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    Pour ceux qui pensent que le film noir à la française n’a jamais existé, ce film démentira cette idée trop convenue. Et à une époque où il est de bon ton de trouver du vertu au cinéma de Georges Lautner, on peut finalement trouver quelques qualités à certains films de Sergio Gobbi.

    Robert est un bandit qui rêve d’égaler les exploits de John Dillinger. Il monte des coups très audacieux avec une bande qui lui est particulièrement dévouée. Après avoir cambriolé une bijouterie, ils doivent affronter une autre bande de malfrats qui prétend les arnaquer. La bataille est sanglante et laisse plusieurs bandits sur le carreau. Pendant ce temps, le commissaire Kramer qui a été à l’école avec Robert, est chargé de le capturer. Mais Robert le nargue.

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    Robert et ses amis doivent échanger les diamants contre de l’argent 

    Toute la bande décide de partir se payer du bon temps sur la Côte d’Azur. Et c’est en allant flamber au casino – Robert aime la roulette mais aussi le chemin de fer – qu’il va rencontrer Stella. Une fille à voyou qui aime être éblouie par des hommes audacieux. Pendant ce temps Kramer fait chanter un patron de cabaret pour lui soutirer des renseignements et arriver à localiser Robert. Il va débarquer à Nice.

    Mais la passion ne suffit pas à nourrir son homme, et Robert décide de faire un dernier hold-up, piller le convoi qui ramène l’argent des autoroutes à péage. Mais le hold-up ne se passe pas tout à fait comme prévu, la moitié de la bande est tuée. Robert, Stella et Albert se réfugient dans une auberge où ils prennent les aubergistes en otage. Mais la patronne arrive à prévenir la police. Il est trop tard, ils n’ont plus le temps de s’échapper, une fusillade éclate, Albert et Stella sont tués, Robert est arrêté.

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    Robert prend du plaisir à narguer Kramer

     

    Kramer va essayer d’interroger Robert, mais celui-ci est désemparé par la mort de Stella. Il ne dira rien. Mais après une audition devant le juge d’instruction, Robert s’évade du palais de justice en se déguisant en avocat. Il erre dans Paris à la recherche d’aide pour fuir. En allant voir un ami qui tient un cabaret – le même qui l’a balancé d’ailleurs auprès de Kramer, il va tomber sur Geneviève. Elle lui dit toute son admiration et se propose de l’aider. Mais c’est cela même qui va causer sa perte, car sans le savoir elle ramène avec elle la police et Kramer qui finira par tuer Robert.

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    C’est en allant flamber au casino que Robert va tomber amoureux de la belle Stella

    C’est un bon scénario, il y a du mouvement, de l’action – deux hold-up, un règlement de compte – et toute une galerie de personnages plus vrais que nature. Mais surtout il y a une vérité des situations et des caractères. Stella, Geneviève, sont des filles à voyous, qui se moquent des risques, tant elles sont attirés par des hommes différents et rebelles. Les voyous produisent eux-mêmes leur propre récit : Marco est le compagnon de Robert dont il retranscrit fidèlement les aventures, pensant qu’un jour on le lira. Les voyous flambent leur fric au casino et sont mis en mouvement par ce flot d’adrénaline qui les poussent à se dépasser dans des aventures risquées. Ce ne sont pas des sortes de petits entrepreneurs comme ceux qu'on avait l'habitude de voir avec Jean Gabin. Le portrait de Kramer en tant que flic nostalgique de son amitié avec Robert est nettement moins intéressant, il est larmoyant et assez faux.

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    Stella est une fille  à voyou, elle aime le risque et le jeu 

    Je suppose que ce film a eu un budget confortable car le casting est plutôt relevé. C’est évidemment Robert Hossein qui porte le film sur ses épaules. Et effectivement il a tout à fait l’allure d’un voyou du midi de la France, il en a aussi la démarche et les gestes. Il est très bien. C‘est grâce à lui surtout que le film eut un bon succès. Charles Aznavour est Kramer, mais il n’est qu’un second rôle, une sorte de faire valoir. Virna Lisi – coproduction franco-italienne oblige – est Stella. Si elle a tout à fait la silhouette de son personnage, elle n’est pas aussi éclairante que dans ses autres films. Dans des seconds rôles son reconnaîtra Madeleine Sologne qui joue la mère de Robert. Marcel Bozzufi est Marco, et Felix Marten celui qui trahira Robert. Une mention spéciale doit être décernée  à l’étonnant Albert Minski.

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    Kramer fait chanter un patron de cabaret pour obtenir des renseignements sur Robert 

    Tout est donc en place pour faire un bon film noir. Et d’ailleurs Sergio Gobbi qui est aussi le scénariste, a plein d’idées, comme par exemple l’évasion de Robert qui saute par la fenêtre du tribunal où on l’interroge. Cela ressemble à l’évasion de Spaggiari, sauf que celle-ci eut lieu sept ans plus tard ! Egalement la rencontre de Robert avec Geneviève est une scène clé du film. L’idée de faire participer Stella au dernier hold-up est aussi tout à fait bienvenue. Mais évidemment les bonnes idées ne sont pas suffisantes pour faire un bon film. Sergio Gobbi n’est pas un grand technicien – mais Lautner non plus n’est-ce pas – il peine à donner le rythme. De ce point de vue la deuxième partie, à partir du moment où tout devient de plus en plus difficile pour Robert – est plus soutenue que la première. Le règlement de compte avec la bande qui veut arnaquer Robert est filmé d’une manière peu convaincante. Les hold-up sont un peu mieux mis en scène, notamment le deuxième où Sergio Gobbi a manifestement retenu les leçons de Melville dans Le deuxième souffle.

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    Le dernier hold-up auquel participera Robert est particulièrement sanglant 

    Des scènes inutiles sont rajoutées, comme ces images du temps où Robert et Kramer jouaient ensemble dans la cour de l’école aux gendarmes et aux voleurs. Mais le plus souvent il a du mal à faire le cadre d’une manière satisfaisante. Cela manque souvent de profondeur de champ.

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    La police tuera finalement Stella 

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    Kramer a coincé Robert

     

    Bien sûr ce n’est pas un grand film, mais c’est un film qui se revoit assez volontiers, sans ennui, plus de quarante ans après. Cela aurait pu être un excellent film noir si le scénario avait été un peu plus travaillé – il y a trop de dispersion – et bien sûr un peu plus d’application sur le plan de l’écriture cinématographique. En tous les cas, Sergio Gobbi a tout fait sur ce film puisque non seulement il en a imaginé l’histoire qu’il a scénarisée avec André et Georges Tabet, il l’a réalisé, mais il l’a aussi produit.

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    Robert s’évade à la manière de Spaggiari

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    Evidemment Robert ne peut pas gagner

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    Le sheriff Tawes exerce dans une petite ville du Tennessee, une bourgade en perdition, pauvre et déglinguée, les ouvriers complètent leurs revenus en faisant les bouilleurs de cru. Tawes s’ennuie, il est las de la vie qu’il mène, de sa femme et de sa famille. Un jour un tombe sur Alam McCain, une jeune fille qu’il arrête parce que son petit frère conduisait une camionnette d’une manière un peu dangereuse. Il la laisse filer, mais il va peu à peu tomber amoureux d’elle. Tawes est un homme un peu vieillissant. Mais c’est aussi le moment que choisissent les fédéraux pour s’en prendre aux fabricants clandestins d’alcool. Il lui faut participer à la chasse, alors qu’il ne rêve que de partir avec Alma. Son adjoint, Hunnicutt, est plutôt jaloux et le surveille. Tout cela finira plutôt mal, Hunnicutt qui essaie de violer Alma sera tué par le père McCain, Tawes dissimulera le corps. Mais Alma préférera partir avec sa famille et le shérif se retrouvera tout seul.

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    Tawes croise la route d’Alma

     John Frankenheimer est un cinéaste sous-estimé, mais sa filmographie est très intéressante et abonde en excellents films, notamment ceux qu’il tourna avec Burt Lancaster. I walk the line est très bon. C’est un film aussi très noir. On n’est guère habitué à voir Gregory Peck tenir le rôle d’un homme rongé par le démon de midi, harcelé par ses propres incertitudes. Assez typique de l’esprit des années soixante-dix, il tente de montrer l’envers de l’Amérique. Non seulement les décors peignent un Tennessee sombre et pluvieux, mais il est aussi peuplé de personnes âgées et perdues qui donnent un cachet d’authenticité à l’ensemble. Même le tribunal apparaît sous un jour assez sordide, et la secrétaire de Tawes est aussi très âgée.  C’est un endroit qui pue la mort et on comprend assez bien que Tawes ne rêve que de s’enfuir. C’est Alma qui lui donne le déclic. Les personnages sont tous très ambigus, à commencer par le shérif qui trompe sa femme. Alma cache aussi qu’elle est mariée et que son mari croupie en prison. La famille McCain aussi, elle se sert manifestement d’Alam pour que celle-ci pousse le shérif à les protéger. Quant à l’adjoint du shérif, qui passe son temps à manger et à espionner son supérieur, c’est probablement le plus glauque de la bande.

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    Alma vient relancer Tawes au tribunal 

    Le FBI représenté par une sorte de clown lubrique, il perd son sens à s’attaquant à des petites gens qui ne font finalement que chercher à survivre. La femme de Tawes, malheureuse et perdue, ne comprend rien de ce qui lui arrive et se réfugie dans la lecture du Reader’s Digest pour trouver des réponses à ses angoisses.

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    L’homme du FBI lance la chasse aux bouilleurs de cru 

    Le titre américain est bien plus juste que le titre français. I walk the line, parle du franchissement de la ligne, mais aussi des hésitations qui l’accompagnent. Et en fait de violence il n’y en a pas beaucoup, même si à la fin l’histoire tourne au cauchemar. Ou plutôt, il faudrait dire que la violence est rentrée. Tawes aura des brusques accès de colère quand il se met à frapper Alma parce qu’elle lui a menti, ou quand il tire sur son père parce qu’il est plutôt désespéré de voir Alam lui échapper.

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    La femme de Tawes ne comprend pas l’éloignement de son mari 

    Le scénario est très bien écrit, il ménage des scènes plutôt mélancolique dans cette Amérique profonde qui s’écroule sur elle-même. C’est le délire du père de Tawes qui veut croire que sa femme et ses filles vont revenir, alors qu’elles sont mortes depuis plus de dix ans. Ou encore c’est ce même Tawes qui médite sur tout ce qu’il a perdu lorsque la propriété familiale a été engloutie sous les eaux d’un barrage.

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    Hunnicutt va tenter de violer Alma 

    L’interprétation est excellente. Gregory Peck joue d’une manière rentrée et sombre cet homme perdu qui s’accroche encore à certaines valeurs. Tuesday Weld, sorte de Lolita, ingénue, joue de son physique encore entre adolescente et femme. Ce sont les principaux personnages du film qui est aussi une histoire d’amour plutôt non-conventionnelle. A leurs côtés on trouve des seconds rôles très intéressants, Ralph Meeker qui joue le père d’Alma et surtout Charles Durning qui incarne le sournois Hunnicutt. Par la suite il se spécialisera un peu dans ce genre de composition.

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    Tawes ne pourra pas empêcher Alma de partir 

    Terminons par la très bonne bande son, presqu’exclusivement faite des chansons de Johnny Cash qui parlent de cette misère de l’existence et des difficultés à la supporter.

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    Voilà un film qui a une grosse réputation, certains allant jusqu’à dire qu’il s’agit du chef-d’œuvre d’Alain Corneau.  C’est une adaptation assez fidèle dans le déroulement de l’histoire de A hell of a woman de Jim Thompson. Et d‘après ce qu’on comprend l’adaptation s’est faite sur la base de la traduction de cet ouvrage paru en Série Noire en 1967. Ce qui peut poser des problèmes d’interprétation, voire d’incompréhension, parce que la fin de l’ouvrage est clairement différente dans la version de la Série Noire. 

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    Poupart fait du porte à porte 

    Frank Poupart fait du porte-à-porte dans la banlieue parisienne. Un jour il tombe sur une vieille qui lui propose sa nièce en échange d’un produit assez médiocre. Cédant à la tentation, il va manifester de la compassion pour la jeune Mona. De la même manière que dans le livre, après être passé par la case prison, il va mettre au point un scénario pour s’emparer du magot de la vieille. Mais les choses ne se passeront pas comme il l’entend, son patron le dépouillera, il assassinera sa femme et se retrouvera seul face à Mona, en attendant probablement que la police vienne le trouver.

    L’adaptation du roman de Jim Thompson est due à Georges Pérec et à Alain Corneau. Ce qui saute aux yeux tout de suite, c’est que c’est une trahison totale de l’esprit de Jim Thompson dont ils n’ont conservé que le côté matériellement sordide de l’histoire, oubliant un peu trop facilement la folie de Poupart. Certes ici on le perçoit comme quelqu’un d’un peu étrange, mais pas comme quelqu’un de fou, et d’ailleurs toutes les obsessions du livre, à commencer par celle de la castration et des ciseaux n’apparaissent jamais. 

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    Il rencontre la très jeune Mona 

    La difficulté vient du fait que le roman est un long monologue qui nous fait pénétrer peu à peu dans le cerveau malade de Frank. Or ici la voix off qui pourrait être l’équivalent de l’écriture à la première personne, n’est que très rarement utilisée. Cela fait apparaître Poupart plus victime des circonstances que de sa propre folie. La transposition que Corneau et Pérec réalise passant de l’Amérique profonde à la banlieue parisienne n’est pas convaincante non plus. On retrouve le même problème qu’avec le film de Bertrand Tavernier, Coup de torchon, qui avait situé 1275 âmes en Afrique noire pendant la guerre, pensant trouver là un équivalent à la lourdeur du climat social des Etats du sud des Etats-Unis. Mais la façon de réagir, de sentir et de se comporter dans les relations humaine sont chez Thompson typiquement américaines : la solitude et la difficulté d’avoir des relations normales avec des femmes. Corneau passe complètement à côté de son sujet en n’évoquant jamais cette question de la castration et du retour en enfance.

    Dans le même ordre d’idée, il ne donne pas de corps aux personnages féminins, que ce soit la femme de Poupart ou Mona bien entendu. Or dans l’ouvrage de Thompson, même s’il est malhonnête, Frank ressent de l’amour pour ces femmes qu’il peut dans le même temps abandonner ou même tuer.   

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    Sa femme le traite par le mépris et annonce qu’elle va le quitter 

    Il y a une scène qui est parfaitement déplacée et ridicule dans le film, c’est Poupart qui se retrouve dans un bar un peu sordide où de soi-disant Hell’s angels font la loi. Non seulement cette scène n’a rien à voir avec le roman, mais elle n’apporte rien sur le plan de la compréhension de la mécanique psychologique de Poupart. De même si dans le film et dans le livre le héros tue sa propre femme, dans le film il ne la fait pas disparaître de son logement, ce qui change complètement sa destinée puisqu’on croit comprendre que la police l’arrêtera pour cela.

    Egalement le personnage de Staplin (Staples dans le roman) n’est pas très développé, alors que Corneau bénéficiait de Bernard Blier pour l’incarner. Or celui-ci est une triste canaille qui dans le roman payera ses mauvaises actions envers Frank puisqu’il sera accuser de l’assassinat de Frank et de sa femme, mais aussi d’avoir récupéré de l’argent d’une rançon pour kidnapping. D’ailleurs dans le roman, Thompson laisse entendre que Mona a été enlevée et élevée par la vieille, ce qui éclaire un peu mieux sa volonté de la prostituer. 

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    Poupart se saoule dans un bar mal famé 

    Alain Corneau disait que c’était un film à petit budget et qu’il fallait faire attention au moindre centime dépensé pour la mise en scène. Est-ce cela qui donne ce caractère étriqué au film ? Les gros plans sont souvent trop multipliés, accroissant le caractère hystérique du jeu de Dewaere. Les images de Pierre-William Glenn qui avait déjà fait la photo des premiers films de Corneau et qui fera celle de Coup de torchon, renforce cette approche typique de la banlieue dans les années soixante-dix, comme le contrepoint de la crise sociale qui accompagne la modernisation hâtive de la société française.

    Ce n’était pourtant pas le premier film de Corneau et il avait déjà connu de bon succès publics avec les deux films policiers qu’il avait tournés avec Yves Montand au faîte de sa gloire, Police Python 357 et La menace. Il semble donc que l’idée de faire un film noir adapté de Thompson n’ait pas beaucoup enthousiasmé les producteurs.

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    Poupart commet un double meurtre et s’empare du magot 

    Reste l’interprétation. Patrick Dewaere porte entièrement le film sur ses épaules, il est présent du début à la fin, et on dit qu’il s’était beaucoup investi dans ce rôle. En revoyant ce film, près d’un quart de siècle après sa sortie, je suis un peu choqué par cette interprétation hystérique. Il crie beaucoup, faisant monter sa voix dans les aigus, renforçant un accent parisien à couper au couteau qui donne un côté grotesque au personnage. Il saute, tourne, danse. Le générique s’ouvre d’ailleurs sur les images d’un Frank Poupart – on a traduit Dolly qui veut dire Poupée par Poupart – qui fait un numéro assez raté où les extravagances comportementales sont censées expliquer la suite.

    C’était également le premier rôle de Marie Trintignant qui devait connaître un tragique destin. Elle n’avait que 17 ans, et son jeu était plutôt emprunté, même si on comprend bien qu’en lui faisant jouer les mutiques Corneau limitait les dégâts. Bertrand Blier, vieux routier du cinéma français, paraît lui-aussi s’être trompé de film et reproduit une pâle copie de ce qu’il avait l’habitude de faire chez Audiard ou chez Lautner. Seule Myriam Boyer semble tirer un peu son épingle du jeu.

    La mise en scène reste assez empruntée, et les gros plans probablement trop nombreux, étouffe le film, freine l’action. Le montage serré, ni les mouvements désordonnés de Patrick Dewaere ne compense pas cette difficulté générale avec le rythme.

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    Staplin menace Poupart de le dénoncer à la police s’il ne lui donne pas l’argent 

    Je me rends compte que j’ai un avis très négatif sur ce film, mais j’avais déjà été très critique sur le malheureux remake que Corneau avait réalisé du Deuxième souffle. Et je me demande si une partie de cette critique ne tient pas plus au fait que je le juge comme une adaptation d’un roman de Jim Thompson, plutôt que comme un film à part entière de Corneau, une œuvre originale, comme on juge aussi son film Le deuxième souffle par rapport à l’adaptation de Jean-Pierre Melville. 

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    Alain Corneau et Patrick Dewaere sur le tournage de Série noire

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    Voilà l’archétype d’un film noir de série B. Ce genre qui a permis à de nombreux jeunes réalisateurs de talent de faire leurs premières armes. On connait le principe, un sujet simple et linéaire, des acteurs peu chers, une mise en scène nerveuse, un tournage rapide destiné à cadrer avec un budget très bas. Le tout pour un produit qui doit occuper le spectateur environ une heure de temps. Cet ensemble de contraintes a donné lieu à de très grands films, voire à quelques chef-d’œuvre. 

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    Mike est un flic brutal et un peu tendu

    Bodyguard est un des premier films de Richard Fleischer, et son premier film noir. Suivrons bientôt les films de même genre mais plus connus comme L’assassin sans visage, Le pigeon d’argile, Armored car robbery ou encore L’énigme du Chicago express. C’est cependant 20000 lieues sous les mers qui le propulsera vers les sommets, un spécialiste des films à grand spectacle. Par la suite il alternera le bon et le moins bon, sans trop s’enfermer dans un genre, on lui doit aussi bien Les vikings que Soleil vert, Les inconnus dans la ville ou L’étrangleur de Boston. Mais quoi qu’il en soit, il restera toujours assez fidèle au film noir, y revenant périodiquement.

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    De riches propriétaires d’un abattoir veulent l’engager comme garde du corps 

    Le scénario de Bodyguard qui présente la particularité d’avoir été travaillé par Robert Altman, n’est pas des plus riches. Un flic un peu violent, Mike Carter, qui préfère la justice au respect tatillon du règlement et de la loi, s’oppose à son supérieur qui le met à pied. Il décide de démissionner. Alors qu’il est au stade en train d’admirer, avec sa fiancée Doris, un match de base-ball (c’est donc un vrai américain) on lui propose de devenir garde du corps d’une femme assez âgée, propriétaire de grands abattoirs, pour une somme élevée. Mais il refuse, une fois, deux fois. Puis face à l’évidence d’une tentative d’assassinat, il va céder. Mal lui en prend parce qu’alors qu’il suit la vieille Gene Dysen qui se rend à un rendez-vous mystérieux à 4 heures du matin, il est assommé et se retrouve dans sa propre voiture avec le cadavre du policier qui l’a mis sur la touche. Un train fonce sur la voiture, et c’est un miracle s’il s’en sort.

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    Ayant perdu l’automobile qu’on lui a confiée, Mike doit prendre un taxi 

    Le décor ainsi planté, on va assisté aux efforts de Mike pour faire éclater la vérité et trouver les vrais coupables. Car bien évidemment il est soupçonné de meurtre et se trouve pris entre les vrais meurtriers et la police. Mais il peut compter sur l’aide de la ravissante Doris qui le soutien de tout son amour. La fin, un rien paresseuse, permettra que tout rentre dans l’ordre, les méchants seront punis – et salement encore – et Mike et Doris se marieront. Avant de partir en lune de miel, Mike sera réintégré dans la police parce que son travail aura été reconnu enfin à sa juste valeur.

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    Quelques vues de Los Angeles sont particulièrement réussies 

    Comme on le voit ce ne peut pas être un grand film. Le scénario est bourré d’invraisemblances aussi bien factuelles que psychologiques : le gangster qui veut assommer Mike dans le cabinet de l’ophtalmo sort de nulle part. Mais c’est un film qui présente des qualités de mise en scène évidentes. Les extérieurs dans les rues de Los Angeles sont très bons, et donnent du corps au film. Les noirs et blancs sont excellents, particulièrement dans les scènes nocturne. La mise en scène du travail dans les abattoirs, ces scies électriques qui découpent des grands quartiers de viandes, apporte un côté inédit et un peu angoissant. On regrettera cependant la multiplication de gros plans plutôt lourdingues. 

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    L’ophtalmo n’est pas très sympathique 

    Outre la faiblesse du scénario, le film souffre cruellement de son casting. Si Laurence Tierney est excellent dans Born to kill de Robert Wise parce qu’il y joue le rôle d’un psychopathe, il a bien du mal à être crédible en policier sympathique et bon. Cela vient je suppose de la rigidité de son visage et de son corps. Il fera néanmoins une très longue carrière, souvent cantonné à des seconds rôles, et Quentin Tarantino lui rendra hommage en l’employant dans Reservoir dogs. L’ennui est que c’est lui qui porte le film sur ses larges épaules, c’est filmé de son point de vue.

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    Mike a la capacité de voir dans son dos 

    Priscilla Lane est un petit peu mieux, servie par un physique avenant et un joli sourire. Au passage on reconnaîtra Steve Brodie dans un petit rôle, un autre habitué des films noirs de série B. Le reste de la distribution ne se remarque guère, Philip Reed joue le fils dégénéré sans grande conviction, peut-être se pensait-il à cette époque destiné à une carrière de jeune premier.

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    La police a rendez-vous à Pasadena 

    Si le film se voit sans ennui, et s’il est exemplaire d’un certain genre, on peut dire aussi qu’il est aussi vite oublié que regardé.  

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    Doris qui a surpris le criminel en pleine action, risque sa peau

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    Mélodie en sous-sol est un très gros succès commercial d’Henri Verneuil. Il bénéficie toujours d’une bonne audience. Adapté on ne sait trop pourquoi d’un roman de John Trinian qui n’a finalement que peu de rapports avec le film, il est un exemple de la conception du film noir à la française. La différence essentielle avec la production courante de l’époque, c’est le budget. Il y a des moyens et ça se voit. Le scénario est assez simple, voire simplet, Charles qui sort de prison retrouve son quartier et sa vie transformée. N’ayant guère de capacité d’adaptation à cette nouvelle donne, il va imaginer un coup pour empocher le gros lot et se retirer des affaires. Il veut casser le casino du Palm Beach à Cannes et pour cela il va s’attacher les services de Francis, un petit voyou de rien du tout, même pas un demi-sel et de Louis. Le coup est minutieusement préparé et va réussir, jusqu’à un certain point, car le butin sera finalement perdu. 

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    Charles retrouve son ancien quartier transformé 

    Inspiré très vaguement de John Trinian, le scénario est écrit par Simonin, Verneuil et Audiard. On suppose que Simonin assure la caution « couleur locale », Audiard le pittoresque des situations, et que Verneuil supervise l’intérêt commercial de l’affaire. Ces dispositions s’inscrivent dans la logique d’un cinéma à « effets », un cinéma simple qui utilise des oppositions grossières. Par exemple on oppose Sarcelles, cité dortoir et déshumanisée de l’époque et la vie de luxe de Cannes et de son Casino, comme les deux faces de la modernité, modernité soulignée violemment par une musique de jazz assez envahissante. Les oppositions continuent avec celle du vieux de la vieille incarné par jean Gabin, truand désabusé et mélancolique, et le jeune impulsif et finalement naïf petit voyou incarné par Delon. Le mécanicien Louis est là également pour faire ressortir l’opposition entre le courage ordinaire des vrais truands et la peur panique des amateurs. Ces oppositions de caractères tranchés et de lieux forcément opposés, empêchent évidemment toute forme d’ambiguïté et de nuances, et c’est probablement cela qui font du film un simple spectacle de divertissement.  

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    Il ne vise pas à s’installer dans la tranquillité 

    Une des raisons de l’énorme succès de ce film est sans doute la façon dont il est tourné. D’abord l’utilisation de l’écran large apporte une profondeur de champ intéressante qui éclaire le film et en ôte tout mystère : c’est la modernité de la transparence. Mais aussi comme le scénario possède peu de rebondissement, on détaillera longuement les scènes, que ce soit le retour de Charles dans son quartier, ou la préparation et l’exécution du hold-up.  

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    Pour monter un coup magnifique, il va engager un petit voyou, Francis

     C’est sans doute cette manière « moderne » qui fait que le succès de ce film reste persistant. Certains ont remarqué que l’utilisation abusive des transparences ne passait plus aujourd’hui. C’est un peu vrai. Mais là n’est pas l’essentiel, parce que justement le film mêle habilement les prises de studio avec les scènes tournées en extérieur ou dans des décors réels comme les salles du casino. 

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    Louis conduira la voiture 

    Les dialogues sont de Michel Audiard, c’est-à-dire qu’on va retrouver des bons mots d’auteur enrobés dans un argot de pacotille, avec une pointe d’aigreur qui tiendra lieu de réflexion générale sur l’évolution négative des mœurs et du pays : par exemple la fameuse et très longue scène qui oppose Charles dans le train de banlieue, silencieux et sombre, aux prolos de base, rêvant stupidement de congés payés et de vacances dans des campings minables. Ce type de réflexion réactionnaire fait toujours rire, parce que le spectateur ne se sent pas concerné, parce qu’il se croit épargné de la vindicte de Michel Audiard. Il y a un point de vue qui se veut « aristocratique » malgré tout : Charles est un seigneur, Louis, pauvre travailleur manuel est peureux et soumis à n’importe quelle hiérarchie. Comme toujours avec Audiard, le peuple représente un ramassis de cons et les seuls personnages pour qui il a de la tendresse sont forcément des individualistes qui ont réussi à la force du poignet.  

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    Francis s’intègre à la vie du Palm Beach

     Dans ce genre de film, si les décors naturels jouent un rôle clé, les acteurs sont essentiels. Ici le choix est assez simple. Le film a été d’abord bâti autour de Jean Gabin, un vieil habitué à cette date des rôles de vieux truands plus ou moins dépassés par l’évolution de la société. Il fait du Gabin, et c’est probablement ce que les gens attendent de lui. Alors qu’il n’a même pas soixante ans au moment où il tourne ce film, il adopte une démarche usée qui le vieillit encore plus, il se montre dans des tenues qui augmente le côté pantouflard du personnage, par exemple les scènes en pyjama. Sa composition déçoit beaucoup, tant elle est convenue. 

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    Le coup est minutieusement préparé 

    En vérité c’est Alain Delon qui lui vole la vedette. On sait qu’il a tenu à faire le film pour rien – se contentant des droits d’exploitation au japon et en Amérique latine. Jean-Louis Trintignant aurait été pressenti pour le rôle. A l’époque où il tourne ce film, Delon est un acteur connu, mais il l’est surtout pour des films d’auteur. Mélodie en sous-sol va lui permettre de casser cette image. C’est d’ailleurs à partir de cette date qu’il commencera à multiplier les rôles de voyous auxquels il n’était jusqu’alors pas habitué : le samouraï de Melville lui donnera ensuite la possibilité de donner une forme définitive et originale à cette figure du jeune truand marchant allégrement vers l’échec. Il est encore très jeune, et son jeu insuffle une énergie qui par ailleurs fait défaut à l’ensemble du film. Mais le plus étonnant probablement est la transformation qu’il opère en passant du petit blouson noir, englué dans ses relations de quartier, son bar, son flipper, ses salles de billard, au truand classieux portant beau dans les casinos, trimbalant son smoking dans les salles de jeu. Il y a donc à l’intérieur du film l’histoire d’une ascension sociale qui est aussi bien celle de Francis que celle de Delon ! 

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    Francis traversera le casino en passant par les conduits d’aération 

    Le complément de la distribution n’est pas très original. Maurice Biraud dans le rôle de Louis, Vivianne Romance dans celui de la femme de truand, patiente et fidèle. 

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    Le survol de la salle de jeu est une des scènes fortes du film 

    Bien entendu il reste quelques scènes très bien filmées,  celles qui montre le déroulement du hold-up proprement dit : que ce soit la traversée au-dessus de la salle de jeu, ou l’entrée dans la salle du coffre. Mais tout cela reste dans la continuité des films comme Du rififi chez les hommes et annonce la suite y compris le cercle rouge de Melville. La scène finale se veut paradoxale, comme un ultime retournement, mais elle reste assez incongrue, visant toujours l’effet, les billets remontant à la surface de la piscine provoquent effectivement une sorte de choc émotionnel de premier degré. 

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    Le hold-up est un jeu d’enfant 

    C’est finalement un film de faible consistance, mais il est bien rare que les films de Verneuil nous touchent encore, il se laisserait voir, sans passion bien sûr, s’il n’était pas saturé des dialogues lourdingues de Michel Audiard. Je vais encore me faire engueuler en écrivant cela au moment même où on célèbre les cinquante ans des Tontons flingueurs que d’aucun considère comme un film culte, et que moi j’ai toujours trouvé ennuyeux, seulement sauvé du naufrage définitif par le charisme des acteurs, Lino Ventura en tête. Terminons sur une anecdote, Alain Delon tournera un autre scénario de John Trinian : Les tueurs de San-Francisco, sauf que pour ce film John Trinian retrouvera le nom de Zekial Marko. 

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    Les deux voyous ne savent plus comment faire pour sauver leur butin

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