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    Malgré la présence de Guillaume Canet et de Catherine Deneuve, ce film est un lourd échec commercial et cinématographique. Le sujet est pourtant passionnant et il s’est inspiré de l’extraordinaire saga judiciaire d’Agnelet, accusé du meurtre d’Agnès Le Roux, acquitté, puis condamné définitivement après 17 ans de procédure. Pendant ces longues années de procédure Maurice Agnelet s’est réfugié derrière l’idée que sans cadavre retrouvé, il ne serait jamais condamné. Mais il s’est trompé. Il a été condamné une première fois parce qu’il n’avait pas de vrai alibi, ou plutôt l’alibi qu’il s’était concocté reposait sur le témoignage de sa maîtresse qui, lassée d’être maltraitée par lui, décida d’avouer le faux témoignage. Le procès fut rejugé cette année en appel, mais cette fois, au-delà des turpitudes financières d’Agnelet, c’est son propre fils qui révéla devant un auditoire interdit que son père lui avait avoué le meurtre d’Agnès.

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    Le cadre est la guerre des casinos qui sévit à la fin des années soixante-dix sur la Côte d’Azur

     

    Cette histoire plutôt sordide a révélé un Agnelet cupide et manipulateur. Il a tué Agnès Le Roux pour s’emparer de l’argent qu’ils avaient sur un compte commun. Cet argent provenait de la trahison d’Agnès dans la guerre des casinos qui opposa à Nice Jean-Dominique Fratoni, notoirement lié à la mafia sicilienne, à la mère d’Agnès, propriétaire du Palais de la Méditerranée que Fratoni voulait s’approprier. Dans cette salade, Fratoni avait trouvé des alliés, notamment l’ancien et sulfureux maire de Nice, Jacques Médecin qui dut plus tard prendre la fuite misérablement pour échapper à la prison. Agnelet quant à lui a longtemps pu échapper à la justice parce qu’il avait des relations directes au sein de la franc-maçonnerie niçoise qui était très présente dans la magistrature locale.

    Je rappelle ces quelques faits bien connus pour dire à quel point la matière de ce film était riche et pouvait donner naissance à un excellent film noir. Car l’âme d’Agnelet est noire, au plus profond.

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    Agnelet pique de l’argent à sa maîtresse

     

    Pour éviter les ennuis, les producteurs du film se sont assurés la collaboration de Jean-Charles Le Roux, le frère de la disparue. Pourtant les difficultés commencent dès le titre qui a été donné au film. Ce qu’il suggère est à la fois très peu clair, et pompeux. Mais en tous les cas il essaie laborieusement de s’éloigner du film noir, sans qu’on comprenne très bien le point de vue du réalisateur.

    Essayant d’éviter le film d’enquête en sabordant toute la partie qui tourne autour de la recherche d’Agnès, Téchiné simplifie les procès qui ont jalonné cette affaire en ne retenant que le procès où il a été acquitté, signalant seulement par inadvertance les deux procès où il a été condamné. Ce faisant, il fait aussi l’impasse sur les indices qui désignent Agnelet comme le coupable du meurtre. Or ces indices posent des problèmes très intéressants, parce qu’une partie d’entre eux semblent avoir été délibérément laisse là par Agnelet lui-même, pour mettre la justice sur sa piste. En outre tous ceux qui ont suivi l’affaire savent que lors du premier procès qui s’est déroulé à Nice n’a été qu’une mascarade, Agnelet étant protégé par la communauté franc-maçonne de la magistrature locale. On remarque d’ailleurs qu’au cœur de cette affaire il y a d’un côté la trahison d’Agnès vis-à-vis de sa mère, mais ensuite, la trahison du fils d’Agnelet qui dénoncera son père. Il y avait quelques chose à tirer me semble-t-il de ces sordides histoires de famille dans une bourgeoisie en décomposition si on voulait aller un peu au-delà du film noir

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    Agnelet amène Agnès à trahir sa mère

     

    Fratoni n’est représenté que comme un élément extérieur à l’affaire qui finit par se résumer à une histoire de passion amoureuse unilatérale. Or si on s’intéresse à Fratoni, on en vient au maire de Nice de l’époque, Jacques Médecin. Finalement seul le personnage d’Agnès est traité. Téchiné refuse de se prononcer sur la culpabilité d’Agnelet et ce faisant, il déforme complètement l’histoire. On ne sait rien d’Agnelet, de ces motivations. Il n’a aucune épaisseur. Est-il mauvais, est-il seulement indifférent ? On ne le dit pas. Or une dimension importante du personnage est qu’il adorait se donner l’image d’un libertin qui pouvait tout se permettre… jusqu’au meurtre.

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    Au moment du vote Agnelet encourage Agnès à voter contre sa mère

     

    Le caractère désastreux du scénario n’est pas atténué par une mise en scène forte et percutante. Au contraire, c’est très mollasson, on dirait un téléfilm. Platement filmé, les décors ne sont pas utilisés, que ce soit le casino, avec cette atmosphère très particulière, ou que ce soit la Côte d’Azur. Photographié le plus souvent avec des plans rapprochés, le film ne respire pas, il n’y a pas de profondeur de champ.

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    Le vieux Agnelet face à son fils

     

    La distribution est lamentable. La voix nasillarde et enfantine de Guillaume Canet ne donne pas la dimension tortueuse du personnage. Catherine Deneuve a l’air de s’en foutre, et les déboires de René Le Roux ne semblent guère l’angoisser. Adèle Haenel qui se donne bien du mal en roulant les yeux pour se montrer motivée et agressive, n’a ni l’énergie d’Agnès Le Roux, ni son côté marginal et déjanté. Ce qui fait qu’on ne comprend pas très bien comment elle se laisse appâtée par le couple infernal Fratoni-Agnelet. Les dialogues qui sont censés refléter l’état d’esprit très particulier des années soixante-dix, semble tout droit sorti d’une sitcom française des années 2000. On reconnaitra lors du procès Noël Simsolo qui interprète l’avocat d’Agnelet. Je passe sur le grimage ridicule de Guillaume Canet lorsqu’il interprète le vieux Agnelet.

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    Agnès Le Roux écoute l’avocat d’Agnelet réclamer l’acquittement de son client

     

     

    C’est un ratage terrible pour une histoire pourtant extraordinaire dans tous les sens du terme. Le public ne s’y est pas trompé qui a sanctionné cette entreprise au box-office.

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    C’est un vrai film noir, dans la tradition de Asphalt Jungle ou d’Ultime razzia. Tout démarre par un hold-up, quatre bandits dévalisent la recette du stade. Tout se passe à peu près bien sauf que dans leur fuite, poursuivis par la police, ils vont être obligés de se séparer. Guido et Alberto partent chacun de leur côté avec une valise pleine de monnaie – des lires, mais quand même ! A partir de ce moment-là tout va aller de mal en pis. En effet, ce sont des amateurs, et si dans un premier temps on ne les trouve pas, c’est justement pour ça. Mais leur amateurisme fait qu’ils n’ont guère de sang-froid.

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    La bande rafle plusieurs millions

     

    Ils vont donc multiplier les bêtises. Mais à travers celles-ci, c’est une lecture matérialiste de leurs conditions d’existence qui expliquent pourquoi ces quatres individus ont été amenés à voler. En effet, on n’est pas encore sorti de la période de reconstruction d’après-guerre. Les maisons sont dévastées, les logis insalubres, et le travail manque. Luigi est justement un chômeur qui en a assez de voir sa fille et sa femme manquer de presque tout. Guido est un peintre râté qui n’arrive même pas àpayer sa note de restaurants en vendant ses portraits. Alberto est aussi un jeune qui a manqué de tout, son père s’est tué à la tâche, sans résultat probant. Enfin, il y a Leandri, une ancienne gloire du football qui s’est cassé la jambe et qui a tout perdu, son argent et sa méaîtresse. Ce sont tous des déclassés, aucun n’est criminel par vocation, pourtant on en rencontrera de cette engeance.

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    Pendant le match, ils s’enfuient sans encombre

     

    Le film est une tragédie, et contrairement au Pietro Germi qu’on connait surtout à travers ses films des années soixante-dix, cela n’a rien de drôle. Il n’y a guère d’humour dans ces vies brisées et condamnées. Du reste ils finiront tous très mal. Leandri sera arrêté, Luigi se suicidera, Guido sera assassiné justement par des vraies canailles de vocation qui lui ont fait miroiter un passage vers la Corse où il pourrait se refaire une santé. Le contraste est évidemment renversant entre ces quatre apprenti-voleurs et la collection de brutes qui assassine sans réfléchir à autre chose qu’au gain immédiat que cela leur procurera.

    Le scénario est donc vraiment noir. S’il emprunte beaucoup aux films américains, le hold-up, le côté documentaire de la chasse aux voleurs, il reste pourtant très marqué par le néo-réalisme italien. Il y a une insistante, parfois un peu lourde, sur les aspects misérables de la vie de Guido et de Luigi. Cette approche particulière utilise des décors réels, et donc aussi une caméra très mobile qui s’adapte  aux accidents du terrain. Il y a un évident savoir-faire, même si les emprunts aux films noirs américains sont nombreux, comme ce long plan qui voit les malfrats chercher la sortie du stade.

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                    Après avoir récupéré une valise pleine de monnaie, Leandri va être dénoncé par son ancienne maîtresse

     

    Le scénario est dû à Germi lui-même, accompagné de Federico Fellini et de Luigi Comencini. On sait qu’au moins à cette époque les cinéastes italiens qui visaient aussi un public populaire, n’hésitaient pas à multiplier les collaboration, instaurant de fait un certain communisme artistique à Cinecitta.

    Il n’empêche que la réunion de ces plumes prestigieuses n’empêche pas toujours lemanque de rigueur. En effet, si l’histoire est sommes toutes banale, son traitement tient plus du film à sketches que d’une approche unanimiste. On épuise l’histoire de Leandri, avant de passer à celle de Luigi, puis on suit ensuite Guido et enfin Alberto. C’est le défaut le plus évident du film.

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    Lina est triste de voir que son mari a volé

     

    Il y a cependant de très belles scènes, assez inattendues dans ce genre de films. Notamment celle où la femme du portrait – on recycle un peu tous les clichés du film noir – se remémore sa rencontre avec Guido le peintre désargenté. Beaucoup de nostalgie et d’émotion chez cette femme riche qui s’ennuie et qui trouve quelque chose dans un simple regard. J’aime beaucoup aussi la scène de la fuite de Lina et Luigi dans le tramway. Lina est soulagée et heureuse quand elle présente à son mari les alliances qu’elle a pu retirer du Mont de piété et qu’elle a faites graver.

    Les acteurs sont très bons, souvent atypiques comme Paul Muller, acteur suisse au front immense qui joue le rôle du ténébreux Guido. Seule Gina Lollobrigida qui était encore à ses débuts, avait une surface. Elle n’a pourtant qu’un rôle assez bref, juste le temps de trahir son ancien amant. Renato Baldini qui joue Leandri était habitué à des romans photos, et sa carrière au cinéma n’aura pas grand-chose de remarquable. Plus intéressante est Cosetta Greco qui interprête Lina.

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    Luigi ne sait pas ce qu’il doit faire

     

    Si le film reste dans l’ensemble très dramatique, il y a tout de même une séquence assez grotesque avec cette famille de pêcheurs qui reçoivent Guido tout en mangeant des spaghetti dans une ambiance de crasse épouvantable. Toute la famille ricane en même temps, comme annonçant la mort prochaine de ce malheureux Guido. Ce passage semble tout droit sorti de l’univers de Fellini.

    Tout compte fait, ce Germi vaut beaucoup mieux que bien des films qu’il tournera après.

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    Elle se souvient de Guido qui lui avait fait son portrait dans un restaurant

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    Guido cherche à quitter la ville, mais la gare est cernée par la police

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    Alberto veut se jeter par la fenêtre 

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    C’est un scénario adapté d’une Série noire de Day Keene, auteur de romans noirs un peu sous-estimé à mon sens. Pierre Chenal est aussi le premier à avoir adapté de très belle façon d’ailleurs le roman de James M. Cain, le facteur sonne toujours deux fois. Quelques temps auparavant il avait tourné l’excellent Rafles sur la ville. Il a des lettres de noblesse donc en ce qui concerne le « noir ». La bête à l’affut est bien un roman noir, et le film qui en est tiré aussi.

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    C’est l’histoire d’un prisonnier, Daniel Morane, évadé qui va être recueilli et caché par une jeune veuve issue de la haute bourgeoisie, Elisabeth Vermont. Rapidement elle va en tomber amoureuse, et d’autant plus facilement que Daniel Morane a été victime des circonstances. Pris dans un règlement de compte entre le gardien de prison et son co-détenu, il est blessé, tandis que le gardien est mort. Entre temps, la recette de la vente de charité qu’Elisabeth avait réalisée a été volée alors qu’elle avait été confiée au notaire local. Comprenant que l’histoire de Daniel ne sera pas crédible aux yeux de la justice, la romantique Elisabeth aide Daniel à s’enfuir. Mais bien entendu, c’est le commencement des ennuis, car les choses ne se passent pas comme elles le devraient, Elisabeth s’aperçoit que Daniel n’est qu’une triste canaille qui lui a menti sur tout, que c’est lui qui a volé la recette de la vente de charité, et que sa blessure est le résultat d’une querelle pour le partage du butin. Cependant elle le défendra et le pleurera jusqu’au bout lorsque la police finira par lui mettre la main dessus et le tuer.

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    Elisabeth soigne Daniel qui est blessé 

    Cette trame aurait pu faire un excellent film, mais hélas ce n’est pas le cas. Cela ne s’anime que dans le dernier tiers du film. Cela tient d’abord à un déséquilibre évident dans le scénario. On perd du temps à mettre en scène les mondanités d’Elisabeth, la ronde des prétendants qui lui tournent autour comme ceux de Pénélope. Le commissaire qui enquête à la fois sur l’évasion et sur le vol de la recette est aussi amoureux de la très belle Elisabeth.

    L’action se passe en province, mais cela ne donne pas lieu à une ambiance un peu glauque pleine de sous-entendus et de sournoiseries. La seule chose qui transpire, c’est l’ennui. Mais c’est cet ennui qui justement déséquilibre le récit. On comprend bien la difficulté du scénario car si le film avait été réalisé du point de vue de Daniel, l’élément de surprise que constitue son mensonge n’aurait évidemment pas joué. Il est étonnant d’ailleurs qu’ils se soient mis à quatre, dont Michel Audiard qui n’était pourtant plus un débutant, pour écrire ce scénario. 

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    Daniel endosse l’uniforme du mari décédé pour mieux passer inaperçu 

    Du point de vue cinématographique, Pierre Chenal est d’ailleurs bien plus à l’aise dans la dernière partie du film, quand les masques tombent et que les protagonistes se révèlent pour ce qu’ils sont. Ils sont tous transformés : Daniel devient une brute sans aucun sentiment, le commissaire laisse parler sa jalousie, et Elisabeth regrette que Daniel ne dépende plus d’elle. Car c’est bien un des thèmes de Day Keene que de mettre en mouvement des femmes qui d’une manière ou d’une autre visent à garder le mâle enfermé et sous son emprise. On a vu ça dans Vive le marié, adapté magnifiquement par René Clément sous le titre Les félins. Dans toute cette partie le grand savoir-faire de Chenal joue à plein : il alterne parfaitement les scènes d’action – la visite de la police, la fuite de Daniel – avec les plans rapprochés qui cernent au plus près la transformation des âmes. 

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    La police va donner l’assaut 

    Les acteurs aident bien sûr à la mise en place de ce point de vue. Henri Vidal est extraordinaire dans ce passage de l’innocente victime à la canaille cynique. Il montre ici toute l’étendue de son registre. Et on se prend à regretter qu’il n’ait pas mieux su gérer sa carrière. Michel Piccoli joue encore un policier. Il est très bon, notamment quand il comprend qu’il a té joué et qu’Elisabeth lui échappe définitivement. Françoise Arnoul qui montre le bout de ses seins est très belle, mais elle est peut-être moins tranchante qu’à l’ordinaire. Probablement que les rôles d’ingénue ne lui convenait guère. Elle est un peu à contretemps. 

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    Elisabeth tremble pour Daniel

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    C’est un film qui historiquement a un rôle important, puisqu’il s’agit du premier film que les Italiens tournèrent sur la Mafia. Il faudra du reste très longtemps pour que les autres cinéastes américains comme italiens arrivent à faire prononcer ce mot par un acteur. En outre le film a la particularité d’avoir été tourné en Sicile, sur les lieux mêmes de l’action, ce qui donne un cachet d’authenticité.

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    Deux voleurs de mules assassinent un convoyeur

     

    Le scénario ressemble à un western, plus qu’à un film noir, mais c’est une nouvelle preuve de l’influence du cinéma américain dans l’œuvre de Pietro Germi. Un jeune juge vient prendre son poste dans une ville qui semble être très loin de la civilisation. Rapidement il va se retrouver à peu près seul pour lutter contre la violence endémique de Capodarso. Il s’affronte aussi bien à la puissance de la Mafia qui fait régner l’ordre d’une certaine manière, qu’à la loi du silence, mais aussi à la corruption du capitaliste local, le Baron Lo Vasto, qui par ses combines malsaines prive les travailleurs pauvres de la région du salaire nécessaire à la survie des familles. Mais la dégradation des mœurs se traduit aussi par cette jeune Bastianedda que sa mère veut voir marier de toute force à un homme violent et rude, alors qu’elle est amoureuse de Paolino, un gentil petit jeune homme. Guido subira toutes les avanies, et les notables locaux veulent le faire muter. Le Baron attentera même à sa vie. Tout cet ensemble le poussera à quitter la ville avec la Baronne dont il est tombé amourreux, mais le meurtre de Paolino le révolte et finalement il décide de rester pour mettre de l’ordre.

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    Le juge Guido Schiavi arrive à Capodarso, il croise son collègue qui s’en va

     

    C’est un film qui laisse un peu le spectateur sur sa faim, essentiellement parce que la fin du film est assez absurde, on y voit le chef de la Mafia être finalement convaincu de se ranger du côté de l’Etat. On ne sait pas si cette concession manifeste est la contrepartie de la possibilité de tourner en Sicile même, ou si elle est la preuve de la naïveté des scénaristes. Il ne faut pas oublier qu’à cette époque la Mafia n’est pas dépeinte comme un instrument despotique qui appuie les grands propriétaires fonciers dans leurs luttes contre les syndicats, mais plutôt comme une sorte de réaction spontanée à l’injustice d’un Etat centralisateur et lointain. Cette ambiguité dans le traitement de la Mafia comme phénomène social sera répercutée d’ailleurs par des écrivains comme Leonardo Sciascia par exemple. Roberto Saviano représente aujourd’hui, à mon sens, une approche plus juste du phénomène mafieux, une sorte de capitalisme assez pur finalement. Ici la bande mafieuse est représentée par de bons gros paysans qui ne font qu’appliquer une loi seulement un peu différente et un peu plus brutale que celle de l’Etat. Tomaso Buscetta, mafieux plus ou moisn repenti, racontait dans ses mémoires qu’il avait identifié le juge Falcone comme une copie du juge Guido Schiavi. Mais il rappelait aussi que le film de Germi que les mafieux connaissaient bien, était désapprouvé par justement parce qu’il présentait des mafieux pactisant avec les services de l’Etat, alors qu’il va de soi que pour eux les seules relations qu’ils peuvent entretenir avec des fonctionnaires sont des relations de domination.

    Mais si la fin est manifestement baclée, il y a tout de même de très bonnes choses qui valent le détour. A commencer par cette utilisation des décors naturels de la Sicile qui en montre l’écrasante chaleur et la grande misère. Cette contrée aride et quasi désertique renforce bien sûr le point de vue social. Les chevaux, les mules donnent un côté tout à fait westernien au film. Les hommes de la mafia sont d’ailleurs des hommes à cheval, le cheval étant un signe distinctif, une sorte de promotion sociale.

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    Dans la petite ville la pauvreté est omniprésente

     

    Film à petit budget, il s’appuie d’abord sur un scénario de Fellini, Monicelli et Germi lui-même. Mais ce scénario justement pour des raisons budgétaires va utiliser au mieux les décors réels, poussiéreux et chaotiques. Cela donne une manière de filmer particulière, avec des déplacements rapides de caméra, une certaine profondeur de champ aussi. Cette manière de s’immerger dans le décor naturel est renforcée par l’utilisation des habitants locaux, des amateurs donc qui donnent une couleur locale bienvenue, et qui font ressortir encore mieux l’opposition entre le jeune juge, assez borugeois finalement, le straits fins, les yeux clairs, habillé avec une élégance sévère, et l’ensemble de la population aux visages burinés, mal rasés, vêtue presque de hardes.

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    Les édiles de la ville manifestent une grande indifférence à l’arrivée de Guido

     

    Cependant, comme le scénario est tout à fait ambigu quant au rôle et au statut de la Mafia, l’approche de Germi de la Sicile l’est tout autant. Il y a à la fois une attirance certaine pour ce pays, Germi est un Italien du Nord, et en même temps un peu de mépris ou de condescendance pour son peuple et sa violence. On comprend que la Sicile est un peu en retard en termes de civilisation par rapport au reste de l’Italie. La Sicile n’est pas un pays différent, mais plutôt un pays mal fini. Heureusement qu’il y a des juges, des fonctionnaires,  comme Guido qui apportent un peu de lumière dans ces endroits obscurs.

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    Le maréchal des carabiniers se heurte à un tueur de la mafia

     

    Il est évident que pour Germi la forme est au service du fond, et donc il ne cherchera les mouvements compliqués de caméra, ou les angles qui rehausserait l’esthétique du propos. Ce qui l’intéresse, c’est la clarté de l’exposé et celle-ci s’appuie sur une forme de matérialisme appliqué à la Sicile. Cela ne veut pas dire cependant qu’il n’y a pas de belles scènes, au contraire, mais elles ne masquent jamais le propos. Parmi  celles-ci, je retiendrais bien sûr le meurtre de l’ouverture du film, ou encore le croisement des deux jusges, l’un qui part, l’autre qui arrive. Egalement l’apparition très inquiétante de la bande de Passalacque en haut de la colline, à cheval, le fusil en bandoulière. Les rapports entre la Baronne et le jeune juge sont un peu moins bien réussis, alors qu’ils sont sensés introduire un peut d’émotion.

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    La jeune et belle Bastianedda a peur d’être obligée d’apouser Francesco Messana

     

    Les acteurs sont intéressants. Massimo Girotti interprète le jeune juge intègre, il a tout à fait la raideur qu’on s’attend à trouver chez ce genre de personnage qui se sent investi d’une mission de correction et de rachat de l’humanité. Charles Vanel est très bien en chef mafieux, sauf qu’on est habitué à se voix et que le doublage en italien est un peu gênant tout de même. Tous les autres acteurs sont assez peu connus et n’ont pas fait une grande carrière. Parmi ceux-ci on retiendra le nom de Saro Urzi qui interprète le fidèle policier qui épaule Guido, et encore Camillo Mastrocinque qui est le Baron Lo Vasto.

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    Le jeune magistrat et la baronne sont attirées l’un par l’autre

     

    Quoi que l’on pense des fautes dans le scénario, ce film précise comment la Mafia était perçue à cette époque lointaine, on est à la fois très loin du glamour du Parrain (le film emblématique des mafieux) et très loin aussi d’une série télévisée comme Corleone qui à l’inerse insiste sur la violence et la cupidité de la Mafia.

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    Le meurtre de Paolino va renforcer la détermination de Guido

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    Passalacqua, le chef mafieux, va se ranger à la loi

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          Pietro Germi sur le tournage d’In nome della legge

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    C’est un polar qui tire assez sur le noir. Encore un de ces films italiens des années 70 montés avec des budgets faméliques, visant un public populaire, mais avec tout de même pas mal d’idées. Milano Calibro 9 est adapté d’un ouvrage de Giorgio Scerbanenco sorti en 1969. Bien que Scerbanenco commença à écrire et à publier dans le domaine avant la Seconde Guerre mondiale, ce n’est qu’à la fin des années soixante qu’il atteint une certaine notorieté. En France c’est d’abord en 10/18 que ses livres parurent, avant d’être repris chez Rivages. Ces romans parurent assez choquants par le réalisme des scènes de violence. Evidemment, depuis on a fait beaucoup mieux dans ce sens.

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    Milano Calibro 9 est une histoire de bandits plus ou moins mafieux, en tous les cas, bien organisés. Ugo Piazza est un truand qui vient de se faire 3 ans de prison. Tout le monde, la police comme ses anciens compères, croit qu’il a étouffé 300 000 dollars à l’Américain, le chef de la mafia locale. Il va cependant retrouvé sa petite amie Nelly qui, sans avoir été fidèle, ne l’a pas oublié. Elle est danseuse plus ou moins nue dans un cabaret. Ugo a un plan, il veut faire la lumière sur les 300 000 $ et pour cela il accepte de travailler à nouveau avec l’Américain. Il est chaperonné par Rocco qui le brutalise un peu tout de même. Il va également chercher de l’aide auprès de Chino, un truand de parole, honnête pourrait on dire qui est resté fidèle au Padrino, Don Vincenzo, qui a été en fait évincé par l’Américain. Malgré la vigilance de Piazza, de nouveaux vols sont sont commis sur de l’argent qui apparemment est transféré en douce en dehors de l’Italie pour être blanchi. Mais en réalité, Piazza a tout monté, il vise en fait à ce que Chino élimine l’Américain afin de retrouver l’argent qu’il a effectivement volé. Ila rrivera à ses fins, toutefois, tout près du but, il échouera aussi parce qu’il aura été trahi. 

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    Des convoyeurs de fonds soupçonnés d’avoir volé de l’argent sont éliminés 

    Evidemment le scénario, résumé ainsi, paraît assez banal. Et a priori on ne comprend pas très bien pourquoi Tarantino désigne Fernando di Leo comme une sorte de génie. Mais en vérité c’est qu’à partir d’un scénario assez convenu, le réalisateur arrive à donner une production originale. D’une part parce que les extérieurs milanais donne une dimension très particulière au film, mais d’autre part, parce qu’il y a dans le personnage de Piazza une sorte de désenchantement, de mélancolie très touchante.

    La surabondance des extérieurs est sans doute la contrepartie de la faiblesse du budget. Pourtant ce n’est pas le moindre des intérpets. Milan est filmée comme ce qu’elle était alors, une ville très industrielle, le labeur est présent de partout, aussi bien dans les cabarets que le long des quais. Mais c’est une ville dangereuse où les gangsters n’hésitent pas à agir à visage découvert. 

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    Ugo retrouve Nelly à sa sorti de prison 

    Les personnages sortent tout de même un peu de l’ordinaire. Piazza est une sorte de brute, un petit truand qui soudain devient gourmand. Chimo est fanatiquement fidèle à Don Vincenzo, bien que seul, il est craint par la bande de l’Américain. Celui-ci d’ailleurs n’a pas vraiment de grandeur. Certes, il est rusé, mais sa cupidité lui donne un aspect médiocre assez inattendu. Un des clous du film est l’opposition entre le flic du Nord, réactionnaire, se félicitant de la mort des truands, et le flic du Sud, le commissairre Mercuri, qui au contraire voudrait une police au service de la population et du bien public, fumant la pipe il donne à son supérieur des cours de sociologie. Le personnage de Nelly est plus banal, il reste d’ailleurs très effacé. Mais après tout ce n’est pas plus mal, elle est juste là pour mettre en morceaux les rèves d’indépendance et de richesse de Piazza. 

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    Il va chercher de l’aide auprès de Chino 

    Les acteurs sont bons, particulièrement Gastone Moschin qui trimballe sa lourde silhouette de taiseux un peu partout, comme s’il errait sans but. Au moins il a une vraie tête de bandit. On se souvient de lui notamment dans Le Parrain II où il incarne un autre parrain, Don Fanucci.

    Mario Adorf est Rocco, unn truand brutal qui ne respecte que la force brutale et quand il comprendra le dessein de Piazza il se mettra tout de suite à son service. On retrouve Philippe Leroy-Beaulieu dans le rôle de Chino, une sorte d’exalté de l’amitié et de la parole donnée. A cette époque il n’était déjà plus un acteur de premier plan, et du reste, dans le film, il n’a pas su prendre le tournant de la modernité et s’adapter aux nouvelles règles définies par l’Américain. 

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    Après un nouveau vol, l’organisation de l’Américain cherche le coupable 

    Parmi les astuces du film, il y a un décalage entre la scène du début qui détaille à travers Milan le long chemin de l’argent qui va disparaître – on visite le métro comme un lieu insolité – et ce qui va se passer quelques années après quand Piazza sort de prison. Il y a aussi de très belles scènes filmées dans la gare de Milan, avec des belles diagonales tirées sur les wagons des trains. Les scènes de cabaret sont sans doute les plus faibles du film, avec des angles de prise de vue pas possibles. On retiendra aussi cette scène au début du film quand Rocco manie le rasoir pour faire parler un pauvre vendeur de journaux qu’il soupçonne être au courant de la perte des 300 000 dollars. 

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    Le commissaire Mercuri est un policier de la nouvelle école qui considère aussi les riches comme des voleurs 

    Sans être le chef d’œuvre qu’on a pu dire – Tarantino a souvent des jugements un peu trop hâtifs – il est très bon, et en tout cas il témoigne de la vitalité des films noirs ou néo-polar à l’italienne. Plus de quarante années après sa sortie, il tient parfaitement la route et tient le spectateur en haleine jusqu’au bout. 

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    Ugo met la main à la pâte pour éliminer la concurrence 

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          Ugo va avoir une sacrée surprise quand il retourne chez Nelly

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