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    Roger Corman est surtout connu en France pour ses adaptations d’Edgar Poe. Mais ce réalisateur prolifique a touché un peu à tous les genres. Du film noir au film de guerre en passant par le western. Il est aussi un producteur important qui obtint assez rapidement son indépendance par rapport aux studios. A ce titre il lança un certain nombre de réalisateurs importants dont Francis Ford Coppola. Evidemment la prolixité de son œuvre engendra aussi un grand nombre de mauvais films. Mais il avait un savoir-faire important qui lui permit de réaliser un grand nombre de films à petit budget, tournant rapidement avec des acteurs souvent de second rang, ou en perte de vitesse, toujours bien dirigés. Gunsliger – qui veut dire « le flingueur » - est un très bon cru.

    Rose est la femme du Marshall. Quand celui-ci se fait assassiné sous ses yeux, elle se propose de le remplacer au pied levé, en attendant qu’arrive un homme de loi pour reprendre les choses en main. Rapidement elle se heurte à la tenancière d’un saloon, Erica, qui viole allégrement la loi et qui poursuit le but de racheter des terres sur lesquelles passera peut-être le futur chemin de fer. Erica va engager un tueur à gages, Cane Miro, un ancien soldat confédéré qui a vécu de façon amère la défaite et qui poursuit aussi comme but de tuer le maire de la ville, Gideon Polke, qu’il accuse d’avoir fait perdre une bataille décisive dont l’issue aurait selon lui changé le sort de la guerre. 

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    Rose n’a pas froid aux yeux et prend le fusil pour venger son mari 

    Erica manipule tout le monde, de son barman qui est follement amoureux d’elle, jusqu’à ses danseuses qu’elle envoie régler son compte à Rose. Mais entre-temps, Rose va développer une idylle avec le mélancolique Cane Miro, ce qui ne la freinera pas pour autant dans la poursuite de la mission qu’elle s’est donnée. Elle nettoiera la ville, tuera Erica et Cane Miro, et puis lassée de cette violence, elle s’en ira vers sa destinée.

    Comme on le voit l’histoire imaginée par Roger Corman est assez simple. Mais c’est un véhicule pour développer des thèmes finalement assez modernes. Le scénario fourmille d’idées. A commencer par le fait que l’histoire repose sur l’affrontement de deux caractères féminins forts et déterminés. D’un côté la cupide Erica qui est prête à tout sacrifier pour devenir la maitresse de la ville et arrondir sa fortune, de l’autre Rose dont le sens du devoir, et la morale bien particulière, lui imposent de venger son mari et d’en finir avec la canaille. Rose est pourtant une femme qui a des sentiments et qui se trouve toujours à deux doigts de succomber aux avances du tueur payé par Erica. Il y a aussi la jalousie, celle d’Erica qui voit Cane Miro lui échapper, celle aussi de Jake qui se consume d’amour pour Erica et qui ne supporte pas de la voir flirter avec le tueur vêtu de noir. 

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    Gideon donne l’étoile du marshall à Rose avec les pouvoirs de police 

    Les séquelles de la guerre de sécession sont aussi très présentes, elles expliquent la marche funèbre de Cane Miro vers sa propre destruction parce que justement il a aussi une forme de morale particulière qui le pousse aussi bien à se venger de Gideon tout en honorant son contrat qui devrait l’amener à tuer Rose pour le compte d’Erica. Le lâcher Gideon qui s’est bien mal conduit pendant la guerre trouvera aussi une forme de rachat en affrontant Cane Miro seulement armé d’une fourche.

    L’ambiguïté est toujours présente. D’abord celle de Rose, la véritable héroïne de cette histoire. Si elle ne faillit pas à sa mission qui est de venger son mari et de rétablir l’ordre, elle n’en est pas moins femme et se laisse embrasser par le tueur, manifestant ainsi une sexualité trop bridée par les conventions sociales. 

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    Erica se sert de ses atouts pour manipuler Cane Miro 

    Le film est rondement mené, les scènes de violence se succèdent sans faiblir. Le pré-générique annonce la couleur, le lâche assassinat du Marshall conduit Rose à prendre les armes et à tuer sans état d’âme. Et puis il y a l’affrontement à mains nues entre Erica et Rose dans le saloon. Le rythme est bon, le montage serré. On ne perd pas de temps dans des palabres. Ce qui compense largement la maigreur évidente des moyens à la disposition de Roger Corman. 

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    Rose essaie de protéger le lâche Gideon 

    Une telle entreprise ne peut réussir que si les acteurs amènent de la crédibilité aux caractères. Beverly Garland qui a fait l’essentiel de sa longue carrière à la télévision, est Rose. Elle apporte beaucoup d’énergie à son interprétation, à la fois déterminée et sensuelle. Allyson Hayes est Erica, une femme tout aussi énergique et battante, c’est la mauvaise fille qui n’a pas l’ombre d’un sentiment amoureux et qui foule aux pieds les prétentions des mâles à l’attirer dans leurs filets. Elle déborde de sensualité, mais manipulatrice, elle ne poursuit que son propre enrichissement. La petite histoire veut que les deux actrices principales se soient détestées et affrontées durant tout le tournage du film. Peut-être est-ce cette animosité qui conduisit à donner une certaine vérité à leur interprétation ?

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    Elle le met à l’abri en prison 

    Le plus remarquable est John Ireland. Habitué aux seconds rôles de voyous, le plus souvent intégralement mauvais, il est ici un curieux mélange de froide détermination et de mélancolie. Sous les dehors d’un tueur à gages, il est un perdant magnifique. C’est un des rares films où il a d’ailleurs le premier rôle. En soldant ses comptes, il court vers son suicide, et d’ailleurs on ne sait pas très bien s’il meurt parce que Rose est la plus forte, ou s’il se laisse tuer parce qu’il n’y a pas de possibilité pour lui de vivre un grand amour. 

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    Cane Miro va faire équipe avec Erica pour piller la ville 

    Les références cinématographiques sont à rechercher du côté de Johnny Guitar où déjà Nicholas Ray mettait en scène un trio où une tenancière de saloon, Vienna, affrontait une cupide propriétaire, Emma, sous le regard désabusé de Johnny. Mais ici les caractères sont beaucoup plus noirs.

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    Après le meurtre de sa femme, Gideon affronte Cane Miro, armé d’une fourche

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    Rose va affronter Cane Miro, malgré ses sentiments

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    Rose quitte la ville et croise le futur marshall

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    Lors de l’enterrement du frère d’Ange Malaggione, Dominique fait la connaissance de la belle Sylvia dont il tombe tout de suite amoureux. Mais Dominique est un truand qui fait des coups avec Malaggione. Bertrand est un jeune inspecteur qui traque justement Malaggione et Dominique. Sylvia va se trouver rapidement entre les deux hommes. Même si elle est attirée par Bertrand, elle réservera ses sentiments pour Dominique. Malaggione et sa bande vont monter un gros coup, l’attaque d’un avion qui transporte des fonds. Mais le coup tourne mal, un gardien de l’aéroport est tué, et un membre du gang aussi. Dès lors la police va mettre tous ses efforts pour coincer le gang. Pour cela Bertrand va mettre Sylvia en garde en vue pour la faire craquer et pour qu’elle lui livre des informations qui permettront de faire tomber le gang. Grâce à ses indications, la police va commencer par coincer Michelesi. Bientôt ils tombent sur la planque de Malaggione qui leur échappe de très peu. Dominique va essayer de récupérer sa part du butin pour quitter la France avec Sylvia. Mais Malaggione se méfie, et il voudrait que Dominique règle son compte à Sylvia qui les a a sûrement donnés. Dominique se dénoncera et sera tué. Sylvia va repérer Malaggione et le dénoncer à l’inspecteur Bertrand qui va le poursuivre et finalement le tuer.

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    Dominique offre un manteau de fourrure à Sylvia 

    Adapté d’un roman de Roger Borniche, ancien policier reconverti dans l’écriture, le film n’atteint pas le niveau des autres films de Serge Leroy. Il est typique des polars qui se tournaient à cette époque-là. Les handicaps sont nombreux. D’abord, il y a un scénario un peu lourdingue qui insiste trop sur les relations ambiguës de Sylvia entre le policier et le voyou. C’est un peu le schéma du Deuxième souffle avec le commissaire Blot qui est attiré par Manouche la femme de Gu, le vieux truand. Mais dans le roman de Giovanni, comme dans le film de Melville, réalisateur vers lequel Leroy louche le plus souvent, cela n’était qu’une illustration de la complexité des caractères. Ici ces relations triangulaires ralentissent considérablement l’action.

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    Ange règle ses comptes et exécute l’assassin de son frère 

    Le deuxième handicap est l’interprétation. Lhermitte en voyou et Auteuil en policier ne sont guère crédibles. Surtout qu’ils surjouent. Lhermitte essaie de se donner des airs sombres et romantiques, mais ça ne marche pas. Auteuil s’agite, sans trop d’effet, il a l’air de s’être égaré en dehors du sentier bien balisé de la comédie populaire dans laquelle à l’époque il se cantonnait. Pascale Rocard est bien trop transparente pour qu’on imagine que deux hommes rompus à la violence et aux moments forts se la disputent. Curieusement le seul qui est crédible, c’est Bernard-Pierre Donnadieu qui joue Ange Malaggione avec brio. Ce qui nous rappelle que cet acteur très tôt disparu a été souvent très mal employé et n’a pas trouvé de véhicules dignes de son talent.

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    Bertrand a suivi Sylvia jusqu’à l’aéroport 

    Comme dans ses autres films, le point fort de Serge Leroy est sa capacité à filmer les scènes d’actions en donnant de la profondeur de champ à ses décors qui généralement sont très bien choisis. On retiendra la scène de l’exécution de l’assassin de son frère dans un cimetière, l’attaque de l’avion qui transporte les fonds, ou encore le rendez-vous de Dominique avec Ange à l’intérieur de la gare. La fusillade finale agrémentée d’une poursuite est aussi très bien filmée.

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    Les gangsters attaquent l’avion qui transporte des fonds

     En définitive le film se laisse revoir avec plaisir, mais sans nous donner une grande impression d’achèvement.

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    Bertrand met Sylvia en garde à vue

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    Malaggione rencontre Dominique à la gare pour lui remettre sa part

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    Bertrand tue Malaggione

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    Des enfants de riches livrés à eux-mêmes vont laisser se noyer la bonne espagnole qui est chargée de les surveiller. Mais un homme, un rôdeur, un voyou, on ne sait pas trop, les a vu. Il va s’introduire dans la villa et les terroriser, sans qu’on ne sache ce qu’il espère. Les gendarmes enquêtent bien un peu sur le cadavre qu’on a retrouvé dans l’eau, mais plutôt mollement et assez désarmés devant l’innocence manifeste des enfants. Les enfants vont finir par tuer l’inconnu, et se débarrasser du corps, avant le retour de leurs parents qu’ils accueillent bien gentiment avec force sourires. L’histoire assez simple est tirée d’un roman de Laird Koenig. Il a travaillé pour le cinéma, mais il est aussi connu pour le film qu’on a tiré d’un autre de ses romans, La petite fille au bout du chemin.

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    Après la mort de la bonne espagnole les enfants ne savent pas trop quoi faire 

    L’intrigue est relativement simple. Ce qui veut dire que la réussite ou non du film va reposer sur les détails et la façon de mettre en scène les rapports entre les enfants et le monde des adultes. Et bien sûr c’est cela qui est réussi ici et qui en fait un des meilleurs films de Serge Leroy. Le film a été produit par Alain Delon qui volontairement s’est mis en retrait. Il n’a pas le rôle le plus important. Il est cet inconnu dont on ne saura finalement rien et qui va terroriser les enfants, avant que lui-même commence à avoir peur.

    Le but est donc d’essayer d’atteindre la façon de penser et de sentir des enfants, de montrer que les critères qui leur permettent de séparer le bien du mal, sont très différents de ceux qu’utilisent les adultes. Ce n’est pas le seul enjeu du film, il y a aussi une analyse des rapports de classes, entre d’un côté un petit voyou, peu argenté – il peine à mettre de l’essence dans sa voiture – et ses enfants de la haute bourgeoisie qui ne connaissent que le luxe et les caprices. Ils portent un regard déjà méprisant sur l’ensemble du petit personnel qui les sert. Les cassettes enregistrées que leurs parents leur envoient sont tout à fait ridicule. Et puis il y a une sorte de perversité, non seulement quand ces enfants regardent la bonne espagnole se noyer, mais également quand Marlène tente de séduire l’intrus. Les enfants jouent en permanence de leur innocence affichée, de leur fragilité pour mieux             arriver à leurs fins.

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    Tous les enfants se mettent à fumer 

    La critique a salué ce film, et sans être un immense succès pour Delon, les résultats en salles ont été satisfaisants. Il faut  souligner ici la qualité de la direction des acteurs qui rend les enfants absolument crédibles. Ce n’est pas une mince affaire parce qu’ils sont d’âges très différents, entre cinq ans et quatorze ans. Sophie Renoir, arrière-petite-fille du peintre, est tout à fait exceptionnelle dans le rôle de Marlène, mais les autres, à commencer par Richard Constantini, sont très bien aussi. Françoise Brion fait de la figuration intelligente, mais aucun des adultes n’arrive à détourner notre attention des enfants. On retrouve aussi Paul Crauchet dans un tout petit rôle, celui d’un pêcheur énigmatique qui offre un poisson aux enfants.

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    L’inconnu qui a assisté à la noyade d’Avocados observe le maître-nageur qui sort le corps de l’eau 

    Comme toujours Serge Leroy est plus à l’aise dans les scènes d’action, la noyade d’Avocados est particulièrement bien travaillée. Mais l’assassinat de l’inconnu est très bien filmé également, sans ostentation, mais avec cruauté. Il y a une bonne fluidité dans le rythme les décors sont bien utilisés. Cela se passe au bord de la mer, probablement pendant les vacances d’été, sans toutefois que le lieu soit clairement précisé. Leroy a gommé volontairement tous les éléments qui pourraient nous permettre d’identifier les lieux. A vue d’œil, il semble que ce soit la Bretagne.

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    Rapidement il impose sa loi 

    Au moment de la sortie du film on a pointé le rapport des enfants aux images. En effet, ils passent leur temps à regarder des films violents à la télé. Au passage on y reconnaîtra des extraits du Mataf de Serge Leroy lui-même. L’inconnu se contentant quant à lui de regarder des émissions de variétés, un peu pour souligner qu’il est finalement bien moins violent que les enfants. Cependant, il ne faudrait pas en déduire hâtivement quelque théorie sur l’influence néfaste des images télévisées sur le comportement des enfants. Leur innocente cruauté est ancrée bien plus profondément dans le fait justement que ce sont des enfants.

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    Les gendarmes enquêtent sur le cadavre 

    La fin est un peu plus convenue, on voit les enfants, bien sagement accueillir leurs parents après avoir remis de l’ordre dans la maison. Mais ce n’est pas très gênant. Entre temps on a eu le temps d’admirer l’âme des enfants d’une noirceur désarmante.

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    L’inconnu est surpris par l’attitude de Marlène

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    Les enfants ont décidé de passer à l’offensive

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    Mademoiselle Millard est de retour

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    L’histoire est simple deux prisonniers vont s’évader ensemble de prison, chacun soupçonnant l’autre d’être un « mouton ». Leur fuite les amène sur une plage à peu près déserte où il trouve refuge dans une maison isolée où vivent un peintre et sa compagne. Ils abattent le peintre, et se retrouvent tous les deux seuls avec la jeune femme. Mais celle-ci ne leur pardonne pas d’avoir tué son amant, et finira par se venger, d’abord en les amenant à se battre pour elle, ensuite en les menant à la mort.  

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    C’est le premier film de Robert Hossein comme réalisateur et ce fut un succès public. Pour se lancer dans ce nouveau métier, il choisit le film noir et  de le faire en famille si on peut dire. Comme véhicule il choisira une pièce de théâtre de son ami Frédéric Dard qui connut un grand succès. Un roman sera tiré l’année suivante par Frédéric Dard de cette histoire. En fait il avait déjà écrit plusieurs nouvelles sur le même thème, et l’idée sera reprise dans Fais gaffe à tes os, sous le nom de San-Antonio. On en retrouve des traces dans Dernière mission ouvrage paru en 1950 au Fleuve noir et publié sous le nom de Frédéric Charles.

    Mais le film, même s’il conserve l’idée d’une amitié trouble entre deux ennemis, est assez différent du roman, qui n’est que la pièce novellisée. A mon sens les différences sont surtout l’apport de Robert Hossein. En effet, il abandonne l’idée d’expliquer la rencontre entre les deux protagonistes, alors que dans la pièce initiale il s’agissait d’une vague histoire d’espionnage, se passant de surcroit en Amérique, l’un des deux hommes agissant en service commandé pour faire parler un espion. L’autre différence tient au rôle de la femme qui dans l’histoire initiale était elle-même une espionne. Du coup le scénario devient plus simple. 

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    L’animosité, voire la haine règne entre les deux prisonniers 

    Beaucoup d’autres points démarquent le film de l’histoire initiale où, en effet, l’héroïne habite dans une maison riche, elle est elle-même une personne appartenant à la haute bourgeoisie et son mari est très riche. Ici elle est l’amante d’un artiste perdu au milieu de la nature sauvage de la Camargue. C’est à mon sens une amélioration par rapport à la pièce de Frédéric Dard.

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    Le caïd de la prison exerce une louche violence 

    Dans le traitement du film, Hossein donne une plus grande importance à la prison, avec parfois des accents qui rappellent Jean Genêt dont il avait interprété Haute surveillance en 1949, par exemple la scène où le frêle Jacques Duby est forcé de faire un strip-tease. Il y a également quelque chose de sadique dans la confrontation entre Henri Vidal et Robert Hossein, lorsque celui-ci l’oblige à s’agenouiller dans une position inconfortable sur des cailloux au milieu des autres détenus.

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    Eva doit se consoler de la mort de son amant 

    Le film était audacieux pour l’époque et une partie de son succès vient évidemment de Marina Vlady en sauvageonne. Au milieu de la nature sauvage de la Camargue, elle semble venir, telle Aphrodite, de la mer. Bien qu’elle n’apparaisse qu’après le milieu du film, c’est son nom qui a permis le montage financier. La mise en scène de Robert Hossein, supervisée par le trop méconnu Georges Lampin, recèle de nombreuses trouvailles, notamment les éclairages sombres sur la plage. Les scènes de prison semblent aussi être inspirées par les films noirs comme Brute Force de Dassin pour leur violence. Mais il y a aussi cette manière de filmer des paysages désolés ou cette maison pauvre et isolée qu’on retrouvera plus tard dans d’autres films d’Hossein. Une partie de son succès provient des décors, la prison, mais surtout la cabane, car c’est dans la cabane que va se déployer le drame. Hossein reprendra ce thème de la cabane dans La nuit des espions, toujours avec marina Vlady, et encore plus tardivement dans Point de chute. Cette cabane justement a été construite avec soin par Serge Pimenoff.

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    Lucien est amoureux de la belle Eva 

    Ce film n’est pas le meilleur de Robert Hossein, on lui préférera Toi le venin, adapté d’un autre excellent roman de Frédéric Dard, ou même Les scélérats toujours de la même paire, mais il est très bon tout de même et mérite d’être sorti de l’oubli plus de soixante années plus tard. En tous les cas il est une étape décisive de l’amitié et de la longue collaboration des deux hommes qui surent donner corps au film noir français, trop longtemps dominé par les productions américaines.

    On remarquera au passage que la musique est signée du père de Robert Hossein, qui signe ici André Gosselain, et qui fut toujours associé à la réussite cinématographique de son fils, mais qui fut aussi souvent mieux inspiré, créant des mélodies envoutantes, renforçant l’aspect dramatique.  

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    Eva les guide vers la mort

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     Lucien est pris de pitié pour Pierre  

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    Maquette de décor constituée d'un dessin à l'acrylique, représentant une cabane, pour le film Les Salauds vont en Enfer, de Robert Hossein (1955) Serge Pimenoff / Collections Cinémathèque française

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    A noter qu’en 1971, Abder Isker tournera une adaptation de la pièce de Frédéric Dard pour la télévision avec Raymond Pellegrin et Alain Motet. 

     

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    Tiré d’un roman de Frédéric Dard, Les mariolles, La menace en est une adaptation assez fidèle. Dard participe d’ailleurs au scénario. Je dis assez fidèle, parce que le roman se passe sur la Côte d’Azur, assez particulier qui a disparu dans le film. On va voir que cela a un effet assez important sur la signification de ce film noir.

    On se souvient que Gérard Oury avait déjà tourné dans un film inspiré par l’univers de Frédéric Dard, Le dos au mur, réalisé par Edouard Molinaro, très bonne adaptation de Délivrez nous du mal. Il réutilisera une autre histoire de Frédéric Dard, L’homme de l’avenue, pour un film à sketch, Le crime ne paie pas. 

    Les mariolles est un des premiers romans de Frédéric Dard qui s’intéresse à un sérial killer. Mais en même temps, il immerge cette histoire dans le contexte de la vie d’une bande d’adolescents où les rivalités prennent le tour d’une opposition entre des riches et des pauvres.

    Elisabeth est une jeune orpheline qui est élevée par un parent qu’elle nomme Cousin et qui vivote d’une sorte de brocante. Son appétit de vivre la pousse vers une bande d’adolescents qui sont assez argentés pour rouler en scooters. Elle aimerait bien les rejoindre, qu’ils la prennent en considération. Mais ils la gardent à distance. Un soir qu’elle s’échappe de son logis, tandis que Cousin cuve son vin, elle croise la route du pharmacien qui l’accompagne au cinéma. C’est un homme d’âge mûr qui soudainement va lui manifester de l’intérêt. Elle va se servir de lui pour se faire payer un scooter et pouvoir ainsi rejoindre la bande d’adolescents dont elle rêve de devenir membre.

    Cependant, dans la région un sérial killer sévit, viole et assassine des jeunes femmes. Les circonstances vont finalement faire qu’Elisabeth va orienter les soupçons de la police vers le pharmacien pour se venger de lui. Elle le regrettera amèrement. Mais c’est le prix de son passage à l’âge adulte finalement.

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    Le roman balançait déjà entre une étude de la jeunesse perdue, bloquée, immobilisée par les vieilles structures sociales, une jeunesse à la recherche de son émancipation, et le roman noir proprement dit puisqu’il s’agit du portrait d’un assassin en série qui existe dans toute sa complexité. Le premier aspect est dans l’air du temps. Et à cette époque on ne compte plus les films qui prennent comme prétexte les jeunes adolescents désœuvrés. Les tricheurs de Marcel Carmé, vers lequel manifestement Dard lorgne, en est le meilleur exemple. Bien qu’il semble aussi que Dard se préoccupe de l’évolution de ses propres enfants. Le fait que l’héroïne porte le prénom de sa fille aînée n’est pas anodin. Et cela d’autant que le roman est écrit à la première personne, du point de vue d’Elisabeth.

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    Savary paye le cinéma à Josépha

    L’autre aspect sera souvent développé par Dard : c’est le portrait d’un homme seul, dépassé par ses pulsions. Mais cet homme est également attachant, Elisabeth est attirée par lui, et sa propre femme le protège. Il y a une volonté de comprendre à défaut d’excuser le comportement criminel. C’est une approche qu’on retrouvera aussi bien dans Le vampire de Düsseldorf d’Hossein, que dans les portraits de tueurs en série développés dans les grands formats signés San-Antonio après 1979. La perversité est présentée comme une forme d’innocence. 

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    Josépha est intriguée par le pharmacien

    Le film a choisi de ne pas situer l’histoire en Provence. Et c’est dommage. Car l’été provençal, la proximité de la mer et de la Côte d’Azur rend beaucoup plus fort l’opposition de classes entre ces petits bourgeois friqués et cette jeune fille décalée par manque d’argent et de famille. Les noms ont été changés également, Elisabeth devient Josépha dans le film et Rémy Beaujart, Savary. Dans la critique de l’attirance pour les objets, pour la consommation, le film reste très en deçà du roman. Elle est à peine suggérée, alors que dans le roman elle était le facteur central qui expliquait cette dérive des comportements des jeunes adolescents.

    La représentation des adolescents est assez faible, plutôt gentillette, elle manque de cette cruauté féroce qu’on trouve effectivement dans le roman, ou même dans les films américains qui portent sur le même thème à la même époque.

    Il reste cependant un portrait assez intéressant de l’assassin lui-même. Il y a une forme de pitié qu’il dégage, auprès de sa femme, comme auprès de Josépha qui intriguer et qui le rend séduisant.

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    Josépha va prendre part aux rituels de la bande 

    Oury n’a jamais été un grand technicien, et au début de sa carrière de réalisateur, bien avant ses immenses succès commerciaux dans la comédie, il manifestait un attrait singulier pour le film noir. La menace aura un succès commercial satisfaisant. Plusieurs facteurs vont y contribuer. D’abord il y a des scènes nocturnes assez intéressantes, que ce soit les abords du cinéma de province, ou que ce soit la fête que veulent faire les jeunes.

    Le passage de Savary entre les mains de la police, la confrontation qu’il aura avec Josépha, est également un grand moment d’ambigüité qui maintient suffisamment le suspense pour qu’on ne sache pas vers quoi le film débouchera.

    Et puis il y a les deux acteurs principaux qui sont excellents. Robert Hossein, ici à contre-emploi, jouant le rôle du pharmacien timide et emprunté, qui transmet son inquiétude et sa folie. Et puis surtout Marie-José Nat qui joue de l’ambiguïté entre un physique fragile et banal et son attrait paradoxal pour le curieux pharmacien.

    On retrouve pas mal de seconds rôles intéressants, Dalban dans celui d’un policier, Paolo Stoppa dans celui de Cousin. Les moins intéressants sont plutôt les jeunes « mariolles » qui sont fades et sans saveur. Certes on comprend bien que c’est voulu, dans la mesure où leur inconsistance s’oppose finalement à l’intéressant Savay. Mais ils sont bien trop nunuches pour nous intéresser.

    On retrouve également Elsa Martinelli dans un tout petit rôle, celui de Lucille, la femme de Savary. Elle incarne parfaitement les tourments de l’épouse fidèle et dévouée. 

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    Josépha est troublée par Rémy et ne sait plus que penser 

    C’est donc une adaptation fidèle de l’univers noir de Frédéric Dard. Malgré la mollesse de la réalisation, elle a le parfum de cette époque révolue qui voyait la France se transformer à grande vitesse, attirée comme par l’abîme par la société de consommation à l’américaine. 

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    Savary va reprocher à Josépha de l’avoir fait arrêter injustement

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