• La seconde vérité, Christian-Jaque, 1966 

    Voilà un film très rare qui, à ma connaissance, n’a jamais été réédité en K7 ou en DVD. Aussi j’ai eu bien du mal à en trouver une copie propre. Le film n’avait d’ailleurs pas très bien marché à sa sortie. Pourtant il avait misé sur un vieux routier de la pellicule, le très sous-estimé Christian Jaque dont il faudra un jour réévalué la carrière. La distribution était aussi de qualité. A cette époque, et dans la lignée des grands succès des Angélique, Robert Hossein et Michèle Mercier avaient pris l’habitude de tourner ensemble. Ils seront encore réunis sur le très bon western Une corde, un colt réalisé par Robert Hossein lui-même.

    La seconde vérité, Christian-Jaque, 1966 

    La seconde vérité est basé sur le roman de Jean Laborde, Un homme à part entière. Il avait déjà fourni la matière pour un autre film de Christian-Jaque, Les bonnes causes, qui prenait comme sujet encore le monde judiciaire. Ce film avait été un grand succès critique et public. Jean Laborde était un chroniqueur judiciaire, et la plupart de ses romans sont situés dans ce milieu à la fois bourgeois et un peu canaille. Mais il est connu également sous d’autres noms, Jean Delion, il publia des ouvrages d’espionnage chez Plon et Gallimard, et Raph Vallet, pseudonyme qui lui permity en quelque sorte de prendre le tournant du néo-polar comme forme de critique de la société. Sous ce dernier nom il donna à la Série noire Mort d’un pourri et Adieu poulet, qui tous deux furent adaptés à l’écran avec succès. C’est donc un vieux routier de la production polardière. Il eut aussi une activité de scénariste non négligeable puisqu’il travailla par exemple pour Verneuil sur Peur sur la ville. Toutefois il n’est pas ici l’adaptateur de son roman, cette tache a été confiée à Paul Andreota, lui aussi un specialiste du film policier et de Jean Laborde dont il avait adapté Les bonnes causes et dont il adoptera encore Les assassins de l’ordre pour Marcel Carné. 

    La seconde vérité, Christian-Jaque, 1966  

    L’avocat Pierre Montaud est accusé du meurtre de l’ancien amant de Nathalie 

    Pierre Montaud est un avocat célèbre dans la bonne ville de Dijon. Rencontrant par hasard la jeune étudiante Nathalie Neuville, il va nourrir pour elle une véritable passion. Mais elle-même avait auparavant une liaison avec le jeune Olivier et Pierre Montaud est marié. La situation se complique rapidement. Les atermoiements de Pierre sont destructeurs et lassent Nathalie qui décide de rompre. Mais Olivier est assassiné avec le révolver de Pierre. Tout accuse donc celui-ci et le juge l’envoie en prison. Il va y rester de longs mois, mais un élément décisif va le faire acquitter, sa secrétaire a découvert qu’on avait sans doute cambriolé son bureau et donc cela laisse la possibilité que qulqu’un ait dérobé l’arme et s’en soit servi. Libéré de prison, Pierre va essayer de retrouver le vrai coupable. Sa femme l’a quitté, et sa réputation est ternie. Les choses ne sont pas simples cependant, parce que Pierre semble pendant un moment avoir perdu la tête et oublié ce qu’il avait bien pu faire. Il va cependant reprendre sa liaison avec Nathalie. Evidemment si la première vérité laissait entendre que Pierre était coupable, la seconde vérité le dédouanera.

     La seconde vérité, Christian-Jaque, 1966 

    La relation entre Pierre et Nathalie est pleine de promesses 

    Ce type de scénario, assez daté tout de même, possède plusieurs aspects, d’une part il y a une intrigue policière, à vrai dire assez légère. Ensuite il y a la description d’une bourgeoisie un peu arrogante et assez coincée. C’est pourquoi on choisit la ville de Dijon qui à l’époque était le symbole de la ville dprovince très bourgeoise. Et puis il y a ensuite la description d’une passion amoureuse desctructrice et sans avenir. C’est l’aspect le plus intéressant du film. C’est ce qui lui donne cet aspect « film noir ». l’avocat possède un double aspect, à la fois passionné et amourreux jusqu’à en perdre la raison, et de l’autre arrogant et impitoyable avec ses subordonnés. Sa relation avec nathalie ne le guérira pas de cette maladie.

     La seconde vérité, Christian-Jaque, 1966 

    Bientôt Nathalie ne supporte plus d’être reléguée au simple rang d’amante 

    L’interprétation est dominée par Robert Hossein, ici affublé de lunettes. Il est très bon, maniant séduction, douleur et arrogance. Le personnage de Nathalie est interprété par Michèle Mercier, très grande vedette à l’époque, qui a bien du mal à se faire passer pour une jeune étudiante en médecine. Pas qu’elle joue mal, mais elle avait déjà passé l’âge. Elle aussi a été transformée, elle a les cheveux blonds et courts – peut-être une perruque ? C’est une actrice dont la carrière n’a pas été à la hauteur de son talent. Elle n’a pas su faire les bons choix au bon moment. Mais on se souviendra d’elle dans L’aîné des Ferchaux de Melville. Ici elle conserve pourtant une puissance dramatique intéressante. Les seconds rôles sont très bons, le regretté jean-François Rolland dont ce sera le dernier film est cet amant jaloux qui sera assassiné. Et puis il y a Bernard Tiphaine qui joue les ubordonnés faux-cul de Montaud. Il a l’air tellement sourn ois qu’onpense tout de suite que c’est lui qui a tué.

     La seconde vérité, Christian-Jaque, 1966 

    Tout désigne Pierre comme le meurtrier 

    La réalisation est assez curieuse, elle n’a pas le brillant des Bonnes causes. Si la mise en scène rend bien compte du caractère étriqué de la ville de province, avec une belle capacité à saisir les décors, beaucoup de plans sont gâchés par des bizareries de cadrages. En effet, un grand nombre de scènes sont penchées. Mais l’ensemble reste plutôt bien rythmé et si la fin est assez téléphonée, la tension est soutenue jusqu’au dénouement final.

     

    La seconde vérité, Christian-Jaque, 1966

    En prison Pierre prépare son procès avec un ami avocat 

    On peut très bien revoir ce film aujourd’hui sans ennui à la fois parce qu’il exemplaire d’un certain cinéma des années soixante que parce qu’il démontre toute l’étendue du talent de Robert Hossein. Et puis à travers ce film rare cela nous donne l’occasion de saluer Christian-Jaque.

    La seconde vérité, Christian-Jaque, 1966  

    Pierre est acquité

     La seconde vérité, Christian-Jaque, 1966 

    Pierre interroge Vaden pour essayer de comprendre qui est le coupable

     La seconde vérité, Christian-Jaque, 1966 

    Pour laver son honneur Pierre veut trouver le coupable

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  • Association criminelle, The big combo, Joseph H. Lewis, 1955

    Certainement un des chefs-d’œuvre du film noir. Joseph H. Lewis est surtout connu pour être le réalisateur d’un autre chef-d’œuvre du film noir, Gun Crazy. Mais peut-être bien que The big combo lui est supérieur. En tous les cas, il fait partie pour moi des dix films noirs les meilleurs, même si un tel classement ne signifie pas grand-chose.  

    Association criminelle, The big combo, Joseph H. Lewis, 1955   

    Fante et Mingo sont chargés de surveiller Susan 

    C’est l’histoire d’un flic, Diamond, obsédé par Mr Brown, un chef de gang cruel et rusé. Diamond veut le coffrer. Mais en réalité il est aussi amoureux de la compagne de Mr Brown, la belle Susan, une pianiste déchue qui s’est laissée entraînée par sa passion pour Mr Brown. Mais il n’y a pas que Diamond qui veut la peau de Mr Brown, il y a aussi McClure que Mr Brown a évincé : il lui a d’ailleurs tout pris, son argent, son gang et son hôtel. Humiliation suprême, il l’a embauché dans sa bande. Diamond va suivre plusieurs pistes, la première et la plus évidente est celle de Bettini qui se terre par peur des représailles, mais qui en sait long. Cette piste n’avance guère, mais elle va l’amener à Alicia qui est en fait la véritable

    Association criminelle, The big combo, Joseph H. Lewis, 1955

    Avec le sonotone de McClure, Brown torture Diamond 

    On pourrait dire que des histoires comme ça on en a vu des dizaines. Mais outre que ce n’est pas tout à fait vrai – on pourra rapprocher celle-ci de Heath de Fritz Lang – c’est la manière de la mettre en scène qui surprend. C’est d’abord un film d’une très grande violence, pas tant dans les scènes d’action d’ailleurs que dans les dialogues ou l’expression des caractères. En effet, Mr Brown et Diamond sont complètement hallucinés, saisis par leur quête. Tous les moyens sont bons pour arriver à leurs fins. Et si Diamond méprise le gangster Brown, celui-ci lui voue une certaine admiration parce qu’il est fort et non corrompu. L’autre point important est que c’est un film presqu’entièrement nocturne, seule la scène où la police va chercher Alicia dans sa maison de repos est éclairée à la lumière du jour. Tout le reste est enténébré. On glisse parmi les ombres, comme si les vivants avaient déserté. Tous les personnages sont travaillés par des sentiments extravagants. Diamond pleure à chaudes larmes la mort de la pauvre Rita. Brown tremble à l’idée de retourner en prison. Mingo pleure la mort de Fante dans l’explosion que Brown lui a fabriquée, et ce sont ces larmes qui l’amènent à dénoncer Mr Brown. Susan pleure sur son passé de pianiste bien comme il faut qui s ‘est encanaillée avec Mr Brown. Bref, c’est du sang et des larmes. Et quoi qu’il en dise Diamond s’implique bien au-delà de ce qui réclame l’exercice de sa profession. 

    Association criminelle, The big combo, Joseph H. Lewis, 1955   

    Susan qui a pris des cachets doit être hospitalisée 

    Le scénario est signé de Philip Yordan. Ce scénariste célèbre qui aurait signé un grand nombre de scénarios en tant que prête-nom pour cause de maccarthysme. Entre autre il a signé Johnny Guitar que certains attribuent à Ben Maddow. En tous les cas, c’est un scénario très audacieux, notamment les relations entre Mingo et Fante qui sont tout à fait homosexuelles. Susan est l’image de la déchéance qui guette les femmes trop passionnées par la canaille vulgaire des bas-fonds. Quant à Diamond, il entretient une relation trouble avec une danseuse nue à qui il se plait à enfiler les chaussures. Mais derrière tout cela, il y a la trahison. Tout le monde trahit tout le monde, et c’est encore plus vrai dans le milieu des truands. McClure trahi Brown, et Mingo et Fante trahissent Brown, avant que celui-ci ne les trahissent. Bref c’est une image assez dégénérée des mœurs modernes.  

    Association criminelle, The big combo, Joseph H. Lewis, 1955   

    Le Suédois malgré la pression ne parlera pas 

    La mise en scène est impeccable, s’appuyant sur une photo superbe du grand John Alton qui a été sûrement le maître de la photographie du film noir. Bien sûr le clou est la scène finale, Mr Brown traqué, dans un hangar, éclairée méchamment par le projecteur que manipule Susan comme une arme à feu, et Diamond qui sort du brouillard pour faire son travail de justicier. Mais il n’y a pas que la photo, les dialogues crépitent comme des mitraillettes.

    La scène de torture de Diamond est aussi mémorable, on passe du sonotone à la boisson alcoolisée. Sans doute Melville s’en est-il souvenu pour la scène du Deuxième souffle dans laquelle on voit Ricci se faire malmené par les hommes de Fardiano. J’aime bien aussi la façon dont les rapports entre Rita et Diamond sont filmés. Cette manière qu’elle a de se faire chausser le pied.  

    Association criminelle, The big combo, Joseph H. Lewis, 1955   

    Brown a pris la place du Suédois 

    Cornel Wilde, acteur formidable trop injustement oublié, trouve sans doute son meilleur rôle en interprétant Diamond. Il est massif, obstiné et faible, mais il n’est pas sans humour cependant. Richard Conte interprète magistralement l’hystérique Mr Brown, ancien petit gardien de prison, travaillé par le démon de la réussite et de l’accumulation du capital. Il est méchant et vulgaire, rusé et faible finalement. Sa diction est terriblement efficace. Jean Wallace, autre actrice oubliée, qui fut également l’épouse de Cornel Wilde joue Susan, mélange de folie et de remord, de faiblesse et de vengeance implacable. Mais tous les acteurs sont très bons. On retrouve des habitués du film noir comme Ted de Corsia qui joue Bettini, ou Robert Middleton qui interprète le capitaine Petersen. Mention spéciale au duo Lee Van Cleef Earl Holliman qui incarne la doublette infernale Fante-Mingo. C’était déjà à cette époque des habitués des rôles de méchants dans les westerns. Ici ils se modernisent en quelque sorte en enfilent costume et cravate. N’oubliez pas non plus la très belle Helen Stanton dans le rôle de la pauvre Rita. Il y a aussi des gueules surprenantes, comme celle de Jay Adler qui joue le rôle du discret policier Sam.

     Association criminelle, The big combo, Joseph H. Lewis, 1955

    C’est la fin de Mr Brown 

    Curieusement ce film est bien moins connu que Gun Crazy. Il est pourtant tout aussi bon, quoique dans un registre assez différent.

     

    Je signale que ce chef d’œuvre vient d’être réédité en Blu Ray. Outre qu’il permet une réappréciation des qualités esthétiques de l’œuvre, il est accompagné de divers suppléments dont une présentation de François Guérif. Pour ceux qui ne l’aurait pas vue encore, ce serait une bonne occasion de voir un grand film noir, pour les autres une manière de le redécouvrir.   

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  • Les salauds vont en enfer, Fréderic Dard, EUD, 2015  

    J’avais déjà signalé la parution de cet ouvrage il y a quelques semaines pour dire tout l’intérêt qu’il y avait à publier le théâtre de Frédéric Dard. En effet comme le rappelle la présentation de l’ouvrage, Dard s’est d’abord défini à son arrivée à Paris comme un auteur dramatique. Il est vrai que c’est l’adaptation de La neige était sale qui lui permit de sortir de l’anonymat. Cette publication comblera ceux qui considèrent avec Dominique Jeannerod qu’il ne faut pas se contenter de Frédéric Dard comme écrivain, mais aussi le considérer comme un auteur de théâtre et un scénariste-dialoguiste qui fournit un travail énorme dans le cinéma de genre comme on dit.

    Les salauds vont en enfer inaugure par son ton plus que par son intrigue le cycle de ce que Jeannerod a appelé les romans de la nuit et qui consiste en une série d’une trentaine de courts récits parus dans la collection « spécial police ». ce cycle s’effilochera et prendra fin avec l’explosion des tirages des aventures de San-Antonio dans le début des années soixante.

    Mais Les salauds vont en enfer est aussi ce récit qui a d’abord été une pièce de théâtre, puis un film, puis enfin un roman, publié aussi en feuilleton. Ultérieurement, il sera aussi adapté pour le petit écran. Et chaque fois les variations d’un support à l’autre seront importantes, transformant radicalement l’approche.

    La pièce fut donc écrite pour le Théâtre du Grand Guignol, en deux jours et demi selon Dard, en 4 jours selon Rivière, en tous les cas rapidement. Elle scella aussi l’alliance définitive de Frédéric Dard et de Robert Hossein. Non seulement le Théâtre du Grand-Guignol joua un rôle formateur dans la carrière de Frédéric Dard en tant qu’auteur flirtant avec les formes particulières de la littérature d’épouvante[1], mais dans les thématiques développées sur le mode plus léger des aventures de San-Antonio.

    L’introduction rédigée par Hugues Galli, Thierry Gauthier et Dominique Jeannerod, va s’attarder à rendre compte de la transformation de cette pièce en un film, puis en un téléfilm, passant aussi par le feuilleton et par « le film raconté » et le roman. C’est très instructif en ce sens que cela éclaire aussi la position de Frédéric Dard face aux exigences des « industries culturelles ». Incidemment cela éclaire aussi les relations entre Robert Hossein et Frédéric Dard, puisque c’est autour de cette pièce et malgré les disputes liées à l’adaptation cinématographique – Dard en sera écarté – que cette collaboration s’enracinera.

    Le contexte – le redémarrage du Théâtre du Grand-Guignol – est à la fois très bien rendu et très documenté. Il est probable d’ailleurs que Frédéric Dard ait collaboré à ce théâtre sous le nom d’Eddy Ghilain.  

    Les salauds vont en enfer, Fréderic Dard, EUD, 2015 

    La pièce était mise en scène par Rober Hossein, avec Roger Hanin, Robert Berri et Luce Aubertin 

    La réception par la critique de la pièce, comme celle du film et du roman n’a pas été enthousiasmante. L’ouvrage reproduit d’ailleurs un articulet assez débile – n’ayons pas peur des mots – de ce malheureux François Truffaut (bon à rien, mauvais à tout) qui esquinte littéralement Robert Hossein dont c’était la première réalisation cinématographique. Personnellement je tiens Hossein pour un vrai réalisateur de films noirs[2], un des rares en France, bien sûr avec des hauts et des bas dans sa carrière. Le film qu’il a tiré des Salauds vont en enfer possède aussi des qualités cinématographiques certaines.

      Les salauds vont en enfer, Fréderic Dard, EUD, 2015

    Mais les deux compères prendront assez l’habitude de se faire rejeter par un l’establishment littéraire et cinéphilique, la reconnaissance de leur talent ne viendra qu’après 1968 quand les codes auront fort heureusement changé. Le problème soulevé est bien sûr celui de l’adéquation de « la critique bourgeoise » à la production d’une culture populaire : n’oublions pas que Robert Hossein et Frédéric Dard n’ont pas de bagages et de diplômes et appartiennent à cette espèce particulière qui fait intrusion dans un monde dominé par une bourgeoisie plus ou moins lettrée.

    La présentation est savante et très complète. Le livre est accompagné aussi d’une iconographie particulièrement riche. Je ferais quelques petites critiques pour finir – il faut bien en faire un peu  – c’est  que la trame des Salauds vont en enfer ne puise pas sa source que dans les romans noirs de William Irish et de James M. Cain. Plus prosaïquement elle se trouve dans une nouvelle La belle qui date de 1949 et qui parut dans le n° 15 de la revue OH ! Dans cette nouvelle la femme se nomme aussi Éva, comme dans Les salauds vont en enfer le roman.  La belle est également le titre de la deuxième partie de ce même roman. Le mot est à double sens puisqu’il désigne à la fois le fait de s’évader et la rencontre d’une femme d’une grande beauté. Mais en outre, Les salauds vont en enfer, la pièce est inspirée d’un ouvrage signé Frédéric Charles, Dernière mission, paru en 1950, c’est aussi le premier roman d’espionnage publié par Frédéric Dard au Fleuve Noir. d’autres résonances des Salauds vont en enfer se retrouvent non seulement dans Fais gaffe à tes os, signé San-Antonio, mais également dans La nuit des espions, roman signé Robert Chazal, mais sans doute de la plume de Dard, où jusqu’à la fin on ne sait pas qui est qui, la femme comme l’homme peuvent être très bien tous les deux anglais, ou tous les deux allemands, ou encore ennemis, si les deux nationalités ne correspondent pas.

    Il me semble également que dans la pièce le thème de l’homosexualité sous-jacente est très présent, ce qu’a très bien ressenti Robert Hossein dans son adaptation cinématographique. Dans leurs analyses Galli, Gauthier et Jeannerod, glissent trop rapidement dessus. Pourtant cette amitié entre deux hommes aux objectifs complètement opposés va devenir une vraie passion.

    Les salauds vont en enfer, Fréderic Dard, EUD, 2015

    Le film de Robert Hossein 

    Les salauds vont en enfer, Fréderic Dard, EUD, 2015 

    Les salauds vont en enfer dans l’adaptation d’Abdel Isker

    En tous les cas l’ensemble est excellent et très original.

     

    Liens 

    http://alexandreclement.eklablog.com/les-salauds-vont-en-enfer-robert-hossein-1956-a114844966

    http://www.ina.fr/video/RAF04028090

    http://www.cinematheque.fr/sites-documentaires/pimenoff/rubrique/impression-au-coeur-des-documents-croquis.php


    [1] Voir Alexandre Clément Frédéric Dard, San-Antonio et la littérature d’épouvante, Les Polarophiles tranquilles, 2010.

    [2] Contrairement à Truffaut qui a massacré toutes les adaptations qu’il a réalisé des grands auteurs de romans noirs comme David Goodis, William Irish ou Charles Williams.

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  •  Pierre Chalmin, Dico Dard, Fleuve, 201 

    San-Antonio, plutôt que Frédéric Dard, a engendré toute une industrie secondaire : compilations plus ou moins bien choisies de citations d’extraits et de bons mots, avec le souci à la fois d’amuser et de célébrer les qualités littéraires de la saga du commissaire. Le premier ouvrage de ce type est paru en 1970 chez Julliard et est dû au tandem Dupeyroux-Soyer. Son mérite était d’abord d’être le premier, et ensuite de s’appuyer sur des citations assez longue. C’est une manière de reconnaissance qui intervient juste après Mai 68, ce qui n’est pas un hasard. C’est en effet à partir de ce moment que la littérature populaire va être reconsidérée. Evidemment en 1970 la saga des San-Antonio n’en était qu’à peu près à la moitié, et donc, le style ayant changé, cet ouvrage s’est trouvé rapidement dépassé.

    Puis 10 ans plus tard Françoise Dard s’y mit elle aussi et publia Les mots en épingles de San-Antonio avec succès. Deux ans plus tard, elle remis ça en faisant éditer Les aventures galantes de Bérurier, compilation des gaudrioles du truculent adjoint de San-Antonio.  

     Pierre Chalmin, Dico Dard, Fleuve, 201

    En 1993, Le Doran, Pelloud et Rosé publie, toujours au Fleuve Noir, un dictionnaire prétendant mettre en avant les mots créés par Frédéric Dard pour San-Antonio. En vérité l’intérêt de cet ouvrage était très limité dans la mesure où les auteurs assez peu expérimentés mélanger allègrement les néologismes de Frédéric Dard avec des mots de l’argot traditionnel, voire courant dans les années de l’immédiate après guerre

    En 2000 le Fleuve Noir lançait une série de petits bouquins, une dizaine, rassemblant par thème des réflexions de San-Antonio. Chaque petit bouquin étant fabriqué par des spécialistes du Monde de San-Antonio, le résultat en était très bon dans la mesure où il mettait en avant aussi bien la drôlerie de la prose sanantoniesque que sa désespérance. Dans ce sous-genre très particulier, c’est cette série qui me paraît la plus réussie.  

     Pierre Chalmin, Dico Dard, Fleuve, 201

    Parlons donc du Dico Dard  de Chalmin. Je connaissais de lui un très médiocre Dictionnaire des injures littéraires. Evidemment le principe de départ était assez drôle, étant donné la haine qui habite le milieu littéraire, mais le résultat tendait vers l’insignifiant. Et comme nous savons que le Fleuve – anciennement Fleuve Noir – a toujours eu tendance à privilégier les bons coups commerciaux au détriment de la qualité, j’avais comme qui dirait une appréhension avant que de le lire. D’autant qu’il me semblait faire double emploi avec le Dictionnaire San-Antonio.  Et je dois dire que déjà faire préfacer un dictionnaire issu de l’œuvre de San-Antonio par un académicien à la renommée étriquée, Eric Orsenna, me paraissait aggraver le cas. Mais Orsenna n’a pas dû lire l’ouvrage qu’il devait préfacer sinon il aurait lu en face du mot « académicien » la définition suivante : « L’ennui, avec les académiciens, c’est qu’ils continuent à se prendre pour des écrivains ». Ou encore celle-là à l’entrée « confusion » : « Mort aux cons qui confondent le courage avec la publicité, la littérature avec l’Académie française, le génie avec la folie ! ». En tous les cas sa préface est d’une platitude assez rare dans le genre. Manifestement cet académicien n’a rien à dire sur San-Antonio.

    L’ennui avec ce genre de produit, c’est qu’il a été conçu sans principe et sans imagination. Ce n’est pas vraiment un dictionnaire, puisque les entrées n’engendrent pas de définition. Cela tient en fait du recueil de citations et de blagues, et un peu d’une collection de pensées de philosophie de comptoir. Evidemment en travaillant ainsi – mais est-ce bien un travail dont il s’agit ? – on ne peut guère qu’aboutir à un résultat assez informe. C’est parfois une phrase, parfois une citation de trois pages. Et comme Chalmin ne s’est pas relu, ça donne des répétions bizarres comme à la page 91 pour l’entrée « cadavre ». ou encore, il y a deux fois la même citation, à la page 217 à propos d’ « enfants » et p. 289  à propos de « gosses ». Ou alors on trouve à la page 678 à l’entrée « vieilles », « Elle était si vieille qu’elle avait l’air d’un oubli », puis p. 680 l’entrée « vieux », « Il était si vieux qu’il avait l’air d’un oubli ». Il y en a pas mal comme ça. Le but est-il de nous démontrer que Frédéric Dard se répétait de temps en temps ? Mais je crois plutôt que c’est juste le résultat de la paresse. Je passe sur les nombreuses coquilles qui émaillent le texte.

    En quelque sorte, il s’est inspiré à la fois du travail de Dupeyroux et Soyer, et de la série des réflexions. Mais bien sûr le choix des citations est toujours orienté. Comme Chalmin aime bien Céline on trouvera des citations de Dard qui justement célèbrent la gloire de cet écrivain, en prenant bien soin bien sûr de mettre des bémols à cet admiration, c’est-à-dire en rappelant au travers de la citation de Dard que l’on admire la prose de l’écrivain, sans partager ses options politiques qu’on présente comme farfelues et guignolesques. Chalmin ne relève pas le fait que Dard se trompe quand il affirme qu’avant guerre Céline était un écrivain maudit. Ce n’est pas le cas, Voyage au bout de la nuit avait été un énorme succès et plus encore l’immonde pamphlet antisémite Bagatelles pour un massacre. Céline n’a été un écrivain maudit qu’entre 1945 et 1968, pour le reste il a été un auteur célèbre et célébré[1]. Autre exemple, à propos de Léo Ferré Chalmin ne relève qu’une citation où Dard le critique vertement, en passant sous silence que la querelle entre les deux hommes venait d’abord du fait que Dard continuait à voter alors que Léo Ferré considérait cet acte comme dépassé. Mais il y a beaucoup d’autres exemples dans les San-Antonio où au contraire Dard manifeste une vraie admiration pour le poète anarchiste. Autrement dit, mais c’est probablement inévitable, Chalmin cherche son propre reflet dans les citations de San-Antonio. En même temps cela dévoile un peu pourquoi les San-Antonio eurent autant de succès : à travers leurs contradictions ils touchent un public très large et très divers. 

     Pierre Chalmin, Dico Dard, Fleuve, 201

    Cependant, la prose de Frédéric Dard est tellement bonne et corrosive qu’elle résiste très bien à n’importe quel type de manipulation commerciale et au laxisme d’un copier-collé un peu paresseux. Donc il sera toujours très plaisant de lire ce « dictionnaire ». Je signale au passage que si au Fleuve ils veulent encore des bouquins de ce genre, je suis prêt à leur en fournir un par semaine !

    Je remarque enfin que le Fleuve a choisi une présentation des plus aérée, on aurait pu réduire de moitié le nombre de pages si on avait choisi une mise en page normale, mais c’est très bien bien pour les mal-voyants. Le tout est complété d’une bibliographie des ouvrages signés Frédéric Dard et San-Antonio alors que les citations et les extraits ne sont pas identifiés dans le corps du texte. Cela est dommage parce qu’en datant les extraits et les citations cela nous permettrait de nous rendre compte de l’évolution de l’écriture de Frédéric Dard.

    Bon, je vais interrompre ma critique, sinon Albert Benloulou va se fâcher avec moi, ce qui serait pire que la mort !! Il m’a déjà engueulé quand on a annoncé la sortie de ce livre et que j’ai manifesté quelques réserves. Et puis rien ne nous interdit de penser que Chalmin aime bien la prose de Frédéric Dard, malgré tout. Après tout je n’ai rien contre ce garçon.


    [1] On pourrait dire que Céline a d’autant plus de succès que la situation politique et économique est mauvaise, mais c’est une autre histoire.

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  • Bosch, la série, 2015

    Après une assez longue gestation, la série Bosch a enfin livré sa première saison en 10 épisodes. Je suis assez peu friand de séries télévisées, et à de rares exceptions près, The Shield ou The wire, ça m’ennuie assez vite. Mais je me suis dit que la mise en scène de Bosch pouvait être intéressante. Récemment encore j’ai souligné l’importance de Michael Connelly dans l’univers du noir.

    Bosch, la série, 2015  

    Le Chef Irvin Irving semble soutenir Bosch lors de son procès 

    Le premier problème rencontré par la série est la question de l’adaptation elle-même. En effet cette première saison est construite autour de trois ouvrages The concrete blonde (La blonde en béton), City of bones (Wonderland avenue) et Echo Park. C’est un condensé de la vie de l’inspecteur Bosch. En outre on l’a un rien modernisé : dans la suite écrite par Connelly, son héros a fait la guerre du Vietnam. Ici il sera fait allusion à la guerre en Afghanistan dont les enjeux étaient tout de même différents. Cette approche a nécessité évidemment une réécriture complète des aventures de Bosch. Cela pourra apparaître un peu curieux pour les lecteurs des romans. On note tout de même que l’ensemble de la série a été supervisé par Connelly lui-même.

     Bosch, la série, 2015 

    Bosch et le lieutenant Billets ont retrouvé le squelette d’un enfant 

    Il y a cependant une continuité dans cette saison 1. En effet elle se déroule sous deux aspects différents : la recherche de l’assassin d’un enfant d’une douzaine d’années dont on a retrouvé les restes enterrés vingts ans après son décès, et la traque d’un serial killer, un prédateur, qui se trouve de lui-même des parentés avec Bossch, un peu comme s’il était sa face noire. Evidemment cette double enquête sera émaillée de nombreux conflits, tant entre Bosch et sa hiérarchie, qu’entre Bosch et ses différentes femmes, le lieutenant Billets ou la mère de sa fille Madeline. C’est un peu la règle du genre que de vouloir faire aussi de Bosch un flic un peu ordinaire avec des préoccupations très humaines, sauf que Bosch est un peu plus qu’un flic ordinaire, il est obsédé par sa mission et ne s’en cache pas.dans les conflits directs ou indirects, il y a aussi une dimension politique puisque parfois Bosch ne fait que subir les contrecoups d’une lutte au sommet pour le pouvoir. Il est parfois réduit à n’être qu’un pion.

     Bosch, la série, 2015 

    Bosch et Edgar vont extraire Waits de sa prison 

    La question est de savoir si cela est réussi ou non. Mais en vérité cela dépend de très nombreux facteurs. Avoir fusionné trois épisodes de la saga de Bosch ne pose pas vraiment de problème, les éléments s’emboîtent bien, et on y retrouve parfaitement l’esprit de Connelly. De même les décors sont tout à fait soignés et très représentatifs de l’idée que Connelly se fait de Los Angeles. Sur son site il passe beaucoup de temps à décrire à l’aide de photos les lieux où il situe l’action de ses romans. La petite maison de Bosch est également tout à fait conforme à ce que Connelly décrit. Bien que la série soit filmée par plusieurs réalisateurs très différents, elle conserve cependant son unité de ton : la même vivacité, la même forme d’utilisation des paysages urbains. C’est très bien filmé, même étonnement bien filmé. Certes parfois l’image est un peu trop léchée et donne l’image d’un dépliant touristique, mais le nombre de lieux glauques et déjantés est suffisamment important pour que cette question passe au second plan. 

     Bosch, la série, 2015 

    Raynard Waits est un serial killer dangereux 

    L’interprétation est aussi très bonne, même si certains comme Lance Reddick dans le rôle d’Irvin Irving en fasse parfois un peu trop. Titus Wielliver est Bosch, on dit qu’il a été adoubé par Connelly lui-même. Il est crédible, quoiqu’il manque un peu de cette allure tourmentée qu’on trouve dans les romans.  Mais dans l’ensemble les acteurs sont tous très bons, avec une mention spéciale tout de même pour Jason Gedrick qui incarne Raynard Waits. Je passe sur le fait qu’entre le tournage du « pilote » et la série proprement dite l’avocate Chandler ne soit plus incarnée par la même personne – c’est d’abord Amy Price-Francis, puis Mimi Roger, ce qui occasionne une petite gêne tout de même.

    Malgré d’évidents atouts, et un budget important, on reste tout de même sur sa fin. Certes il y a d’excellentes scènes, notamment les scènes de traque, l’évasion de Raynard Waits, ou encore la façon dont Bosch affronte son supérieur Pounds. Mais l’ensemble reste un peu trop lisse. Les scènes avec Eleanor qui joue la profileuse amateur ne sont pas très crédibles. Et quoique la volonté scénaristique soit de présenter la résolution des deux affaires comme une victoire à la Pyrrhus, la fin reste trop conventionnelle.

    Au final cette série financée par Amazon qui poursuit son rêve ainsi d’intégrer les différents niveaux de l’économie des loisirs dans un seul ensemble, laisse un goût d’inachevé et n’a pas le caractère flamboyant des séries que j’ai cité plus haut, The wire ou The shield.

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