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    C’est une des nombreuses contributions d’Alain Delon au film noir. Mais c’est aussi son premier film américain. Produit par la MGM sous la houlette de Jacques Bar, il intervient après L’insoumis d’Alain Cavalier et Les félins de René Clément qui sont deux films majeurs dans la carrière de l’acteur. Le film sera un échec cuisant, non seulement du point de vue du box-office, mais aussi sur le plan critique. Pourtant tous les ingrédients étaient réunis pour en faire un bon film noir.  

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    L’acteur n’a pas encore trente ans. Il est au sommet de sa forme. Il est entouré deux acteurs chevronnés, Van Heflin et Jack Palance et de la très jeune Ann Margret qui commence à se faire un nom à Hollywood. Ralph Nelson est déjà un réalisateur connu qui vient de la télévision et a déjà dirigé Steve  McQueen et Sydney Poitier. L’année suivante il tournera un western efficace qui rencontrera le succès : La bataille de la vallée du diable. Son plus grand succès critique sera Soldat bleu, un autre western pro-indien d’une grande violence. C’est un réalisateur très marqué à gauche et par le combat anti-raciste, il tournera plusieurs fois avec Sidney Poitier, mais aussi avec Jim Brown.  

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    Le scénario des Tueurs de San-Francisco est un modèle du genre en ce qui concerne le film noir. Il est signé Zekial Marko qui utilise aussi le pseudonyme de John Trinian, nom sous lequel il publiera de nombreux romans policiers et qui n’est autre que l’auteur du roman dont sera tiré Mélodie en sous-sol. Eddie Pedak est un jeune homme marié qui a une petite fille de quatre ans et qui cherche à retrouver le chemin d’une vie honnête, après avoir passé plusieurs années en prison. Mais son passé va le rattraper. Non seulement il est victime d’un coup monté pour lui faire endosser un crime qu’il n’a pas commis, mais son frère veut l’engager pour une ultime affaire qui doit rapporter gros. Eddie est poursuivi par un flic, joué par Van Heflin, qui a reçu une balle et qui pense que c’est Pedak qui la lui a envoyée. Celui-ci perd son travail, et ne supportant pas de voir sa femme travailler dans un cabaret pour faire bouillir la marmite, il décide  de travailler avec son frère qui est entouré de deux tueurs psychopathes, Tony Musante et John Davis Chandler. Tout cela finira très mal, les tueurs ayant enlevée la fille d’Eddie, il n’aura que le choix de collaborer avec le flic qui le poursuit de sa hargne.  

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    C’est un drame social, les frères Pedak sont des immigrés récents en Amérique et ils se débattent manifestement avec la dureté de l’époque. Eddie habite dans un quartier pauvre, et il est tout fier d’avoir acheté un petit bateau de pêche à tempérament. Quand le policier lui fait perdre son emploi par son intrusion intempestive, il se confronte aux services qui payent les indemnités chômage, il en ressort vaincu.  

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    Il y a de très bonnes choses dans ce film, la façon dont San-Francisco est filmé, l’écran large bien utilisé. Alain Delon est excellent bien sûr ou encore Van Heflin qui malgré la brièveté de son rôle est très bon. Le hold-up est bien filmé et bien conçu. Le scénario contient un certain nombre d’astuces, comme celle de transformer le policier qu’on s’attend à voir poursuivre de sa hargne Pedak et qui au bout du compte se révèle humain et plein de sollicitude pour la situation dramatique d’Eddie. Pourtant au final le film est complètement raté. Il y a des erreurs de scénario, la femme de Pedak plongeant celui-ci en permanence dans les ennuis, mais il y a surtout quelque chose de décousu, un manque de continuité qui finit par lasser.       

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    C'est ce film qui lança la carrière de John Garfield au cinéma et qui commença de dessiner ce personnage particulier de looser à la recherche de la rédemption, même s'il fera ensuite des efforts pour diversifier sa filmographie, il restera prisonnier de ce type de personnages, devenant ainsi une icone du "film noir" et son plus beau représentant. En vérité, il s'agissait d'un remake d'un film tourné en 1933 avec Douglas Fairbanks jr. par Archie Mayo. Généralement, ce n'est pas un film qu'on classe dans le genre noir, à la fois parce que sa fin est heureuse, mais aussi et surtout parce que son esthétique ne s'accorde par tout à fait avec celle du film noir. C'est également le premier film que Garfield tournera sur la boxe, le second étant l'admirable Body and soul. On suppose que ce sujet était en adéquation avec la personnalité elle-même de l'acteur qui dans sa jeunesse avait fait aussi un peu de boxe et fréquenté les rues du Bronx.

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    Son manager et sa gonzesse dépouillent  Johnnie

     Le scénario est excellent. L'histoire commence d'ailleurs là où s'achèvent en général les histoires de boxeurs : Johnnie Bradfield vient de remporter le titre de champion du monde des poids légers et va fêter cette victoire avec son manager et sa fiancée. rapidement Johnnie et Goldie sont ivres. Arrive alors un couple composé d'une amie de Goldie et d'un journaliste, Charles Magee et Budgie Massey. Une dispute finit par éclater entre Johnny et Magee, et presqu'accidentellement le manager de Johnny tue le journaliste en lui balançant un coup de bouteille derrière les oreilles. Johnnie, Goldie et Doc s'enfuient, et els deux derniers vont laisser Johnnie porter le chapeau du meurtre de Magee. Au passage Johnnie se fait dépouiller de sa montre, de sa voiture, de tout son argent et de sa gonzesse. Justice immanente, Goldie et Doc vont mourir dans un accident de voiture. Tout le monde pense donc que Johnnie est mort, mais que c'est lui qui a tué aussi Magee. Il va donc être contraint de fuir après s'être fait voler du reste de sa fortune par son propre avocat. Le voilà sans un sou, sans identité, obligé de voyager comme un vulgaire hobo, lui qui était habitué à rouler carrosse. Il se fera voler son dernier billet par d'autres vagabonds aussi affamés que lui. Cette déchéance va pourtant prendre fin lorsqu'il arrive dans une sorte de communauté ou de jeunes délinquants sont pris en charge par Peggy et sa grand-mère qui visent à les rééduquer par le travail collectif et le goût de l'effort. L'adaptation de Johnnie sera très difficile, individualiste forcené, il a du mal à se discipliner et à vivre pour la communauté. Pourtant l'occasion lui sera donnée de se racheter de toute son inconduite passée lorsque pour aider Grand-mère et Peggy, il va participer à un combat pour ramener un peu d'argent. Il va courir le risque d'être reconnu par Phelan qui le traque de manière obsessionnelle. Il ne gagnera pas son ultime combat, mais il ramènera un peu de prospérité, grâce à l'argent gagné. Phelan, une sorte de Javert, qui lui aussi a besoin de se racheter de ses erreurs passées, va finalement le laisser partir.

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    Dans un repère de vagabonds, Johnny se fait voler, mais il ne veut pas réagir

    Comme on le voit, c'est un film typique des années de la Grande Dépression et du New-Deal, tels que les fabriquaient alors la Warner. C'est également une parabole sur l'impasse d'une forme de vie fondée sur les valeurs capitalistes, le goût de l'argent et l'individualisme. Film de gauche à forte connotation socialisante, il exalte les valeurs nouvelles dans laquelle semblent alors s'engager les Etats-Unis. C'est un véhicule parfait pour John Garfield, très engagé politiquement, qui paiera d'ailleurs cet engagement puisqu'il sera harcelé jusqu'à en mourir par l'HUAC une dizaine d'années plus tard.

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     Au début les relations avec Peggy vont être difficiles

    L'idée générale est que la société est responsable de la délinquance et de la criminalité en supportant des fausses valeurs, en n'offrant guère de perspectives à sa jeunesse en perdition, tant sur le plan économique que sur le plan des valeurs. La fin heureuse est là pour nous expliquer que la prise de conscience permet de lutter contre la fatalité et de changer le cours des choses, même si cela est difficile. Johnnie est toujours à deux doigts de retourner vers ses anciennes valeurs. Mais c'est l'amour de Peggy qui le sauve et le ramène toujours dans le droit chemin.

    L'interprétation est évidemment excellente avec John Garfield qui porte le film sur ses épaules et nous fait oublier les ficelles parfois un peu épaisses du scénario. Ann Sheridan joue Goldie, mais c'est juste un petit rôle puisqu'elle disparait de l'écran très rapidement. Le rôle féminin important est plutôt celui de Peggy interprétée par Gloria Dickson. C'est malheureusement une actrice talentueuse qui disparut très jeune en 1945 dans un incendie dramatique, elle n'avait pas trente ans. A cette paire majeure on peut ajouter Claude Rains qui joue Phelan, le policier obsessionnel qui traque Johnnie. C'est le plus théâtral et peut-être le moins crédible. Mais c'est un rôle secondaire. Le reste de la distribution est aussi très bon, que ce soit la grand-mère ou les jeunes à la recherche de leur place dans une société un rien malade.

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     Johnnie doit quitter Peggy et suivre le policier

    La mise en scène de Busby Berkeley n'a rien de remarquable, et c'est probablement cela qui empêche le film d'atteindre les sommets. C'est filmé assez platement, et les combats de boxe sont sans relief. Peut habitué de ce genre de scénario, il n'en possède pas les codes et multiplie un peu inutilement les gros plans. C'est en comparant ce film à ce qui se fera au cours du cycle du film noir qu'on peut aussi mieux comprendre la révolution esthétique que celui a engagée. Malgré ces réserves c'est un très bon film qui passe encore très bien les années et qui vaut qu'on s'y intéresse.

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    Sur le tournage Gloria Dickson et John Garfield eurent une liaison qui enflamma les gazettes

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    Alex Joffé n’est pas un habitué des films noirs, l’essentiel de sa carrière est bâtie sur la mise en valeur du personnage de Bourvil. Du rififi chez les femmes a été réalisé à la fin des années cinquante, à un moment où les ouvrages d’Auguste Le Breton étaient très souvent portés à l’écran et avaient généré des films à succès, Razzia sur la chnouf, Le rouge est mis ou encore Rafles sur la ville. « Rififi » était une marque déposée par Le Breton qui affirmait avoir inventé cette locution et qui en défendait l'usage.

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     Vicky aime compter son argent

     L’œuvre de Le Breton est très inégale. Mais il y a dans cette activité littéraire prolifique quelque très bons titres, notamment ses récits autobiographiques, ou ses ouvrages sur l'histoire de la truanderie, Les Pégriots, Deux sous l'amour ou Les Hauts-murs et La loi des rues. Du rififi chez les femmes fait partie de ses bons ouvrages de fiction. Le titre est bien sûr le pendant du Rififi chez les hommes qui avait été un gros succès de librairie, mais aussi un bon succès au cinéma dans une réalisation de Jules Dassin. Le film avait pratiquement disparu jusqu’à cette réédition récente en DVD.

    L’histoire s’articule autour de deux personnages, Vicky de Berlin, femme énergique au passé sulfureux qui dirige un cabaret et Marcel points bleus, voyou français égaré à Bruxelles. Lorsque Vicky est victime d’un racket, Marcel vient à son secours, ce qui va entraîner tout le monde dans une guerre des gangs assez traditionnelle. L’affaire se complique quand cette furieuse bataille se mêle à un hold-up extraordinaire que Marcel met au point avec le Marquis et sa bande. Si cela s’appelle Du rififi chez les femmes, c’est que celles-ci prennent une partie plus qu’active dans cette guerre et montrent des qualités inattendues en la matière. Cela se terminera tragiquement pour l’ensemble des protagonistes. Si le personnage de Marcel est assez traditionnel, celui de Vicky est plus original, puisque cette femme forte qui a traversé des épreuves terribles est à la tête d'une véritable organisation. Son pendant est Yoko, la maîtresse de Bug, femme cruelle et passionnée.

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    Marcel est apprécié de Berthe qui règne sur une sorte de cour des Miracles

    Le scénario a été écrit par Le Breton, mais aussi par José Giovanni, l'auteur qui montait à cette époque, et qui collaborera encore un peu plus tard sur Le clan des Siciliens avec Le Breton personnage entier et ombrageux, très difficile à pratiquer.

    Le film bénéficie d’une distribution très importante. Avec en tête Robert Hossein et Nadja Tiller, mais dans des rôles plus secondaires des figures comme Françoise Rosay, l’étrange Silvia Montfort, Pierre Blanchar ou encore Daniel Emilfork. La photo est bonne, bien que le transfert sur DVD soit assez médiocre, et les décors sont assez intéressants. Il y a d’ailleurs dans le cambriolage de la banque des idées assez nouvelles puisque plutôt que de voler directement la banque on se contente de remplacer les vrais billets par des faux ! Ce qui demande un travail très spécialisé et plutôt difficile.

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    Bug va piéger Marcel

    Malgré tout cela ce n’est pas un bon film essentiellement parce que la mise en scène est molle et plate, le cadre fait sans génie. Pire encore, le rythme est languissant pour une histoire qui pourtant connait des rebondissements constants et nombreux. Il ne ressort pas non plus le côté très sensuel du livre.

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    Film noir en couleurs flamboyantes, Niagara est l'histoire d'un homme trompé qui va devenir l'assassin de sa femme presque par nécessité. En effet, celle-ci met au point le meurtre de son mari, avec la complicité de son amant. Tout cela est relativement banal, sauf que le couple Loomis est balancé par un autre couple en vacances aux chutes du Niagara, un couple à l'inverse très propre et gentillet, ou qui du moins joue cette comédie. C'est plus cette curieuse opposition entre deux couples qui tient le spectateur en haleine, que le suspense lui-même.

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    Rose Loomis rêve à la disparition de son mari

    Une des idées de mise en scène est d'utiliser le cadre grandiose des chutes du Niagara. Cela permet d'opposer l'aspect factice de la vie des touristes à la réalité sombre du couple Loomis qui s'enfonce dans la haine. Mais en même temps cette utilisation des chutes du Niagara va permettre de sortir le film noir de ses lieux confinés, les rues, les chambres, les espaces clos. Cette nature n'est cependant pas amicale, bien au contraire, elle est tout autant menaçante qu'une arme à feu. D'ailleurs l'amant de Rose sera emporté par les rapides.

     

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     Rose dit à ses voisins qu'elle va faire le marché

    C'est également un des premiers grands rôles de Marylin Monroe. Elle n'avait jusqu'alors tenu la vedette dans Troublez moi ce soir, un autre film noir plutôt très bien. Après Niagara, elle va changer de style de film et délaisser le film noir. Ici elle joue la femme adultère, préoccupée par son charme et sa capacité à tromper ceux qui l'entourent. Contrairement aux apparences, le film est ainsi fait que Marylin n'en a pas la vedette, même si évidemment son allure se remarque très facilement et si son rôle est tout à fait dans la continuité de la jeune femme déséquilibrée de Troublez-moi ce soir. Mais le récit est éclaté entre les quatre personnages principaux et ne saurait être confondu avec un simple film de Marylin Monroe. Joseph Cotten est un mari jaloux et malmené par la vie, son âme est sans repos. Il faudrait peut-être consacrer un article entier à la contribution de Joseph Cotten au film noir.  A mon sens elle est décisive, ne serait-ce qu'à cause de son physique particulier qui dérange, on ne sait jamais s'il est bon ou mauvais. Casey Adams joue le rôle de Ray Cutler, un mari fade et conventionnel. Lui aussi a un physique bien particulier qui colle assez à cette sorte de cauchemar américain qui voit son idéal dans le tourisme et une partie de pêche.

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     George Loomis ne supporte plus les provocations incessantes de sa femme

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    La naïve Rose aime danser et écouter des chansons romantiques

    Le personnage le plus compliqué et le plus intéressant à mon sens de l'histoire est sans conteste celui de Polly, incarnée par Jean Peters. En effet, elle semble à la fois protéger Loomis, être attirée physiquement par lui, mais en même temps elle le dénonce à la police, alors qu'il ne la menace en rien. C'est d'ailleurs ce personnage de Polly qui fait de Niagara un film sur la roublardise des femmes : l'une, Rose, est plutôt transparente dans ses intentions, elle cherche à se débarrasser de son mari pour s'enfuir avec son amant, l'autre, Polly, joue le jeu d'une femme simple et gentille, mais au fond elle est attiré par Loomis, et pire encore c'est elle qui le perd. Elle a du reste une manière de regarder son benêt de mari d'une manière qui est plutôt curieuse. Jean Peters est très bien dans ce rôle avec son physique mi-ange, mi-démon, loin de la perversité affichée et presque trop simple de Marylin Monroe. C'est donc un film sur des couples mal assortis : Rose ne supporte plus son mari choqué par la guerre de Corée et vogue vers un rêve sucré dans les bras d'une sorte de maquereau aux chaussures bicolores, Polly porte un regard des plus sévères sur son mari, une sorte de schtroumpf qui sourit béatement à sa vie de touriste.

     

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     Les Cutler assistent impuissants aux déchirements du couple Loomis

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    Les Cutler recueillent les confidences de Rose

    Le film est surtout caractérisé par un traitement flamboyant des couleurs qui ressort encore plus dans la version blu ray du film. Du rose, du jaune vif, du bleu, c'est bien cette palette criarde qui va donner plus de noirceur à cette histoire. il faut voir Marylin - alias Rose - qui annonce à ses voisins d'un air bien innocent qu'elle va faire le marché, perchée sur ses talons, le cul serré dans un tailleur bleu qui la fait repérer à un kilomètre à la ronde. Ou encore cette robe fuchsia au milieu des touristes qui dansent. On reconnait également le caractère malfaisant de l'amant de Rose, pourtant à peine entrevu au fait qu'il porte des chaussures bicolores ! C'est bien là la marque de sa veulerie et de sa fainéantise ! Il ne sera d'ailleurs pas plus détaillé autrement que par des objets, c'est à peine si on l'entend parler.

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    Que cherche Polly auprès de Loomis derrière les stores tirés de sa chambre ?

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    Polly essaie de calmer Loomis et soigne sa blessure

    L'ambiguité est au rendez-vous bien sûr, et pas seulement chez Polly. La naïve et roublarde Rose est également un personnage qui se donne des émotions en écoutant des vieilles rengaines. Et peut-être qu'au delà du meurtre de son mari elle rève à des histoires d'amour tout à fait romantique. Le film laisse le doute planer sur le comportement de Rose. A l'évidence ce n'est pas l'argent qui l'intéresse, mais est-ce pour autant qu'elle est amoureuse de celui qui est censé occire son époux ? Et son amant, qu'est-ce qui le motive ? A part un baiser humide au milieu des chutes du Niagara, on ne sait pas qu'elle est la nature de leurs relations. Au spectateur de l'imaginer.  D'ailleurs c'est un film humide, très humide. Les acteurs sont affublés d'impermébales destinés à les protéger des embruns, et à la fin Jean Peters et Joseph Cotten prennent des douches en veux-tu, en voilà.

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     Rose combine le meurtre de son mari

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    Rose découvre que le mort n'est pas son mari

    Si on peut juger l'histoire un brin inégale - la fin n'est pas très intéressante, un peu comme si le film s'achevait avec la mort de Rose - en revanche, la mise en scène est impeccable et contient des scènes très prenantes. Il y a d'abord ces confrontations feutrées derrière les stores de la chambre des Loomis. Mais également la poursuite de Rose par George Loomis, la traversée de la gare, la montée dans le clocher, et enfin le meurtre filmé d'une manière indirecte comme un jeu d'ombres et de lumière. Le contrepoint du décor grandiose des chutes du Niagara ne change pas grand chose à ce sentiment d'enfermement des différents protagonistes. Les producteurs ont certainement misé sur le décor naturel, mais ce n'est pas cela qui intéresse manifestement Hathaway.

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     Rose va chercher à fuir

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    George veut se venger

    C'est loin d'être un film mineur et le passage du temps le rend encore meilleur si on veut. Plus encore il s'inscrit dans la longue lignée des films noirs d'Hathaway qui en fut en quelque sorte un des maîtres indispensables, on reconnait tout à fait sa patte dans les clairs obscurs, les regards jetés derrière des stores tirés ou encore les mouvements de caméra qui jouent de la profondeur de champ dans les scènes qui se passent dans le clocher ou à la gare. Le fait que le film soit tourné avec des couleurs flamboyantes annonce le virage du film noir vers cette forme de sophistication de l'image qui va mettre encore plus en accusation le modèle américain de surconsommation des images et des marchandises. L'influence sur les films d'Hitchcock est évidente, c'est en effet après Niagara qu'Hitchcock va tourner des films en couleurs dans une esthétiquer proche de celle de Niagara, et qu'également il va surutilisé des blondes évaporées qui se font étrangler ou maltraiter.

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    Rose voit son mari fondre sur elle et elle a peur

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    George réussit à coincer Rose dans le clocher

    Evidemment revoir ce film en blu ray lui donne une nouvelle vie et on ne saurait qu'en recommander la vision dans ce format qui renvoie au rang d'objet préhistorique les formats DVD antérieurs. 

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          Rose en a terminé de son parcours tortueux

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          Le triste Cutler assiste impuissant à la dérive du bateau

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    La trame de ce film reprend celle de La femme à abattre de Richard Brooks. Un procureur et un policier cherchent à confondre un chef de bande pour des crimes divers et variés. Pour cela, et après que leur principal témoin ait été assassiné, ils vont chercher en prison une femme Sherry Conley. C’est leur dernière chance. Mais celle-ci est une « affranchie » et c’est bien difficile de la convaincre de témoigner. C’est donc la peur qui va dominer une garnde partie du film, car les gangsters vont tenter de l’éliminer. Recluse dans une chambre d’hôtel, gardée jour et nuit pas des policiers, le film pourrait ressembler à un huis clos. Ce n’est pourtant pas le cas car Karlson aère le film avec des extérieurs qui non seulement le font sortir du huis clos mais qui en outre permettent d’enchaîner des retournements de situation innattendus.

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    Assassinat du principal témoin

    C’est un film plutôt ambigu de tous les points de vue qu’on le prenne. D’abord parce que c’est une apologie de la délation. Ce qui est assez curieux puisque dans la chasse aux sorcières à Hollywood, Edward G. Robinson avait été inquiété, mais Ginger Rogers, classée à l’extrème droite du spectre politique, avait joué le rôle du procureur réclamant d’étendre cette chasse aux sorcières à toute la société. Mais le scénario est assez subtil, puisque le policier qui s’inquiète du sort réservé au témoin est en réalité corrompu, même s’il se rachétera en sauvant Sherry. De même on peut se poser des questions sur l’obstination du procureur à poursuivre un chef de bande, dans la mesure où la fin justifiant les moyens, il n’hésite pas à sacrifier du matériel humain.

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    Dans la prison pour femmes

    Il serait donc bien diffcile de chercher et de trouver dans ce film des leçons de morale et de politique. Il reste le portrait d’individus broyés par un système social et judiciaire bien aveugle.

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    Sherry refuse de témoigner

     Adapté d’une pièce de théâtre de Leonard Kantor, le film souffre de cette origine. Il est trop saturé de discours sur tout et rien. Et malheureusement il se prête un peu trop aux numéros de cabotinage de Ginger Rogers qui en fait des tonnes dans le rôle de cette pauvre fille marquée par la vie et qui ne comprend pas grand-chose à sa tragique destinée. On suppose que le film a été monté pour elle. Actrice vieillissante, son heure de gloire était déjà passée et appartenait à l’époque dorée d’Hollywood, puisque ses rôles les plus significatifs avaient été développés aux côtés de Fred Astaire. Certes elle a beaucoup d’énergie, mais elle lasse un peu avec ses grimaces qui se veulent le reflet d’une vulgarité populaire.

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     Un procureur obstiné

    Edward G. Robinson est le procureur incorrputible, mais il reste assez effacé et son rôle ne paraît guère décisif dans le développement de l’intrigue. Lui aussi est à cette époque un acteur sur le déclin, depuis que la Commission des activités anti-américaines s’est attaqué à lui. Il n’est guère présent. Bien plus intéressant est Brian Keith dans le rôle du policier corrompu. En effet, il va se trouvé déchiré entre son rôle de corrupteur, payé pour entraver la marche de la justice, et la pitié qu’il manifeste pour Sherry dont on peut penser qu’il est tombé amoureux.

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     Passage à tabac d’un flic corrompu

    Comme on le voit, ce n’est pas un très grand film, mais il est en fait sauvé par la réalisation qui est de très haut niveau et qui montre que sur le plan technique Karlson était bien un des meilleurs. A ce propos on lira dans le dernier numéro de Positif (avril 2013) un dossier sur ce qu’on appelle « les petits maîtres » dans lequel il range aussi bien Phil Karlson que Tay Garnett. Le terme de « petits maîtres » étant réservé à des réalisateurs très doués mais que les circonstances n’ont pas autorisés à faire carrière avec constance et maîtrise.

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    Cas de conscience

     Quoiqu’il en soit, le film de Karlson recèle des scènes excellentes, à commencer par l’entrée en matière nerveuse qui débouche sur l’assassinat du principal témoin sur les marches du palais de justice. Egalement le portrait de Sherry en prison, tourné en longs travellings, utilise la profondeur de champ pour mieux faire sentir cet univers angoissant et claustrophobique. On retiendra encore le passage à tabac de  Vince dans les sous-sols. Il faut dire que la photo de Burnett Guffey qui photographia tant et tant de films noirs est excellente également. Karlson est cependant moins à son aise quand il faut filmer des dialogues trop longs et trop didactiques ou le cabotinage de Ginger Rogers. 

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     Tentative de meurtre contre le dernier témoin

    Au final, et près de soixante années après sa réalisation, le film passe encore très bien et reste très intéressant.

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    Règlement de comptes final



     

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