque pour pouvoir payer l’opération qui permettra à son petit ami de changer de sexe !

     Serpico, Sidney Lumet, 1973 

    Serpico, la série télévisée 

    Quant au vrai Serpico, il est revenu plusieurs fois à la charge à travers des écrits pour continuer à dénoncer la corruption généralisée de l’Amérique et la violence de la police

    Serpico, Sidney Lumet, 1973  

    Le vrai Frank Serpico déposant devant la commission d’enquête

     Serpico, Sidney Lumet, 1973

    Frank Serpico aujourd’hui

    Serpico, Sidney Lumet, 1973

     

     


    [1] http://alexandreclement.eklablog.com/le-detective-the-detective-gordon-douglas-1968-a125915298

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  •  Paul Roussenq, Vingt-cinq ans de bagne, La manufacture de livres, 2016

    La littérature de bagnards a produit des œuvres étonnantes qui sont sans cesse rééditées et qui semblent à l’épreuve du temps, alors même que le bagne est une institution qui est tombée en désuétude depuis des décennies. Parmi les bagnards célèbres qui ont publié, il y a Clément Duval et bien sûr Alexandre Jacob dont j’avais parlé sur ce blog[1]. Paul Roussenq est un peu moins connu. Ce sont tous des anarchistes épris de liberté, des fortes personnalités qui ont survécu à l’enfer du bagne. Pierre Fourniaud qui dirige La manufacture de livres aime bien les histoires de bandits, de bagnards, voire de tatoués, de ces marginaux qui ne se laissent pas réduire par l’appareil de normalisation sociale. Il s’est donc fait une spécialité de ce type de publications. Il a doublement raison, d’abord parce que ces destins exceptionnels racontent des histoires incroyables de lutte pour la survie et pour la liberté, de courage et de mort. Ce qui est bien plus intéressant tout compte fait que la littérature intimiste dont nous abreuvent les prix littéraires.

    Mais ensuite, il y a si on peut dire le style. N’oublions pas le style car très souvent cet aspect est négligé quand on parle de cette littérature. En effet tous ces voyous et bagnards sont à quelques exceptions près des individus autodidactes, venant le plus souvent de milieux défavorisés, ils utilisent la langue qu’ils connaissent souvent matinée d’argot et de formules populaire. En ce sens ils appartiennent à ce que Poulaille appelait la littérature prolétarienne. Dans cet ensemble on rencontrera des stylistes de première grandeur, Alphonse Boudard, Auguste le Breton, voire même Alexandre Jacob. Certes ils ne finiront jamais à l’Académie Française ni dans la Pléiade, et pourtant combien il est plus passionnant de les lire que de se taper une œuvrette de Jean d’Ormesson qui sent un peu l’antimites. Si tous n’ont pas forcément une conscience de classe très développée, ils sont pourtant l’antithèse de la bourgeoisie et les porte-paroles quelque part du peuple. C’est un aspect souvent négligé quand on fait la recension de ce type d’ouvrage, mais il est pourtant décisif. Car ce style direct, comme un coup de poing à l’estomac est très souvent efficace et rarement ennuyeux.

    La plupart de ces auteurs pratiquent un art de  l’invective, une écriture brutale qui se moque des fioritures. Et pourtant malgré cela on comprend pour peu qu’on s’y attarde que pour eux l’écriture est bien plus essentielle et sérieuse que pour les écrivains de salon ou du commerce. C’est une chose grave. Une question de vie ou de mort.

    Voilà comment écrit Roussenq :

    « Société bourgeoise, société pourrie dans sa morale, dans ses mœurs et dans ses lois. Son bagne et à son image. Les manitous de ces bagnes, ses garde-chiourmes voleurs, ivrognes et assassins, sont des déchets du régime – ou plutôt le gratin crapuleux de ce régime – au même titre que les forçats qui sont sous leur férule. Loin de les amender, ils les contaminent : c’est ça le relèvement des condamnés ! »

     Paul Roussenq, Vingt-cinq ans de bagne, La manufacture de livres, 2016 

    Paul Roussenq est un irréductible. Issu du prolétariat agricole du sud de la France, il est né en 1885, il quitte le domicile familial très jeune et va fréquenter les milieux anarchistes qui à l’époque sont encore politiquement très actifs. Condamné pour des faits mineurs, vol et vagabondage, il va se retrouver dans les bataillons disciplinaires. Sa haine de l’armée et sa révolte contre l’autorité imbécile le fera finalement condamner à 20 ans de travaux forcés pour avoir mis le feu à sa literie. Au bagne, en accumulant les peines et les punitions, il restera 24 ans, la moitié de ce temps il le passera au cachot et enchaîné. Les campagnes menées en métropole contre le bagne finiront par attirer l’attention sur son cas, il sera mis fin à sa peine. Mais dans un premier temps il devra rester à Saint-Laurent du Maroni, pour ensuite être autorisé à revenir en France. En 1934 il publie Vingt-cinq ans de bagne. Il continue à militer pour le socialisme dans les rangs anarchistes et se fâchera avec les communistes lors de son retour de l’URSS. Mais les anarchistes sont à cette époque en perte de vitesse dans les luttes prolétariennes. Pendant la guerre, pacifiste intransigeant, il sera une fois de plus  interné par le gouvernement de Vichy à Sisteron où il rédigera ses mémoires qui seront publiées en 1957 sous le titre de L’enfer du bagne. En 1949, usé par les maladies qu'il a contracté au bagne, il mettra fin à ses jours.

     Paul Roussenq, Vingt-cinq ans de bagne, La manufacture de livres, 2016 

    Une exécution au bagne de Saint-Joseph 

    En rappelant rapidement ce parcours, on voit le parallèle qu’il y avec Alexandre Jacob. Tous les deux rentreront en guerre avec l’institution corrompue et corruptrice du bagne. Tous les deux seront soutenus par Albert Londres et par leur mère pour obtenir leur élargissement, puis tous les deux se suicideront sans rien renier de leurs idées. Ce sont deux personnages emblématiques d’une révolte jusqu’au-boutiste. Paul Roussenq critiquera violemment Albert Londres, car si ce dernier a fait énormément pour discréditer le bagne dans l’opinion française, il a en tant que journaliste approximatif raconté un peu n’importe quoi, faisant passer notamment Roussenq pour une sorte de fou furieux.

    Revenons à l’ouvrage proprement dit. Roussenq a bien moins écrit que Jacob qui n’a pas publié grand-chose de son vivant[2], mais il a édité en 1934 ces Vingt-cinq ans de bagne qui ont contribué par la force de leur témoignage à la campagne pour la fermeture des bagnes. son ouvrage est rédigé comme une somme de petits articles, un peu comme un dictionnaire où sont développés tel ou tel aspect de la vie des bagnards. Il montre évidemment que ceux qui sont chargés de punir et de garder les criminels sont par leur nature et par leur fonction encore plus criminels que les bagnards.

     Paul Roussenq, Vingt-cinq ans de bagne, La manufacture de livres, 2016

    Roussenq critique le bagne à la fois parce qu’il est un reflet hypocrite du capitalisme, un système d’exploitation meurtrier, et aussi parce qu’il ne remplit pas sa mission de « régénération et d’amendement » des condamnés. En effet les bagnards sont traités comme des sous-hommes, et d’ailleurs peu en sont revenus, soit qu’ils meurent durant l’accomplissement de leur peine, soit que la relégation les empêche de revenir en France. Car Roussenq admet bien volontiers que « les bagnards ne sont pas des anges », mais le système vise d’abord à les broyer et à les éliminer comme des humains inutiles pour la machine à fabriquer du profit. Plusieurs fois sous sa plume reviendra l’idée de produire des peines adaptées aux délits, mais il ne croît pas à la réforme des bagnes et pense que le bagne ne disparaîtra pas qu’avec le capitalisme. Il oppose du reste le système pénitentiaire français au système qu’il croit en vigueur en Russie. Mais cette vision un peu idyllique  de la Russie communiste ne durera pas. Quelques temps après avoir fait publier sous forme de brochure Vingt-cinq ans de bagne, il effectuera un voyage en Russie et rompra avec les communistes. Il y a tout de même une note d’espoir dans cet ouvrage sombre : Roussenq rend hommage à tous ceux qui de loin l’on aidé à sortir de cet enfer en faisant des recours, en alertant l’opinion publique, aussi en soutenant sa pauvre mère.

    Le texte de Vingt-cinq ans de bagne  a été maintes fois réédité. L’édition présente est illustrée de documents et se termine par la reproduction d’une longue poésie en alexandrins, L’enfer du bagne. L’ensemble est à la fois le portrait d’un homme révolté contre l’institution, et celui d’un système coercitif et mortel. 

    Liens 

    Le lien suivant permettra de mieux connaitre la personnalité de Paul Roussenq http://www.bagnedeguyane.fr/archives/p80-20.html

     

    Et celui-ci mène à une interview de Frank sénateur qui a assuré la réédition du texte de Roussenq

    http://www.atelierdecreationlibertaire.com/alexandre-jacob/2015/03/dix-questions-a-franck-senateur/

     



    [1] http://alexandreclement.eklablog.com/marius-jacob-heros-de-roman-selon-del-pappas-a114845188 et http://alexandreclement.eklablog.com/marius-jacob-heros-de-roman-selon-del-pappas-suite-a114845186

    [2] On trouve les écrits de Jacob réunis maintenant en un seul volume chez L’insomniaque dans une très belle édition.  

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  •  Kaput réédité dans l’édition originale

    C’est un événement littéraire d’importance pour tous ceux qui considèrent que Frédéric Dard est un des plus grands écrivains du XXème siècle. Le Fleuve vient de rééditer en un seul volume les quatre épisodes de la saga de Kaput, ce tueur mélancolique et violent que Frédéric Dard avait créé dans le milieu des années cinquante. C’est la huitième édition de ces aventures, mais la particularité de celle-ci est qu’elle respecte les éditions originales – seules quelques fautes d’orthographes élémentaires ont été corrigées. Certes on peut préférer les éditions originales illustrées par Gourdon, mais avec le temps elles sont devenues très fragiles, il vaut mieux les garder dans sa bibliothèque et relire Kaput dans cette nouvelle édition qui est solide et bien encollée

    En 1971 Frédéric Dard avait autorisé la réédition de ces textes qui pour l’occasion avaient été modernisés. Il l’avait autorisée, mais un peu du bout des lèvres, ne se rendant pas bien compte de leur importance littéraire. Sans doute cela venait-il aussi du fait qu’il avait produit ces ouvrages pour des raisons avant tout alimentaires, et que de voir exhumés ses textes anciens ne l’agréait pas forcément. J’avais donc lu les aventures de Kaput à cette époque. Depuis je les ai relus plusieurs fois, et ce dont je me rends compte c’est qu’à chaque fois l’image que j’en ai se bonifie. Il faut donc que les textes aient beaucoup de qualités pour franchir finalement les années avec autant de facilité.

      Kaput réédité dans l’édition originale

    Peu importe donc les circonstances dans lesquelles ces textes ont été écrits. Il suffit de savoir qu’ils interviennent dans la longue carrière de Frédéric Dard alors que les San-Antonio sont à peine en train de se faire connaître et que les « Spécial police » signés cette fois Frédéric Dard ne sont pas encore parus. Influencés par les romans noirs américains, les Kaput sont une étape décisive qui vont faire de Frédéric Dard un des maîtres incontestés du roman noir français, bien au-delà des San-Antonio.

      Kaput réédité dans l’édition originale

    En relisant les Kaput dans leur continuité, on est toujours assez surpris de l’inventivité de Frédéric Dard, cette façon de monter des histoires surprenantes, cette maîtrise dans la sobriété de la phrase et encore cette manière de camper des personnages étonnant. Pour ma part je préfère les deux premiers épisodes, je les trouve moins convenus que les deux derniers, même si dans ceux-ci il y a toujours des intrigues de qualité. si par exemple dans Mise à mort les démêlées de Kaput avec les boss du trafic de drogue sont assez prévisibles, cela est compensé par les relations que Kaput noue et développe avec Merveille. Il y a de la tendresse et de la violence mêlées ce qui sera une des marques de fabrique aussi bien des San-Antonio que des « Spécial police » signés Frédéric Dard.

      Kaput réédité dans l’édition originale

    Il faut souligner que Frédéric Dard qui recyclait beaucoup de ses histoires sous les différentes signatures qu’il utilisait – par exemple le thème des Salauds vont en enfer se retrouvera sous la signature de Frédéric Charles et sous le titre de Dernière mission – n’a pas utilisé ailleurs les thèmes développés par la saga des Kaput. C’est suffisamment rare pour être souligné. L’ensemble est donc parfaitement original et unique dans l’œuvre de Frédéric Dard. 

     Kaput réédité dans l’édition originale

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