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    Des enfants de riches livrés à eux-mêmes vont laisser se noyer la bonne espagnole qui est chargée de les surveiller. Mais un homme, un rôdeur, un voyou, on ne sait pas trop, les a vu. Il va s’introduire dans la villa et les terroriser, sans qu’on ne sache ce qu’il espère. Les gendarmes enquêtent bien un peu sur le cadavre qu’on a retrouvé dans l’eau, mais plutôt mollement et assez désarmés devant l’innocence manifeste des enfants. Les enfants vont finir par tuer l’inconnu, et se débarrasser du corps, avant le retour de leurs parents qu’ils accueillent bien gentiment avec force sourires. L’histoire assez simple est tirée d’un roman de Laird Koenig. Il a travaillé pour le cinéma, mais il est aussi connu pour le film qu’on a tiré d’un autre de ses romans, La petite fille au bout du chemin.

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    Après la mort de la bonne espagnole les enfants ne savent pas trop quoi faire 

    L’intrigue est relativement simple. Ce qui veut dire que la réussite ou non du film va reposer sur les détails et la façon de mettre en scène les rapports entre les enfants et le monde des adultes. Et bien sûr c’est cela qui est réussi ici et qui en fait un des meilleurs films de Serge Leroy. Le film a été produit par Alain Delon qui volontairement s’est mis en retrait. Il n’a pas le rôle le plus important. Il est cet inconnu dont on ne saura finalement rien et qui va terroriser les enfants, avant que lui-même commence à avoir peur.

    Le but est donc d’essayer d’atteindre la façon de penser et de sentir des enfants, de montrer que les critères qui leur permettent de séparer le bien du mal, sont très différents de ceux qu’utilisent les adultes. Ce n’est pas le seul enjeu du film, il y a aussi une analyse des rapports de classes, entre d’un côté un petit voyou, peu argenté – il peine à mettre de l’essence dans sa voiture – et ses enfants de la haute bourgeoisie qui ne connaissent que le luxe et les caprices. Ils portent un regard déjà méprisant sur l’ensemble du petit personnel qui les sert. Les cassettes enregistrées que leurs parents leur envoient sont tout à fait ridicule. Et puis il y a une sorte de perversité, non seulement quand ces enfants regardent la bonne espagnole se noyer, mais également quand Marlène tente de séduire l’intrus. Les enfants jouent en permanence de leur innocence affichée, de leur fragilité pour mieux             arriver à leurs fins.

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    Tous les enfants se mettent à fumer 

    La critique a salué ce film, et sans être un immense succès pour Delon, les résultats en salles ont été satisfaisants. Il faut  souligner ici la qualité de la direction des acteurs qui rend les enfants absolument crédibles. Ce n’est pas une mince affaire parce qu’ils sont d’âges très différents, entre cinq ans et quatorze ans. Sophie Renoir, arrière-petite-fille du peintre, est tout à fait exceptionnelle dans le rôle de Marlène, mais les autres, à commencer par Richard Constantini, sont très bien aussi. Françoise Brion fait de la figuration intelligente, mais aucun des adultes n’arrive à détourner notre attention des enfants. On retrouve aussi Paul Crauchet dans un tout petit rôle, celui d’un pêcheur énigmatique qui offre un poisson aux enfants.

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    L’inconnu qui a assisté à la noyade d’Avocados observe le maître-nageur qui sort le corps de l’eau 

    Comme toujours Serge Leroy est plus à l’aise dans les scènes d’action, la noyade d’Avocados est particulièrement bien travaillée. Mais l’assassinat de l’inconnu est très bien filmé également, sans ostentation, mais avec cruauté. Il y a une bonne fluidité dans le rythme les décors sont bien utilisés. Cela se passe au bord de la mer, probablement pendant les vacances d’été, sans toutefois que le lieu soit clairement précisé. Leroy a gommé volontairement tous les éléments qui pourraient nous permettre d’identifier les lieux. A vue d’œil, il semble que ce soit la Bretagne.

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    Rapidement il impose sa loi 

    Au moment de la sortie du film on a pointé le rapport des enfants aux images. En effet, ils passent leur temps à regarder des films violents à la télé. Au passage on y reconnaîtra des extraits du Mataf de Serge Leroy lui-même. L’inconnu se contentant quant à lui de regarder des émissions de variétés, un peu pour souligner qu’il est finalement bien moins violent que les enfants. Cependant, il ne faudrait pas en déduire hâtivement quelque théorie sur l’influence néfaste des images télévisées sur le comportement des enfants. Leur innocente cruauté est ancrée bien plus profondément dans le fait justement que ce sont des enfants.

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    Les gendarmes enquêtent sur le cadavre 

    La fin est un peu plus convenue, on voit les enfants, bien sagement accueillir leurs parents après avoir remis de l’ordre dans la maison. Mais ce n’est pas très gênant. Entre temps on a eu le temps d’admirer l’âme des enfants d’une noirceur désarmante.

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    L’inconnu est surpris par l’attitude de Marlène

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    Les enfants ont décidé de passer à l’offensive

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    Mademoiselle Millard est de retour

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    L’histoire est simple deux prisonniers vont s’évader ensemble de prison, chacun soupçonnant l’autre d’être un « mouton ». Leur fuite les amène sur une plage à peu près déserte où il trouve refuge dans une maison isolée où vivent un peintre et sa compagne. Ils abattent le peintre, et se retrouvent tous les deux seuls avec la jeune femme. Mais celle-ci ne leur pardonne pas d’avoir tué son amant, et finira par se venger, d’abord en les amenant à se battre pour elle, ensuite en les menant à la mort.  

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    C’est le premier film de Robert Hossein comme réalisateur et ce fut un succès public. Pour se lancer dans ce nouveau métier, il choisit le film noir et  de le faire en famille si on peut dire. Comme véhicule il choisira une pièce de théâtre de son ami Frédéric Dard qui connut un grand succès. Un roman sera tiré l’année suivante par Frédéric Dard de cette histoire. En fait il avait déjà écrit plusieurs nouvelles sur le même thème, et l’idée sera reprise dans Fais gaffe à tes os, sous le nom de San-Antonio. On en retrouve des traces dans Dernière mission ouvrage paru en 1950 au Fleuve noir et publié sous le nom de Frédéric Charles.

    Mais le film, même s’il conserve l’idée d’une amitié trouble entre deux ennemis, est assez différent du roman, qui n’est que la pièce novellisée. A mon sens les différences sont surtout l’apport de Robert Hossein. En effet, il abandonne l’idée d’expliquer la rencontre entre les deux protagonistes, alors que dans la pièce initiale il s’agissait d’une vague histoire d’espionnage, se passant de surcroit en Amérique, l’un des deux hommes agissant en service commandé pour faire parler un espion. L’autre différence tient au rôle de la femme qui dans l’histoire initiale était elle-même une espionne. Du coup le scénario devient plus simple. 

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    L’animosité, voire la haine règne entre les deux prisonniers 

    Beaucoup d’autres points démarquent le film de l’histoire initiale où, en effet, l’héroïne habite dans une maison riche, elle est elle-même une personne appartenant à la haute bourgeoisie et son mari est très riche. Ici elle est l’amante d’un artiste perdu au milieu de la nature sauvage de la Camargue. C’est à mon sens une amélioration par rapport à la pièce de Frédéric Dard.

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    Le caïd de la prison exerce une louche violence 

    Dans le traitement du film, Hossein donne une plus grande importance à la prison, avec parfois des accents qui rappellent Jean Genêt dont il avait interprété Haute surveillance en 1949, par exemple la scène où le frêle Jacques Duby est forcé de faire un strip-tease. Il y a également quelque chose de sadique dans la confrontation entre Henri Vidal et Robert Hossein, lorsque celui-ci l’oblige à s’agenouiller dans une position inconfortable sur des cailloux au milieu des autres détenus.

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    Eva doit se consoler de la mort de son amant 

    Le film était audacieux pour l’époque et une partie de son succès vient évidemment de Marina Vlady en sauvageonne. Au milieu de la nature sauvage de la Camargue, elle semble venir, telle Aphrodite, de la mer. Bien qu’elle n’apparaisse qu’après le milieu du film, c’est son nom qui a permis le montage financier. La mise en scène de Robert Hossein, supervisée par le trop méconnu Georges Lampin, recèle de nombreuses trouvailles, notamment les éclairages sombres sur la plage. Les scènes de prison semblent aussi être inspirées par les films noirs comme Brute Force de Dassin pour leur violence. Mais il y a aussi cette manière de filmer des paysages désolés ou cette maison pauvre et isolée qu’on retrouvera plus tard dans d’autres films d’Hossein. Une partie de son succès provient des décors, la prison, mais surtout la cabane, car c’est dans la cabane que va se déployer le drame. Hossein reprendra ce thème de la cabane dans La nuit des espions, toujours avec marina Vlady, et encore plus tardivement dans Point de chute. Cette cabane justement a été construite avec soin par Serge Pimenoff.

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    Lucien est amoureux de la belle Eva 

    Ce film n’est pas le meilleur de Robert Hossein, on lui préférera Toi le venin, adapté d’un autre excellent roman de Frédéric Dard, ou même Les scélérats toujours de la même paire, mais il est très bon tout de même et mérite d’être sorti de l’oubli plus de soixante années plus tard. En tous les cas il est une étape décisive de l’amitié et de la longue collaboration des deux hommes qui surent donner corps au film noir français, trop longtemps dominé par les productions américaines.

    On remarquera au passage que la musique est signée du père de Robert Hossein, qui signe ici André Gosselain, et qui fut toujours associé à la réussite cinématographique de son fils, mais qui fut aussi souvent mieux inspiré, créant des mélodies envoutantes, renforçant l’aspect dramatique.  

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    Eva les guide vers la mort

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     Lucien est pris de pitié pour Pierre  

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    Maquette de décor constituée d'un dessin à l'acrylique, représentant une cabane, pour le film Les Salauds vont en Enfer, de Robert Hossein (1955) Serge Pimenoff / Collections Cinémathèque française

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    A noter qu’en 1971, Abder Isker tournera une adaptation de la pièce de Frédéric Dard pour la télévision avec Raymond Pellegrin et Alain Motet. 

     

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    Tiré d’un roman de Frédéric Dard, Les mariolles, La menace en est une adaptation assez fidèle. Dard participe d’ailleurs au scénario. Je dis assez fidèle, parce que le roman se passe sur la Côte d’Azur, assez particulier qui a disparu dans le film. On va voir que cela a un effet assez important sur la signification de ce film noir.

    On se souvient que Gérard Oury avait déjà tourné dans un film inspiré par l’univers de Frédéric Dard, Le dos au mur, réalisé par Edouard Molinaro, très bonne adaptation de Délivrez nous du mal. Il réutilisera une autre histoire de Frédéric Dard, L’homme de l’avenue, pour un film à sketch, Le crime ne paie pas. 

    Les mariolles est un des premiers romans de Frédéric Dard qui s’intéresse à un sérial killer. Mais en même temps, il immerge cette histoire dans le contexte de la vie d’une bande d’adolescents où les rivalités prennent le tour d’une opposition entre des riches et des pauvres.

    Elisabeth est une jeune orpheline qui est élevée par un parent qu’elle nomme Cousin et qui vivote d’une sorte de brocante. Son appétit de vivre la pousse vers une bande d’adolescents qui sont assez argentés pour rouler en scooters. Elle aimerait bien les rejoindre, qu’ils la prennent en considération. Mais ils la gardent à distance. Un soir qu’elle s’échappe de son logis, tandis que Cousin cuve son vin, elle croise la route du pharmacien qui l’accompagne au cinéma. C’est un homme d’âge mûr qui soudainement va lui manifester de l’intérêt. Elle va se servir de lui pour se faire payer un scooter et pouvoir ainsi rejoindre la bande d’adolescents dont elle rêve de devenir membre.

    Cependant, dans la région un sérial killer sévit, viole et assassine des jeunes femmes. Les circonstances vont finalement faire qu’Elisabeth va orienter les soupçons de la police vers le pharmacien pour se venger de lui. Elle le regrettera amèrement. Mais c’est le prix de son passage à l’âge adulte finalement.

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    Le roman balançait déjà entre une étude de la jeunesse perdue, bloquée, immobilisée par les vieilles structures sociales, une jeunesse à la recherche de son émancipation, et le roman noir proprement dit puisqu’il s’agit du portrait d’un assassin en série qui existe dans toute sa complexité. Le premier aspect est dans l’air du temps. Et à cette époque on ne compte plus les films qui prennent comme prétexte les jeunes adolescents désœuvrés. Les tricheurs de Marcel Carmé, vers lequel manifestement Dard lorgne, en est le meilleur exemple. Bien qu’il semble aussi que Dard se préoccupe de l’évolution de ses propres enfants. Le fait que l’héroïne porte le prénom de sa fille aînée n’est pas anodin. Et cela d’autant que le roman est écrit à la première personne, du point de vue d’Elisabeth.

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    Savary paye le cinéma à Josépha

    L’autre aspect sera souvent développé par Dard : c’est le portrait d’un homme seul, dépassé par ses pulsions. Mais cet homme est également attachant, Elisabeth est attirée par lui, et sa propre femme le protège. Il y a une volonté de comprendre à défaut d’excuser le comportement criminel. C’est une approche qu’on retrouvera aussi bien dans Le vampire de Düsseldorf d’Hossein, que dans les portraits de tueurs en série développés dans les grands formats signés San-Antonio après 1979. La perversité est présentée comme une forme d’innocence. 

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    Josépha est intriguée par le pharmacien

    Le film a choisi de ne pas situer l’histoire en Provence. Et c’est dommage. Car l’été provençal, la proximité de la mer et de la Côte d’Azur rend beaucoup plus fort l’opposition de classes entre ces petits bourgeois friqués et cette jeune fille décalée par manque d’argent et de famille. Les noms ont été changés également, Elisabeth devient Josépha dans le film et Rémy Beaujart, Savary. Dans la critique de l’attirance pour les objets, pour la consommation, le film reste très en deçà du roman. Elle est à peine suggérée, alors que dans le roman elle était le facteur central qui expliquait cette dérive des comportements des jeunes adolescents.

    La représentation des adolescents est assez faible, plutôt gentillette, elle manque de cette cruauté féroce qu’on trouve effectivement dans le roman, ou même dans les films américains qui portent sur le même thème à la même époque.

    Il reste cependant un portrait assez intéressant de l’assassin lui-même. Il y a une forme de pitié qu’il dégage, auprès de sa femme, comme auprès de Josépha qui intriguer et qui le rend séduisant.

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    Josépha va prendre part aux rituels de la bande 

    Oury n’a jamais été un grand technicien, et au début de sa carrière de réalisateur, bien avant ses immenses succès commerciaux dans la comédie, il manifestait un attrait singulier pour le film noir. La menace aura un succès commercial satisfaisant. Plusieurs facteurs vont y contribuer. D’abord il y a des scènes nocturnes assez intéressantes, que ce soit les abords du cinéma de province, ou que ce soit la fête que veulent faire les jeunes.

    Le passage de Savary entre les mains de la police, la confrontation qu’il aura avec Josépha, est également un grand moment d’ambigüité qui maintient suffisamment le suspense pour qu’on ne sache pas vers quoi le film débouchera.

    Et puis il y a les deux acteurs principaux qui sont excellents. Robert Hossein, ici à contre-emploi, jouant le rôle du pharmacien timide et emprunté, qui transmet son inquiétude et sa folie. Et puis surtout Marie-José Nat qui joue de l’ambiguïté entre un physique fragile et banal et son attrait paradoxal pour le curieux pharmacien.

    On retrouve pas mal de seconds rôles intéressants, Dalban dans celui d’un policier, Paolo Stoppa dans celui de Cousin. Les moins intéressants sont plutôt les jeunes « mariolles » qui sont fades et sans saveur. Certes on comprend bien que c’est voulu, dans la mesure où leur inconsistance s’oppose finalement à l’intéressant Savay. Mais ils sont bien trop nunuches pour nous intéresser.

    On retrouve également Elsa Martinelli dans un tout petit rôle, celui de Lucille, la femme de Savary. Elle incarne parfaitement les tourments de l’épouse fidèle et dévouée. 

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    Josépha est troublée par Rémy et ne sait plus que penser 

    C’est donc une adaptation fidèle de l’univers noir de Frédéric Dard. Malgré la mollesse de la réalisation, elle a le parfum de cette époque révolue qui voyait la France se transformer à grande vitesse, attirée comme par l’abîme par la société de consommation à l’américaine. 

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    Savary va reprocher à Josépha de l’avoir fait arrêter injustement

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    Carlo Lizzani qui est décédé à la fin de l’année dernière, est souvent associé au néoréalisme italien, notamment parce qu’il a participé au scénario de Riz amer de Giuseppe de Santis. Ce n’est pas faux, mais c’est limité. Lizzani a deux particularités bien définies : d’une part il a puisé une grande partie de son inspiration dans la guerre été la Résistance à laquelle il a participé, et d’autre part il s’est très tôt, dès le début des années soixante intéressé aux formes nouvelles de la criminalité en Italie. Il est donc un des premiers réalisateurs de films noirs dans l’Italie d’après-guerre. Bien sûr toujours avec un souci de réalité qui donne un côté presque documentaire à ses films. 

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    La criminalité s’étend à Milan 

    L’histoire est relativement banale. Alors que la criminalité ne fait qu’augmenter à Milan, une bande de braqueur de banques sème la terreur par l’usage qu’elle fait de la violence. La bande de Piero est un trio plutôt soudé, auquel va venir s’ajouter un tout jeune apprenti qui rêve de millions et d’aventure. Mais leur dernier hold-up va tourner au fiasco. Ils abattent un employé de la banque. La voiture dans laquelle ils prennent la fuite est repérée, il s’ensuit une longue traque sanglante qui se terminera par la capture des quatre gangsters.

    L’originalité ne se trouve pas là, mais dans la manière de découper l’histoire et dans celle de filmer. Cela début en effet par une très longue introduction qui nous montre la police en butte à la montée de la violence et de la criminalité dans une ville en voie de modernisation rapide. De là on tombe sur des bandits qui prennent la fuite, mais l’un d’eux est arrêté et va finir par parler. C’est un des membres du gang de Piero. Dès lors on va avoir droit au récit de la genèse du gang, un historique de leurs activités. C’est l’occasion de dresser le portrait de ce curieux attelage. Piero est le chef incontesté. Il mène ses troupes d’une manière à la fois brutale et irresponsable. Sante obéit, sans se poser de questions, simplement parce que Piro est le chef et que, venant de se marier, il a besoin d’argent. Adriano c’est celui qui conduit les voitures, qui les vole aussi et qui se fait attraper par la police le premier. Et puis il y a Tuccio qui est à peine sorti de l’adolescence et qui malheureusement découvre la cache d’armes de Piero et donc qui va se trouver embringué dans ces salades.

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    Piero et son gang braque des banques, parfois plusieurs dans la même journée 

    Une fois que le décor est campé, qu’on a fait le point sur le parcours du gang, le film se consacre sur la fin du gang. D’abord le hold-up qui rate, puis la longue traque du gang par le commissaire Basevi. Le gang se sépare, puis une partie essaie de fuir Milan et se retrouve coincée dans un village, tandis que Tuccio est tout simplement cueilli chez ses parents où il est rentré se réfugier. Entre inconscience, peur et forfanterie, le gang va être détruit. Seul Piero trouvera encore la force de faire rire la galerie lors de son arrestation. Mais le gang aura entre temps laissé derrière lui un certain nombre de cadavres. 

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    Fiers de leur travail le gang prend connaissance des nouvelles 

    Lizzani ne distribue pas une leçon de morale. Et je crois que c’est cette façon très distancié de rendre compte d’un problème de société qui a assuré le succès international du film à sa sortie. Ce n’est d’ailleurs que très tard, au bout d’une demi-heure qu’on voit apparaître à l’écran le personnage central de l’histoire, Piero. Cette façon de faire ôte toute possibilité de donner une touche de romantisme à ces bandits. Mais même si on ne s’attarde pas sur la psychologie de ce gang, il y a suffisamment d’éléments qui nous permettent de les saisir dans ce qu’ils ont d’humain. Ils sont capables de rigoler, de jouir des choses de la vie. Même Piero qui s’éprend de la secrétaire qu’il a embauchée dans la fausse entreprise qu’il a montée comme couverture à ses activités illicites.

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    La poursuite se révèle difficile

    Techniquement c’est un style froid et un peu impersonnel, presque documentaire qui donne justement une personnalité particulière à la ville. Car c’est la Milan industrielle et moderne qui est finalement le vrai sujet. Milan et ses usines qu’on voit fumer dans le lointain, ses entrepôts où Piero tente de se cacher. C’est aussi une ville moderne poussée trop vite avec ses gratte-ciels comme la marque du miracle italien d’après-guerre.

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    Piero sera finalement arrêté

     Le film a été tourné en 1968, et la manière d’opérer de ce gang rappelle celle de Mesrine. D’ailleurs quand il attaque les banques, ils prennent l’accent français derrière leurs masques ! Les scènes d’action sont particulièrement réussies, que ce soit les braquages ou les poursuites en voiture, l’utilisation des décors réels est judicieuse. Il y a une scène de traque dans la campagne milanaise, un déploiement de carabiniers, qui semble avoir inspiré Jean-Pierre Melville pour Le cercle rouge. Il est très probable que Melville ait vu ce film et que c’est là qu’il ait découvert le potentiel de Gian Mario Volonte’ qui tient dans le film de Melville un rôle un peu similaire. Bien sûr il surjoue, mais c’est aussi un peu le personnage qui veut ça. Grimaçant à souhait, ricanant même,  il est assez étonnant, à la limite de la folie. Thomas Milian interprète nonchalamment le commissaire Basevi. Et le reste de la distribution est aussi très bien. En ce sens que les acteurs se fondent tout à fait dans l’anonymat de ce paysage urbain milanais.

     

    Bref c’est une réussite qui va ouvrir la voie à tout un pan du film noir à l’italienne dont Umberto Lenzi sera un des plus prolifiques représentants

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    Michael Connelly n’a plus le succès qu’il avait il y a quelques années et certains seraient tentés de le classer dans la catégorie de ces auteurs qui ne font qu’exploiter commercialement un filon. Et il est de bon ton dans certains milieux de le mépriser. Mais ce serait une erreur. Même si l’œuvre de Connelly est inégale – le personnage de l’avocat Haller n’est pas très intéressant, et les liens de parenté qu’il entretient avec Bosch ressorte plus du principe conceptuel que de la littérature – il reste un des grands romanciers du noir dans la tradition chandlerienne.

    Le nouvel opus, traduit par Robert Pépin comme toujours, date cependant de 2011, et depuis deux autres ouvrages de Connelly – un Bosch et un Haller – ont été publiés aux Etats-Unis, un autre Bosch étant annoncé pour novembre 2014. Ceux qui tombent est un très bon numéro de la série des Bosch, bien plus que le plaisir de retrouver un personnage attachant.

    La trame est faite de l’entrecroisement de deux enquêtes que Bosch mène parallèlement. L’une porte sur la mort du fils d’un conseiller municipal. S’est-il suicidé ? Est-ce un accident ? Est-ce un meurtre ? Bosch ne s’attarde pas vraiment sur les raisons qui ont poussé le conseiller à le choisir pour mener cette enquête. Il aurait dû. Car immanquablement il va tomber sur les petites magouilles du conseiller et de son fils, mais paradoxalement, c’est cela qui le fera passer à côté de la vérité. Manœuvres politiques, mensonges, prévarication : le droit et la justice ne protègent pas l’Amérique de ces crimes en col blanc. Et puis il y a la seconde enquête. Bosch travaille dans un service qui réanime les anciennes affaires, souvent des meurtres ou des viols. Et là il va tomber sur la traque d’un prédateur sexuel de grande envergure, il a commis 37 meurtres. Cette dernière enquête lui donne plus de satisfactions, même si son cheminement est tortueux dans ce qu’il ravive des plaies mal cicatrisées. Mais si le coupable est bien arrêté au bout du compte, il reste les interrogations sur la signification de la justice 25 ans après les faits, et sur le fait que cette justice est bien incapable de réparer les dégâts.

    L’intrigue est très bien menée, moins tirée par les cheveux que dans d’autres épisodes des aventures de Bosch. Et on retrouve les qualités d’écriture qui ont fait tant pour la gloire de Connelly, une analyse minutieuse des procédures, un goût du détail qui renouvelle les canons traditionnels du naturalisme. Mais peut-être plus encore dans Ceux qui tombent, il y a cette tension entre les être humaines. Bosch se méfie de son coéquipier, comme il se méfie de sa hiérarchie, et il se méfie aussi des sentiments qu’il pourrait éprouver pour une jeune femme qu’il rencontre au cours de son enquête. La paranoïa a pris le pouvoir. Sa cheftaine de division a peur d’être espionnée par les journalistes. Et Bosch n’hésitera pas à menacé aussi une journaliste qui peut lui nuire dans son travail. Le fait que la vérité soit complexe révèle cette paranoïa : c’est en lui laissant carte blanche que finalement on le manipule le plus. Le moins qu’on puisse dire c’est que les rapports entre les êtres ne sont pas très transparents. Cette approche particulière de la réalité si elle donne un goût très amer à cette enquête, fait de Bosch, à l’instar du Marlowe de Chandler, un des derniers héros capables de défendre une noble cause.

    Les dialogues sont très bons et permettent à Connelly de décrire des affrontements très tendus, entre Bosch et le conseiller Irving, entre Bosch et Deborah, ou entre Bosch et son équipier. Mais il y a bien d’autres morceaux de bravoure et d’émotion, comme ce moment pénible où Bosch pénètre dans l’antre du serial killer, ou quand il doit annoncer aux parents d’une des victimes qu’il vient de mettre la main sur l’assassin.

    Et puis Michael Connelly a de très bons goûts musicaux, il aime le jazz californien, Art Pepper et Fran Morgan entre autres, ce qui suffit à le classer.

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    Titus Wieliver dans le rôle d’Harry Bosch pour le pilote de la série télévisée produite par Amazon 

     

    Un pilote pour une série télévisée a été tourné avec Titus Wieliver. Et si pendant quelques mois on a pu se demander si ce pilote aurait bien une suite, il paraîtrait maintenant que la réponse est positive. Sur son site Michael Connelly signale que la série est en production. Il est trop tôt pour dire si cette adaptation sera réussie ou non, le pilote m’a laissé un peu dubitatif. C’est appliqué, cela reflète bien l’univers de Bosch, mais pour l’instant cela semble un peu mou. On verra bien si la série arrive à s’installer dans la continuité.

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