•  

     savages-1.jpg

    La carrière d’Oliver Stone est faite de hauts et de bas, de succès éclatants et de bides noirs. J’avais bien aimé son World Trade Center. Disons le tout de suite Savages est très mauvais et même pire encore.

    C’est vrai qu’ici je commente rarement les films récents et pour tout dire la production récente m’attriste plutôt et m’ennuie. Savages dissuade les personnes les mieux intentionnées d’abord par sa longueur, le film dépasse les deux heures et on regarde assez souvent sa montre. Il n’y a à pas de longueur idéale pour un film, cela dépend de ce qu’on a à dire. Or ici Oliver Stone n’a rien à dire.

     savages-2.jpg 

    Le scénario tiré d’un roman de Don Winslow est le fait de ce dernier en collaboration avec Oliver Stone et Shane Salerno. Il a deux défauts rédhibitoires : d’une part les scénaristes ont confondu complexité et densité du récit, et d’autre part la trame est mince comme une feuille de papier de cigarette. Pour faire bon poids, disons que l’idéologie que le film trimbale est assez lénifiante. Jugeons-en.

    Deux jeunes surfers, bronzés et tatoués, taraudés par le « rêve américain » décident de faire fortune dans la production d’une drogue de qualité supérieure. Comme ils ont le sens de l’entreprise, ils gagnent assez vite beaucoup d’argent. Mais la connerie de ces deux idiots ne s’arrête pas là, ils ne trouvent rien de mieux que de partager la même gonzesse. Mais ce riidicule trio fait des jaloux, forcément. Un cartel de criminels mexicains, cruels et sauvages comme seuls savent l’être les mexicains, veut réaliser une OPA hostile sur leur petite boutique. Nos deux jeunes surfers rejettent l’offre des mexciains drivés d’une main de fer par une femme frustrée autant quer cruelle. Mal leur en prend car leur copine, dénommée O – suivez mon regard – se fait enlever. Elle ne sera rendue aux deux jeunes couillons que si en échangent ils versent une rançon énorme. La seconde partie du film est consacrée à la rebellion des deux jeunes cool qui n’aiment rien tant que fumer leur shit bien tranquilles tout en baisant leur copine un rien demeurée. Comme ils ne veulent pas laisser la proie de leurs désirs entre les mains de la cruelle cheftaine de gang mexicain, ils vont s’employer à la délivrer. Dans cette dernière partie qui ressemble à « la guerre des étoiles au pays du shit », on assite à un certain nombre de scènes cruelles qui montrent que les Américains, naturellement gentils et un peu naifs, peuvent s’ils le décident devenir presqu’aussi cruels que les Mexicains, qui eux le sont hélas à l’état de nature.

     savages-3.jpg 

    Pour corser l’addition du malheureux spectateur égaré dans ce labyrinthe, le film comprend deux fins, toutes les deux aussi stupides l’une que l’autre. Dans la première deux des membres de ce trio se suicident parce qu’ils n’acceptent pas la mort de leur copain, et dans la seconde, ils restent en vie tous les trois, mais vont aider les petits Africains à se développer.

    Comme on le voit l’idéologie du politiquement corrrect est à l’œuvre et se déploie dans un manichéisme qu’on ne retrouve plus guère aujourd’hui que dans le cinéma américain en déclin. Les bons producteurs de drogue sont opposés aux mauvais, les Américains au Mexicains. Tout ça déployé derrière des personages caricaturaux de très bons étudiants qui possèdent un sens presqu’inné – ils sont américains – de l’esprit d’entreprise.

     savages-4.jpg 

    La réalisation d’Oliver Stone, qui dit s’être beaucoup investi dans cette soupe, est assez solide, quoiqu’elle se laisse aller à des photos chichiteuses de surfeurs, de jolies vagues du Pacifique et autre connerie de mouettes dans un ciel bleu azur. Mais la direction d’acteurs laisse complètement à désirer, Blake Lively sourit bêtement, se mordille la lèvre inférieure à tout bout de champ, et joue les idiotes sans discontinuer.

     savages-5.jpg

    Les deux jeunes couillons sont incarnés par Taylor Kitsch – quel nom – et Aaron Taylor-Johnson. Fades, mais musclès, ils n’expriment pas grand-chose. Ils se partagent les rôles, l’un qui a fait l’Afghanistan ne sourit jamais et fait la gueule, l’autre au contraire sourit tout le temps et veut s’en tenir à une philosophie non violente qu’il sera bien forcé de récuser : on est américain ou on ne l’est pas ! Benicio del Toro produit une caricature de lui-même en même temps qu’il ridiculise le Mexique. Seul Travolta semble trouver un intérêt à jouer dans cette lourde connerie et fait des efforts méritoires pour nous convaincre qu’il est un acteur.

    Bref camarades passez votre chemin !! C’est presqu’aussi nul que du Tarantino.

    Partager via Gmail

    votre commentaire
  •  

    Nobody lives forever, Jean Negulesco, 1946

     Nobody-lives-forever-1.jpg

     

    John Garfield fut un très grand acteur, c'est-à-dire qu'il a révolutionné le jeu des acteurs d'Hollywood, bien avant Bogart. Si sa gloire est aujourd'hui moindre, c'est qu'il est mort très jeune et qu'il n'a pas eu le temps de s'installer dans la célébrité. Les Américains qui sans doute culpabilisaient du rôle que la Commission des Activités Antiaméricaines avaient joué dans la disparition de Garfield, lui ont préféré des héros plus tendre et plus lisse comme James par exemple.

    John Garfield retrouve Jean Negulesco avec qui il tournera tout de suite après Humoresque qui sera encore un grand succès. En 1946 John Garfield est au sommet de sa gloire, Nobody lives forever est un énorme succès. C’est une des stars les plus rentables d’Hollywood. Le scénario est de W.R. Burnett, vaguement inspiré d’un ouvrage qui porte le même titre et qui était sorti en 1943. On peut le trouver aujourd’hui encore chez Rivages sous le titre de Fin de parcours. Tout cela ne suffit pourtant pas à en faire un très grand film noir, et je crois bien qu’il n’eut pas de sortie en salles en France à cette époque.

    C’est l’histoire d’un escroc qui revient de la guerre et qui après avoir retrouvé son ami, s’aperçoit que sa femme non seulement l’a remplacé par un patron de cabaret, mais qu’en outre elle lui a piqué son pognon pour le refiler à son nouveau gigolo. Nick est bien dégoûté et doit user de violence pour retrouver son fric. Il quitte New York et songe à se reposer à Los Angeles.  Il loue une villa au bord de l’eau mais il s’ennuie un peu. Pas trop longtemps cependant parce qu’une équipe d’escrocs de seconde catégorie vient à lui proposer une escroquerie qui peut rapporter beaucoup. Il s’agit de séduire une très riche veuve et de lui piquer un peu d’argent. Le beau Nick va s’y employer, mais bientôt il tombe amoureux de la veuve et refuse de continuer. Les autres petits escrocs emmenés par Doc ne l’entendent pas de cette oreille, et ce d’autant que la femme de Nick vient de New-York pour le relancer. Quand elle comprendra que son ancien mari ne veut rien savoir, elle se vengera en poussant la bande de Doc à agir. les péripéties vont se multiplier, la belle été jeune veuve sera kidnappée puis sauvée.

     Nobody-lives-forever-2.jpg

     

    L’histoire présente un certain nombre de défauts, à commencer par le fait que la femme de Nick apparaît, disparaît, au gré du scénario, mais sans trop de logique. Egalement cette manie de faire estourbir tous les malfrats un à un et de la même façon manque un peu d’inventivité. Le film hésite souvent entre la description d’un univers marginal qui ne rêve que d’argent facile et la volonté de raconter un coup, comme on raconte un hold-up. C’est peut-être le scénario de Burnett qui pèche de ce côté-là, mais comme on sait qu’à l’époque les studios revoyaient très souvent les scripts, il n’est pas sûr qu’il y ait une responsabilité de Burnett ou de Negulesco. Or Il est excellent dans pratiquement tous ses films qui du restent étaient aussi souvent des succès au box-office.

    Mais le film est agréable à voir tout de même. D’abord à cause du couple Garfield – Fitzgerald qui fonctionne plutôt bien, ou encore de l’opposition entre la fine et élégante Geraldine Fitzgerald et la vulgaire et crâneuse Faye Emerson. Tout le casting est d’ailleurs très bien, jusqu’à Walter Brenan dans le rôle de Pop  qui joue avec sobriété pour une fois. Le film est dominé par le jeu de Garfield qui est tout à fait à l’aise pour se servir des contradictions de son personnage, hésitant entre mondanité et aventure, jouant les hommes du monde à l’élégance discrète comme les voyous sans scrupules dès lors qu’il s’agit de défendre sa réputation et la femme qui l’aime. Il faut le voir raconter sa jeunesse dans les quartiers mal famés de New-York, sachant que Garfield, sous le couvert de Nick, raconte sa propre expérience.

     Les oppositions entre le monde du luxe et celui de la pègre sont également bien mises en valeur. Les caractères des truands présentent en peu de mots et de gestes une vraie épaisseur. C’est évidemment un film noir, avec tout ce qu’on peut attendre au niveau filmique d’un film noir. Certes Negulesco est plus à l’aise pour filmer les salons d’un grand hôtel que les arrières boutiques des bistrots crasseux, mais il jour facilement aussi des effets de lumière et tire un bon partie des scènes dans le brouillard, on peut lui reprocher de trop multiplier les panoramiques.

     Nobody-lives-forever-3.jpg

    Comme il est bon de voir tous les films de Garfield, il est presqu’impératif de voir Nobody lives forever. C’est en outre un film assez rare qu’on ne peut pas trouver dans le commerce avec des sous-titres français et j’ai hélas dû me contenter d’un repiquage de TCM dans une qualité d’image assez mauvaise.

    Nobody-lives-forever-4.jpg

    Sur le tournage de Nobody lives forever

     

    Partager via Gmail

    votre commentaire
  • the-baron-of-arizona-1.jpg

     

    C’est film plutôt étrange et d’autant plus étrange qu’il est fondé sur une histoire vraie. James Addison Reavis décide de devenir baron de l’Arizona. Projet ambitieux autant que démesuré, c’est un travail de longue haleine. D’abord il repère une fillette qu’il croie sans parentèle et qu’il baptise d’un nom qui lui permettra de revendiquer à travers elle l’ensemble du territoire de l’Arizona, Etat neuf qui vient juste d’être admis dans l’Union. Il falsifie les tombes les actes de naissance et de décès. Dans un deuxième temps, il va en Espagne de longues années, entrant dans un couvent pour apprendre l’écriture à l’ancienne et falsifier les registres où Philippe II avait inscrit les donations qu’il avait fait à ses sujets. Car curieusement le l’Etat fédéral reconnaît tous les titres de propriétés enregistrés en Espagne. Fort de ses titres falsifiés, il revient à Phœnix et revendique – toutefois après avoir épousé la jeune fille qu’il avait sortie de la misère – la baronnie de l’Arizona. On se doute que sa revendication ne passe pas inaperçue. Le simple fait de revendiquer ce titre lui procure déjà une fortune : par exemple une compagnie de chemins de fer qui vise à construire en Arizona lui offre une somme colossale car elle pense que s’il fait valider ses titres de propriété, elle sera obligée de verser bien plus encore. Mais les propriétaires terriens se révoltent, menacent de le pendre, et l’Etat fédéral, intéressé à garder l’Arizona, va aussi chercher à démontrer que les revendications du faux baron repose sur du vent. Dans l’affaire Reavis perdra tout et ira en prison. Mais il trouvera l’amour en abandonnant ses chimères

     the-baron-of-arizona-2.jpg 

    L’aspect inattendu du film vient aussi d’avoir donné le premier rôle à Vincent Price qu’on a plus souvent l’habitude de voir dans des rôles plus scabreux. Car si Reavis est malhonnête, il est aussi très touchant, très humain. Il porte entièrement le film sur ses larges épaules.

     the-baron-of-arizona-3.jpg 

    Bien évidemment on se doute que le scenario a enjolivé les choses pour porter cette aventure à l’écran. Mais l’ampleur du projet laisse stupéfait. Comme le dit un des protagonistes avec admiration, c’est peut-être un escroc, mais pas un « petit » escroc. Cela donne une histoire vraiment très originale aux confins du film noir, du fantastique et du western.

    Du point de vue cinématographique c’est un petit film sans grands moyens, tourné en noir et blanc, mais avec des idées de mise en scène assez nombreuses, notamment dans la scène du lynchage où Reavis manque d’être pendu. La façon dont il s’en tire laisse voir une opposition entre une sorte de fou assez grandiose et la masse des « petits hommes » engoncés dans leur médiocrité. Samuel Fuller réussi le tour de force de rendre Reavis sympathique, ce qui est d’autant plus un exploit qu’il est incarné par Vincent Price affublé d’une barbe qui lui donne une allure vraiment louche. La jeune femme qu’il épouse pour en faire une baronne est interprétée par Ellen Drew qui avait également joué dans L’imposteur de Duvivier au côté de Jean Gabin.

    Ce n’est pas le meilleur de Fuller, mais c’est un bon film et il montre assez combien celui-ci a été un auteur complet avec des centres d’intérêt extrêmement variés.

     the-baron-of-arizona-4.jpg

    Partager via Gmail

    votre commentaire
  •  

     COGAN-1.jpg

    Le film noir a souvent été un support pour la critique sociale, un commentaire en contrepoint d’une réalité qui n’est pas forcément riante. C’est même une de ses origines principales. Cogan s’inscrit directement dans ce registre, et on ne pourra pas lui reprocher un manque d’ambition de ce côté.

    Deux semi-clochards, l’un espère gagner de l’argent en revendant les chiens qu’il a volé, l’autre sort de prison, sont embauchés par un patron de pressing dont les affaires marchent assez mal, pour braquer une partie de poker. Cette idée baroque leur est venue du fait que le patron du tripot, Markie Trattman, s’était une fois braqué lui-même, histoire de soustraire la recette des jeux à ses commanditaires, une sorte de mafia. Aussi nos trois comiques pensent que les soupçons se porteront sur Trattman. Le coup se passe à peu près comme il faut, sauf que les patrons du tripot ne l’entendent pas de cette oreille et veulent faire respecter leur loi, mettre leurs salles de jeu à l’abri. Pour cela ils vont engager Cogan qui va rechercher les coupables et les punir.

     COGAN-2.jpg 

    Le sujet est une adaptation d’un roman de George V. Higgins, à qui l’on devait Les amis d’Eddie Coyle qui avait marqué les esprits, notamment dans sa version filmique qui donna un de ses derniers grands rôles à Robert Mitchum. Le sujet en vaut bien un autre et quelque part il se rapproche de Killer Joe de William Friedkin. Le personnage du tueur, vêtu de noir, glacé et sans humour est là pour renvoyer l’image de la cupidité et de l’individualisme forcené qui entraîne l’Amérique vers le gouffre. La même stupidité guide l’ensemble des personnages, et si Cogan semble s’en sortir un peu mieux que les autres, c’est simplement qu’il est un peu mieux organisé. Comme le film de Friedkin, Cogan est un commentaire sur l’Amérique en crise, en proie à la tourmente des subprimes. Au début de l’histoire les deux futurs braqueurs se donnent rendez-vous dans un quartier où les maisons tombent en ruine et on comprend que c’est la conséquence des saisies qui s’effectuaient à ce moment-là. C’est encore plus explicite quand sont monté en parallèle à l’action proprement dite les discours de la campagne électorale de Bush et d’Obama qui tous les deux promettent de redresser l’Amérique en retrouvant la solidarité et l’idéal. C’est tellement insistant qu’on ne sait pas très bien si ce sont les discours électoraux qui commentent l’action, ou à l’inverse si c’est l’histoire criminelle qui commente la vacuité des discours des hommes politiques.

     COGAN-3.jpg 

    Réalisé par Andrew Dominik qui avait déjà donné le très bon L’assassinat de Jesse James, le film a été très mal accueilli à Cannes, et il ne sera pas non plus un succès dans les salles alors qu’il vient de sortir, malgré une distribution prestigieuse et la présence de Brad Pitt. La raison tient aux partis-pris filmiques. Bien qu’il ne dure qu’un peu plus d’une heure trente, il est terriblement long. Non seulement les parallèles entre l’élection présidentielle et la chasse aux voleurs est lourde et répétitive, des fois qu’on n’ait pas bien compris, mais c’est extraordinairement bavard. Les relations entre les deux marginaux qui braquent le tripot  sont trop démonstratives, appuyées par des anecdotes plus ou moins drôles. On peut dire la même chose des scènes avec James Gandolfini dans le rôle d’un tueur vieillissant et dépressif. Seules les scènes avec Ray Liotta viennent un peu mettre de l’animation, et encore la scène du braquage traine bien trop en longueur, comme le tabassage de Ray Liotta d’ailleurs.

     COGAN-4.jpg 

    Il y a une mollesse dans la direction d’acteur qui ne pardonne pas. A commencer par Brad Pitt qu’on a voulu ici utiliser à contre-emploi, mais aussi avec le cabotinage de Gandolfini. Il y a curieusement une absence de personnages féminins si on excepte la pute noire qui se dispute avec Mickey. Un peu comme si les relations avec les femmes dépendaient d’abord de la résolution de la crise économique.

     COGAN-5.jpg 

    Ce n’est pas un film qui manque de qualités, voire d’idées mais plutôt de rigueur. La grande force des films noirs qui ont marqué l’histoire du cinéma tient en deux principes :

    - d’abord éviter la leçon lourdement assenée – même si on voit très bien dans Cogan le décalage qu’il peut y avoir entre la crise sociale et les discours lénifiants de Bush et d’Obama, même si on partage cette idée selon laquelle les financiers de Wall Street ont mis à sac la planète et détruit nos vies ;

    - ensuite faire exister les personnages, leur donner de l’épaisseur. Ne mettre en scène que des abrutis est certes utile pour démontrer qu’il n’y a guère d’espoir pour que le monde aille mieux,  mais cette absence d’humanisme fait qu’au bout d’un moment on ne sent plus concerné.                                 

    Reste les images d’une Amérique qui s’effondre sous nos yeux peut-être encore plus vite que notre vieille Europe.

                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                          

    Partager via Gmail

    votre commentaire
  •  

     Killer-joe-1.jpg

    Chris est un jeune dealer qui doit de l’argent à Digger le caïd local qui menace de le tuer. Avec sa sœur et son père il décide de supprimer sa mère de façon à ce que Dottie touche l’assurance. Il pourra alors payer l’immonde Digger.  Mais pour cela il faut qu’il fasse appel à un tueur, Joe Copper qui veut une avance pour son boulot, or n’ayant pas de quoi le payer, la famille dans son ensemble décide de lui offrir l’innocente Dottie. Le meurtre aura bien lieu, mais en réalité aucun membre de la famille ne touchera un seul dollar. Et cela s’achèvera dans un bain de sang.

    Ça ressemble à un film noir, du moins dans le début, mais très vite ça tourne à la farce grotesque où s’alignent les scènes chocs destinées à faire croire au spectateur qu’il se trouve devant une œuvre rare et originale. Ça n’est pas le cas, Killer Joe est un petit film qui tient plutôt du théâtre de Grand-Guignol que du noir. Et justement le film est adapté d’une pièce de théâtre et ça se voit. Dans le premier tiers du film, lorsque le tueur rencontre cette famille décomposée et recomposée, on a l’impression de se retrouver du côté de Jim Thompson, au Texas, dans un univers plouc et crasseux où pas un seul des protagonistes a quelque chose de bon ou de sympathique en lui. Chris est amoureux de sa sœur qui n’a rien du tout dans la tête, sa belle-mère lui tape dessus et se balade devant le monde en exhibant son pubis. Le père vit aux crochets de Sharla qui par ailleurs le trompe avec Rex.

     Killer-joe-2.jpg 

    On pourrait dire que c’est dans le portrait de cette famille complètement larguée que réside le meilleur du film. Ça se gâte sérieusement après l’arrivée de Killer Joe. Joe Copper est un être pervers, flic le jour et tueur à gages la nuit, ce que personne ne semble ignorer dans le patelin. Le modèle de ce personnage est à rechercher justement chez Jim Thompson, par exemple dans The killer inside me. C’est la même violence et la même perversité qui habite les deux personnages, toujours camouflés sous une certaine élégance bien proprette. Mais ce n’est pas là le défaut du film, c’est plutôt dans la longueur des scènes destinées à nous faire comprendre combien Joe est pervers et mauvais. Par exemple la scène du début quand il soumet la faible Dottie à ses fantasmes sexuels dure une éternité. Mais également la scène où il va torturer Sharla sous les yeux de son mari tourne dans le scabreux.

     Killer-joe-3.jpg 

    Bref on a compris que Friedkin ne fait pas dans la dentelle. Il y a beaucoup de complaisance dans la façon dont les coups sont portés – toujours à la face – à Chris ou à Sharla. C’est curieusement ce qui les vide de tout réalisme. Or ce qui est à la base du noir justement c’est le réalisme.

    La question qu’on peut se poser est de savoir si les faiblesses du film tiennent au scénario lui-même – est-ce que c’est un choix délibéré de ne pas s’étendre sur le rôle de Sharla dans l’arnaque à l’assurance, ou encore est-ce un choix délibéré de ne pas nous renseigné sur ce que Joe a fait de Rex – ou au contraire à la mise en scène très paresseuse de Friedkin.

     

     Killer-joe-4.jpg

    Le défaut principal du film est donc le rythme, l’incapacité à réguler le tempo des scènes de violence et des scènes plus intimes si on peut dire. De même il y a un gros déséquilibre entre les scènes d’extérieur et les scènes d’intérieur qui banalise une histoire qui se voudrait extraordinaire.

    Mais c’est un film qui a eu un bon succès critique, pour ce qui du public, j’en doute un peu. La raison en est qu’un visionnage peu attentif fait prendre la violence un peu gore des scènes de violence pour une forme de transgression. On a beaucoup parlé, au moment de la sortie du film, de la qualité de l’interprétation, à commencer par celle de Matthew McConaughey. Pour cela il faut apprécier l’absence d’émotion qu’il manifeste. Matthew McConaughey s’est fait un peu la même réputation que l’indigent Clint Eastwood. Tournant un nombre incalculable de navets, il est exactement le contraire de De Niro : comme son modèle Clint Eastwood – quoiqu’en plus bodybuildé – il passe son temps à ne rien faire. Mais comme il porte un costume un peu particulier tout de même, certains ont l’impression qu’il incarne un vrai personnage.

    Passons sur le jeu complètement hystérique d’Emile Hirsch qui agace assez vite, c’est l’exact contraire de Matthew McConaughey. J’ai adoré Gina Gershon et son abattage dans Bound (un vrai film noir pour le coup) et dans Show girls. Mais ici elle n’est plus que l’ombre d’elle-même. Certes elle a vieilli, tout le monde finit par vieillir, mais tout le monde n’a pas un visage hélas aussi mal refait. Tout cela n’est pas de sa responsabilité bien sûr, mais la manière de Friedkin de la filmer laisse évidemment perplexe. C’est encore plus perceptible dans les dernières scènes où elle se fait remettre à sa place par Joe.

     Killer-joe-5.jpg

    Killer-joe-6.jpg

     

    Partager via Gmail

    votre commentaire


    Suivre le flux RSS des articles de cette rubrique
    Suivre le flux RSS des commentaires de cette rubrique