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Par alexandre clement le 20 Avril 2014 à 07:45
Le scénario est assez simple, Martin Modot qui a raccompagné ses parents à la gare de Deauville, voit sa famille anéantie quand, au moment d’un hold-up manqué, un des gangsters se met à tirer dans la foule. En vérité le hold-up est simplement un prétexte pour tuer un homme, membre du GDR, une sorte de police parallèle, qui menace de faire des révélations à la presse sur les dessous peu reluisants des politiques de droite. Martin Modot est contacté par Philippe Miller le président d’un groupe d’autodéfense, clairement d’extrême-droite. En essayant de retrouver les assassins de sa famille, Martin Modot va remonter jusqu’à Lucie, la sœur d’Eddie Kasler, propriétaire d’une boîte de nuit, l’organisateur de la tuerie de Deauville. Il va finir par s’allier avec elle, mais il est poursuivi par les tueurs d’Eddie, en outre, il s’aperçoit que le commissaire Brousse est en réalité l’employeur d’Eddie et travaille pour le compte de personnes plus haut placées encore. Eddie sera finalement arrêté, mais, présenté aux journalistes, il sera abattu par Philippe Miller qui dit parler au nom de la justice.
Eddie surveille ce qui se passe dans la gare de Deauville
A travers le drame d’un homme qui a presque tout perdu, le film se veut aussi bien le procès des groupes d’autodéfense qui sont à l’époque le fer de lance des débuts de l’extrême-droite politique, que celui des polices parallèles, telles que le SAC, abondamment utilisées avant 81 par le parti gaulliste. Justement le film est tourné en 1982, au moment de la tuerie d’Auriol va amener à la dissolution du SAC et à la révélation de leurs pratiques particulièrement douteuses. L’idée de départ est plutôt intéressante et l’histoire se veut réaliste en dénonçant des pratiques peu reluisantes qui voit la police manipuler sans complexe aussi bien des truands que des citoyens innocents, et tout ça dans le but de couvrir ses propres turpitudes. Mais on peut dire que c’est raté. La raison première de ce ratage est l’incohérence du scénario, et cette dénonciation grossière et incohérente d’une police aux mains des puissants sombre dans la caricature tant les différents éléments ont du mal à s’emboîter. Cette approche politique est probablement due à Jean-Pierre Manchette et s’inscrit dans la lignée de ce qu’on a nommé « néo-polar ». Ce n’est pas tant le fait que le néo-polar dénonce les turpitudes de la droite et de l’extrême-droite qui gêne, mais la manière dont cela est mené, le peu de réalisme qui lui est attaché.
La famille de Martin Modot est détruite
C’est ainsi que le président de l’association d’autodéfense est présenté comme une vieille canaille libidineuse, comme s’il ne suffisait pas qu’il soit ce qu’il est pour être dénoncé comme néfaste pour la société. Est-on obligé aussi d’en rajouter dans son concubinage avec la police ? N’est-ce pas déjà assez qu’il représente les valeurs de l’extrême-droite, que probablement il se fasse un nom et de l’argent en exploitant la misère des autres, sans qu’on ait besoin de rajouter des tares sur le plan de ses relations sexuelles ou dans sa volonté de commettre les basses besognes. Du reste l’assassinat d’Eddie perd toute crédibilité, parce que c’est une chose de défendre la légitime défense et une autre de commettre un meurtre de sang-froid.
La police cherche à savoir comment l’homme du GDR a été tué
Du point de vue cinématographique l’ensemble est assez mou, mais il y a quelques scènes assez réussies, la tuerie dans la gare de Deauville ou la longue poursuite dans le métro. D’ailleurs Leroy réussi plutôt bien les scènes d’actions, et s’il est moins à l’aise dans les scènes dialoguées plus statiques, il arrive toujours assez bien à se saisir des décors naturels. Mais ces difficultés entraînent aussi un manque de réalisme psychologique des protagonistes auxquels on ne croit jamais vraiment. En effet on ne comprend pas qu’un homme qui souffre et qui veut se venger finalement reste aussi timide et emprunté que Martin Modot.
Les tueurs d’Eddie doivent être tenus
On a souvent rapproché ce film du style d’Yves Boisset dans les années soixante-dix. Je suppose qu’on y a vu la même volonté militante et démonstrative à travers l’expression de personnages finalement assez convenus. Le commissaire Brousse joué remarquablement bien par Michel Aumont, est calqué sur les nombreux personnages de flics pourris que Michel Bouquet a incarnés. Et si la volonté de faire un cinéma à la fois populaire et édifiant est la même dans les deux cas, le style cinématographique diffère cependant. Celui de Leroy est plus direct, il ne recherche que très rarement des mouvements compliqués de caméra, et il a un sens de l’action violente qui est plus sûr que chez Boisset.
Eddie a mis sa sœur en danger
Le film reçut à sa sortie pas mal d’éloges, et connut un succès commercial convenable sans être très important. La distribution est, à posteriori, assez impressionnante. Outre Claude Brasseur qui est la vedette, on retrouve, Véronique Genest, Thierry, Lhermitte, Christophe Lambert, Valérie Kaprisky. Bien entendu, c’était il y a trente ans, et ils n’étaient pas alors des acteurs bien importants. Curieusement tous ces acteurs ne sont pas bons. Claude Brasseur se traîne un peu et ne semble jamais trouver la mesure de son personnage. Véronique Genest est très bien, mais Thierry Lhermitte est très mauvais. Il est vrai que cet acteur a plus de facilités pour jouer les bourgeois que les voyous simplement pour des raisons de physique. C’est un peu comme quand Daniel Auteuil essaie de remplacer Lino Ventura dans le rôle de Gustave Menda.
Le sinistre Miller aime les jeunes filles
Martin voudrait bien que Lucie parle enfin
Au final c’est un film noir décevant qui se disperse à travers un trop grand nombre de personnages et qui se perd dans une intrigue à la fois trop compliquée et trop simplificatrice. Il semble qu’il eut été plus judicieux de se centrer sur le personnage de Martin Modot ou alors de carrément l’oublier. On retiendra cependant que toute la première partie du film tient bien la route et est intéressante par son naturalisme qui nous parle d’une époque aujourd’hui disparue.
Martin veut se venger d’Eddie
Le commissaire Brousse s’est arrangé pour éliminer Eddie
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Par alexandre clement le 17 Avril 2014 à 07:00
Serge Leroy est un réalisateur bien oublié maintenant, mais dans les années soixante-dix la critique appréciait assez ses films et le public suivait, sans toutefois que le succès fusse extraordinaire. Il s’était donné un style assez goûté en ces temps lointains, entre polar et film noir. Le film qu’il tourna avec Alain Delon à contre-emploi, Attention les enfants regardent, à défaut d’avoir un gros succès public fut considéré comme très original par la critique, justement du fait de sa noirceur.
Ici les héros de cette histoire sont des truands à l’ancienne si on peut dire, pas vraiment méchants, et soudés encore par l’amitié. Cette amitiés chez les voyous était décidemment un thème à l’honneur en ce temps-là.
Bernard immobilise une jeune femme pour accéder au toit
Bernard et Basilio voit le train et les diamants leur échapper
L’histoire est assez traditionnelle. Trois voyous vont tenter de s’emparer d’une valise de diamants dans le train Paris-Anvers. Pour cela, Bernard est chargé de faire diversion en s’introduisant dans un appartement pour accéder aux toits qui surplombent la verrière de la gare. Il attache la fille sur une chaise, et armé d’un fusil il se déplace sur les toits pour atteindre sa cible. Seulement, pendant ce temps, deux voyous sont aussi entrés dans l’appartement et flingue la jeune fille dont le corps va s’écraser au sol. Bernard fait signe à ses deux complices qu’il faut stopper l’affaire. Ils s’évacuent rapidement.
Quelques mois plus tard, ils vont être tous les trois victimes d’un chantage. Bernard qui suit une étrange jeune femme, est enlevé par des gangsters américains, et un avocat d’affaires lui propose un marché, il doit casser un coffre-fort, et en échange il recevra 200 000 dollars. Mais si les trois amis refusent, ils seront dénoncés à la police et identifiés facilement car Bernard a été photographié sur les toits, en action.
Frank découvre le contenu de la mallette
Basilio est le technicien perceur de coffres
Frank sera tué par les vigiles
Après une discussion animée, les trois hommes décident de réaliser le coup, l’appât du gain y est pour beaucoup, mais il y a aussi la volonté de comprendre ce qui se cache derrière toute cette salade. Ils reçoivent un acompte de 100 000 dollars dans une mallette. Très professionnels, ils ouvrent le coffre et récupèrent les microfilms, mais à la sortie de l’immeuble ils se font agresser par des voyous qui leur prennent leur butin. Ils s’en sortent difficilement, Basilio est blessé, Frank est tué.
Quelques temps après Bernard qui cherche la mallette aux cent mille dollars, va tomber sur Cathy, la mystérieuse jeune femme qui a piégé Bernard. Bernard l’interroge, et avec elle est Basilio ils vont s’attaquer à l’avocat. Ils arriveront à leur fins, Bernard et Cathy partiront en bateau et Basilio récupérera la mallette aux billets. Mais entretemps, il aura malheureusement perdu sa femme que les truands américains auront torturée pour la faire parler.
Cathy rejoindra le camp de Basilio et de Bernard
Serge Leroy n’est manifestement pas un très grand technicien, il multiplie les plans rapprochés et a du mal à faire le cadre correctement. Cependant, au-delà de ces faiblesses évidentes, il y a tout de même une très bonne utilisation des décors naturels, notamment le port de Saint-Nazaire, et les scènes d’actions sont très bien filmées, souvent tournées en caméra cachée au milieu de la foule.
En pariant sur la sobriété des dialogues et en privilégiant l’action, il lorgne presque naturellement du côté de Melville. Le parallèle vient facilement, d’autant que certains acteurs comme Michel Constantin, Cathy Rosier, ou Karl Studer, appartiennent à cet univers. Ça ne traîne pas non plus en ce qui concerne le casse proprement dit, et l’attaque ratée du train Paris-Anvers est intéressante.
On notera une sorte de bataille ente des truands français, bons vivants et finalement très humaines, et les Américains, bêtes et méchants, sans conscience et sans humanité.
Desbordes a menti sur tout et ne veut pas payer le travail fait
Il n’y a aucun grand nom à l’affiche, bien que Michel Constantin soit tout de même assez coté à cette époque. Il porte le film sur ses larges épaules. Mais le reste de la distribution est tout aussi intéressant, à commencer par le très regretté Georges Géret dans le rôle de Basilio, il amène sa hargne et sa gouaille en incarnant un joueur invétéré, ancien musicien, casseur à ses heures. Cathy Rosier dont le rôle le plus marquant a été la pianiste du Samouraï, a ici un peu plus de place, mais elle n’a guère plus de dialogue à dire. Ce n’est pas important puisqu’elle est une voleuse, un peu voyelle, la maîtresse de l’avocat aussi riche que véreux, et qui se trouve attirée par le taciturne Bernard. Deux autres très bons acteurs complètent la distribution, Adolfo Celi qui a une longue expérience de canaille de cinéma et qui est ici très bon, et Annie Cordy, la femme de Basilio, Nina en patronne de bistrot.
L’ensemble reste intéressant malgré l’usure du temps et mérite une redécouverte.
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Par alexandre clement le 13 Avril 2014 à 07:58
Fort du succès de Compte à rebours¸ Roger Pigaut tourne un nouveau film policier. Il reprend le principe de faire tourner un peu les mêmes acteurs et donne à son entreprise une dimension où l’amitié est le centre de l’intrigue. Mais cette fois il s’agit d’une comédie qui met en scène des déclassés, un peu voyous, un peu prolos qui survivent dans un monde qui est en train d’être englouti. C’est Courbevoie, une banlieue ouvrière qui va être détruite pour laisser de la place à la modernité galopante qui se présente d’abord comme la construction de nouveaux grands ensembles.
Ils sont tous réunis autour d’Albert qui a repris ses études d’électronique pour contourner un système d’alarme sophistiqué
L’histoire est construite autour d’un casse qui doit permettre à des amis de longue date, peu professionnels à vrai dire, de mettre la main sur trois milliards de bijoux. Comme on le sait, chez les truands, il y a plusieurs catégories. Les militaires qui n’hésitent pas à attaquer les fourgons blindés ou les banques, armés jusqu’aux dents, la force physique est leur atout. Il y a aussi les scientifiques, ceux qui possèdent une avance technologique qui permet de percer les secrets des portes blindées et des systèmes d’alarme, et puis il y a les bricoleurs, les manuels qui utilisent le système D pour détourner un peu d’argent. C’est à cette dernière catégorie que nos héros appartiennent. Leur lieu de rassemblement est le bistrot de Lulu cerné par les engins de terrassement qui bientôt l’en chasseront, elle s’est mise à la colle avec Julien qui bricole comme colleur d’affiche. Gus est un brin maquereau sans l’être et vit avec Minouche, une strip-teaseuse. Et puis il y a Albert sa mère avec qui il vit. Celle-ci commerce dans la brocante. Pierrot et José, un salarié dans l’industrie du bâtiment complètent cette fine équipe.
Par les futurs égouts des nouveaux bâtiments ils pénètrent dans la tour qui contient les diamants
Ils vont réussir cependant à monter leur coup, mais pour cela, ils devront utiliser les ressources d’un truand de plus grande envergure, Monsieur Raphaël. En fait ce sont les hommes de Raphaël qui appliqueront les idées de notre bande, mais celle-ci lui dérobera le butin qu’ils vont essayer de bazarder directement à leur propriétaire. C’est en fait celui-ci qui se révèlera le plus voleur de tous puisqu’il ne les paiera qu’en faux billets. Néanmoins, ils récupéreront une petite partie de la somme promise finalement sans trop souffrir de cet échec, car l’argent n’est pas le plus important dans la vie.
Lulu est chargée de charmer Monsieur Raphaël
Le film de Pigaut cherche d’abord le divertissement et les scènes humoristiques sont abondantes, que ce soit dans la présentation des combines moisies de Pierrot et de Gus, ou dans l’exposé des relations entre Albert et sa mère. Bien sûr il y a aussi un peu de la nostalgie pour cette banlieue parisienne qui se meurt en se transformant au pas de charge, mais cette nostalgie c’est aussi une façon de mettre en avant des valeurs de solidarité et d’amitié qui s’en vont au fur et à mesure que les vieilles maisons sont détruites par les engins de terrassement. Typique des années soixante-dix, il y a un côté choral qu’on retrouve dans des films comme ceux de Claude Sautet, Vincent, François, Paul et les autres ou Max et les ferrailleurs qui datent de la même époque. Evidemment ce n’est pas la peine de la dire Pigaut n’est pas Sautet dont le propos est un peu différent. Il est d’ailleurs assez curieux que ce type d’approche de la réalité sociale fondée sur une logique de groupe autour de notions aussi simples que l’amitié et la solidarité ait complètement disparu aujourd’hui des écrans.
Manifestement, il y a aussi la volonté de faire une comédie un peu dans le style du Pigeon de Monicelli.
Le coffre embarqué, ils tentent de l’ouvrir
Les acteurs sont très nombreux, et il est difficile d’en retenir plus particulièrement un parmi les autres. Michel Bouquet pour une fois ne joue pas un bourgeois ou un flic antipathique, mais un déclassé d’une autre sorte, puisque sa mère l’entretien dans l’idée qu’il est un aristocrate qui doit tenir son rang. Ce fut aussi un des dernières prestations de la charmante Dany Carrel sur grand écran. Ils tiennent tous assez bien leur place et semblent avoir pris du plaisir dans cette entreprise à se retrouver ensemble. Françoise Rosay est la mère de Michel Bouquet, ou plutôt d’Albert. Gabriele Ferzetti incarne Monsieur Raphaël, le truand embourgeoisé et méprisant pour les plus petits que lui. On reconnaitra dans un rôle très secondaire Victor Lanoux dans une de ses premières apparitions sur le grand écran.
Il n’y a non plus pas grand-chose à dire sur la manière dont c’est filmé. C’est un peu plat bien sûr, Pigaut n’est pas un technicien, mais c’est compensé par une capacité à se saisir des décors extérieurs et par un enthousiasme communicatif et sans prétention.
Ils seront grugés par les bourgeois
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Par alexandre clement le 10 Avril 2014 à 06:01
Roger Pigaut réalisa un certain nombre de films policiers, un peu noir, qui connurent au début des années soixante-dix un certain succès. Comptes à rebours est le premier de la série. Le scénario est signé, comme pour les deux suivants André-Georges Brunelin qui venait de donner un scénario à Alain Delon, Jeff, un film qui eut peu de succès, mais qui n’en possède pas moins des qualités. Dans la mesure où Brunelin vise un certain naturalisme, il ne s’embarrasse pas de subtilités plus qu’il n’en faut.
C’est une histoire assez traditionnelle d’un voyou, Nolan, qui s’est bloqué 10 ans de cabane pour avoir attaqué un fourgon blindé avec ses complices et son frère qui est resté sur le carreau. Sortant de prison, il veut se venger. Parmi les quatre complices, il ne sait lequel est le donneur, mais à défaut de le savoir, il se propose presque de les tuer tous les quatre. Ce sont maintenant des truands rangés des voitures qui ont une belle position, notamment ils possèdent un cercle de jeux qui semble rapporter gros. Pour apaiser les choses, une réunion est décidée chez Léa et Juliani, un vieux truand qui est aphasique. La réunion tourne court, Jebel tente de tuer Nolan, mais c’est ce dernier qui, bien que blessé, a le dessus. La randonnée vengeresse de Nolan va continuer, suivi qu’il est par Valberg qui est un ancien policier qui a été défiguré dans la confrontation avec les truands et qui a perdu un peu la tête. Bien entendu, une fois qu’il aura tué les quatre truands, Nolan sera mis devant le fait qu’aucun ne l’a vraiment donné. Ultime retournement, Nolan sera piégé par Valberg.
Nolan revient à Paris
C’est un scénario sans beaucoup de surprise, mais assez carré et logique. Roger Pigaut joue sur le fait qu’il a rassemblé une distribution prestigieuse. Même les petits rôles, ceux de Léa et de Juliani, sont tenus par Simone Signoret et Charles Vanel. Nolan c’est Serge Reggiani qui a cette époque était redevenu, grâce à la chanson, une vedette. Bozzufi joue Zampa, un truand madré et solide, comme toujours dans les rôles de truand corse, il est très bon. André Pousse est Gilbert. Le docteur est interprété par Jean Dessailly et Madeleine, l’ancienne maîtresse de Nolan c’est Jeanne Moreau. Amidou complète la distribution. Michel Bouquet joue Valberg, l’ancien flic déjanté, mais ce n’est pas une surprise, à cette époque il y était habitué.
Les truands vont essayer de régler leur différend chez Léa et Juliani
Sur cette trame sans surprise on trouve cependant quelques bonnes idées. Ainsi, Léa et Juliani en essayant d’aider Nolan, en se rangeant ouvertement de son côté vont engendrer l’irréparable. Ils représentent le milieu à qui il reste un peu du sens de l’honneur. Ou encore Macias, le garde du corps de Zampa qui le trahit, au nom d’un code de l’honneur tout autant abstrait. Typique des années soixante-dix, la photo est sans grâce, mais c’est compensé un peu par les choix judicieux des décors, que ce soit les quartiers populaires de Paris, ou que ce soit le repaire de Léa et Juliani. Presque tous les polars français de cette époque sont filmés de la même manière, avec le même générique en lettres rouges, les mêmes maisons isolées dans une zone un peu à l’écart de la ville.
Nolan et Madeleine veulent partir ensemble
Les acteurs font leur numéro. Serge Reggiani joue les mutiques et Michel Bouquet fait du Michel Bouquet avec ses petites lèvres serrées sur une mâchoire tendue et une nuque raide. Simone Signoret cabotine gentiment. A signaler tout de même la musique de Georges Delerue qui donne un petit côté nostalgique à l’ensemble.
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Par alexandre clement le 6 Avril 2014 à 10:42
Hubert Cornfield est un réalisateur méconnu dont les films n’ont eu guère de succès. Pourtant il a tourné plusieurs films noirs qui sont comme une étape dans la voie d’une stylisation de ce genre. The night of the following day est une des rares œuvres de Cornfield qui est encore dans les mémoires à cause de la présence au générique de Marlon Brando.
La fille de Monsieur Dupond arrive à Orly
Les films précédents de Cornfield n’ont jamais eu beaucoup de succès, celui-ci n’en aura pas plus. Sorti en 1968, Marlon Brando est au creux de la vague et il n’arrivera pas à relancer sa carrière avant Le parrain et son immense succès. C’est pourtant un film intéressant qui cherche à utiliser les codes du film noir dans une approche esthétique un peu nouvelle. Réalisé en France, cette volonté d’épurer le récit s’inscrit dans cette tendance inspirée de La Nouvelle Vague et qui mise sur un côté plus intimiste des relations entre les différents protagonistes plutôt que sur un suspense dont l’issue est évidemment prévisible.
Bud contacte le père
Pourtant le scénario est une adaptation d’un ouvrage de Lionel White, Rapt, publié en France à la série noire. Un auteur spécialisé dans les histoires de truands et qui a donné de nombreux sujets pour le grand écran, notamment The killing de Stanley Kubrick, ou Bande à part de Jean-Luc Godard. Lionel White est un grand auteur de romans noirs au style épuré. Un peu oublié aujourd’hui, au moins la moitié de ses romans n’a pas été traduite et c’est fort dommage car il y a dans ses histoires quelque chose de profondément désespérée et surtout une absence d’empathie pour ses héros.
Vi sniffe
La fille de Monsieur Dupond qui revient des Etats-Unis, débarque en France et est kidnappée par une petite équipe de truands américains composée de quatre personnes, Bud, Leer, Wally et sa sœur Vi qui est aussi la maîtresse de Bud. Ils la séquestre dans une petite maison isolée sur une plage de Normandie dans l’attente de toucher la rançon. Cependant les choses s’enveniment assez vite. Leer se révèle brutal, Vi se drogue, mais Bud continue par amitié pour Wally qui dans le temps l’a sorti de prison. La suite va voir non seulement Leer s’opposer au reste de la bande, mais Vi adopter une conduite incohérente qui risque à tout moment de faire échouer l’opération. L’issue sera dramatique puisque pour protéger leur fuite les gangsters devront affronter les armes à la main la police, et Bud devra aussi éliminer Leer.
Bud donne ses instructions
Tout va reposer sur la mise en scène et sur la direction d’acteurs. Les décors sont épurés, quelques images de Paris, la place d’un petit village avec son unique café et la maison sur la plage. L’image est belle, les scènes tournées sous la pluie, et de nuit, accroissent cette idée d’enfermement des protagonistes du drame. Car c’est à l’équipe de ravisseurs que Cornfield s’intéresse. De la fille été de Monsieur Dupond on ne saura rien. Et si on s’intéresse à la bande des ravisseurs, c’est plus dans leur dynamique interne qu’en ce qui concerne les états d’âme ou la psychologie. La longue séquence de la remise de la rançon suivant un plan extrêmement compliqué est à cet égard significative.
Bud fait part de ses inquiétudes à Wally
L’utilisation des acteurs est également très particulière. Marlon Brando est plutôt mutique. Il est affublé d’une curieuse perruque blonde. On ne sait pas si c’est pour le rajeunir ou pour lui donner une allure équivoque. Est-ce cela qui a dissuadé les spectateurs de venir le voir ? Son jeu est un peu hystérique, certains ont avancé que cela était dû aux problèmes qu’il avait avec l’alcool à cette époque. Richard Boone évidemment joue Leer, le mauvais méchant. Mais il est étrangement en retrait. Peu présent à l’écran, il figure plus une menace potentielle qu’une réalité objective. Rita Moreno qui joue Vi, l’amante de Bud, était à l’époque aussi la maîtresse de Marlon Brando. C’est manifestement elle qui a le plus de vie, même si elle apparaît tourmentée. Il y a aussi Jess Hahn et sa silhouette massive. Il est bien connu en France pour avoir joué de très nombreux seconds rôles dans des films policiers français. On oublie souvent qu’il était aussi un très bon acteur, bien plus subtil qu’il n’y paraît. Il est très bon ici, navigant entre froide détermination et mélancolie face à l’échec programmé de ce coup qui doit être le dernier.
Bud est menacé par le sinistre Leer
L’utilisation d’acteurs français dans le reste de la distribution, l’emploie de certains dialogues en français, vise a donné une certaine authenticité au propos, mais également aide à se démarquer du style noir à l’américaine. Il y a une manière de filmer que Cornfield revendique ouvertement européenne et plus spécifiquement française.
Bud doit affronter Leer
Les critiques de ce film sont souvent sévères, trop sévères à mon sens, s’attardant un peu trop sur les invraisemblances du scénario. Pourtant la volonté d’aller vers une autre esthétique du film noir est très intéressante et s’inscrit dans le renouveau de ces films noirs en couleurs qui vont fleurir à la fin des années soixante, comme par exemple le magnifique Point Blank. La psychologie est de moins en moins au rendez-vous, et la volonté de prendre de la distance avec les codes tout en les utilisant donne au propos une singularité évidente. La dernière scène va tout à fait dans ce sens, avec la reprise de l’ouverture du film. Il semble que ce film a inspiré le film de Robert Hossein, Point de chute, film qui, malgré – ou à cause de – la présence de Johnny Halliday n’aura pas plus de succès.
Leer possède mille ruses
Bud retrouve la fille de monsieur Dupond dans un triste état
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