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    Né en 1922, José Bénazéraf vient de décéder à l’âge de quatre-vingt-dix ans le 1er décembre. Il est surtout connu aujourd’hui pour les films porno-soft qu’il tourna dans les années soixante. C’était des films à tout petit budget, avec des acteurs qui la plupart du temps ne savaient pas jouer. Mais ils avaient un certain charme, quelque chose de mélancolique qui les rendait attachants. Un de ses meilleurs titres est Le concerto de la peur quiétait sorti en salle sous le titre très improbable de La drogue du vice. Dans ce dernier film on pouvait du reste entendre la musique de Chet Baker. Il représentait une certaine forme de liberté cinématographique qui se moque des codes. On retiendra encore l’intéressant Cover-girls qui date de 1963 ou Le cri de la chair qui porte parfois un autre titre L’éternité est pour nous. A un érotisme très sage, ces films mêlent une ambiance de film noir et de musique jazzy.

    A partir des années soixante-dix, il apparut moins original et il se lança dans le porno hard cette fois, ce qui n’ajouta rien à sa gloire et noya son originalité dans le flot des films pornos qui envahirent les écrans à cette époque.

    Bénazéraf eut des rapports à la fois houleux et nombreux avec beaucoup de monde dans le milieu du cinéma, et particulièrement avec Frédéric Dard qui le tenait pour un escroc mais qui en même temps le trouvait attachant.

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    Bénazéraf est à l’origine d’un film scénarisé et dialogué par Frédéric Dard, La fille de Hambourg et réalisé en 1958 par Yves Allégret. Le film, à part l’introduction est complètement râté, malgré un casting solide basé sur le couple Daniel Gelin Hildegarde Knef. Dard l’a souvent présenté comme une honte, attribuant l’échec du film à son mauvais travail de scénariste. Mais, en toute chose malheur est bon, en travaillant sur ce film, Frédéric Dard visita les bordels de Hambourg, alors très célèbres, et en ramena une histoire très forte qu’il publia sous le titre de Coma et qui est un des très bons Frédéric Dard publié au Fleuve Noir sous son nom et qui fut par la suite adapté par Denys Granier-Deferre pour le petit écran avec Richard Anconina. L’histoire dépaysée au Portugal en était dénaturée.

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    Les disputes à propos d’argent entre Frédéric Dard et José Bénazéraf cependant n’empèchèrent pas les deux hommes de se retrouver. C’est ainsi que Bénazéraf produisit L’accident, d’après l’ouvrage éponyme de Frédéric Dard, un des tous meilleurs qu’il ait fournis sous son patronyme pour la collection Spécial police. Frédéric Dard écrivit le scénario qui suit le livre d’assez près, et les dialogues. Malgré les qualités de Gréville, le film est râté et n’eut aucun succès. Peut-être est-ce dû à la molesse du casting.

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    Nobody lives forever, Jean Negulesco, 1946

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    John Garfield fut un très grand acteur, c'est-à-dire qu'il a révolutionné le jeu des acteurs d'Hollywood, bien avant Bogart. Si sa gloire est aujourd'hui moindre, c'est qu'il est mort très jeune et qu'il n'a pas eu le temps de s'installer dans la célébrité. Les Américains qui sans doute culpabilisaient du rôle que la Commission des Activités Antiaméricaines avaient joué dans la disparition de Garfield, lui ont préféré des héros plus tendre et plus lisse comme James par exemple.

    John Garfield retrouve Jean Negulesco avec qui il tournera tout de suite après Humoresque qui sera encore un grand succès. En 1946 John Garfield est au sommet de sa gloire, Nobody lives forever est un énorme succès. C’est une des stars les plus rentables d’Hollywood. Le scénario est de W.R. Burnett, vaguement inspiré d’un ouvrage qui porte le même titre et qui était sorti en 1943. On peut le trouver aujourd’hui encore chez Rivages sous le titre de Fin de parcours. Tout cela ne suffit pourtant pas à en faire un très grand film noir, et je crois bien qu’il n’eut pas de sortie en salles en France à cette époque.

    C’est l’histoire d’un escroc qui revient de la guerre et qui après avoir retrouvé son ami, s’aperçoit que sa femme non seulement l’a remplacé par un patron de cabaret, mais qu’en outre elle lui a piqué son pognon pour le refiler à son nouveau gigolo. Nick est bien dégoûté et doit user de violence pour retrouver son fric. Il quitte New York et songe à se reposer à Los Angeles.  Il loue une villa au bord de l’eau mais il s’ennuie un peu. Pas trop longtemps cependant parce qu’une équipe d’escrocs de seconde catégorie vient à lui proposer une escroquerie qui peut rapporter beaucoup. Il s’agit de séduire une très riche veuve et de lui piquer un peu d’argent. Le beau Nick va s’y employer, mais bientôt il tombe amoureux de la veuve et refuse de continuer. Les autres petits escrocs emmenés par Doc ne l’entendent pas de cette oreille, et ce d’autant que la femme de Nick vient de New-York pour le relancer. Quand elle comprendra que son ancien mari ne veut rien savoir, elle se vengera en poussant la bande de Doc à agir. les péripéties vont se multiplier, la belle été jeune veuve sera kidnappée puis sauvée.

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    L’histoire présente un certain nombre de défauts, à commencer par le fait que la femme de Nick apparaît, disparaît, au gré du scénario, mais sans trop de logique. Egalement cette manie de faire estourbir tous les malfrats un à un et de la même façon manque un peu d’inventivité. Le film hésite souvent entre la description d’un univers marginal qui ne rêve que d’argent facile et la volonté de raconter un coup, comme on raconte un hold-up. C’est peut-être le scénario de Burnett qui pèche de ce côté-là, mais comme on sait qu’à l’époque les studios revoyaient très souvent les scripts, il n’est pas sûr qu’il y ait une responsabilité de Burnett ou de Negulesco. Or Il est excellent dans pratiquement tous ses films qui du restent étaient aussi souvent des succès au box-office.

    Mais le film est agréable à voir tout de même. D’abord à cause du couple Garfield – Fitzgerald qui fonctionne plutôt bien, ou encore de l’opposition entre la fine et élégante Geraldine Fitzgerald et la vulgaire et crâneuse Faye Emerson. Tout le casting est d’ailleurs très bien, jusqu’à Walter Brenan dans le rôle de Pop  qui joue avec sobriété pour une fois. Le film est dominé par le jeu de Garfield qui est tout à fait à l’aise pour se servir des contradictions de son personnage, hésitant entre mondanité et aventure, jouant les hommes du monde à l’élégance discrète comme les voyous sans scrupules dès lors qu’il s’agit de défendre sa réputation et la femme qui l’aime. Il faut le voir raconter sa jeunesse dans les quartiers mal famés de New-York, sachant que Garfield, sous le couvert de Nick, raconte sa propre expérience.

     Les oppositions entre le monde du luxe et celui de la pègre sont également bien mises en valeur. Les caractères des truands présentent en peu de mots et de gestes une vraie épaisseur. C’est évidemment un film noir, avec tout ce qu’on peut attendre au niveau filmique d’un film noir. Certes Negulesco est plus à l’aise pour filmer les salons d’un grand hôtel que les arrières boutiques des bistrots crasseux, mais il jour facilement aussi des effets de lumière et tire un bon partie des scènes dans le brouillard, on peut lui reprocher de trop multiplier les panoramiques.

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    Comme il est bon de voir tous les films de Garfield, il est presqu’impératif de voir Nobody lives forever. C’est en outre un film assez rare qu’on ne peut pas trouver dans le commerce avec des sous-titres français et j’ai hélas dû me contenter d’un repiquage de TCM dans une qualité d’image assez mauvaise.

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    Sur le tournage de Nobody lives forever

     

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    C’est film plutôt étrange et d’autant plus étrange qu’il est fondé sur une histoire vraie. James Addison Reavis décide de devenir baron de l’Arizona. Projet ambitieux autant que démesuré, c’est un travail de longue haleine. D’abord il repère une fillette qu’il croie sans parentèle et qu’il baptise d’un nom qui lui permettra de revendiquer à travers elle l’ensemble du territoire de l’Arizona, Etat neuf qui vient juste d’être admis dans l’Union. Il falsifie les tombes les actes de naissance et de décès. Dans un deuxième temps, il va en Espagne de longues années, entrant dans un couvent pour apprendre l’écriture à l’ancienne et falsifier les registres où Philippe II avait inscrit les donations qu’il avait fait à ses sujets. Car curieusement le l’Etat fédéral reconnaît tous les titres de propriétés enregistrés en Espagne. Fort de ses titres falsifiés, il revient à Phœnix et revendique – toutefois après avoir épousé la jeune fille qu’il avait sortie de la misère – la baronnie de l’Arizona. On se doute que sa revendication ne passe pas inaperçue. Le simple fait de revendiquer ce titre lui procure déjà une fortune : par exemple une compagnie de chemins de fer qui vise à construire en Arizona lui offre une somme colossale car elle pense que s’il fait valider ses titres de propriété, elle sera obligée de verser bien plus encore. Mais les propriétaires terriens se révoltent, menacent de le pendre, et l’Etat fédéral, intéressé à garder l’Arizona, va aussi chercher à démontrer que les revendications du faux baron repose sur du vent. Dans l’affaire Reavis perdra tout et ira en prison. Mais il trouvera l’amour en abandonnant ses chimères

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    L’aspect inattendu du film vient aussi d’avoir donné le premier rôle à Vincent Price qu’on a plus souvent l’habitude de voir dans des rôles plus scabreux. Car si Reavis est malhonnête, il est aussi très touchant, très humain. Il porte entièrement le film sur ses larges épaules.

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    Bien évidemment on se doute que le scenario a enjolivé les choses pour porter cette aventure à l’écran. Mais l’ampleur du projet laisse stupéfait. Comme le dit un des protagonistes avec admiration, c’est peut-être un escroc, mais pas un « petit » escroc. Cela donne une histoire vraiment très originale aux confins du film noir, du fantastique et du western.

    Du point de vue cinématographique c’est un petit film sans grands moyens, tourné en noir et blanc, mais avec des idées de mise en scène assez nombreuses, notamment dans la scène du lynchage où Reavis manque d’être pendu. La façon dont il s’en tire laisse voir une opposition entre une sorte de fou assez grandiose et la masse des « petits hommes » engoncés dans leur médiocrité. Samuel Fuller réussi le tour de force de rendre Reavis sympathique, ce qui est d’autant plus un exploit qu’il est incarné par Vincent Price affublé d’une barbe qui lui donne une allure vraiment louche. La jeune femme qu’il épouse pour en faire une baronne est interprétée par Ellen Drew qui avait également joué dans L’imposteur de Duvivier au côté de Jean Gabin.

    Ce n’est pas le meilleur de Fuller, mais c’est un bon film et il montre assez combien celui-ci a été un auteur complet avec des centres d’intérêt extrêmement variés.

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    Le film noir a souvent été un support pour la critique sociale, un commentaire en contrepoint d’une réalité qui n’est pas forcément riante. C’est même une de ses origines principales. Cogan s’inscrit directement dans ce registre, et on ne pourra pas lui reprocher un manque d’ambition de ce côté.

    Deux semi-clochards, l’un espère gagner de l’argent en revendant les chiens qu’il a volé, l’autre sort de prison, sont embauchés par un patron de pressing dont les affaires marchent assez mal, pour braquer une partie de poker. Cette idée baroque leur est venue du fait que le patron du tripot, Markie Trattman, s’était une fois braqué lui-même, histoire de soustraire la recette des jeux à ses commanditaires, une sorte de mafia. Aussi nos trois comiques pensent que les soupçons se porteront sur Trattman. Le coup se passe à peu près comme il faut, sauf que les patrons du tripot ne l’entendent pas de cette oreille et veulent faire respecter leur loi, mettre leurs salles de jeu à l’abri. Pour cela ils vont engager Cogan qui va rechercher les coupables et les punir.

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    Le sujet est une adaptation d’un roman de George V. Higgins, à qui l’on devait Les amis d’Eddie Coyle qui avait marqué les esprits, notamment dans sa version filmique qui donna un de ses derniers grands rôles à Robert Mitchum. Le sujet en vaut bien un autre et quelque part il se rapproche de Killer Joe de William Friedkin. Le personnage du tueur, vêtu de noir, glacé et sans humour est là pour renvoyer l’image de la cupidité et de l’individualisme forcené qui entraîne l’Amérique vers le gouffre. La même stupidité guide l’ensemble des personnages, et si Cogan semble s’en sortir un peu mieux que les autres, c’est simplement qu’il est un peu mieux organisé. Comme le film de Friedkin, Cogan est un commentaire sur l’Amérique en crise, en proie à la tourmente des subprimes. Au début de l’histoire les deux futurs braqueurs se donnent rendez-vous dans un quartier où les maisons tombent en ruine et on comprend que c’est la conséquence des saisies qui s’effectuaient à ce moment-là. C’est encore plus explicite quand sont monté en parallèle à l’action proprement dite les discours de la campagne électorale de Bush et d’Obama qui tous les deux promettent de redresser l’Amérique en retrouvant la solidarité et l’idéal. C’est tellement insistant qu’on ne sait pas très bien si ce sont les discours électoraux qui commentent l’action, ou à l’inverse si c’est l’histoire criminelle qui commente la vacuité des discours des hommes politiques.

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    Réalisé par Andrew Dominik qui avait déjà donné le très bon L’assassinat de Jesse James, le film a été très mal accueilli à Cannes, et il ne sera pas non plus un succès dans les salles alors qu’il vient de sortir, malgré une distribution prestigieuse et la présence de Brad Pitt. La raison tient aux partis-pris filmiques. Bien qu’il ne dure qu’un peu plus d’une heure trente, il est terriblement long. Non seulement les parallèles entre l’élection présidentielle et la chasse aux voleurs est lourde et répétitive, des fois qu’on n’ait pas bien compris, mais c’est extraordinairement bavard. Les relations entre les deux marginaux qui braquent le tripot  sont trop démonstratives, appuyées par des anecdotes plus ou moins drôles. On peut dire la même chose des scènes avec James Gandolfini dans le rôle d’un tueur vieillissant et dépressif. Seules les scènes avec Ray Liotta viennent un peu mettre de l’animation, et encore la scène du braquage traine bien trop en longueur, comme le tabassage de Ray Liotta d’ailleurs.

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    Il y a une mollesse dans la direction d’acteur qui ne pardonne pas. A commencer par Brad Pitt qu’on a voulu ici utiliser à contre-emploi, mais aussi avec le cabotinage de Gandolfini. Il y a curieusement une absence de personnages féminins si on excepte la pute noire qui se dispute avec Mickey. Un peu comme si les relations avec les femmes dépendaient d’abord de la résolution de la crise économique.

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    Ce n’est pas un film qui manque de qualités, voire d’idées mais plutôt de rigueur. La grande force des films noirs qui ont marqué l’histoire du cinéma tient en deux principes :

    - d’abord éviter la leçon lourdement assenée – même si on voit très bien dans Cogan le décalage qu’il peut y avoir entre la crise sociale et les discours lénifiants de Bush et d’Obama, même si on partage cette idée selon laquelle les financiers de Wall Street ont mis à sac la planète et détruit nos vies ;

    - ensuite faire exister les personnages, leur donner de l’épaisseur. Ne mettre en scène que des abrutis est certes utile pour démontrer qu’il n’y a guère d’espoir pour que le monde aille mieux,  mais cette absence d’humanisme fait qu’au bout d’un moment on ne sent plus concerné.                                 

    Reste les images d’une Amérique qui s’effondre sous nos yeux peut-être encore plus vite que notre vieille Europe.

                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                          

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    Il s’agit d’une des meilleures adaptations d’un ouvrage de Frédéric Dard, en tous les cas une des plus fidèles. L’ouvrage a été publié en 1961, un peu à la fin de la période très féconde des petits romans noirs de Frédéric Dard publiés dans la collection spécial-police. L’histoire est extrêmement simple, linéaire. La nuit de Noël, Robert Herbin qui vient de sortir de prison, il avait été condamné pour un crime passionnel, et il se retrouve seul. Sa mère est décédée pendant sa détention. Il n’a guère de perspective dans cette ville de banlieue. Mais le destin va en décider autrement lorsqu’il rencontre une jeune femme accompagnée de sa fillette. Elle est mariée et entraîne Robert chez elle où elle va découvrir son mari assassiné.

     

     

    Robert va lui dire qu’il ne peut lui servir de témoin car il est interdit de séjour dans la ville. Pour cette raison, il s’enfuit, et la jeune femme va chercher un autre témoin lors de la messe de minuit. Mais la police commence a trouver toute cette histoire bizarre et enquête notamment parce qu’Adolphe Ferrie a égaré son portefeuille chez la jeune femme.

    En vérité c’est la jeune femme qui a tué son mari, et elle cherche un alibi. C’est pour cela qu’elle a voulu utiliser Robert. Mais elle a bien des scrupules car entre temps elle a appris à l’aimer. Tout cela finira très mal pour tout le monde. Et si le titre est Le monte-charge, c’est parce que celui-ci va jouer un rôle de premier plan dans la machination.

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    Noël était une fête détestée par Frédéric Dard, non pas parce qu’elle était conventionnelle, plutôt par tout ce qu’elle racontait sur la déception des enfants et de leurs attentes. Les récits de Dard sur la Noël sont très nombreux, la trame du Monte-charge sera reprise par Dard sous le nom de Jean Murelli dans un autre excellent ouvrage : Les noirs paradis. Mais Le monte-charge c’est également la tragédie d’un enfant pauvre qui n’est pas arrivé à se faire admettre dans les classes supérieures. Le roman est écrit à la première personne, dans ce ton très particulier à Frédéric Dard où le désespoir s’accorde à la mélancolie, où l’amour – tel que le reçoivent Marthe et Robert – est vécu comme une maladie qui tue plus ou moins rapidement.

    Ce qu’il y a d’un peu particulier dans cette histoire, c’est l’alliance d’un suspense à la mécanique bien huilée et la profondeur psychologique des personnages qui par-delà leurs tendances criminelles possèdent beaucoup de tendresse et de poésie.

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    L’adaptation et les dialogues sont signés Frédéric Dard et Marcel Bluwal. C’est un suspense particulièrement bien huilé, avec ce qu’il faut de rebondissements pour tenir le spectateur en haleine. Il y a très peu de personnages : Robert qui dans le roman s’appelle Albert, Madame Dravet, Ferrie et l’inspecteur de police. Le principal de l’histoire se centrant sur les rapports particulièrement compliqués entre les deux principaux protagonistes.

     

    Le film est très fidèle au roman, il le suit pas à pas, déambulant dans les rues de la banlieue d’Asnières – dans le roman il s’agit de Levallois, cernant la solitude de Marthe et de Robert dans les ruelles mal éclairées. Les décors sont excellents, très bien photographiés par André Bac, ils reflètent cette désolation banlieusarde populaire, joyeuse et  mortifère. Mais le casting est tout autant impeccable. Robert Hossein, vieux complice de Frédéric Dard, trimballe son allure tourmentée, face à la très belle et très étrange Léa Massari au visage asymétrique qui devait jouer en France à la même époque avec Alain Delon dans le magnifique film d’Alain Cavalier, L’insoumis. Dalban joue le rôle de l’inspecteur attaché à la perte d’Herbin, et Maurice Biraud celui du témoin naïf et un rien concupiscent qui va faire capoter le plan de Marthe. Sur le plan technique, l’alternance des plongées et des contre-plongées dans la manière de filmer l’immeuble, son escalier et son monte-charge, les longues perspectives des rues banlieusardes, donnent de la profondeur au film. Le film reproduit cette simplicité du récit qui se trouve dans l’ouvrage et qui fait alterner les scènes populaires dans les bistrots et dans les rues, avec les scènes intimistes, presque de recueillement entre les deux héros de l’aventure.

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    Malgré ses grandes qualités, on préférera le livre au film, pour une raison qu’on a dite au-dessus, il est écrit à la première personne et c’est ce qui donne une sorte de profondeur psychologique à l’ouvrage. Si les deux œuvres sont bien dans la lignée du roman noir et du film noir par ce rappel de la fatalité dans laquelle plonge Robert avec délectation, ce sont les méditations mélancoliques du héros qui donne ce caractère si poétique au livre. Par exemple, dans le film on passe assez vite sur le fait que Robert achète un petit oiseau dans une librairie-papèterie-bazar. Or c’est un moment clé de l’ouvrage, non pas parce que l’oiseau va jouer un rôle dans l’intrigue, mais par ce qu’il donne à voir du caractère de Robert.

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    Ce n’est pas, selon moi, le meilleur ouvrage que Dard ait signé de son patronyme dans la collection « spécial police », mais c’en est un très bon, et en le relisant, je suis toujours autant surpris par le style simple et inimitable de l’écriture. Ecrit au passé composé, les phrases sont courtes, sans répétition de mots entre les paragraphes, sans métaphores superflues. Cette économie de mots libère d’ailleurs l’écriture de Dard qui peut aller au détail significatif sans trainer, sans ralentir le rythme de l’histoire. La relecture de cet ouvrage nous donne une fois de plus l’occasion de déplorer le fait que seuls les San-Antonio soient aujourd’hui considérés comme un apport important au style. En effet, le style que Dard a mis au point en écrivant ses petits romans noirs pour le Fleuve noir, n’est pas spectaculaire, ni ronflant, et c’est pour cela qu’on ne remarque pas sa puissance et son efficacité.

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