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    C’est un film noir, tourné comme un western. C’est d’ailleurs cela qui lui donne un parfum étrange. Ralph Anderson revient dans la petite ville de Tula où son père est shérif et son frère adjoint. Il fait chaud et tout le monde transpire beaucoup. Mais Ralph n’y revient pas par nostalgie, c’est plutôt contraint et forcé qu’il est là, sommé par le chef mafieux Massonetti de négocier avec son shérif de père le libre accès à l’aéroport. Car en effet Massonetti est recherché par le FBI et cherche à s’enfuir. Massonetti est un homme puissant, à la tête d’une organisation dangereuse que Ralph en tant qu’avocat a servi. Cependant, en revenant à Tula, Ralph va réveiller des vieux démons. Son frère Tippy qui a épousé sa fiancée ne voit pas d’un bon œil ce retour. Son père également qui croit que Ralph a été à l’origine d’un accident, lui fait un peu la gueule. Seule Linda semble contente de le revoir. Ralph va cependant convaincre son père de laisser filer cette canaille de Massonetti. Mais à cause de Tippy qui veut se mettre en valeur, le shérif est tué. Dès lors Ralph n’aura plus qu’un seul but, remettre Massonetti dont il s’est emparé à la justice des hommes. Pour cela il va fuir Tula, dans la petite ville il ne se sent pas en sécurité. 

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    Ralph retrouve son ivrogne de frère dans le bureau du shérif 

    A partir de ce moment là le film décrit la poursuite entre les hommes de Massonetti et Ralph. Il s’agit de traverser une région des plus hostiles où les pièges et les embuscades sont nombreux. Massonetti essaie de soudoyer Tippy qui est plutôt du genre rancunier, et ce d’autant qu’il s’est bien rendu compte que sa femme avait un peu plus qu’un penchant pour son frère. Evidemement dans ce genre de poursuite, les survivants ne seront pas très nombreux, et Tippy y laissera la vie, afin de laisser la place à Ralph dans le cœur de Tina. Massonetti sera finalement arrété et on suppose qu’il sera condamné à la chaise électrique puisqu’il est notoirement l’instigateur de plusieurs meurtres. 

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    Ralph, son frère et un adjoitn du shérif essaie d’évacuer leur prisonnier vers Barstow 

    Il y a donc deux films pour le prix d’un. D’une part un film noir, avec le conflit entre les deux frères, ou entre Ralph et son père, et de l’autre la poursuite à travers un paysage désertique où toute enfructuosité est un possible piège. Le personnage de Ralph est complexe, car s’il a fini par collaborer avec la pègre, c’est parce qu’il voulait démontrer à son propre tyran de père ses talents. Pour cette ambition, il a sacrifié son amour pour Tina qui de dépit s’est marié avec le très fade Tippy. On voit qu’il est facile de transposer un tel scénario à la période de la conquête de l’Ouest quand un homme riche et puissant pouvait imposer sa loi aux autorités constituées. Il y a un petit côté Le train sifflera trois fois dans la détermination de Ralph, presque seul contre tous.

    Si la première partie du film flirte un peu avec l’univers de Jim Thompson, la seconde est plus sage et plus héroïque, tout le monde suit la voie de la rédemption, y compris Tippy qui a la bonne idée de se faire tuer. Mais ce conformisme, très américain, n’est pas très génant, plutôt un peu ronronnant. En tous les cas la dureté de l’aventure, de la course dans le désert, est tout à fait prenante.

    La fin est pleine de rebondissements, avec un piège (The trap est le titre) qui paraît se refermer inexorablement sur Ralph Anderson.

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    Le frère de Ralph est prêt à le trahir pour de l’argent

    Bien que Norman Panama ne soit pas très connu, son plus haut fait de gloire est un film avec Danny Kaye, Le bouffon du roi, la mise en scène est excellente. Cette maitrise est surtout évidente dans la première parie, celle qui se passe dans la ville. Le découpage amplifie l’efficacoité des scènes d’action en donnant de la profondeur de champ, en alternant les gros plans et les plans larges, en modifiant les angles de prise de vue au milieu des scènes d’action justement. La seconde partie est moins brillante, certes les paysages désolés sont fort bien utilisés, mais un peu comme dans n’importe quel western. 

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    Ralph reçoit un coup de fil menaçan de la bande de Massonetti 

    L’interprétation pose un peu plus de problème, un peu trop grimaçante à mon goût, mais c’est surtout Lee J. Cobb qui n’a jamais été un modèle de sobriété qui en fait des tonnes. Richard Widmark est très bien, parfois il tord un peu la bouche sur le côté pour se donner un genre, mais c’est bon dans l’ensemble. Le meilleur est sans doute Earl Holliman  qui comme à son ordinaire joue le rôle du mauvais, même si il a quelques excuses pour avoir été un rien négligé par son père. Enfin reste Tina Louise qui est un peu trop statique à mon sens et qui joue plus sur sa plastique pulpeuse que sur son intériorité. Grande, solide, c’était seulement les débuts de sa carrière. Dans le rôle d’un homme de main, on reconnaîtra Lorne Greene qui devait connaître le succès ultérieurement dans la série télévisée, Bonanza. 

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    Ralph sauvera Massonetti afin qu’il soit jugé 

    C’est donc au final une heureuse surprise, un film abouti, même si le déroulement de l’histoire est assez attendu pour les spectateurs d’aujourd’hui qui en ont vu d’autres. 

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    Ralph retrouvera à la fois l’honneur et l’amour de la belle Tina

     

     

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    Contrairement à ce qu’on pourrait croire, je lis aussi de la littérature dite « sérieuse », mais je n’en parle que rarement sur ce blog, je ne suis pas sûr qu’on y trouve encore quelque chose de vivant, surtout s’il s’agit d’ouvrages récents.

    Naguère Kundera a beaucoup impressionné toute une série de lecteurs par sa vaste culture et ses principes d’écriture. Mais si quelques uns de ses livres sont excellents, d’autres le sont beaucoup moins. La fête de l’insignifiance est de ceux-là. Objet minimaliste, il n’a même pas la qualité d’être bien écrit. Si on ne sait pas trop à quoi sert cet objet – à part nous rappeler que Kundera est vivant – on sait par contre que le lecteur s’ennuie à mourir.

    La critique a été, au moins pour ce que j’en ai vu, dythirambique, du Monde à Télérama, en passant par le Figaro, l’unanimité s’est faite sur cet auteur récemment « pléiadisé ». Les mêmes remarques ont été faites, comme une répétition d’éléments de langage fournis par les équipes de communicants de Gallimard. Ce qui est le plus étrange c’est que tous ces critiques stipendiés n’ont même pas su émettre une légère réserve vis-à-vis de cet écrit. Ce manque de personnalité est tout de même un peu génant et achève de décrédibiliser une sous-profession qui, il est vrai, n’a jamais été très bien considérée. Il a donc été décidé que tous les ouvrages de Kundera avaient finalement la même valeur. Mais évidemment ce n’est pas le cas : parmi ses derniers écrits, seul L’ignorance vaut le déplacement. La lenteur ou L’identité sont des romans très mauvais. Mais comme Kundera est un auteur en voie de canonisation, il est plutôt défendu d’en dire du mal.

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    Le titre est déjà en soit toute une affaire. Si le mot fête est codé des années cinquante-soixante, souvenons-nous du roman de Roger Vailland La fête, et renvoie en conséquence à une époque où on aimait bien avancer la phrase de Saint-Just : « le bonheur est une idée neuve en Europe », l’idée d’insignifiance est à rapprocher des petits éléments de la vie quotidienne qui tissent ce que nous sommes.

    Kundera visant ouvertement la légèreté, son texte – on n’ose pas dire roman – met en scène d’une manière volontairement décousue quatre personnages un peu fatigués, un peu vieux, qui vivent à la va comme je te pousse une petite vie de consommateur sans perspective et sans avenir. Ils ont tous renoncé et renoncé à tout. Ils semblent plutôt cultivés et ont des conversations qui vont avec leur statut. Ce sont des bourgeois mélancoliques qui aiment la bonne humeur et les blagues, mais qui manifestement n’y arrivent plus.

    Des anecdotes minuscules et presque désincarnées, des ruminations sur Staline qui justifie au fond le renoncement, alors que dans la jeunesse de Kundera, le combat contre le stalinisme et pour « un socialisme à visage humain » avait structuré toute une génération.

    Ce n’est pas le premier et le dernier roman qui s’est écrit et qui s’écrira sur la décadence de la bourgeoisie. C’est même assez à la mode. Le problème c’est plutôt que non seulement on s’en moque un peu des états d’âmes et des gémissements de cette engeance, mais qu’au surplus l’ouvrage est mal écrit et sans rythme. Le vocabulaire est tout aussi médiocre. On est bien loin du Kundera qu’on a pu apprécier, tant ce bref récit est désincarné, à mille lieues de la réalité de la vie contemporaine, fut-elle parisienne. Pour dire les choses autrement, c’est presqu’aussi ennuyeux et pompeux que du Jean d’Ormeson. Si dans sa jeunesse Kundera avait une vigueur de rebelle à insinuer entre les lignes de ce qu’il pondait, ici il est en voie d’académisation.

     

    L’ignorance l’avant dernier roman de Kundera, est paru il y a 10 ans. Certes Kundera est vieux, il a eu 85 ans, mais 140 pages en 10 ans, ça fait 14 pages par an, et encore ces pages ne sont pas très tassées, les plus pleines font 26 lignes, soit 26 multiplié par 140, ce qui nous fait 3640 lignes, donc en comptant large presque 10 lignes par an ! Est-ce de là que vient l’impression d’un désèchement ?

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  • Le tueur s’est évadé, The killer is loose, Budd Boetticher, 1956 

    Tout commence par le hold-up d’une banque tout ce qu’il ya de plus ordinaire. L’attaque est classique et millimétrée. Au moment de partir, un des gangsters frappe l’employé, Leo Poodle qui a eu le courage de réagir. La police enquête, mettant tous les employés de la banque sur écoute, elle va rapidement piéger Poodle, l’un de ses complices lui téléphonant stupidement. La police est rapidement sur les lieux. Et lorsqu’elle arrive, Poodle tire à travers la porte. Sam et son équipier pénètre dans l’appartement, et Sam, croyant abattre Poodle, tue malancontreusement la femme de Poodle, avant d’arrêter celui-ci. 

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    Tout commence par un hold up des plus banals 

    Manifestement choqué, Poodle se laisse arrêter. Il va être condamné à 10 ans de prison. Au moment de son jugement, il jure de se venger de Sam. Quelques années plus tard, pour bonne conduite, Poodle est transféré dans une ferme où il travaille à la culture des laitues. Ayant l’occasion de s’évader, il va le faire, tuant au passage un des gardiens. Dès lors la police est prévenue, Sam est alerté et comprend que Poodle va essayer de tuer sa femme Lila. Poodle se transforme au gré de ses pérégrinations en un assassin : il tue tous ceux qui entravent sa route, et d’abord le couple Flanders, dont le mari est son ancien supérieur durant la guerre. Dès lors Sam va imaginer de tendre un piège à Poodle. Il envoie sa femme chez des amis et attend le tueur chez lui, entouré de ses amis de la police. Cette attente est compliquée du fait que Lila s’est finalement enfuie pour retourner auprès de Sam. Mais le piège fonctionnera, et Sam abattra finalement Poodle sur la pelouse de sa petite maison. 

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    Le triste Poodle est choqué car il aété frappé par les gangsters 

    Le film est adapté d’une nouvelle de John et Ward Hawkins publiée en 1968 dans le numéro 248 de Mystère magazine. Ils travailleront pendant de longues années pour la télévision, se consacrant à l’écriture de séries westerniennes comme Bonanza, ou de petits drames policiers.

    C’est un très bon film noir, bref et percutant, à l’esthétique très élaborée. Une série B qui dure à peine 1 heure 13. Film à petit budget, il a été tourné en 15 jours. Budd Boetticher disait qu’il l’aimait beaucoup, qu’il le trouvait réussi. Ce film noir intervenait comme une rupture au milieu d’une grande quantité de westerns. Et quand on voit The killer is loose, on se prend à regretter que Budd Boetticher n’ait tourné que si peu de films noirs. Il était fait pour ça. Il avait un sens de la nuit et des atmosphères banales au sein desquelles surgit soudainement le drame et l’horreur. 

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    Sam chargé de l’enquête a mis sur écoute les employés de la banque 

    Evidemment, ce qui fait la force du film c’est l’opposition entre une univers très banal, quotidien – on y voit des employés de banque, des petits couples enfermés dans leur petite maison tranquille – et une violence qui surgit d’un passé plus ou moins lointain. Le tueur est d’ailleurs un homme plutôt effacé, un petit employé de banque, qui porte des lunettes et possède un caractère taciturne. Il était surnommé Foggy, ce qui souligne le flou du personnage. 

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    Sam attend que quelqu’un appelle 

    Ce quotidien c’est aussi celui de Sam qui passe des heures à espionner mornement le téléphone des employés de banque et qui pour tromper l’attente lit le journal. Mais ce quotidien, c’est aussi celui des intérieurs américains de la classe moyenne, le petit pavillon, la cuisine et ses objets rutillants – la cuisinière, le frigo – qui sont des marqueurs de la réussite du rêve américain et de la société de consommation. On comprend d’ailleurs que c’est cette volonté consumériste qui pousse Lila a se disputer avec Sam en lui disant qu’elle ne comprend pas pourquoi il ne laisse pas ses collègues s’occuper de Poodle. 

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    Après avoir essuyé des coups de feu, Sam pénètre chez Poodle et tire 

    Le film maintient comme il se doit ambiguïté, il oscille entre une sympathie évidente pour le tueur, sa femme est morte, victime d’une bavure, et l’horreur que suscite le fait qu’il n’arrive plus à contrôler ses pulsions. On verra d’ailleurs que si ces pulsions violentes remontent à la surface, elles sont une résurgences des années que Poodel a passées à la guerre. Et d’ailleurs son supérieur est là pour lui rappeler de mauvais souvenirs : Otto Flanders est présent au moment du hold-up, comme un chat noir annonçant le désastre. Attiré par sa maison, Poodle tombera dans le piège d’Otto qui finalement l’amènera à l’abattre. Le couple Flanders est d’ailleurs complètement horrible et sans vie. La femme est peureuse, le mari est arrogant et cruel. Ils n’ont même pas les motivations de Poodle. En effet, celui-ci était très attaché à sa femme et en la perdant, il a tout perdu.  

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    Poodle est effondré par la mort de sa femme 

    Le scénario est construit d’une manière assez atypique puisqu’il se concentre sur Leon Poodle, sans considération pour ses autres complices dans le hold-up de la banque. On ne saura donc pas ni quand, ni comment Poodle s’est acoquiné avec eux. On ne saura pas non plus ce qu’ils sont devenus,  Poodle ne semblant pas les avoir vendus à la police.

    De même la bavure de Sam qui a tué une innocente, ne l’ébranle pas plus dans ses convictions, ce qui le fait apparaître finalement comme moins humain que Poodle. Il ne semble même pas avoir de remords, protégé par la logique d’avoir fait son devoir. C’est donc bien là que se situe la réussite du film, de s’être concentré sur le tueur, sa souffrance et sa déterminantion à se venger. Ce n’est cependant pas un film psychologique, le ton est comportemental. C’est la matérialité de l’action qui guide l’histoire, c’est pourquoi on n’aura pas vraiment d’empathie pour le tueur. 

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    Pour bonne conduite, Poodle est envoyé dans une ferme 

    Comme il se doit, un tel film ne peut reposer que sur une très bonne interprétation. Si elle n’est pas faite de stars de premier plan, elle est tout de même soignée, sans doute est ce elle qui a absorbé la plus grande partie du budget. Celle-ci est dominée d’ailleurs par Wendell Corey qui joue Poodle le tueur à lunettes. Les lunettes du reste le transforme complètement par rapport aux rôles qu’on a l’habitude de le voir jouer. Elles lui donnent une allure taciturne. Wendell Corey trouve ici un de ses meilleurs rôles, tout en finesse. Il faut voir sa détresse lorsqu’il constate que sa femme a été abattue par Sam.

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    Poodle s’est chappé, et Lila a peur 

    Joseph Cotten est très bon en Sam, héros du quotidien et du devoir. Mais il faut bien le dire, il est plus ordinaire. A ses côtés, Rhonda Fleming, la belle rouquine aux seins en obus, toujours vivante d’ailleurs, joue le rôle de Lila, une femme un peu capricieuse et assez bornée finalement. Elle représente ces femmes américaines en voie d’émancipation qui sont en train de prendre le pouvoir, en commençant par prendre le contrôle de la cuisine ! Son mari a bien du mal à résister à une telle tornade.

    Mais comme souvent dans ce genre de films, les seconds rôles sont aussi bien typés qu’excellents.  

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    Sam annonce à Lila qu’il l’emmène en vacances 

    Comme on l’a dit, c’est l’opposition entre une vie ordinaire et monotone et l’explosion de la violence qui en fait le charme. C’est en ce sens que le choix des décors est déterminant. Le hold-up se passe dans une toute petite agence d’une banque provinciale, au cœur de ce qu’on comprend être une toute  petite ville. Les rues sont larges et tranquilles, la circulation fluide. Cette atmosphère va être renforcée par la manière de filmer les rues en plans larges et continus, dans l’enfilade des maisons et des trottoirs. 

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    Poodle s’est réfugié chez Otto Flanders avec qui il a fait la guerre 

    Ce décor bêtement quotidien permet d’ailleurs à Budd Boetticher de donner toute leur importance aux véhicules, que ce soit les voitures – les magnifiques américaines des années cinquante – ou le bus. Mais cette ville brille d’un autre feu lorqu’il s’agit de la nuit. Bardée de néons, elle fait surgir des ombres menaçantes, tout autant qu’attirantes. Lila est d’ailleurs conduite par la nuit à la rencontre du tueur par une force qui la dépasse. En effet que peut bien faire une femme jeune et belle, et aux seins comme des obus, à battre le pavé à ces heures pâles de la nuit ? 

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    Poodle menace Otto et sa femme 

    Une des très bonnes idées du film est aussi de situer une grande partie de l’action sous la pluie. Ce qui permet non seulement de capter les reflets des néons dans la les flaques d’eau, mais aussi de donner aux lieux un côté encore plus ordinaire. Du reste c’est la pluie qui permet à Poodle de se camoufler dans un imperméable de femme. La nuit et la pluie sont ses deux meilleures alliées.  

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    Sam met un piège en place, en espérant que Poodle viendra jusqu’à lui 

    Tout l’art des films de série B réside dans leur densité. Il ne faut pas que ça traîne. Non seulement le rythme doit être élevé, mais il fait aussi que les séquences soient brèves. Le début comme la fin de The killer is loose, sont des modèles du genre. On ouvre directement sur le hold-up. Et certainement que ce film a été vu par Jean-Pierre Melville qui me semble s’en être inspiré pour l’ouverture d’Un flic. D’ailleurs, l’un des complices du hold-up n’est il pas aussi dans ce film une personne tout à fait ordinaire qui se trouve plus ou moins par hasard contrainte de participer à l’attaque d’une banque. On remarquera dans cette scène d’ouverture l’utilisation des angles de rue, des longues perspectives désignant aussi bien le danger potentiel que les lignes de fuite. 

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    Lila cherche un taxi sous la pluie 

    Il y avait en effet matière à tirer un film de trois heures, comme c’est la mode aujourd’hui [1]. Par exemple, dans le bus qui amène Lila chez elle, on s’attend à ce qu’on y rencontre Poodle, et elle-même semble le reconnaître dans un passager qui porte aussi des lunettes. Cette crainte n’est que suggérée et passe aussi vite qu’elle s’est manifestée dans le regard de notre rouquine de service.

    Mais la scène finale, quand Poodle se fait descendre, est tout autant remarquable de sobriété. Un mauvais réalisateur, disons Hitchcock, aurait tiré sur la ficelle, soulignant le danger avec des mines allongées des protagonistes, les yeux agrandis par la peur. 

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    Lila qui n’en fait qu’à sa tête retourne ches elle 

    Toutes les scènes qui voient Lila marcher dans la ville sont remarquables de ce point de vue, que ce soit quand elle entame son périple pour rentrer chez elle, ou quand Poodle la prend en chasse. La photo du grand Lucien Ballard est très bonne. Lucien Ballard a non seulement été le technicien de Sam Peckinpah pour The wild bunch, mais il a été sur le tournage de nombreux films noirs comme The killing, Murder by contract et bien sûr pour l'autre film noir de Budd Boetticher, La chute d’un caïd. 

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    Poodle a pris la voiture d’Otto 

    C’est donc un très bon film noir, vif et enlevé, réussi sur le plan de l’esthétique, mais que la critique a un peu oublié, contrairement à d’incontestables navets comme ceux qu’Hitchcock cultivaient en quantité industrielle. Bref pour ceux qui ne le connaissent pas encore, ils doivent se précipiter dessus.

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    Camouflé  dans un imperméable de femme, Poodle s’approche de chez Sam  

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    Lila s’aperçoit qu’elle est suivie 

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     Budd Boetticher sur le tournage

     

    [1] C’est d’ailleurs une maladie qui sévit aussi bien dans le cinéma que dans la littérature d’en rajouter. Mais il n’est pas sûr que la qualité en soit améliorée pour autant. Je ne dis rien de James Ellroy et de son indigeste pavé Underworld que je ne suis pas arrivé à finir.

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    The homesman est un western qui s’inscrit dans une nouvelle lignée qui refuse aussi bien la glorification de l’Ouest que les conventions des films d’action. Il va mettre en scène des gens plus qu’ordinaires, frustres, vivant dans une difficulté permanebte et le danger omniprésent. C’est une tendance récente à laquelle on peut rattacher du reste True grit, le film des frères Coen, mais aussi Les fugitives dans lequel Tommy Lee Jones joue un personnage un peu similaire. C’est un film tristen pour ne pas dire sinistre.


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    La courageuse Mary Bee défriche son arpent de terre toute seule

     

    Mary Bee Cuddy est une femme seule, qui commence à prendre de l’âge, exploitant toute seule un lopin de terre, elle aimerait bien se marier, au moins pour avoir quelqu’un qui l’aiderait à sa tâche. Elle n’est pourtant pas très regardante. Mais elle a mauvais caractère. Probablement fait-elle peur. La petite communauté de pionniers à laquelle elle appartient va être frappé par des intempéries qui non seulement détruisent les cheptels et les récoltes, mais également rendent folles trois femmes. La communauté va décider de s’en séparer et donc de transférer ces femmes perdues vers une ville où elles seront accueillies par une femme de pasteur. Mais pour les emmener à la ville le chemin est long et dangereux. C’est Mary Bee qui s’y collera. Emportant ces folles dans un chariot fermé et garni de barreaux, elle va croiser la route d’un homme qui est menacé de pendaison et qu’elle va sauver. En échange elle demande à ce George Briggs de l’accompagner dans son périple et de l’aider.

    Ensemble ils vont affronter toute sorte de dangers. Quand ce ne sont pas les indiens, des Crow plutôt menaçants, ce sont des convoyeurs cupides et cruels. Et puis gérer les folles n’est pas une synécure, comme affronter les nuits glaciales. Mary va même se perdre et mettra deux jours à retrouver Briggs. A bout de nerfs, elle veut faire l’amour avec Briggs qui dans un premier temps refuse. Mais au matin elle s’est pendue. Finalement Briggs ramènera les trois folles chez la femme du pasteur et touchera l’argent qui lui a été promis, sauf que cet argent est de la monnaie de singe.


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    Briggs sera pendu si le cheval remue

      

    Si par son ton The homesman s’apparente à True grit et aux Disparues, la réalisation est tout à fait dans la lignée du premier film réalisé par Tommy Lee Jones, Trois enterrements. Comme dans ce film une place importante est donné à une nature à la fois attirante et inquiétante. Et le voyage est aussi une quête, uen épreuve qui transforme les protagonistes en faisant ressortir leur humanité. Le rythme est lent, probablement trop lent, parfois languissant. On peut parler pour cela d’un demi-succès. Sans doute est-ce aussi cela qui en explique le demi-échec. Si la critique s’est montrée enthousiaste, le public n’a pas vraiment suivi. On ne sait pas encore quel accueil lui réservera le public américain, il ne sortira qu’à la mi-novembre. Le film a été produit par Tommy Lee Jones lui-même sous la couverture de la firme de Luc Besson, un peu comme si ce film devait être réservé à un public européen.

    Mais le simple fait que la thématique de ce western soit très proche des films que j’ai cité plus haut, lui donne un côté un peu déjà vu. Il est en effet à la mode dans le néo-western de mettre en avant des caractères féminins déterminés et courageux. Du reste on retrouve dans un petit rôle l’héroïne de True Grit, Hally Steinfeld.


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    Sur les hauts plateaux règne le froid

     

    La distribution est dominée par hilary Swank qui joue de son physique plutôt atypique, Tommy Lee Jones jouant comme à son, ordinaire le vieil homme un peu bourru mais qui au fond possède un grand cœur. Il en fait d’ailleurs parfois un peu trop. Meryl Streep fait juste une apparition dans le rôle de la femme du pasteur qui accueille les femmes folles. Vieillie, elle est bien sûr très juste.

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    Briggs doit affronteer un convoyeur particulièrement vindicatif


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    L’hôtel n’ayant guère été accueillant, Briggs lui mettra le feu

     

    La mise en scène vise une certaine sobriété dans la mesure où elle se refuse à en rajouter dans les scènes dramatiques et dans scènes d’action. Mais il y a quelques bons moments de cinéma, notamment l’affrontement de Briggs avec le convoyeur qui veut s’emparer d’une des folles pour un usage personnel. Si la nature n’est pas magnifiée, si elle est filmée dans toute sa rudesse, il en émane tout de même une certaine poésie à laquelle on se laisse prendre. La dureté de la condition humaine dans l’Ouest profond, renvoie à la religion comme une nécessité qui permet de gérer les conflits de mettre de l’ordre au sein d’une communauté déboussolée par ses malheurs.


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    La femme du pasteur réconforte Briggs

     

     

    Le film se verra sans déplaisir, mais sans trop d’étonnement non plus. Il passera sans doute difficilement le cap des années.

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    Le temps ayant passé, on oublie que dans les années soixante-dix, l’Italie s’était faite, à côté des grandes comédies dramatiques, aussi une spécialité de petits films policiers nerveux, tournés en décors naturels et souvent violents. A mon sens, ils représente une catégorie à part en regard des films américains et français. Le plus célèbre des réalisateurs de ce genre était Umberto Lenzi, mais à côté de lui on trouve aussi Sergio Martino, dans un registre un peu plus léger tout de même. Il ne faudrait pas cependant que cela nous laisse croire que ces films n’ont comme qualités que d’alimenter une nostalgie, ils possèdent aussi des formes particulières de tournage sur lesquels on reviendra. Mais avant tout ces films visaient un public populaire en essayant d’en épouser la culture.

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    Luca commence à exercer ses talents dans un casino clandestin

     

    Luca Altieri est un tricheur qui joue au poker. Rafflant une somme importante, le patron du casino décide de l’engager pour qu’il travaille pour lui, en lui promettant 10% des bénéfices récoltés. Luca s’enrichit particulièrement vite, il porte des beaux costumes rayés, il remplace son vieux scooter par une puissante moto. Mais il va tombé amoureux de la femme du fils du patron. Maria-Luisa est en effet marié à Corrado, un rustre, arrogant, qui profite de son statut de fils du patron. Luca va donc vivre une histoire d’amour torride avec la belle Maria-Luisa qui ne vit avec Corrado que pour son argent. Mais elui-ci est un brin jaloux. Avec une grande lâcheté il va briser les mains de Luca, pensdant que celui-ci ne l’affrontera pas dans une partie de poker en tête à tête. Pourtant malgré ses blessures Luca sera là et emportera le duel.

    Mais Corrado ne se tient pas battu, il va envoyer ses tueurs à la recherche de Luca qui se remet tant bien que mal de ses blessures dans une ferme des environs de Milan. Luca échappe à la tentative d’assassinat et décide de partir avec Maria-Luisa sur la Côte d’Azur. Le père de Corrado leur ayant laissé un pactole de 70 millions de lires. Mais pendant ce temps, Corrado va faire un coup d’Etat et tuer son père pour s’emparer de son pouvoir. Pour lui les choses seront difficiles, car il n’a ni l’envergure, ni les relations de son père, et tout le monde le méprise. Victime d’un chantage de la part d’un policier véreux, il le fera abattre. Mais pour lui l’essentiel est de se venger de Luca qu’il considère comme la source de tous ses malheurs. Il y parviendra en l’attirant dans une partie piège. En effet, Maria Luisa est enceinte et Luca veut se refaire. Il va cependant s’apercevoir qu’il est traqué à nouveau par les tueurs de Corrado et s’enfuir avec Maria Luisa sur sa moto. Si les tueurs seront défaits et avec eux Corrado, Luca perdra à la fois Maria-Luisa et l’enfant qu’elle portait.

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    Séduit par la beauté de Maria-Luisa, il l’a séduit à son tour

     

    Comme on le voit les producteurs ont misé sur un scénario assez compliqué qui tente de prendre à revers le spectateur, notamment par une fin peu conventionnelle. Et même si les rapports entre le père et le fils, propriétaires d’un casino clandestin, sont en quelque sorte la clé du film, ceux-ci ne sont pas examiné du point de vue de la psychologie, mais plutôt comme un levier de l’action. Maria-Luisa est une femme vénale qui va trouver le chemin de la rédemption dans l’amour que révèle Luca. Mais celui-ci aura bien plus de mal à retrouver le droit chemin et à abandonner son vice : le jeu. Car Luca n’est pas un personnage tout à fait moral. Certes, il est léger, pas vraiment méchant, mais en même temps c’est un tricheur professionnel qui a peu de conscience de ce qu’il y a de mal à escroquer son prochain pour essayer de vivre sans travailler.

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    Le très violent et jaloux Corrado fait briser les mains de Luca

     

    Mais tout cela ne suffirait pas à faire un bon film si la mise en scène n’était pas à la hauteur. Or, elle l’est. Aussi bien dans l’utilisation des décors réels de Milan, que dans le développement des scènes d’action qui sont rapides et toujours assez brèves. Par exemple il y a de l’inventivité à filmer l’assassinat du policier corrompu qui essaie de faire chanter Corrado. Le montage qui alterne les plans généraux filmés à la grue et les plans rapprochés qui montrent l’étonnement du policier, la détermination des tueurs, est excellent. Les bagarres de rue sont plus conventionnelles, comme la poursuite finale sur la corniche. Parmi les scènes à retenir il y aussi le meurtre du Président par son propre fils qui le balance dans les escaliers, jouissant du spectacle, tout en en craignant l’issue.

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    Corrado en ayant assez de subir la loi de son père l’assassine

     

    La direction d’acteur est bonne. Dans le rôle du héros on retrouve un acteur français bien oublié depuis, Luc Mérenda. C’est un acteur méconnu essentiellement parce qu’il tourna principalement dans des films de genre de catégorie B, commençant d’ailleurs par incarner OSS 117 où il vaut largement le médiocre Jean Dujardin. Doté d’un physique athlétique et charmeur, il n’était pas un mauvais acteur. S’il a disparu, c’est probablement parce qu’il s’est encalminé dans le cinéma italien de genre, notamment sous la direction de Sergio Martino. Sans doute n’avait-il pas la volonté de mieux gérer sa carrière. Ici il est plutôt bon.

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    Luca et  Maria-Luisa accueille les sbires de Corrado

     

    Dayle Haddon est plus problématique, certes sa plastique est sans défaut, et elle a de beaux yeux, mais elle manque singulièrement de nerf. Toutefois cela n’a pas grande importance car son rôle est plutôt passif et en retrait. Le reste de la distribution est complétée par Corrado Pani qui est bon dans le rôel du fils névrosé, et par Enrico Maria Salerno, toujours égal à lui-même dans celui du président.

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    Corrado fait exécuter un flic corrompu

     

    L’ensemble présente une belle réussite dans le genre populaire, à la fois léger et nerveux, sans tomber dans la caricature, ni la niaiserie. Certes, les références du scénario sont largement empruntées à des films américains. On reconnaîtra l’écrasement des mains, ou la méditation entre Maria-Luisa et Luca au bord de la plage, comme dans The hustler, ou les parties de cartes issues de The Cincinatti kid.

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    Maria-Luisa doit subir une intervention chirurgicale

     

     

    Il est dommage que ce type de film ne soit plus connu aujourd’hui en France que des spécialistes. En tous les cas, sans être un chef d’œuvre, La citta’ gioca d’azzardo vaut le détour.

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