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    C’est un excellent film noir, malgré la leçon de morale du début qui explique que le crime ne paie pas. Les séquences introductives sont en effet ridicules. Le film démarre sans générique et fait intervenir trois politiciens véreux qui nous explique qu’en durcissant la loi, on éradiquera bien le crime, et que surtout, les jeunes ne doivent pas se laisser aller à cette facilité. Mais en réalité le film n’a pratiquement rien à voir avec ce catéchisme.  

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    Legenza est le chef du gang des trois Etats 

    C’est l’histoire d’un gang emmené par Legenza, qui pille les banques dans trois Etats différents, sans se soucier de laisser derrière eux des témoins. Ils sont froids et méthodiques, récidivistes aussi, ils ont tous fait de la prison et ne comptent pas y retourner. Ils vivent un peu d’une manière clanique, tous ensembles, avec leur conquête du moment. Legenza mène son équipe d’une main de fer et n’hésite pas à tuer sa propre compagne qui menace de le dénoncer. Bien entendu la police essaie de trouver qui compose ce gang, mais  c’est difficile car ils sont très prudents, se déplaçant rapidement à travers plusieurs Etats. Néanmoins, ils vont finir par avoir une piste, l’immatriculation d’une voiture dont ils ont usé pour commettre l’attaque d’une banque. La traque va commencer, et tandis que l’étau se resserre, les tensions augmentent à l’intérieur de la bande de criminels. Legenza se montre impitoyable, commençant par assassiner la régulière qui a menacé de la quitter, puis le garde d’un camion blindé qui transporte des fonds. Il tuera également l’indicateur qui les a mis sur un coup un peu foireux. Bref il ne fait pas de détail. Les choses empirent lorsque l’un des gangsters, Bill Phillips est tué dans une fusillade et que sa compagne Lee va vouloir s’extraire de la bande. En même temps que la police se rapproche, Legenza est obligée de pister Lee pour éviter qu’elle aille témoigner. Mais il n’y arrivera pas et son destin s’achèvera sur une voie de chemin de fer, écrasé par un train.

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    L’attaque de la banque est menée de main de maître

     Bien que le film se passe dans les années cinquante, il s’inspire en fait de faits similaires, le gang des trois Etats, qui se sont passés au début des années trente, à une époque où l’Amérique sombrait dans le crime et la dépression. Cette décontextualisation est sensée donner un caractère universel à la nécessité de lutter contre des criminels endurcis qui finalement possèdent cette mauvaise manière dans le sang. Ils n’ont pas d’excuse. Mais en réalité, c’est un petit film fauché qui ne pouvait pas se permettre des frais de reconstitution. Mais comme de toute façon Legenza (qui dans la réalité s’appelait Walter et non pas George) est mort et oublié de tous depuis longtemps ce n’est pas là le problème. 

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    Tout le gang se retrouve dans une boîte

     Andrew Stone est un réalisateur assez peu connu, qui a débuté sa carrière dans l’époque du muet et dont la plupart des films n’ont pas traversé l’Atlantique. Si en Amérique il s’est d’abord fait connaître par des comédies musicales, en France on connait surtout Cri de terreur et Nuit de terreur qui reprenait le sujet de La maison des otages, le film de William Wyler avec Humphrey Bogart qui sortira en même temps. Stone est un auteur complet qui écrit ses scénarios, les met en scène, et qui parfois en écrit aussi la musique. 

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    Legenza n’hésite pas à abattre sa régulière 

    Ce qui est frappant dans ce film, c’est d’abord la maîtrise de la mise en scène. En effet, Highway 301 est un de ces films noirs et froids qui ne s’embarrassent pas de psychologie et visent d’abord à une analyse clinique d’une réalité. A part les scènes du début et la scène de la fin où le policier vient faire sa petite leçon de morale, Stone reste très distancié dans son approche du sujet. On pourrait dire que dès lors qu’il filme les gangsters, il met en contradiction le message apparent du film. Certes ce sont des criminels qui usent d’une violence féroce, mais cela fait partie en quelque sorte de leur métier. D’ailleurs ils ne sont pas décrits comme des psychopathes, et leurs motivations ne sont jamais discutées ni même montrées. Si Legenza est un peu plus cruel que les autres membres du gang, c’est aussi parce qu’il est le plus prudent. Mais il ne semble jamais prendre de plaisir à tuer.  

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    L’attaque du fourgon blindé est minutieusement calculée 

    Au-delà de ce parti pris behavioriste comme on dit, Stone réussit des scènes d’une grande beauté, surtout dans la maîtrise de l’attaques de la banque ou de celle du fourgon blindé. Par exemple, dans la première attaque de banque il y a un mouvement de grue qui saisit l’ensemble en enfilade. De même les scènes de poursuite dans la nuit entre Legenza et Lee utilisent d’une manière très esthétique les ombres des personnages qui se déplacent dans la nuit. Il y a un vrai langage cinématographique personnel dans ce film. Je pense d’ailleurs que l’attaque de la banque au début du film a inspiré Jean-Pierre Melville qui n’en était pas à un emprunt près, pour la séquence d’ouverture d’Un flic.  

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    C’est en se cachant dans un camion qui transporte des œufs que les gangsters passent à travers le barrage 

    Bien entendu l’excellence de ce film repose également sur un montage très serré qui donne un rythme rapide et violent à l’ensemble. C’est très visible dans les scènes de hold-up, mais également dans la course poursuite la nuit, ou encore la visite à l’hôpital de Richmond.  

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    Bientôt la police va remonter la piste de Legenza

     Le film doit beaucoup à son acteur principal, Steve Cochran, mort trop tôt, il avait le physique voulu pour les rôles de bandits, de voyous sans états d’âme, grand brun, enjôleur, il savait mettre en avant une violence rentrée très crédible, mais aussi une mélancolie un peu inhabituelle pour ce genre de personnages. A l’époque où il fut engagé sur Highway 301, il venait tout juste de tourner L’esclave du gang avec Joan Crawford, et l’année suivante il allait tourner Les amants du crime, sous la direction de Felix Feist, sans doute son meilleur film. Mais il s’était fait connaître aussi en 1949 dans le film de Raoul Walsh, L’enfer est à lui, film dans lequel il trahissait James Cagney. C’est donc un acteur incontournable dans l’univers du film noir américain dont le talent n’a pas été suffisamment utilisé à mon sens.

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    Lee essaie d’échapper à Legenza 

    Le reste de la distribution est sans surprise, mais très solide, que ce soit Virginia Grey dans le rôle de Mary la fidèle du gang, ou les membres de la bande, Richard Egan, Robert Webber. On reconnaîtra aussi l’actrice française Gaby André qui se fit connaître dans l’adaptation à l’écran de l’ouvrage de Léo Malet 120 rue de la gare. Mais c’est en quelque sorte la moins intéressante du film, sauf pour son accent français bien évidemment.  

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    Lee fuit dans la nuit 

    Le film a fait finalement son chemin, et les amateurs de films noirs le célèbrent à juste titre comme une grande réussite du genre. Bien sûr c’est un avantage pour ceux qui ne le connaissent pas que de pouvoir le découvrir : il n’a pas pris une ride et nous donne en même temps une leçon de mise en scène.  

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    Legenza va la retrouver  

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    A l’hôpital ils essaient d’assassiner Lee  

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    Legenza n’échappera pas au châtiment   

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    Andrew Stone et sa femme Virginia

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    John Cassavetes est un metteur en scène qui a acquis avec le temps une réputation d’auteur. Quand The killing of chinese bookie sort en 1976, il est salué comme un événement. Si je trouve certains Cassavetes très intéressants, comme Shadows, ou Une femme sous influence, je trouve au contraire The killing of chinese bookie plutôt morne et décevant.

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    Cosmo, mélancolique patron de boîte de nuit est un flambeur 

    L’histoire est relativement banale. Un patron de boîte de nuit, Cosmo Vitelli, perd beaucoup d’argent au poker, et il va devoir une forte somme à un gang de Los Angeles. On va lui demander d’assassiner un bookmaker chinois et en échange on se propose d’effacer sa dette. Après avoir refusé, Cosmo va finir par accepter cette mission. Il réussit à tuer le vieux chinois, mais il est blessé et le gang veut aussi le tuer pour ne pas laisser de traces de son forfait. Il n’échappera pas à son destin, et on suppose qu’il s’en ira mourir dans un coin après avoir perdu tout ce qui faisait la fierté de son existence : sa boîte, ses femmes et son argent.

    Tout est donc dans le traitement de ce sujet particulièrement noir. C’est plus un portrait d’un homme à la dérive qu’une histoire à proprement parler. Cosmo n’est pas un gars mauvais, bien au contraire, il sait s’occuper de ses filles qui animent aussi les soirées dans des numéros un peu crasseux, un peu vulgaires. Il traite son personnel plutôt bien. Mais la façon qu’il a de flamber apparaît tout de suite suicidaire. Il sourit, bien sûr, mais il n’a pas l’air de croire en son avenir, ni même que tout cela est très sérieux. Il porte du reste un regard un peu ironique sur les gangsters qui eux au contraire ne prenne pas grand-chose à la légère.

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    Les gangsters à qui il doit de l’argent viennent lui demander un service 

    C’est filmé à la manière de John Cassavetes, c’est-à-dire, avec une image assez troublée, des couleurs un rien baveuses et une caméra qui volette autour des acteurs. Cette façon désinvolte de filmer donne le meilleur comme le pire. La nuit en devient réaliste, mais la multiplication des gros plans trop resserrés, l’absence de profondeur de champ, finit par lasser. Il y a un parti pris douteux, celui de montrer ce monde de la nuit uniquement dans sa dimension glauque qui certes existe certainement, mais qui n’apporte rien de plus à l’histoire. Bien que le film ne soit pas très long, les scènes de cabaret durent un peu trop longtemps et lassent par leur misérabilisme appuyé.

    Reste le jeu des acteurs, ou plutôt le jeu de Ben Gazzara, un habitué du cinéma de Cassavetes, puisque c’est lui qui porte le film entièrement sur ses épaules. La caméra le suit partout, ne le lâche pas : elle est son point de vue. Il est très bon évidemment et c’est ce qui rend le film malgré tout supportable. On retrouve Seymour Cassel, un autre membre de la troupe de Cassavetes et l’étrange Timothy Carey, un second rôle spécialisé dans les affreux.

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    La fin est incertaine, mais il semble bien que Cosmo mourra

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    Depuis quelques années on assiste à un renouveau du film noir à caractère social aux Etats-Unis. Ça n’est pas seulement un effet de mode, mais c’est le reflet d’une société à la dérive qui ne sait plus que faire de ses déshérités. Formellement ces films atteignent un niveau élevé de naturalisme qui peut les faire désigner comme « hyperréalistes ». C’est bel et bien une esthétique nouvelle qui met en évidence le cadre matériel dans lequel le drame se noue et la violence explose. Pour mémoire il y a eu en 2010 l’excellent Winter’s bones de Debra Granik, en 2012, le moins bon Cogan d’Andrew Dominik, et aujourd’hui Out of the furnace.

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    Russell est heureux avec Lena

    Russell est un prolo de l’ancienne manière, travaillant dans une usine sidérurgique qui va fermer bientôt pour cause de concurrence avec la Chine. Mais il se contente de sa petite vie, il a Lena, une jeune institutrice, avec qui il vit. Les catastrophes ne vont pas tarder à s’abattre sur lui. Alors que son père est mourant, il doit s’occuper des affaires de son frère Rodney qui accumule les dettes et qui ne se décide pas à travailler. Un soir, un peu ivre, il a un accident de voiture, la mort d’un des passagers du véhicule qu’il a heurté, va l’amener pour un temps en prison. Durant sa peine, Lena le quitte et se met en ménage avec Wesley, le chef de la police du patelin, et son frère s’engage en Irak, plusieurs fois. Son père finit par décéder. Son retour à la vie civile ne se passe pas très bien. Il a du mal à se passer de Lena qu’il rencontre et qui lui annonce qu’elle est enceinte. Rodney déconne dans les combats truqués, ne respectant pas les règles des gangs locaux. Cela le conduira à se faire assassiner en compagnie de son mentor John Petty, par une brute épaisse qui règne sur les collines abandonnées, Curtis de Groat. Dès lors n’ayant plus rien à perdre, Russell va chercher à se venger de de Groat.

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    C’est le décor d’une Amérique qui n’a plus de considération pour son industrie et ses travailleurs 

    Qu’importe l’histoire et ses ressorts, il n’y a pas de suspense, le principal réside dans le comportement des personnages qui sombrent en même temps que l’Amérique. Tout est vieux et décrépit dans cette région industrielle abandonnée, et c’est cela qui mène les hommes à leur perte fatale. C’est un film sur l’envers de l’Amérique qui gagne, l’Amérique dont les valeurs du travail, de la famille et de la loyauté sont décalées et ne veulent plus rien dire dans le monde moderne. Qu’ils soient ouvriers, ou bien trafiquants de drogue, ils existent seulement derrière la façade du rêve américain, dans l’entre-deux de ces petites villes de province où même la peinture des panneaux de circulation s’écaille et disparaît. C’est un monde crépusculaire et sans avenir, où le drame intervient d’une manière naturelle, comme quelque chose d’attendu. On sent bien que cette Amérique arrogante et dominatrice a vécu et qu’elle ne reviendra jamais, du moins sous cette forme qu’elle a tant véhiculée dans ses films, ses livres ou ses chansons. Et cette amertume n’ouvre jamais la porte vers une transformation positive des individus ou de la société. Ici règne la mort comme métaphore de l’agonie du capitalisme.

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    Rodney se lance d’une manière suicidaire dans les combats 

    Les sources cinématographiques de ce film sont à rechercher d’abord du côté du film de Michael Cimino, Deer hunter. On y retrouve les mêmes hommes, la même passion virile pour la chasse, et jusqu’à ce geste où le héros évite de foudroyer le cerf qu’il tient dans sa ligne de mire, sauf que le temps a passé, et qu’il ne peut y avoir d’espoir de renouveau la guerre finie. Au-delà d’une conscience sociale qui pourrait se transformer en force de renouveau, ces individus à la dérive s’abandonnent à leurs tendances suicidaires : que ce soit Rodney qui brave les dangers des combats de boxe, que ce soit Russell qui ne veut pas s’empêcher de tuer l’ignoble de Groat. Lena tente bien un échappatoire en fondant une famille avec Wesley, mais c’est encore une autre forme de suicide.

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    La chasse est un loisir viril et ancien pour cette classe ouvrière entre deux mondes 

    Ce film est fortement inspiré par la crise et ses séquelles, bien plus que sur une crise économique, elle est une crise de civilisation : c’est l’impossibilité de marcher vers une société civilisée et fraternelle. Cette désespérance rappelle un autre film, Winter’s bones que j’ai cité ci-dessus. Ce sont les mêmes lieux, ces régions industrielles du Nord Est des Etats-Unis, qui s’en vont à l’abandon et qui n’intéressent plus personne, surtout pas les politiques – voir le discours décalé entre le politicien qui fait la réclame pour Obama et Russell seul accoudé au bar. Il s’ensuit qu’ici l’Etat de droit comme on dit n’a plus son mot à dire, il a tout simplement disparu. C’est le règne d’une violence primaire et désordonnée, tout autant désespérée que les habitants du coin : en effet, de Groat a une conduite ignoble tout autant que suicidaire.

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     Le chef de la police Wesley apprend la disparition de Rodney 

    L’histoire se tient bien, même si le rythme n’est pas tout à fait égal, même si parfois elle se perd dans des détails. La réussite du film c’est d’abord d’avoir choisi un sujet social comme moteur d’un film noir. Mais cela repose sur une distribution impeccable. Christian Bale sur qui est construit le film n’est pas mal dans le rôle de Russell, cependant, c’est Ben Affleck qui lui vole en quelque sorte la vedette dans celui de son frère Rodney. Il a un véhicule parfait ici pour montrer toute d’étendue de son talent, à la fois faible et hargneux, bagarreur et passif face aux choses de la vie. Il a des emportements terrifiants. Woody Harrelson est l’infâme de Groat, drogué, bête et méchant, il est extraordinaire. Forrest Whitaker a un petit rôle, Wesley, celui qui pique Lena à Russell, mais il est toujours très bien.

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    La police arrive trop tard pour coincer de Groat 

    Les décors évidemment jouent un rôle tout aussi important, avec une opposition saisissante entre une nature qui paraît encore presqu’intacte – la forêt, les animaux, les collines, tout ce vert qui apporte la paix – et une industrie en perdition qui dégrade le paysage et annonce la mort. On sera aussi gré au réalisateur de ne pas s’attarder sur les combats de boxe clandestins, de ne pas faire étalage d’une complaisance dans la violence. Celle-ci est plutôt intérieure que visuelle, même s’il y a bien sûr quelques scènes sanguinolentes. Si c’est correctement filmé, il manque peut-être un grain de folie pour que cela devienne un grand film.

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    De Groat essaie de mettre la main sur l’argent de Petty 

    En tous les cas cette Amérique qu’on commence à mieux percevoir dans son iniquité et ses misères est représentée avec colère, mettant l’accent sur la résignation de Russell. On a droit ainsi à un affrontement verbal entre les deux frères, celui qui courbe la tête et accepte de travailler dans une usine qui fermera à très court terme, et celui qui ne veut pas travailler, ni comme son père, ni comme son frère, mais qui ne se sait pas canaliser sa révolte.

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    Qu’importe ce qu’il adviendra, Russell réglera ses comptes avec l’ignoble de Groat

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    C’est le premier film de Stuart Rosenberg qui fera par la suite quelques  films intéressants avec Paul Newman, dont le très fameux Luke la main froide. Le scénario est basé sur un ouvrage de Burton Turkus, le procureur qui se rendit célèbre en mettant un terme aux activités mafieuses de Lepke, un truand de haut vol qui travailla la main dans la main avec la mafia sicilienne. Lepke était un truand multicartes comme on dit aujourd’hui, il donnait aussi bien dans l’extorsion de fonds, que la manipulation des syndicats de travailleurs, et il passe pour avoir mis en place un « syndicat du meurtre » qui envoyait des tueurs à la demande, ceux-ci pouvant ensuite échapper rapidement à la police car ils n’avaient pas de lien avec la victime, ni même quelques habitudes dans la région qu’ils visitaient.

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    Reles et son complice commettent un meurtre qui va les conduire à Lepke 

    Nous sommes dans la fiction semi-documentaire. Pour cela il n’y aura pas de personnages héroïques. C’est donc un film à la fois pluriel, et en même temps curieusement centré sur le personnage de Reles, petit tueur caractériel, rusé et sournois. C’est ce qui fait d’abord l’intérêt de ce film. On aura droit ainsi à une série de portraits, les flics étant finalement les moins bien développés. Les tueurs, grand sou petits, sont le plus souvent des expressions de la rue, issus du petit peuple. Typiquement américain cependant, il montre que des individus courageux, comme Dewey, ou comme Turkus d’ailleurs, peuvent enfin passer au-dessus d’un système judiciaire et policier qui est très corrompu. Il est d’ailleurs assez plaisant de voir que ce film critique implicitement le FBI. En effet, le film est censé se passer dans les années trente. Or le FBI, et particulièrement Hoover, niera jusque dans les années soixante-dix l’existence d’un crime organisé. Le film est tourné en 1960, l’année où Kennedy accède au pouvoir et ou justement le FBI est de plus en plus critiqué pour sa passivité dans la lutte contre la mafia.

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    Lepke et Mendy Weiss embauchent Reles pour tuer Sage 

    C’est film sans effet, le montage et rapide et les scènes sont autant de coups de poing. Le meurtre de Reles, les manières de Lepke qui a un ulcère à l’estomac, sont des petites touches qui donnent de la crédibilité à l’ensemble. On pourra regretter que le scénario à partir de la moitié du film abandonne quelque peu Reles qui va revenir après. Cet abandon fait perdre un peu d’unité à l’ensemble, mais c’est une critique assez légère par rapport à la qualité générale.

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    Reles va  utiliser Joey pour atteindre Sage 

    Film à petit budget, les acteurs ne sont pas très connus à cette époque. C’est le débutant Peter Falk qui va porter le film sur ses épaules. Il est tout simplement extraordinaire, aussi bien quand il joue les terreurs que quand il se transforme en balance, ou lorsqu’il viole la femme de Joey. Si les acteurs ne sont pas très connus, ils sont pourtant très bons, à commencer par David Stewart qui incarne un Lepke un rien neurasthénique. A côté de ces deux principaux acteurs, May Britt, qui fit une petite carrière et qui fut surtout connu comme la femme de Sammy Davis jr, incarne Eadie et joue avec un accent suédois à couper au couteau, mais cela se marie bien avec l’esprit du film. Stuart Whitman qui est en haut de l’affiche, non seulement est moins présent, mais il joue un peu à contre-emploi le rôle d’un homme un peu lâche qui se décidera à parler et envoyer Lepke sur la chaise électrique. Ce sera le premier grand gangster à être exécuté.

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    Lepke est sommé par le syndicat de se livrer à la police 

    La photographie est excellente surtout en ce qui concerne les scènes d’extérieur. Et l’écran large ajoute une touche de modernité à l’ensemble, modernité renforcée – pour l’époque – par la musique de jazz qu’on entend dans les cabarets et qui ressemble plus à un jazz des années soixante qu’à celui plus sautillant des années trente

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    Le détective Tobin essaie de faire parler Joe 

    Il y a pas mal d’inventivité, comme cette scène où Reles enferme une femme qui téléphone dans la cabine et l’empêche de sortir, ou alors la bataille en prison entre Joey, l’éternel soumis, et Reles qui commence à perdre de sa superbe. Le film ne fut pas un grand succès, probablement à cause de ce côté  un peu froid d’aborder la réalité du crime organisé, mais il eut de bonnes critiques, et au fil des années il trouva son public, il conserve une bonne appréciation auprès des cinéphiles. Ajoutons qu'à cette époque on a eu pas mal de portrait de tueurs à gages, comme dans The Lineup de Don Siegel, ou Blast of silence d'Allen Baron.

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    En échange d’une protection Reles accepte de balancer Lepke

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    Reles sera défénestré

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    Je suppose que ce film est une sorte de suite à celui de Sergio Gobbi, Le temps des loups qui avait connu un succès satisfaisant. Produit par la firme de Sergio Gobbi, Paris-Cannes-Production, réunissant les mêmes acteurs, Hossein, Aznavour, Minski, on retrouve Georges et André Tabet au scénario, en compagnie de Larriaga. Coproduction franco-italienne, il incorpore aussi une vedette italienne, Elsa Martinelli,  comme dans le temps des loups nous avions Virna Lisi. Le film joue de la même manière des oppositions entre les deux principaux protagonistes, Hossein et Aznavour. Dans le premier ils étaient ennemis, bien qu’ils aient été élevés ensemble, l’un truand, l’autre policier, dans celui-ci ils sont amis, mais l’un est un intellectuel rêveur Eric Chambon et l’autre un truand sorti du rang par la violence. Il y a donc une volonté de continuité. C’est toujours l’enfance qui les réunit.

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    Maurice et Eric vont rendre visite à l’homme qui les a élevés

    Eric Chambon, un homme un peu dépressif, vient de recevoir un important prix littéraire, mais les mondanités l’énervent et il s’en va rendre visite à une vieille personne, un ancien résistant qui l’a élevé avec Maurice Ménard qu’il n’a plus revu depuis longtemps. Mais le hasard faisant bien les choses, il revoie son vieux copain à l’hospice où leur père adoptif termine ses vieux jours. Ils ne se parlent guère, mais ils vont se retrouver rapidement pour l’enterrement. Renouant des relations anciennes, Eric comprend que Maurice est en fait un gangster. Plutôt solitaire, il travaille néanmoins avec Marcati. Mais le coup qu’ils projetaient avorte. Eric a donc l’idée de cambrioler la banque qui se trouve juste en face de chez lui où il possède un coffre individuel.

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    Ils se retrouvent à l’enterrement 

    Le coup réussi plutôt bien, sauf que dans la fuite un photographe ambulant prend un cliché de la main de Maurice. Dès lors la police est sur les dents. Les problèmes abondent car David qui craint qu’Eric ne parle à la police veut le descendre, d’autant qu’il s’apperçoit que celui-ci est surveillé par la police. Mais Maurice intervient, et David meurt. Maurice comprend qu’il vaut mieux qu’il s’éloigne pour un petit moment de la capitale. Pendant ce temps Grazzi mène son enquête et jouant avec les nerfs d’Eric, il pousse celui-ci à le conduire jusqu’à la maison de Marcati. Les gangsters s’enfuient, mais sont rapidement coincés dans la maison d’enfance de Maurice et Eric. C’est évidemment la fin. Si Eric ne sera que blessé, Maurice est tué par la police et Marcati se suicide.

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    Le gang braque la banque en face de chez Eric

    C’est un scénario qui se tient tout à fait bien et qui parfois lorgne du côté de Melville, notamment dans la scène du hold-up, ou les premières retrouvaillent chez Marcati. L’analogie est d’autant plus frappante, que Larriaga utilise Raymond Pellegrin et Michel Constantin, deux anciens du Deuxième souffle. C’est mieux filmé que Le temps des loups, il y a une meilleure prise en compte de l’espace et des décors naturels. Le rythme est bon.  L’histoire recèle des bonnes idées, à commencer par le personnage d’Eric Chambon, écrivain dépressif qui préfère la vie dangereuse des voyous à celle confortable d’auteur à succès. Homme solitaire, il est manifestement à la recherche d’une famille. C’est un intellectuel et c’est lui qui a l’idée d’utiliser des faux cadavres dans le hold-up pour faire peur aux employés de la banque. C’est cette intellectualité qui sera aussi sa perte car elle le fera tomber dans le piège grossier tendu par Grazzi.

    Les autres personnages sont un peu plus classiques, des truands ordinaires. Contrairement au Temps des loups, le personnage de Robert Hossein manque un peu consistance. En effet, si on comprend bien que son but dernier n’est pas l’argent, ses motivations restent tout de même assez obscures.

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    Maurice est obligé de tuer l’irascible David

    Il y a pas mal d’idées intéressantes dans cette histoire à laquelle Jean Larriaga a essayé de donner un accent réaliste, comme ces visites des deux héros à leur père d’adoption. Ou encore cet appartement vide où Maurice est censé vivre et où on ne trouve ni meubles, ni objets personnels. Le truand se veut libre de toute attache et conserver la possibilité de s’enfuir rapidement si les choses tournent mal. Cela sera repris directement dans Heat le film de Michael Mann, bien qu’on ne sache pas s’il s’est inspiré de La part des lions, à moins qu’il y ait d’autres références que je ne connais pas.

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    Maurice annonce à Annie qu’il va devoir s’éloigner 

    Film typique des années soixante-dix, il y a un passage assez savoureux sur les relations de la population avec la police. Quand Grazzi réquisitionne le conducteur d’un engin de démolition pour enfoncer la maison où les gangsters se sont réfugiés, son collègue l’incite à ne pas coopérer. Il n’a pas tord parce que de vouloir aider la police amènera le chauffeur à avoir les jambes écrasées. Du reste les méthodes musclées et sournoises qu’utilise Grazzi pour faire avancer son enquête apparaissent un peu contestable.

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    Grazzi mène son enquête tambour battant

    Le casting est intéressant. Cette fois Charles Aznavour qui incarne l’écrivain, a un rôle un peu plus développé, mais c’est le personnage de Robert Hossein qui paraît cette fois insuffisamment développé. Les deux acteurs sont très bons. Mais Raymond Pellegrin dans le rôle de Ma  rcati est aussi excellent. Il incarne un personnage proche de celui qu’il interprétait dans Le deuxième souffle, et on remarque qu’il n’avait pas besoin de Melville pour se révéler un grand acteur. Michel Constantin est moins bien utilisé, mais peut-être cela vient-il de ce que son rôle n’est pas assez développé. En tous les cas malgré sa présence physique, il paraît presque banal. Quant à Elsa Martinelli dont la carrière s’étiolait, elle ne fait qu’un courte apparition.

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    Les gangsters se réfugient dans la maison délabrée

     

    Au moment de sa sortie, la presse avait salué le film, et plus particulièrement la prestation de Charles Aznavour. Mais contrairement au Temps des loups, le public avait boudé, du moins en France. Quarante années ont passé. Sans atteindre le statut de « classique », le film tient assez bien la route et n’a pas trop vieilli. En dehors de ce film, Jean Larriaga n’a pas fait grand-chose pour le grand écran, il tournera deux ans plus tard Un officier de police sans importance, sur un scénario de l’acteur Marc Porel, toujours avec Robert Hossein qui acceptera un rôle secondaire. Ensuite il se tournera vers la télévision. Peut-être peut on expliquer l’échec de La part des lions par les hésitations entre « film noir » et « film de gangsters », le scénario n’atteignant pas la tragédie comme dans Le temps des loups.

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    Grazzi leur annonce qu’ils sont cernés

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    La maison d’écroule et Eric est blessé

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    Maurice est abattu sans sommation par la police

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