• Diamants de sang, Diamanti sporchi di sangue, Fernando Di Leo, 1978  

    Ce film est un film de mafia, ou plutôt de voyous, la mafia en elle-même étant plutôt en arrière-plan. Il est tourné la même année que Padroni della citta’ et s’inscrit un peu dans la lignée de ce dernier film, sauf qu’ici c’est un sujet bien plus dramatique, sans une once d’humour. Le film, avec un scénario assez compliqué, présente une lointaine parenté avec Milano calibre 9 puisqu’il va reprendre le thème du truand qui sort de prison et qui va chercher à sa venger[1]. Du reste, le film devait s’intituler Roma calibre 9. Le sujet et le scénario sont de Fernando Di Leo, il est l’auteur complet. Mais à cette époque le poliziottesco est un genre beaucoup moins porteur, d’autant que la crise du cinéma commence à se faire sentir en Italie. En vérité à cette époque ce n’est pas seulement le poliziottesco qui souffre, mais tout le cinéma italien. Les salles vétustes se vident peu à peu et les distributeurs tentent de compenser cette perte de public en augmentant les prix, ce qui va faire sortir encore plus vite le cinéma de son rôle de loisir populaire. Outre le manque d’investissements dans les salles, l’autre problème est la déferlante des films à la télévision où le nombre de chaînes s’est multiplié. Cette décomposition du secteur va peu à peu détruire le cinéma italien qui laissera la place de partout dans le monde à l’hégémonie américaine, se contentant encore pour quelques années de jouer le jeu festivalier et tentant de s’orienter vers la production de prestige : le cinéma italien devenant presqu’aussi emmerdant que le cinéma français. 

    Diamants de sang, Diamanti sporchi di sangue, Fernando Di Leo, 1978

    Le bus est attaqué par des voyous

    Guido et Marco sont mis sur un coup, pour cela ils doivent ouvrir un coffre qui contient 40 millions de lires. Mais alors qu’ils besognent dans la villa, la police prévenue intervient. Marco, bien que blessé va parvenir à s’échapper, mais Guido va se retrouver en prison pour cinq ans. A sa sortie, il retrouve sa femme Maria. Le bus qui les ramène en ville va pourtant être attaqué par des bandits. Guido se rebelle, il tue les bandits, mais Maria est elle aussi abattue. Après avoir eu une conversation avec le commissaire, Guido est bousculé par Tony et ses hommes qui travaillent pour Rizzo. Guido a retrouvé son ami Marco qui maintenant tient un garage qui travaille pour le boss Rizzo. Il pense que c’est Rizzo qui les a donnés, mais aussi que c’est lui qui a organisé l’attaque du bus. Guido va voir Rizzo, celui-ci propose de l’aider, tente d’expliquer qu’il n’est pour rien dans cette salade, mais rien n’y fait, Guido reste obstinément convaincu de sa culpabilité. Entre temps, Enzo le fils de Maria est poussé par Lisa à aider Rizzo à voler une cargaison de diamants. Le coup, réalisé par Tony, va réussir, mais il y aura quatre morts, dont Enzo. Guido va faire parler Lisa. En représailles, Guido et Marco vont voler les diamants, et eux aussi tuent des hommes de Rizzo pour s’en emparer. Tony va tacher de faire parler Marco, il le torture et le tue. La bande de Tony va traquer Guido. Mais celui-ci échappe à leur vigilance et va tuer les hommes de main de Tony. Il va ensuite se rapprocher de Lisa qui lui avoue quel a été le rôle d’Enzo, non seulement il a vendu Guido à la police lors du casse qui l’a envoyé en prison, mais il a organisé aussi le coup de l’aéroport. Tony intervient à ce moment-là, une bagarre éclate et Tony est tué. Guido comprend alors qu’il a fait fausse route en s’opposant à Rizzo et il lui propose de lui rendre les diamants. Rendez-vous est donné aux anciens abattoirs. Guido accepte que Rizzo le tue pour compenser les fautes qu’il a commises. Mais au dernier moment Rizzo ne fera que le blesser et lui laissera la vie. 

    Diamants de sang, Diamanti sporchi di sangue, Fernando Di Leo, 1978 

    Le commissaire exprime sa sympathie pour Guido 

    C’est de la mythologie des truands dont il va être question ici. La question est posée de savoir comment un vrai voyou doit se comporter dans la vie, vis-à-vis des siens et vis-à-vis de son milieu. Guido est en quelque sorte tiraillé entre ces deux exigences et c’est ce tiraillement qui va le conduire à la faute. Sa première erreur est de croire que les bandits qui attaquent le bus, sont là pour lui, et c’est ce qui va entrainer la mort de sa femme. D’erreur en erreur, il va accuser Rizzo le puissant chef de la mafia de l’avoir vendu et d’avoir commandité le meurtre de Maria. Mais en vérité, il hésite aussi entre pencher du côté de la loi en se rangeant du côté du débonnaire commissaire, et rester un homme du milieu. Mais de ce côté-là il doit faire facer à laa jalousie de Tony qui ne supporte pas que son chef Rizzo lui préfère Guido. Aveuglé par ses a priori, il ne voit pas la trahison où elle se trouve, au sein de sa famille, il ne découvrira que tardivement le rôle d’Enzo dans cette histoire, le fils de son épouse. Lui et Marco vont donc suivre un chemin de croix, et Marco, après avoir été estropié par une balle, va être crucifié dans une scène très cruelle qui verra Tony le clouer au mur puis lui briser le cœur littéralement.  

    Diamants de sang, Diamanti sporchi di sangue, Fernando Di Leo, 1978

    Tony et ses hommes sont venus menacer Guido 

    C’est une histoire où tout le monde est aveugle, et Guido ne peut sortir de cet aveuglement qu’en se suicidant, c’est-à-dire en acceptant que Rizzo le tue afin qu’il se rachète de ses fautes. Guido et Tony se disputent les faveurs de Rizzo qui est ici comme un père pour eux. Un seul doit rester vivant, et ce sera Guido. Tony est un prédateur, n’hésitant pas à tuer, il va prendre la femme d’Enzo, le beau-fils de Guido, afin d’atteindre son frère ennemi. Mais on peut dire aussi que le commissaire est une figure paternelle qui ne punit pas ses fils, mais qui au contraire de Rizzo veut les pousser à s’élever, sortir de la turpitude. Le scénario n’est pas toujours très cohérent. L’idée même qui pousse Guido a rendre les diamants qui selon lui appartiennent à Rizzo qui en réalité les a fait voler par Tony qui a tué pour cela quatre personnes, est assez incongrue et peu réaliste sur le plan pratique, même si on comprend que cela sera utile pour démontrer la nécessité du rachat d’un homme du milieu. Mais Guido a aussi un autre frère, Marco, l’ami boiteux qui l’aide en toute circonstance et pour lequel il a passé 5 ans de sa vie en taule. C’est avec lui exclusivement que Guido applique un code de l’honneur sans faille et sans restriction. C’est seulement avec lui qu’il trouve une raison au développement d’une morale surannée. Tous les deux se retrouvent ensemble, après la mort de Maria, sans compagne féminine bien entendu, ce qui renforce l’amitié virile. Cette absence de femme est seulement compensée par la fourbe Lisa. Très décorative, peureuse et sans honneur, elle traficote dans l’ombre pour la perdition des hommes qui croisent son chemin. Enzo va mourir de la pression qu’elle exerce sur lui. Tony avec qui elle se met en ménage, suivra de peu. Guido est comme Ulysse, il échappera aux chants de la sirène parce qu’il refuse de l’entendre. 

    Diamants de sang, Diamanti sporchi di sangue, Fernando Di Leo, 1978 

    Guido est reçu par Rizzo 

    Filmer cette débauche de vengeance et de cruauté est cependant plutôt laborieux. Le film est d’abord rythmé par deux actions malfrates, l’ouverture d’un coffre-fort qui aurait dû contenir des grosses liquidités, mais qui est interrompue par l’arrivée de la police. Ensuite, le braquage de l’aéroport pour s’emparer des diamants. Curieusement Di Leo ne s’attarde pas sur ces braquages qui sont expédiés et comme avortés. Par contre il va développer longuement la scène qui verra la mort cruelle de Marco, et surtout l’attaque par Guido et Marco de la villa qui abrite le tailleur de diamants venu d’Amsterdam. C’est comme si ce déséquilibre était le reflet d’un parti pris, Di Leo ne voulant pas donner un aspect héroïque aux voyous et à leurs actes. Mais en optant pour cette forme de dévalorisation, le film perd de sa substance parce qu’on finit par se désintéressé de ce qui peut bien arriver à Guido, et à l’inverse, il donne un aspect noble à Rizzo le chef mafieux. 

    Diamants de sang, Diamanti sporchi di sangue, Fernando Di Leo, 1978

    La bande à Tony va voler les diamants 

    Le tournage eu lieu à Rome, comme pour I padroni delle citta’. Et dur reste les deux films s’achèveront sur une scène tournée dans les anciens abattoirs de la ville, lieu particulièrement sinistre, image d’une Italie en décomposition. Bien sûr il y a quelques scènes très bien menées, l’attaque de la villa, avec ses ombres qui semblent sortir de la muraille, le jeu des couleurs passées utilisées, par exemple l’arrivée de Guido aux abattoirs, traversant un long corridor, encadré par l’armée de sicaires de Rizzo, mais à l’inverse il y a des scènes d’une rare lourdeur. La lutte entre Guido et Tony n’a pas de sens, alors que le premier tient le second sous son calibre, il va accepter de se débarrasser de ses armes pour se battre à mains nues. Que veut démontrer Guido ? Qu’il est le plus fort face à Tony, mais c’est absurde parce que ce dernier va mourir ? Veut-il prouver quelque chose à Lisa alors même qu’il la méprise ouvertement ? Le rythme est volontairement lent, et Guido apparait trop souvent passif, jusqu’à demander à Rizzo qu’il le tue lui-même de sa propre main. Cet aspect masochiste du personnage de Guido sera développé dans une scène d’une longueur interminable. On se demande qu’est-ce que Di Leo a voulu démontré par là. Certes si cette scène se passe dans un abattoir, ce n’est pas sans raison, mais en sauvant in extrémis de la mort Guido, son sens se perd complètement. Mais cela n’explique pas non plus l’excessive longueur de cette scène, y compris la phase de la pseudo-exécution. 

    Diamants de sang, Diamanti sporchi di sangue, Fernando Di Leo, 1978

    Guido frappe Lisa 

    L’interprétation c’est d’abord le très fade et très rigide Claudio Cassinelli dans la peau du mélancolique Guido, qui promène sa morosité endémique dans un parka vert-caca-d’oie qui le fait passer au choix pour un enseignant du secondaire très mal payé ou au choix pour un vieil étudiant gauchiste qui a vieilli dans ses habits. Fernando Di Leo savait que cet acteur était très mauvais, mais il pensait que cette manière de faire la gueule aiderait à mieux comprendre le désespoir de Guido. Martin Balsam est toujours très bon, il est Rizzo le chef mafieux, rôle qu’il joua de nombreuses fois dans les poliziotteschi au fil de sa carrière italienne. Mais sa présence est assez réduite tout de même. Ensuite il y a Pier Paolo Capponi dans le rôle de Tony. Il en fait des tonnes et frise l’hystérie à tout moment en jouant le voyou enragé en quête de sa virilité. Ici il a une mauvaise petite moustache qui lui donne les allures d’un petit comptable égaré. Barbara Bouchet, actrice pornographique et semi-pornographique allemande, est Lisa, sans génie et sans entrain. Olga Karlatos, fait un petit tour dans le rôle de Maria, l’épouse de Guido. Puis il y a Vittorio Caprioli dans le rôle du commissaire, bien que ce rôle ne fasse pas vraiment avancer le récit, il est très juste et occupe parfaitement l’espace. Carmelo Reale dans le rôle de Marco est par contre totalement transparent, ici il porte une perruque assez mal foutue, et il n’a guère l’air de souffrir lorsqu’il se fait clouer contre le mur. 

    Diamants de sang, Diamanti sporchi di sangue, Fernando Di Leo, 1978

    Guido et Marco tuent pour récupérer les diamants 

    S’il y a quelques jolies scènes de déambulation dans les rues de Rome, une très belle photo de Roberto Geraldi, l’ensemble est plutôt raté. Le film fut distribué en Italie le 17 mars 1978, au lendemain de l’enlèvement d’Aldo Moro qui allait se transformer en assassinat dans une affaire très embrouillée où le sinistre Giulio Andreotti, l’homme de la mafia, joua semble-t-il un rôle néfaste. Il n’eut guère de succès, mais le contexte n’explique pas tout, ni même l’idée selon laquelle le poliziottesco serait à bout de souffle puisque la même année d’autres films comme La mazzetta de Sergio Corbucci avec Nino Manfredi, ou Corleone de Pasquale Squitieri avaient su attirer le public. 

    Diamants de sang, Diamanti sporchi di sangue, Fernando Di Leo, 1978

    Le commissaire est venu dire son fait à Rizzo 

    Diamants de sang, Diamanti sporchi di sangue, Fernando Di Leo, 1978

    Guido a tué Tony dans une terrible bataille 

    Diamants de sang, Diamanti sporchi di sangue, Fernando Di Leo, 1978

    Guido va rendre les diamants à Rizzo


    [1] http://alexandreclement.eklablog.com/milan-calibre-9-milano-calibro-9-fernando-di-leo-1972-a114844604

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  • Mister Scarface, I padroni della Citta’, Fernando Di Leo, 1976

    Sur son précédent film, Gli amici de Nick Hezard, Fernando Di Leo avait eu énormément de problèmes avec la production qui avait tellement resserré le budget qu’elle avait amputé le scénario et complètement défiguré le film dans ses premières intentions. Il avait eu en outre des problèmes avec les acteurs principaux, Luc Merenda, Lee J. Cobb et même Valentina Cortese. I padroni della citta’ devait lui permettre de sortir la tête de l’eau. Il participe à l’écriture du scénario, et c’est sa société, Cineproduzione Daunia 70, qui va produire le film dont il est aussi le scénariste. C’est encore une affaire de lutte entre voyous. Mais ici le ton se veut un peu plus léger en décalant le sujet vers des truands de seconde catégorie, immergés dans un milieu pauvre, presque prolétaire de Rome. Derrière l’intrigue, il y a une volonté de nous faire visiter les bas-fonds. C’est un film a tout petit budget une fois encore tourné rapidement. En règle générale la critique est plutôt négative sur ce film, mais pour ma part je trouve qu’il est plutôt sous-estimé. Souvent d’ailleurs en ce qui concerne les films criminels qui se tournaient à cette époque, on répercute un peu sans précaution les critiques du temps qui avaient une sainte horreur du cinéma de genre, lui trouvant pas assez d’ambition. Mais avec le temps je crois qu’on a compris combien ce jugement était erroné et qu’il était intéressant de remettre tout ce travail en perspective. Depuis quelques années le poliziottesco est réhabilité et redécouvert, parce que le temps a passé et que les exigences des spectateurs ne sont plus les mêmes. 

    Mister Scarface, I padroni della Citta’, Fernando Di Leo, 1976 

    Manzari va tuer le père de Ric après un braquage 

    L’histoire commence par l’assassinat d’un homme qui vient de commettre un hold-up. Le meurtrier est Manzari qui veut s’approprier la totalité du butin. Mais le fils de son complice l’a vu. Quelques années plus tard, Tony est encaisseur pour un petit truand local, Luigi Cerchio. Il est habile et sait se battre. Un peu fanfaron il prétend pouvoir récupérer n’importe quelle dette. Cela excite la jalousie de Peppe qui essaie de se faire bien voir de Luigi. Ils se battent et Tony sort gagnant. La bande fréquente une espèce de tripot avec salle de billards et jeux de cartes. Un soit Manzari arrive avec sa bande, il joue, mais perd gros. Il paye Luigi avec un chèque en bois. Lors de cette partie de cartes, Tony fait la connaissance de Ric, un autre petit voyou. Tony imagine alors une combine pour récupérer l’argent perdu par Luigi. Il engage un acteur et tous les deux se déguisent en policiers de la garde financière. Ils vont chez Manzari, font semblent d’inspecter les comptes et se laissent « acheter » acheter pour 10 millions de lires. Mais Manzari l’apprend et veut se venger. Luigi est obligé de prendre le large, Peppe le tue et passe du côté de Manzari. Ric, Tony et Napoli vont s’allier pour faire face aux hommes de Manzari. Ric tue Peppe. Puis il va proposer de la cocaïne à Manzari. Il propose que l’échange entre la drogue et l’argent ait lieu dans les anciens abattoirs de la ville. C’est un piège. Les trois hommes vont décimer la bande de Manzari, celui-ci va être tué par Ric qui venge ainsi son père, et les trois amis récupéreront l’argent de Manzari pour partir en vacances au Brésil. 

    Mister Scarface, I padroni della Citta’, Fernando Di Leo, 1976 

    Manzari va escroquer Luigi Cerchio en payant ses dettes de jeu avec un chèque sans provision

    L’intrigue n’est pas très compliquée et ne ménage que peu de surprises. On aurait pu écrire la même histoire en la situant dans le cadre d’un western. La vengeance d’un fils qui va tuer une canaille arrivée à un statut respectable, c’est du western-spaghetti. Et donc ce n’est pas cette trame qui retient l’attention, mais la manière dont elle est menée et surtout la description du milieu dans lequel elle se déroule. Ce sont seulement des petits malfrats qui peuplent ce film, le seul gangster un peu important est Manzari sur lequel Di Leo ne s’attarde guère. Sans doute ne le trouve-t-il pas très intéressant. Il n’a guère d’admiration pour les voyous et les dépouilles de tout caractère glamour. Mais il a tout de même un peut de tendresse pour cette partie de la pègre qui se trouve au bas de l’échelle. Bien que ce soit un film d’action, il y a une description plutôt réussie des mœurs et coutume de ces gagne-petits du crime. On les verra dans leur forfanterie et leur paraître, la palme de la bouffonnerie revenant à Tony qui par exemple ne peut pas s’empêcher de mettre tout le monde dans la merde en signant son forfait lorsqu’il dépouille Manzari de dix millions de lires. Il roule également dans un roadster rouge très clinquant. On a comparé cette manière de faire à du Pasolini. Ce n’est pas faux, même si ça reste plus léger tout de même. 

    Mister Scarface, I padroni della Citta’, Fernando Di Leo, 1976 

    Ric et Tony cherche un moyen de se venger 

    Cette volonté de saisir la vie quotidienne des petits voyous pousse Di Leo a mettre en valeur les décors particuliers dans lesquels ils évoluent. La sale de billard est située dans des recoins improbables de Rome, comme si ces quartiers dissimulaient le crime derrière des immeubles chargés d’histoire et de passé. Il y a une opposition intéressante entre ce repère des petits truands où on joue aux cartes et au billard pour tuer le temps, et la vaste et riche demeure de Manzari, truand arrivé et embourgeoisé. C’est presque d’une opposition de classes dont il s’agit là. Souvent ce film est présenté comme une manœuvre de Ric et de Tony pour monter deux clans, l’un contre l’autre. Ce n’est pas tout à fait juste. La guerre qui éclate entre la bande de Manzari et celle de Luigi Cerchio, est le fruit du hasard et bien moins d’une manœuvre des deux jeunes voyous qui sont en effet d’abord du côté de Luigi. C’est seulement cette guerre qui va offrir l’opportunité à Ric de se venger et à Tony de mettre la main sur de l’argent. il est assez significatif de voir que ces deux petits truands vont s’allier avec Napoli, un homme plus âgé qui ne semble vivre de rien, qui n’a pas d’importance, à part celle de bouffonner. 

    Mister Scarface, I padroni della Citta’, Fernando Di Leo, 1976 

    De faux policier de la brigade financière vont voler Manzari 

    Le décor, ce seront aussi les anciens abattoirs où le trio Ric, Tony, Napoli va se réfugier. C’est le début de la désindustrialisation, ou plutôt d’une déprolétarisation, des villes et de l’abandon de ces terrains. On sait le rôle que cette tendance jouera en France comme en Italie dans le saccage des grandes villes et leur déshumanisation. C’est dans ces lieux un peu situés aux marges de la ville que les petits délinquants cherchent de nouvelles combines en permanence car l’idée ne leur vient pas de travailler pour gagner leur vie. Vivre de combines est leur passion, mais aussi faire la fête, on verra Ric et Tony partouzer avec une chanteuse de cabaret et ses amies dans un amalgame qui rappelle les orgies dans le milieu du cinéma. On est à Rome n’est-ce pas. Le fait que le trio veuille s’envoler pour le Brésil tient aussi sans doute à cette volonté de faire encore un peu plus la fête. Dans ce contexte, les actions criminelles qu’ils entreprennent, ils tuent tout de même un grand nombre de personnes, apparaissent comme des farces au premier degré. La vision ironique de Di Leo sur ses personnages est compensée par leur capacité à faire des blagues. 

    Mister Scarface, I padroni della Citta’, Fernando Di Leo, 1976 

    Tony explique à Luigi comment s’en sortir face à la menace de Manzari 

    Moins bavard qu’à l’ordinaire, la conduite de l’intrigue repose sur l’action. L’ouverture est remarquable quand Manzari exécute froidement son partenaire de braquage sous les yeux de son fils, filmée dans le flou et avec des ralentis, elle donne un aspect désuet et nostalgique à tout ce qui va suivre. La bataille finale est sans doute un peu trop longue avec des scènes répétitives de voitures et de moto qui tournent en rond, mais elle est très bien rythmée. Plus intéressants sont les longs plans de la montée des escaliers qui mènent à la salle de billard, ou les travellings qui accompagnent la visite de cet immense espace où on joue aux cartes et au billard. Il y a un côté brumeux bien mis en évidence par l’excellente photo d’Erico Menczer. Il a beaucoup travaillé dans le genre, et avait accompagné Di Leo sur La città sconvolta: caccia spietata ai rapitori. 

    Mister Scarface, I padroni della Citta’, Fernando Di Leo, 1976 

    Peppe s’est vendu à Manzari après avoir tué Luigi 

    L’interprétation ce n’est pas ce qu’il y a de mieux, budget étriqué oblige. Jack Palance dans le rôle du cruel Manzari n’est guère présent à l’écran on a sans doute voulu faire des économies sur ses jours de présence sur le tournage. Mettre en gros son nom en haut de l’affiche est à la limite de l’escroquerie. Le film dure un peu plus d’une heure et demi, et Jack Palance doit être présent toutes scènes confondues moins de dix minutes. Le véritable pivot du film est l’Allemand sautillant Harry Baer dans le rôle de Tony. Plus connu pour ses rôles chez Fassbinder, il tient sa place, sans plus. Al Cliver, malgré sa blondeur teutonne et son nom n’est ni Américain, ni Allemand, de son vrai nom Pierluigi Conti, il est Italien. Spécialisé dans le cinéma de genre, du western spaghetti au simili-porno, il est ici le vengeur Ric. C’est peu dire qu’il est très mauvais, transparent ou insignifiant. Rien ne l’habite, il fait ses heures de présence en attendant manifestement que ça se passe. Les seconds rôles sont plus intéressants, à commencer par notre excellent Vittorio Caprioli, vieille connaissance de Di Leo, qui joue une fois de plus le napolitain facétieux et colérique. Mais aussi les truands de la bande de Luigi sont pas mal du tout. Les femmes sont seulement décoratives, à l’instar de l’Allemande Gisela Han – coproduction oblige. 

    Mister Scarface, I padroni della Citta’, Fernando Di Leo, 1976 

    Peppe tente de s’affirmer comme le chef 

    L’ensemble est plaisant à voir et donne ce parfum d’atmosphère presque néo-réaliste qu’on retrouvera souvent dans le poliziottesco, mais qui est absent par exemple du giallo. Cette mise en scène cocasse d’une Italie déboussolée et qui doute d’elle-même vaut tout à fait le détour. En ce qui concerne Gli amici di Nick Hezard, on avait remarqué la proximité du scénario avec The sting, le film de George Roy Hill avec le couple Paul Newman, Robert Rdford, qui avait été un énorme succès planétaire, on pourrait dire que cette source d’inspiration a laissé aussi des traces ici. Di Leo sait rendre attachante une histoire de rien du tout et conserver l’attention du spectateur jusqu’au bout. C’est donc un très bon poliziottesco qui refuse de se prendre trop au sérieux. 

    Mister Scarface, I padroni della Citta’, Fernando Di Leo, 1976 

    Ric s’en va tuer Peppe 

    Mister Scarface, I padroni della Citta’, Fernando Di Leo, 1976 

    Pour échapper à Manzari, Tony, Ric et Napoli se cachent dans les anciens abattoirs 

    Mister Scarface, I padroni della Citta’, Fernando Di Leo, 1976 

    Ric propose à Manzari de lui vendre de la cocaïne 

    Mister Scarface, I padroni della Citta’, Fernando Di Leo, 1976 

    Ric va abattre Manzari 

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  • Colère noire, La città sconvolta: caccia spietata ai rapitori, Fernando Di Leo, 1975 

    Le film sur le rapt et sur le rapt d’enfant est un segment important du film noir. Mais si Fernando Di Leo s’en empare, c’est parce qu’en ce début des années soixante-dix, le rapt était devenu un business florissant en Italie et le cinéma de genre comme le cinéma d’auteur s’était emparé de ce filon. Cependant, ce n’est pas un sujet original de Di Leo, c’est un film de commande. A la base il y a une dispute sur qui a écrit le scénario entre Di Leo et Gastaldi, sur un sujet suggéré par le producteur Juso, à partir d’un évènement bien réel. Gastaldi prétend l’avoir écrit tout seul et que Di Leo est seulement intervenu pour apporter des modifications mineures. Tout cela explique peut-être un peu les déséquilibres évidents qu’on va percevoir dans le film. L’acteur principal de ce film est Luc Merenda, bien qu’il partage l’affiche avec James mason qui ici joue plutôt les utilités et qui est assez peu présent à l’écran. C’est un acteur français qui, n’ayant pas percé dans le cinéma français, en quelques années, au début des années soixante-dix, était devenu un des piliers du cinéma de genre italien, principalement dans le giallo et le poliziottesco. Athlétique, il est souvent utilisé dans des rôles de vengeur teigneux et colérique. Ça ne manque pas ici. Souvent minimisé, ce film concentre pourtant de nombreux thèmes du poliziottesco dont il semble être une quintessence. 

    Colère noire, La città sconvolta: caccia spietata ai rapitori, Fernando Di Leo, 1975

    Deux enfants sont enlevés devant leur école, en plein jour 

    Mario Colella est veuf, mécanicien sur moto, il élève tout seul son fils Fabrizio. Mais lorsque des gangsters enlève le fils de Filippini, un riche promoteur, Fabrizio tente de le défendre, il se fait enlever avec lui. Les enfants vont être détenus, tandis que les tractations vont commencer. Les policiers ont du mal à trouver quelque piste, et le commissaire Magrini soupçonne que des gens influents sont derrière cet enlèvement. Filippini en vérité ne veut pas payer la rançon pour son fils, il va chercher à gagner du temps en faisant comme si les ravisseurs ne l’avaient pas contacté, il charge sa secrétaire Lina de jouer les intermédiaires en cachette de tout le monde. Son but est de ne pas payer les 10 milliards de lires, mais de marchander pour obtenir un rabais. Les ravisseurs sont décontenancés par cette attitude. Et pour débloquer la situation vont tuer le fils de Colella pour faire pression sur Filippini. Ça fonctionne, Filippini va payer. Mais Colella est décidé à se venger. Il va surveiller les agissements des ravisseurs, puis récupérer l’argent de la rançon versée par Filippini. Mais cela ne lui suffit pas, il cherche à remonter jusqu’aux commanditaires à qui il propose de partager la rançon en s’associant avec eux. Grâce à Lina qui joue un double jeu en travaillant aussi pour les ravisseurs, il va avoir rendez-vous avec les pontes de l’IFI, Instituto Finanziario Internazionale. Mais au lieu de se rendre aux exigences de ce groupe, ils les assassinent froidement, et dans la fusillade, Lina est tuée également. A la sortie de l’immeuble où il vient de faire un massacre, il va tomber sur Pardi, l’assassin de son fils qui est un intermédiaire du groupe, et il va le tuer. 

    Colère noire, La città sconvolta: caccia spietata ai rapitori, Fernando Di Leo, 1975

    Filippini donne une conférence de presse pour parler de l’enlèvement

    En première approche, on peut faire une analyse en termes de classes sociales de ce film. Colella est un homme du peuple, il travaille de ses mains pour élever tout seul son fils. Filippini, lui, brasse des milliards, et tente d’en perdre le moins possible, estimant sans doute que la vie de son fils ne vaut pas 10 milliards de lires. Rompu aux combines, le riche promoteur utilise toutes les ficelles de la négociation. Colella, lui, n’a pas ces facilités et va réagir d’une manière violente à la mort de son fils, avec le but d’éliminer les crapules qui l’ont, directement ou indirectement, privé de la vie de son fils. Toute la première partie du film va reposer sur cette opposition qui bien évidemment suscite le dégoût du spectateur. Le second thème, celui-là récurrent et fondateur du poliziottesco, est l’impuissance de la police. Le commissaire Magrini enrage aussi bien en face de la sauvagerie de la bande des ravisseurs, que des puissants qui ne pensent qu’à leur argent. Il approuvera donc la démarche de Colella. Mais derrière tout cela il y a aussi le thème que les petits voyous sont finalement bien moins responsables que les voyous en col blanc qui se cachent derrière une fausse respectabilité. Les gangsters apparaissent dans un système de poupées russes qu’il faut démonter pour comprendre la logique des rapts qui sévissaient à cette époque en Italie. Cette collusion aussi intense entre la haute finance et le gangstérisme est très spécifique de ce pays. 

    Colère noire, La città sconvolta: caccia spietata ai rapitori, Fernando Di Leo, 1975

    Le commissaire Magrini explique à Colella la complexité de la situation 

    Tout cela est assez original. Mais il y a aussi une analyse en termes de caractères. Si Colella et les gangsters qui procèdent au rapt sont clairement définis dans leur rôle, il apparaît qu’un certain nombre de protagonistes sont ambigus. D’abord Filippini qui tire sur la corde jusqu’à ce qu’elle casse. Il est d’ailleurs curieux dans ce scénario que finalement Colella épargne celui qui, par son attitude, est le premier responsable du meurtre de son fils. Sans doute que le scénario serait devenu plus compliqué à faire tenir debout si on avait décidé d’y inclure cette possibilité. Mais il y a aussi le rôle que joue Lina, officiellement la secrétaire de Filippini et qui probablement a renseigné la bande sur son patron et son argent. C’est finalement elle qui est le pivot de l’histoire puisqu’elle joue un triple jeu et qu’elle ment à tout le monde sans trop qu’on comprenne quelles sont ses intentions véritables. Les femmes présentent un caractère négatif. L’épouse de Filippini est totalement hystérique et apparait comme une entrave à la résolution du kidnapping. Curieusement Colella n’a pas de relation féminine, comme s’il s’en méfiait. Il se plein d’ailleurs que sa femme en décédant bien trop tôt l’ait finalement abandonnée et contraint de renoncer à la compétition de moto-cross qui était sa véritable passion. 

    Colère noire, La città sconvolta: caccia spietata ai rapitori, Fernando Di Leo, 1975

    Colella découvre le cadavre de son fils 

    La conduite du récit est assez déroutante. La première partie est extrêmement bavarde et répétitive. Les choses vont bien mieux dans la seconde partie dès lors que l’assassinat de Fabrizio va obliger Colella à agir. Fernando Di Leo va mettre ainsi en œuvre un vrai savoir faire dans les scènes d’action comme dans les poursuites en moto dans Milan et sa banlieue. C’est bien mieux que les insipides gros plans qui soutiennent tant bien que mal un dialogue lourdingue. Ici encore, Di Leo filme les protagonistes qui écoutent et ne parlent pas, tandis qu’on entend ceux qui causent en dehors du cadre. C’est une curieuse méthode, et sa systématisation donne un aspect étrange. Il y a ainsi une très longue scène où on voit le commissaire Magrini filmé en gros plan et qui ne parle pas, bougeant la tête tandis que ses seconds lui font, tout à tour, un rapport détaillé sur la situation. 

    Colère noire, La città sconvolta: caccia spietata ai rapitori, Fernando Di Leo, 1975

    Colella transactionne avec Pardi pour rencontrer les commanditaires de l’enlèvement 

    L’interprétation c’est d’abord Luc Merenda, présent de bout en bout. Toujours un peu crispé, le film met en valeur son caractère teigneux et athlétique dans le rôle du mécanicien Colella. James Masson est totalement terne dans l’interprétation de Filippini. Il a vraiment l’air de n’être là que pour prendre son cachet. Il illustre la stratégie du film de genre italien : accolé à une vedette italienne ou européenne un nom anglo-saxon prestigieux, même si sa gloire est manifestement passée. Il y a cependant quelques rôles secondaires très intéressants. D’abord l’excellent Vittorio Caprioli qui joue le commissaire Magrini avec colère et détermination. Puis Irina Maleeva dans le rôle de la louche Lina. Valentina Cortese est plutôt mauvaise dans un rôle de la femme hystérique de Filippini. Mais c’est sans doute l’écriture du rôle et du dialogue qui l’empêche d’être bonne. 

    Colère noire, La città sconvolta: caccia spietata ai rapitori, Fernando Di Leo, 1975

    Filippini a retrouvé son fils 

    La musique est tout de même assez horrible et lourdingue. Mais si c’est loin d’être du meilleur Di Leo, le film se laisse tout de même voir. La photo est bonne, bien travaillée sur les couleurs et le sujet est intéressant tout de même

    Colère noire, La città sconvolta: caccia spietata ai rapitori, Fernando Di Leo, 1975

    Lina est venue voir Colella pour le compte de Pardi 

    Colère noire, La città sconvolta: caccia spietata ai rapitori, Fernando Di Leo, 1975 

    Colella a fait un massacre


     

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  •  Jacques Perrin s’en est allé, lui aussi 

    La ragazza con la valigia, Valerio Zurlini, 1960 

    Quelques jours après Catherine Spaak, Jacques Perrin s’en est allé à son tour. C’était un homme discret, mais au bout du compte il a fait une très belle carrière, à la fois comme acteur et comme producteur. C’était un homme de fidélité qui ne gérait pas sa carrière en fonction du box-office ou des recettes potentielles qu’il pouvait en attendre. Au début de sa carrière, il jouait toujours des rôles d’adolescents un peu fragiles, son physique s’y prêtait. Barré en France, il trouva lui aussi son bonheur en Italie en 1960, il avait à peine dix neuf ans, il fut engagé par Valerio Zurlini pour donner la réplique à Claudia Cardinale dans La ragazza con la valigia. Il tourna encore avec Zurlini dans Cronaca familiare, un drame poignant, très travaillé au niveau des couleurs. Il était au côté de Marcello Mastroianni dont il était le jeune frère en train de mourir. C’est un magnifique film sur tous les plans, avec un traitement de la couleur très singulier, un film qui mériterait d’être redécouvert.

    Jacques Perrin s’en est allé, lui aussi 

    Cronaca familiare, Valerio Zurlini, 1962 

    Etant très fortement engagé en Italie, il tourna aussi sous la direction de Mauro Bolognini, dans La corruzione. Puis il se retrouva avec Catherine Spaak dans Calda vita, un drame un peu niais basé sur un trio improbable dans une ile isolée. Mais il était excellent, et Catherine Spaak aussi d’ailleurs. 

    Jacques Perrin s’en est allé, lui aussi 

    La calda vita, Florestano Vancini, 1964, avec Catherine Spaak 

    Revenu en France il tourna dans la 317ème section de Pierre Schoendoerffer en 1965. Il était un jeune lieutenant qui au côté de Bruno Cremer, incarnant un vieux baroudeur, tentait de ramener cette 317ème section de l’enfer de la cuvette de Dien Bien Phu. Le film fut fort justement remarqué à Cannes, c’est un des meilleurs films sur la Guerre d’Indochine qui ne cherche pas à expliquer quoi que ce soit, mais qui parle juste des soldats impliqués dans cette malheureuse débâcle. Il tournera encore plusieurs fois avec Pierre Schoendoerffer, toujours cette fidélité qui semble parcourir son engagement dans le cinéma. 

    Jacques Perrin s’en est allé, lui aussi 

    La 317ème section, Pierre Schoendoerffer, 1965 

    Mais entre temps il rencontra Costa Gravas avec qui il allait tourner plusieurs films. Le premier qu’ils firent ensemble fut Compartiment tueurs d’après le roman éponyme de Sébastien Japrisot où il était accompagné de nombreuses vedettes, Yves Montand, Simone Signoret, Michel Piccoli entre autres. Le film construit sur un petit budget fut un énorme succès. Ensuite il participa Un homme en trop, toujours de Costa Gavras, basé sur le même principe d’une kyrielle de vedettes parmi lesquelles il fallait trouver le coupable d’une dénonciation de résistants aux Allemands. Il y avait Michel Piccoli, Claude Brasseur, Jean-Claude Brialy. Entre temps il avait joué dans Les demoiselles de Rochefort de Jacques Demy aux côtés de Catherine Deneuve et de Françoise Dorléac. Il va retrouver Costa Gravas sur Z, un film très ambitieux sur le plan politique. Très marqué à gauche, condamnant la Grèce des colonels, c’est Jacques Perrin qui le produisit lui-même, se donnant un simple petit rôle de photographe. Là encore il y avait des vedettes de premier plan, Yves Montand, Irène Papas, Michel Piccoli ou encore Jean-Louis Trintignant. Le film eut un succès immense en France comme à l’étranger, ce qui est assez rare pour un film très politique. Il rapporta une fortune à Jacques Perrin qui prit goût ensuite à la production. 

    Jacques Perrin s’en est allé, lui aussi

     Le désert des tartares, Valerio Zurlini, 1976 

    On pourrait penser que la carrière de Jacques Perrin a été marquée par une longue méditation sur la condition de soldat et sur la guerre. En 1977, il retrouvait Zurlini pour une adaptation luxueuse du roman de Dino Buzzati, Il deserto dei tratari. Il était le jeune lieutenant Drogo. Le film fut un échec ruineux, malgré ses qualités esthétiques évidentes.  

    Jacques Perrin s’en est allé, lui aussi 

    Le Crabe-Tambour, Pierre Schoendoerffer, 1977 

    Je ne sais s’il était engagé à gauche comme tendraient à le prouver ses amitiés avec Costa Gavras ou à droite si on se réfère à sa relation avec Pierre Schoendoerffer, mais on sait qu’il aimait la nature et l’océan, il est officier de réserve de la Marine, avec le grade de capitaine de frégate, cela se verra dans sa manière de filmer l’océan, il réalisera un film Océans en 2009 qui aura un bon succès, mais en 1982 il s’était déjà fortement impliqué en 1982 dans le film de Christian de Chalonges, Les quarantièmes rugissants. Entre temps il reviendra à des histoires de soldats. D’abord dans Le crabe-tambour de Pierre Schoendoerffer en 1976, ce film très mélancolique et nostalgique était une grande réussite parce que s’il parlait de la mer, il parlait aussi de la guerre et du passé, mais aussi de la fidélité à sa mémoire. Jacques Perrin était le mystérieux Crabe-Tambour au côté de Jean Rochefort et de Claude Rich qui trouvaient là des rôles qui les éloignaient des habituelles comédie, ce qui leur permettait de démontrer leur talent.  

    Jacques Perrin s’en est allé, lui aussi 

    L’honneur d’un capitaine, Pierre Schoendoerffer, 1982 

    Il n’en avait pas fini avec l’armée. Il avait tourné sous la direction de Raoul Coutard qui avait été le directeur de la photo sur La 317ème section. C’était La Légion saute sur Kolwezi, d’après un roman de l’ancien de l’OAS, Pierre Sergent. Il tenait le rôle de l’ambassadeur Berthier, et pour l’occasion retrouvait Bruno Cremer. Puis il retrouva Pierre Schoendoerffer une nouvelle fois pour L’honneur d’un capitaine qui abordait la question de la guerre d’Algérie et de la torture. C’est un récit en flash-back qui part d’un procès intenté par la veuve d’un capitaine pour laver son honneur. 

    Jacques Perrin s’en est allé, lui aussi

    Le juge, Philippe Lefebvre, 1984 

    Mais Jacques Perrin participa aussi à quelques films noirs intéressant, en 1980 Une robe noire pour un tueur de José Giovanni où il jouait un agent des renseignements chargé des basses besognes des politiciens. Puis, en 1984, Le juge de Philippe Lefebvre, inspiré par l’assassinat à Marseille du juge Michel. Une fois de plus il jouait du contraste entre sa détermination courageuse, et sa stature assez frêle. Peu à peu il quitta le devant de la scène en tant qu’acteur, se contentant de petit rôle, il réservait son énergie à la production de films. Ses documentaires comme Microcosmos ou Le peuple migrateur furent de grands succès. Il produisit aussi de la fiction, notamment le film de Christophe Barratier, Les choristes qui eut un succès retentissant. 

    Je ne le connaissais pas, mais sa carrière d’acteur, de réalisateur et de producteur, dessine le portrait d’un homme d’engagement et de fidélité. Saluons-le !

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  • Adieu à Catherine Spaak

     Le trou, Jacques Becker, 1960 

    Catherine Spaak vient de nous quitter le 17 avril dernier à l’âge de 77 ans. Actrice oubliée, elle a pourtant fait une carrière excellente en France et surtout en Italie. Elle avait été élevée dans le sérail, puisqu’elle était la fille du scénariste Charles Spaak, un scénariste d’origine belge qui donna des dizaines de chefs-d’œuvre au cinéma français, notamment pour Julien Duvivier. Elle commença par un petit rôle dans Le trou de Jacques Becker en 1960, puis tout de suite elle bifurqua vers le cinéma italien avec un film de Lattuada, I dolci inganni. Elle pouvait tout jouer, aussi douée pour le drame que pour la comédie. Aussi à l’aise dans le film noir que dans le western spaghetti, le cinéma français eut le tort de la délaisser, lui préférant les fadeurs de Catherine Deneuve par exemple. Mais au début des années soixante il y avait pléthore d’actrices délurées en France, tandis que l’Italie manquait clairement de matériel humain, embauchant à tour de bras des Jean Sorel, des Jean-Louis Trintignant et quelques autres. 

    Adieu à Catherine Spaak 

    Il sorpasso, Dino Risi, 1962 

    En 1962, elle se retrouve aux côtés de Jean-Louis Trintignant et de Vittorio Gassman dans Il sorpasso de Dino Risi qui reste non seulement un modèle du genre dans la comédie grinçante, mais aussi un succès critique et public énorme. Elle a tourné aussi avec Jean-Paul Belmondo sous la direction d’Henri Verneuil dans un des rares bons films de ce réalisateur, Week-end à Zuydcoote, un film grave sur la guerre. Ce fut un autre grand succès. 

    Adieu à Catherine Spaak 

    Avec Jean-Paul Belmondo dans Week-end à Zuydcoote 1964 

    On la retrouve plus tard dans un film du grand Mauro Bolognini, Madamigella di Maupin. Cette histoire, adaptée de Théophile Gautier est celle d’une jeune fille qui pour s’engager dans l’armée va se travestir en garçon. Elle va semer le trouble dans le cœur et l’esprit du capitaine Alcibiade interprété par Robert Hossein. C’est un superbe film, peu connu, et Catherine Spaak excelle à jouer les innocentes au cœur pur, en contrepoint de son allure délurée. 

    Adieu à Catherine Spaak 

    Madamigella di Maupin de Mauro Bolognini, 1967 

    Dans les années soixante-dix, elle se retrouvera dans quelques comédies italiennes et des giallo, notamment Il gatto a nove code un des meilleurs films de Dario Argento. Elle avait une grande renommée en Italie. Mais elle tourna encore en France dans le très bon Un meurtre est un meurtre, d’Etienne Périer, où elle retrouva Robert Hossein. Dans un rôle très ambigu, elle passait facilement de la peur au rire, sous une allure décontractée dans un pantalon de cuire noir qui lui allait à merveille !

    Adieu à Catherine Spaak 

    Il gatto a nove code, Dario Argento, 1971 

    Parmi les excellents réalisateurs avec qui elle travailla, on peut citer encore Damiano Damiani. Tout au long de sa carrière elle laissa une image de décontraction et de légèreté qui allait très bien avec son physique. Si les Italiens lui ont manifesté un attachement certain, il n’en pas été de même en France et c’est très dommage. 

    Adieu à Catherine Spaak 

    Un meurtre est un meurtre, Etienne Périer, 1972

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