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    Chris est un jeune dealer qui doit de l’argent à Digger le caïd local qui menace de le tuer. Avec sa sœur et son père il décide de supprimer sa mère de façon à ce que Dottie touche l’assurance. Il pourra alors payer l’immonde Digger.  Mais pour cela il faut qu’il fasse appel à un tueur, Joe Copper qui veut une avance pour son boulot, or n’ayant pas de quoi le payer, la famille dans son ensemble décide de lui offrir l’innocente Dottie. Le meurtre aura bien lieu, mais en réalité aucun membre de la famille ne touchera un seul dollar. Et cela s’achèvera dans un bain de sang.

    Ça ressemble à un film noir, du moins dans le début, mais très vite ça tourne à la farce grotesque où s’alignent les scènes chocs destinées à faire croire au spectateur qu’il se trouve devant une œuvre rare et originale. Ça n’est pas le cas, Killer Joe est un petit film qui tient plutôt du théâtre de Grand-Guignol que du noir. Et justement le film est adapté d’une pièce de théâtre et ça se voit. Dans le premier tiers du film, lorsque le tueur rencontre cette famille décomposée et recomposée, on a l’impression de se retrouver du côté de Jim Thompson, au Texas, dans un univers plouc et crasseux où pas un seul des protagonistes a quelque chose de bon ou de sympathique en lui. Chris est amoureux de sa sœur qui n’a rien du tout dans la tête, sa belle-mère lui tape dessus et se balade devant le monde en exhibant son pubis. Le père vit aux crochets de Sharla qui par ailleurs le trompe avec Rex.

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    On pourrait dire que c’est dans le portrait de cette famille complètement larguée que réside le meilleur du film. Ça se gâte sérieusement après l’arrivée de Killer Joe. Joe Copper est un être pervers, flic le jour et tueur à gages la nuit, ce que personne ne semble ignorer dans le patelin. Le modèle de ce personnage est à rechercher justement chez Jim Thompson, par exemple dans The killer inside me. C’est la même violence et la même perversité qui habite les deux personnages, toujours camouflés sous une certaine élégance bien proprette. Mais ce n’est pas là le défaut du film, c’est plutôt dans la longueur des scènes destinées à nous faire comprendre combien Joe est pervers et mauvais. Par exemple la scène du début quand il soumet la faible Dottie à ses fantasmes sexuels dure une éternité. Mais également la scène où il va torturer Sharla sous les yeux de son mari tourne dans le scabreux.

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    Bref on a compris que Friedkin ne fait pas dans la dentelle. Il y a beaucoup de complaisance dans la façon dont les coups sont portés – toujours à la face – à Chris ou à Sharla. C’est curieusement ce qui les vide de tout réalisme. Or ce qui est à la base du noir justement c’est le réalisme.

    La question qu’on peut se poser est de savoir si les faiblesses du film tiennent au scénario lui-même – est-ce que c’est un choix délibéré de ne pas s’étendre sur le rôle de Sharla dans l’arnaque à l’assurance, ou encore est-ce un choix délibéré de ne pas nous renseigné sur ce que Joe a fait de Rex – ou au contraire à la mise en scène très paresseuse de Friedkin.

     

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    Le défaut principal du film est donc le rythme, l’incapacité à réguler le tempo des scènes de violence et des scènes plus intimes si on peut dire. De même il y a un gros déséquilibre entre les scènes d’extérieur et les scènes d’intérieur qui banalise une histoire qui se voudrait extraordinaire.

    Mais c’est un film qui a eu un bon succès critique, pour ce qui du public, j’en doute un peu. La raison en est qu’un visionnage peu attentif fait prendre la violence un peu gore des scènes de violence pour une forme de transgression. On a beaucoup parlé, au moment de la sortie du film, de la qualité de l’interprétation, à commencer par celle de Matthew McConaughey. Pour cela il faut apprécier l’absence d’émotion qu’il manifeste. Matthew McConaughey s’est fait un peu la même réputation que l’indigent Clint Eastwood. Tournant un nombre incalculable de navets, il est exactement le contraire de De Niro : comme son modèle Clint Eastwood – quoiqu’en plus bodybuildé – il passe son temps à ne rien faire. Mais comme il porte un costume un peu particulier tout de même, certains ont l’impression qu’il incarne un vrai personnage.

    Passons sur le jeu complètement hystérique d’Emile Hirsch qui agace assez vite, c’est l’exact contraire de Matthew McConaughey. J’ai adoré Gina Gershon et son abattage dans Bound (un vrai film noir pour le coup) et dans Show girls. Mais ici elle n’est plus que l’ombre d’elle-même. Certes elle a vieilli, tout le monde finit par vieillir, mais tout le monde n’a pas un visage hélas aussi mal refait. Tout cela n’est pas de sa responsabilité bien sûr, mais la manière de Friedkin de la filmer laisse évidemment perplexe. C’est encore plus perceptible dans les dernières scènes où elle se fait remettre à sa place par Joe.

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    C’est la deuxième adaptation cinématographique de la nouvelle d’Hemingway, To have or have not. Mais elle est bien différente de celle d’Howard Hawks avec Bogart et Bacall que beaucoup jugent surestimée. C’est l’histoire d’un ancien héros, Harry Morgan, de la guerre qui vivrait tranquillement avec sa femme et ses deux filles, s’il n’avait pas autant de difficultés à rembourser les traites de son bateau. Il accepte de conduire un couple jusqu’au Mexique, couple bien mal assorti et un brin louche. La femme fait du gringue et l’homme disparait sans lui avoir payé ce qu’il lui devait. Morgan ne sait trop comment il pourra retourner à San Diego lorsqu’une sorte d’avocat véreux lui propose une affaire louche : il s’agit de faire rentrer clandestinement des Chinois aux Etats-Unis. Morgan accepte mais l’affaire tourne mal, il tue le trafiquant et débarque les clandestins au Mexique. Bien lui en prend puisque arrivé au port les autorités lui confisquent son bateau et pensent qu’il est mêlé au meurtre du Chinois.

    De plus en plus coincé par le fric, il va accepter une affaire encore plus louche, il doit emmener au large de San Diego une bande de malfaiteurs très dangereux qui vont commettre un hold-up. Morgan va exécuter son boulot, mais il va éliminer la totalité de la bande, ce qui, on le suppose lui rapportera une prime qui le mettra à l’abri du besoin et lui redorera son blason.

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    C’est un film noir assez curieux car très ambigu. Morgan qui est joué par Garfield est très amoureux de sa femme, mais en même temps il se pose la question de savoir s’il peut ou non la tromper. Il est vrai qu’il y a un écart important de glamour entre sa gentille femme, mère de famille, dure à la tâche et la très glamour Leona qui est interprétée par Patricia Neal. Mais il hésite aussi  à accepter de convoyer  des gangsters, puis il le fait, tout en se proposant de les trahir.

    La morale de l’histoire est que la nécessité fait loi et les réalités matérielles dépassent nos principes moraux. Cependant Harry Morgan sera bien puni de ses incartades, vis-à-vis de la loi comme vis-à-vis de sa femme, puisqu’il perdra un bras.

    Il y a beaucoup de choses intéressantes à voir dans ce film, à commencer par cette présentation d’une vie familiale qui pourrait être heureuse finalement, si Morgan n’était pas un héros de guerre, car c’est bien de cela dont il souffre. Sa femme s’en aperçoit et quand elle comprend qu’elle a une rivale en Leona elle aussi se lance dans les extravagances en se teignant les cheveux en blond !

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    Ce film bien plus complexe qu’il n’y parait aborde de nombreux thèmes de société, comme les migrations clandestines, ou encore les relations interraciales, à une époque où les noirs ont encore un statut inférieur. La dernière image remarquable du film est celle d’un enfant noir cherchant son père qui n’est autre que l’employé de Morgan quand celui-ci a du travail. Or il est mort au court de la bagarre et personne ne s’en soucie, si ce n’est son fils, Harry Morgan et sa femme ayant bien autre chose à faire puisqu’ils en sont à essayer de se réconcilier. Mais la question de l’adultère est traité aussi d’une manière plutôt curieuse car si bien entendu le marin revient vers sa femme et son devoir – ce qui évite les foudres de la censure – il est évident pour le spectateur que l’adultère n’est pas ce que l’on croit ! De même la boisson est présentée comme quelque chose de très bon et de très viril.

    Ce n’est peut-être pas le meilleur film de Michael Curtiz, réalisateur très sous-estimé, ni même le meilleur film de John Garfield qui à l’époque commençait à avoir de sérieux problèmes avec l’alcool mais aussi la commission des activités anti-américaines. En tous les cas c’est un film qui vaut tout à fait le détour.

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  • Egorgeur

    Le journalier italien Enrico Marengo s'est installé à demeure chez Mme Riest au 40. Son fils a même épousé la fille de sa logeuse, mais l'ambiance familiale n'est plus au neau fixe depuis qu'Enrico est au chômage. Le 11 septembre 1923, après de nouvelles récriminations de sa bru, Marengo s'empare d'un révolver, la blesse à la tête, mais l'arme s'enraye. Il saisit alors son rasoir et égorge la logeuse qui veut protéger sa fille. Il se tranche ensuite lui-même mortellement la gorge.

    Extrait de Angélique Schaller et Marc Leras, Guide du Marseille des faits divers, de l'Antiquité à nos jours, Le cherche midi, 2006

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    Hélène Regazzi est la fille de Jean-René Regazzi et la nièce de Gaby Regazzi et Mimi Regazzi. Le clan Regazzi était connu comme étant très proche de Gaétan Zampa, cette proximité sera révélée par le fait que plusieurs membres de la famille Regazzi ont été enterrés dans le caveau de la famille Zampa. La plupart des membres de cette famille qui se sont illustrés dans le grand banditisme, sont morts dans des règlements de compte. Le plus souvent les témoignages des gens du « milieu » sont consacrés à leurs exploits, avec la volonté de remettre un peu les pendules à l’heure et de dresser un portrait un peu plus acceptables de criminels notoires.

    Le but de l’ouvrage d’Hélène Regazzi est très différent et c’est heureux. Il s’agit de décrire comment un enfant du milieu vit dans ce milieu, comment il va en être marqué, mais aussi comment il existe dans ses marges puisqu’il ne connait pas et ne participe pas aux aventures de sa famille. Donc on n’assistera pas ici à une défense de ce qu’a été la famille Regazzi pour la bonne raison qu’Hélène Regazzi ne parle jamais des activités délictuelles de son père et de ses oncles. C’est en quelque sorte à une analyse sociologique des gens du milieu qu’elle se livre. Leurs origines sociales ce sont les quartiers nord de Marseille, avec Mourepiane comme point d’ancrage. Les Regazzi sont issus de l’immigration italienne qui s’est installée dans les quartiers nord de la ville, oscillant entre le désir de devenir entrepreneur et celui de gagner beaucoup d’argent sans trop se fatiguer, mais au cœur de quartiers populaires, du temps où il y avait encore de l’industrie en grande quantité dans la ville.

    Mais évidemment les Regazzi ont un destin peu commun. D’abord par le fait que Jean-René est bigame, il a fait deux enfants à chacune de ses femmes et qu’il partage sa vie entre deux familles. Ce n’est pas banal surtout pour quelqu’un qui fait de la famille une valeur au-dessus des autres. Cette extravagance montre les voyous s’ils ne sont pas tous bigames, vivent tous dans l’exagération et l’exaspération des passions, fussent-elles les plus mortelles. Ensuite par le fait que les règlements de compte qui jalonnent leur vie impriment un rythme des plus particuliers. La mère d’Hélène Regazzi tient un restaurant-pizzeria dans un quartier très populaire de Marseille, on y voit Jean-René faire les commissions, rester au bar à tailler la bavette avec la clientèle, etc. Zampa passe de temps en temps boire un verre, mais jamais d’alcool. Et s’il semble assez craint, il paraît lui-aussi vivre de cette culture populaire faite de rencontres dans les bars, d’agapes dans les restaurants et de fêtes plus ou moins drôles entre amis. Ils ont tous en commun une simplicité de désirs qui est remarquable.

    L’ouvrage d’Hélène Regazzi met également en avant la culture musicale dans laquelle toute cette population baigne, ce sont des chansonnettes qui exaltent les sentiments et distribuent des illusions romanesques, de celles qui permettent de mieux se protéger du malheur, car bien sûr le malheur frappe cette famille, que ce soit dans les règlements de compte ou par le biais de la maladie. Et il ne semble guère que les quelques biens amassés au fil de décennies de labeur et de combines ne puissent compenser tout ce noir qui domine. Les derniers chapitres, quand cette famille Regazzi est complètement décimée, renvoyée au néant, sont d’ailleurs assez poignants.

    Si on recherche quelques renseignements sur l’activité criminelle des Regazzi, alors on ne lira pas ce livre, mais si au contraire on cherche à comprendre un peu mieux le terreau sur lequel cette criminalité s’est développée, alors on s’y intéressera. En même temps, on mesurera à quel point la délinquance d’aujourd’hui est très différente, pas tant dans ses combines du reste que dans son mode de vie, sa façon de dépenser l’argent, de faire société. La saga des Regazzi est inscrite dans le Marseille ascendant de l’après seconde guerre mondiale.

    L’ouvrage a été écrit avec Cécile Boizette, c’est peut-être un peu dommage car on sent bien qu’Hélène Regazzi est une femme de caractère, mais on ne sait pas si le style enlevé de l’écriture est la conséquence de ce caractère où le produit de la technique d’écriture de Cécile Boizette. Pour faire bonne mesure l’ouvrage reproduit des articles du Provençal qui donnent un peu la mesure de l’implication des Regazzi dans le milieu, mais à la manière des journalistes, c’est-à-dire sans rien dire d’intéressant et en construisant des hypothèses – notamment sur la mort de Zampa qui est présentée comme un suicide incontestable – qui nous semblent avec le recul un peu saugrenues.

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    Pour tous ceux qui ne se sont pas encore procurer cet ouvrage, on rappellera qu'il est toujours en vente sur les sites d'Amazon et de Priceminister. Et cela pour un prix très modique, 15 €, qui me fait dire que ce serait une folie de s'en priver !!

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