•  Qui êtes-vous Monsieur Sorge ? Yves Ciampi, 1961

    Yves Ciampi est un réalisateur aujourd’hui complètement oublié. Il a eu pourtant en son temps un très bon succès populaire. C’était un homme assez curieux. Médecin de formation, il s’intéresse très tôt au cinéma. Mais ensuite, en 1942 il rejoindra Leclerc et participera à la Libération de Paris dont il filme la progression. Ses sources d’inspiration sont souvent la Seconde Guerre mondiale ou le milieu médical. C’est un cinéaste très atypique, mais Qui êtes-vous monsieur Sorge ? est un peu à part dans sa carrière. Richard Sorge est en effet un espion qui travaillait pour la Russie communiste, donc contre le régime nazi. Il était convaincu par les idées communistes, son oncle avait connu Karl Marx de très près – dans le film on dit que c’est le grand-père de Richard Sorge qui aurait été le secrétaire de Karl Marx. Mais Richard Sorge était très efficace. Ayant monté un réseau d’espionnage au Japon, il avait obtenu des renseignements très importants sur l’attaque de Pearl Harbor puis sur l’attaque de l’URSS par les nazis. Dans les deux cas il ne fut pas vraiment écouté. Mais par contre il avait précisé à l’état-major soviétique que les Japonais n’avaient pas l’intention d’attaquer l’URSS, et donc cela permis à Joukov de redéployer ses troupes plus à l’Ouest pour faire face à l’avancée des armées hitlériennes. Le scénario du film se base sur un ouvrage de Hans-Otto Meissner, un romancier populaire allemand, fils d’Otto Meissner, un homme politique qui joua un rôle dans l’ascension d’Hitler. Il était né à Strasbourg, donc comme son père il avait une double culture française et allemande. Mais après la fin de la Première Guerre mondiale, en Alsace le sentiment anti-allemand était tellement puissant que sa famille dut partir en Allemagne. Hans-Otto Meissner avait choisi la carrière diplomatique et se retrouva en poste justement à Tokyo pendant le conflit. Il connut Richard Sorge suffisamment de près pour que ce dernier soit le témoin de son mariage à Tokyo. Par ailleurs Yves Ciampi était complètement fasciné par le Japon et sa culture. Il tournera en 1957 Typhon sur Nagasaki avec Danièle Darrieux et Jean Marais, mais aussi avec l’actrice Keiko Kishi qu’il épousera et qu’il fera encore tourner dans Qui êtes-vous Monsieur Sorge ?  

      Qui êtes-vous Monsieur Sorge ? Yves Ciampi, 1961

    Journaliste auprès de l’ambassade d’Allemagne à Tokyo, Richard Sorgue est un séducteur. Il seduit la femme de l’ambassadeur, mais aussi Lily Braun et la jeune Yuki Sakurai, ce qui lui permet d’avoir des entrées partout. Egalement il travaille avec Max Klausen, un opérateur radio et sa femme. Très à l’aise avec tout le monde, il se lie d’amitié si on peut dire avec Meissinger, le chef de la Gestapo locale. Il participe à toutes les fêtes de cette petite communauté d’éxilés, et passe pour un bon hitlérien. Cela lui permet de renseigner la Russie sur les intentions militaires du Japon qui se préparent à attaquer la Russie en passant par la Sibérie. Max se fait voler sa serviette remplie de documents secrets, c’est ce qui va mettre les services de renseignements japonais sur la piste de Richard Sorge et de son groupe. Les fuites ne semblent en effet pouvoir venir que de l’Ambassade d’Allemagne. Mais les services de renseignements japonais sont sur les dents et traquent la radio de Max qui émet en direction de Moscou. Sorge prend beaucoup de risques, mais il arrive à savoir quand les Allemands vont attaquer la Russie, ce qui permet à l’armée russe de se préparer. Egalement il transmet les informations sur le fait que les Japonais veulent d’abord attaquer la flotte américaine, à Pearl Harbor, avant que d’intervenir contre la Russie. Bientôt tout le réseau va être arrêté. Bien qu’il y ait des incertitudes sur le sort ultérieur de Richard Sorge, certains ont affirmé qu’il avait été échangé contre des prisonniers japonais avec Moscou, il semble qu’il ait été bel et bien pendu après de longs mois passés en prison.

     Qui êtes-vous Monsieur Sorge ? Yves Ciampi, 1961 

    Sorge fait le point avec son équipe 

    Le récit se veut avant tout respectueux de la vérité historique, et c’est pour cette raison que Ciampi a engagé Hans-Otto Meissner pour construire son film. On verra celui-ci témoigner à l’écran de cet effort de vérité. Pour renforcer l’authenticité du propos, on mêlera des images d’archives de la guerre. Mais cela ne suffit pas à dire la vérité. De nombreux aspects étranges de la carrière de maître-espion de Sorge sont passés sous silence. Par exemple il semble bien que les Russes aient réagi avec beaucoup de retard sur le plan militaire aux informations de Sorge. C’est ce qui expliquerait pourquoi ce soit seulement en 1964, après la déstalinisation, que les Russes reconnaîtront le rôle décisif de Sorge dans la guerre contre les nazis. Hans Otto-Meissner est plutôt mal à l’aise avec ce sujet, sans doute parce qu’il renvoie à des souvenirs douloureux. Mais comme Hans-Helmut Kirst qui sortit en 1960 un autre ouvrage sur Sorge, Sorge l’espion du siècle[1], il s’interroge sur les raisons qui font que Sorge ait trahi son pays. En effet, Sorge s’était bien battu pendant la Première Guerre mondiale, il avait été décoré. Mais ensuite il s’est rapproché des révolutionnaires allemands, version KPD. Les raisons de cet engagement sont passées sous silence. Il avait été pourtant arrêté, poursuivi par la justice pour ses activités révolutionnaires, et le voilà qu’il a ses entrées au cœur même de l’ambassade nazie à Tokyo ! C’est à croire que le système de renseignement nazi était particulièrement défaillant ! 

    Qui êtes-vous Monsieur Sorge ? Yves Ciampi, 1961 

    Max s’est fait voler une serviette contenant des documents compromettant 

    L’autre problème rencontré par le scénario, c’est justement de savoir qui est Richard Sorge. Le film n’y répond pas vraiment. Est-ce un aventurier ? Un homme de conviction dévoué à la cause bolchevique ? Est-ce un simple séducteur qui aime à dominer les femmes et à s’en servir ? Cette faiblesse est cependant compensée par la capacité de Ciampi à saisir la logique d’un groupe d’espions au-delà de la personnalité de Sorge. A cet égard le film ressemble un peu à The little drummer girl[2], l’excellent film de George Roy Hill. Le plus étrange de cette approche est qu’en réalité l’histoire de la Seconde Guerre mondiale ne s’est pas déroulée en Europe, mais bien à Tokyo ! C’est en effet là que les services de renseignements allemands apparaissent les plus faibles. Et c’est ça qui fait de Sorge un personnage capital. Il est très intéressant de mettre en avant le décor japonais de cette affaire, ne serait ce que pour souligner comment les Allemands comptaient se servir de ce pays qu’ils méprisaient, pour conduire leur dessein de conquête du monde en Asie. Ciampi pouvait montrer également combien il aimait le Japon et sa culture. Cette opposition entre une culture japonaise et une culture brutale européenne, allemande pour tout dire, est une grande partie de l’explication de la complexité de l’affaire. La Gestapo par l’intermédiaire du personnage de Meissinger ne fait pas preuve de beaucoup de finesse et se couvre de ridicule quand le réseau de Sorge finit par être démantelé sans qu’elle n'y soit pour rien. 

    Qui êtes-vous Monsieur Sorge ? Yves Ciampi, 1961 

    Richard Sorge est en Chine pour couvrir l’avancée des troupes japonaises 

    Le film a été produit par Jacques Bar, un grand producteur français qui à l’époque avait dans l’idée de viser le marché international. Il produira plusieurs films d’Yves Ciampi, mais aussi René Clément, Jules Dassin et Mélodie en sous-sol qui rapportera une fortune. Jacques Bar permet à Yves Ciampi d’avoir un budget conséquent. Une grande partie du film est tournée directement au Japon. L’image est celle du cinémascope, elle donne peut-être un accent de plus grande vérité. La difficulté est de mener une histoire complexe tout en gommant le carcatère morcelé et parcellaire. De ce point de vue c’est assez réussi. Ayant une habitude des tournages en temps de guerre, Ciampi sait épouser la mobilité des personnages dans l’affrontement. Mais au-delà, il saisit parfaitement l’existence de ce petit milieu isolé et fermé sur lui-même qui est celui qui gravite autour de l’ambassade. L’ensemble de ces personnages sont décalés, sans véritable lien ni avec le pays donc lequel ils vivent et ni avec la mère-patrie. Sorge a cette capacité de naviguer dans des milieux différents, parce qu’il a un but véritable : soutenir le camp bolchevique qui menace de s’effondrer sous les coups de bouttoir des troupes nazies. Les costumes des occidentaux semblent par contre ne pas correspondre avec ce qui se faisait dans les années quarante. 

    Qui êtes-vous Monsieur Sorge ? Yves Ciampi, 1961 

    Le chef des services secrets nippons se fait menaçant 

    Ciampi n’a pas choisi la facilité en construisant la distribution des rôles. Son idée était sans doute de retenir des acteurs au physique assez ordinaire, presqu’anonyme pour mieux ancré son histoire dans une vérité historique plus ou moins bien connue. Sorge est ainsi interprété par Thomas Holtzmann, un acteur de théâtre allemand qui ne ressemble pas vraiment au véritable Richard Sorge. C’était un inconnu, et c’est sans doute pour cela que Ciampi l’a choisi. Il a en effet un physique plutôt étrange, les pomettes très hautes, les yeux en amende, très grand, dégingandé. Il donne en effet un style au film. Mario Adorf est Max, l’opérateur radio. C’était le seul acteur de la distribution qui était un peu connu à l’époque. Cet acteur suisse prolifique aura tourné aussi bien en Italie où il fut un pilier des poliziottesci, qu’en Allemagne. Il est très bien aussi. Deux autres acteurs se font remarquer par leur présence : d’abord Keiko Kiszhi, qui, pour être la femme d’Yves Ciampi, n’en est pas moins excellente dans le rôle de Yuki. Elle y emmène en effet une forme de légéreté qui se retournera finalement contre elle. Elle tournera aussi avec Jacques Deray dans Du rififi à Tokyo, et aussi, un peu plus tard, dans Yakusa de Sidney Pollack. Et puis il y a aussi le très bon Boy Gobert dans le rôle du chef de la Gestapo locale Meissinger. Il est presque touchant quand il espère que Sorge puisse devenir un jour son ami. Dans l’ensemble la direction d’acteurs venant d’horizons très disparates est bien maîtrisée. 

    Qui êtes-vous Monsieur Sorge ? Yves Ciampi, 1961 

    Avant son arrestation, Sorge prévient la Russie de l’attaque sur Pearl Harbor 

    Malgré les limites qu’on a soulignées plus haut, c’est un film très intéressant même s’il hésite un peu entre le drame personnel de Sorge et de ses complices, et l’analyse historique. En tous les cas, il est très original dans le fond comme dans la forme. A sa sortie il eut un grand succès, et une très bonne couverture de presse. Il est étonnant que ce film n’ait pas été réédité en DVD depuis des lustres. On en trouve des copies assez médiocres, issues d’enregistrement sur la télévision qui ne rendent pas assez compte de la qualité cinématographique de l’œuvre. Après le succès de Qui êtes-vous Mr Sorge ? Yves Ciampi s’éloignera des formes ordinaires de la production cinématographique, tournant en Afrique, puis pour la télévision. 

    Qui êtes-vous Monsieur Sorge ? Yves Ciampi, 1961 

    A l’ambassade d’Allemagne personne ne veut croire que Sorge est un espion 

    Qui êtes-vous Monsieur Sorge ? Yves Ciampi, 1961 

    Le vrai Richard Sorge



    [1] Robert Laffont, 1960.

    [2] http://alexandreclement.eklablog.com/la-petite-fille-au-tambour-the-little-drummer-girl-george-roy-hill-198-a114844630 

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  •  Don Angelo est mort, The Don is dead, Richard Fleischer, 1973

    C’est un film tourné dans la foulée du succès de The godfather de Coppola. Il y a tellement d’emprunts, qu’on ne saurait les recenser tous. Mais évidemment, le scénario est basé qur une histoire de Nick Quarry, et non pas sur le livre de Mario Puzzo. C’est déjà une différence énorme, mais il faut rajouter que les deux films n’ont pas les mêmes budgets. Nick Quarry est un des nombreux pseudonymes de Marvin Albert, un écrivain industriel qui fournissait des ouvrages à la chaîne et donc des scénarios pour le cinéma, dans le genre western ou dans le genre policier. C’était un auteur à succès, bien qu’il n’ait pas laisser une œuvre remarquable. En France, sous le nom de Marvin Albert, il créa une série avec un détective américain qui vit et travaille sur la Côte d’Azur. Il a eu beaucoup de succès, et à fournit des scénarios pour des films comme la série des Tony Rome, avec Frank Sinatra, The law and Jake Wade de John Sturges, ou les très excellent westerns, Rought night in Jericho d’Arnold Laven et Duel at Diablo de Ralph Nelson. Richard Fleischer arrive sur ce projet appelé par le producteur vétéran Hal Wallis. Ce film s’inscrit entre deux très bons films de Richard Fleischer, The new centurions[1], et Soylent green.

     Don Angelo est mort, The Don is dead, Richard Fleischer, 1973 

    Le jeune voyou Frank travaille avec les frères Fargo dans le trafic de drogue. Le soir d’un échange dans un hangar, il est surpris par des voyous qui manifestement étaient au courant de cet échange été voulaient mettre la main à la fois sur la drogue et les billets. Mais les frères Fargo avaient pris leurs précautions, et vont assassiner cette bande. Cependant, Don Paolo, le père de Frank est mort, la commission se réunit et décide de partager les affaires de Don Paolo entre les deux familles restantes. Cela va se faire au détriment de Frank qui est jugé pas assez expérimenté, mais Don Angelo annonce que pour compenser cela, il laissera par la suite toutes ses affaires à Frank. Frank est très amoureux de Ruby qui tente de percer dans le show business, il aimerait qu’elle renonce à sa carrière et l’épouse. Mais Orlando, l’homme qui gère les affaires de Don Bernardo emprisonné, va manipuler l’ambitieuse Ruby et la jeter dans les bras de Don Angelo. Son plan est appuyé par sa femmes, Maria qui le pousse à prendre le contrôle de toute la ville. Frank va découvrir qui est le mouchard, et lui régler son compte avant d’aller monter une seconde opération de trafic de drogue en Italie. A son retour de Naples, Frank rentre dans une colère noire : il casse tout dans la chambre de Ruby et l’envoie à l’hôpital. Cela va déclencher comme l’espérait le fourbe Orlando une guerre entre Don Angelo et Frank qui s’est attaché les services des frères Fargo. Don Angelo se rend compte de son erreur, il s’est enflammé trop vite. Malgré tous ses efforts, Don Angelo n’arrive pas à calmer la guerre, il va en outre être victime d’un AVC qui le laissera paralysé. Le frère de Tony Fargo est tué, Frank également. Mais Don Bernardo, le chef d’Orlando, sort de prison. En reprenant ses affaires en main, il va s’apercevoir de la fourberie d’Orlando et il va le faire tuer, et Maria l’a trahi à son tour. Cela va déboucher sur un nouveau partage du pouvoir entre Tony Fargo et lui.

     Don Angelo est mort, The Don is dead, Richard Fleischer, 1973 

    L’échange se passe très mal 

    Le scénario proprement dit est dû au fils de Dalton Trumbo, Christopher Trumbo qui a surtout travaillé pour la télévision. On dirait qu’il a été écrit à la hâte tant on a du mal à voir une ligne directrice là-dedans. Le cœur de l’intrigue est bien entendu la trahison de la fiancée de Frank – donc la malignité de la femme – et Orlando arrive facilement à l’entraîner. Ce malentendu entraîne les mafieux dans des règlements de compte qui les dépassent et qu’ils regrettent. L’ensemble est tissé de stéréotypes convenus : le jeune frère Tony calme et raisonnable qui va devenir un boss de la mafia sans vraiment l’avoir voulu, le fils du parrain, impulsif et arrogant, qui se fait manipuler comme Sonny Corleone dans The godfather. La manière de régler leur compte à tous ses ennemis en même temps est aussi emprunter au parrain, jusqu’à la maladie qui va plonger Don Angelo dans l’incapacité de tenir son rôle, ça aussi on l’a vu dans le film de Coppola. De même on retrouve la jeune femme émancipée, Ruby, en opposition avec les prétentions du jeune parrain, Frank, à fonder une famille patriarcale sur des codes anciens. C’est donc un peut un fourre-tout qui essaie de profiter sur l’immense succès l’année précédente de The godfather. Le film va jusqu’à emprunter des figures emblématiques du film de Coppola pour les intégrer à se propre production, Al Lettieri dans le rôle de Vince Fargo, et Abe Vigoda dans celui de Don Talusso qui doit se débarrasser d’un de ses hommes qui a trahi. En filigrane il y a bien sûr l’opposition entre le vieux Don Angelo qui retrouve une nouvelle jeunesse avec Ruby, et le jeune Frank qui veut devenir autonome, donc un conflit de génération. 

    Don Angelo est mort, The Don is dead, Richard Fleischer, 1973 

    La commission se réunit pour régler la succession de Don Paolo 

    La réalisation pèche d’abord par son manque de moyens. C’est étriqué, beaucoup de scènes sensées se passer dans la rue sont tournées en studio et ça se voit. Même si de temps à autre on retrouve la patte de Richard Fleischer – par exemple dans la scène introductive – il est clair que le cinéaste est sur le déclin. Seul le succès immense de Soylent green masquer cette usure pour un petit moment. Il est vrai qu’avec un scénario aussi décousu, il est difficile de faire des effets de style. Donc on va à l’essentiel en espérant se rattraper au montage. Mais malgré les bons mouvements d’appareil qui donnent un peu de fluidité à l’ensemble, ça reste un peu plan, digne de la télévision des années soixante-dix. Sans doute le temps a dû manquer pour travailler l’esthétique. En dehors de la scène introductive, il y a aussi l’interrogatoire à coups de batte de base-ball dans le désert qui sera reprise plus tard par martin Scorsese dans Casino. Le film est sensé se passer à Las Vegas, mais de cette ville on ne verra rien, sauf le désert, et c’est dommage. Il y a aussi la scène où un mafieux se fait ouvrir la gorge chez le coiffeur qui n’est pas mal du tout. Mais c’est bien peu.

     Don Angelo est mort, The Don is dead, Richard Fleischer, 1973 

    Frank veut savoir qui est l’informateur 

    L’autre problème, c’est clairement la distribution. Anthony Quinn est acceptable dans un rôle qui copie un peu Marlon Brando dans The godfather, mais les deux autres personnages principaux sont très mauvais. Frank est interprété par le très pâle Robert Forster qui surjoue la colère. Richard Fleischer masque son absence de charisme et de souplesse dans le jeu par des gros plans. Ensuite, il y a l’insipide Frederic Forrest dans le rôle de Tony. Acteur peu gracieux et sans relief, il n’a pas l’air de s’intéresser au rôle qui lui est confié. Certes il doit interpréter un personnage froid, mais là il est carrément absent de lui-même ! C’est gênant. Ruby qui est la fille pour laquelle le vieux et le jeune sont sensés de battre, a un physique tellement fade qu’on se demande qu’est-ce qui peut bien motiver qu’on s’enflamme pour elle. Sans doute que le producteur pensait donner ainsi une allure un peu classieuse à une fille qui au fond n’est qu’un monstre d’opportunisme. Seuls Al Lettieri et Abe Vigoda sortent un peu du lot, mais comme ils restent coincés dans des rôles très convenus, ça ne change pas grand-chose.

    Don Angelo est mort, The Don is dead, Richard Fleischer, 1973 

    Frank s’allie avec le trouble Orlando dans sa lutte contre Don Angelo 

    Curieusement, même venant après The godfather, ce film a été plutôt bien accueilli, et il a eu un bon succès, toutes proportions gardées avec son budget étriqué. Il n’a pas passé très bien les années. Et certainement il vaut beaucoup moins que The Vallachi’s papers.

    Don Angelo est mort, The Don is dead, Richard Fleischer, 1973 

    L’équipe de Tony Fargo règle ses comptes 

    Don Angelo est mort, The Don is dead, Richard Fleischer, 1973 

    Orlando prend la fuite



    [1] http://alexandreclement.eklablog.com/les-flics-ne-dorment-pas-la-nuit-the-new-centurions-richard-fleischer--a130252072 

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  •  Wind River, Taylor Sheridan, 2017

    C’est un film assez inclassable qui emprunte à de nombreux genres. En même temps, il s’inscrit dans une lignée récente du cinéma américain qui met en valeur la glaciation de contrées encore sauvages mais qui semblent mourir sur pied. L’influence de Fargo des frères Coen mais aussi de la série est indéniable. On pense aussi à l’excellent Winter’s bones[1]. En ces temps de réchauffement climatique, comme dans The revenant[2] on traite de la survie de l’espèce sous des températures de moins 20 ou moins trente. Si avant ce film Taylor Sheridan n’a pas fait grand-chose en tant que réalisateur, il faut se rappeler qu’il est le scénariste du très bon Sicario[3]. Il est aussi le scénariste de Comancheria. 

    Wind River, Taylor Sheridan, 2017 

    Cory vient d’abattre un loup pour protéger un troupeau

    Cory Lambert est employé par l’office des eaux et forêts. Entre autres choses, il s’occupe d’éliminer les prédateurs qui déciment les troupeaux de moutons. Il a été marié avec une amérindienne avec qui il est séparé. Il s’occupe de son fils qu’il va emmener chez ses grands parents qui habitent dans la réserve. Il apprend qu’un prédateur tue aussi du bétail. Il propose de s’en occuper. Quand il va se rendre sur place pour relever la piste et constater les dégâts, il va trouver d’autres traces qui sont manifestement des traces de pas et du sang. En regardant à la jumelle, il découvre qu’il s’agit d’un corps. Il retourne à la réserve, et emprunte une moto-neige pour aller voir de quoi il s’agit. C’est une femme qu’il connait qui est morte, pieds nus. Il appelle des renforts, et peu après on lui envoie un agent du FBI, Jane Banner. Celle-ci fait les constatations d’usage, puis elle demande à Cory de l’aider à trouver des indices. Ils se rendent chez Martin car c’est sa fille qui est morte. Martin est un amérindien, un ami de Cory aussi. Sachant que Cory va prendre la piste, il lui demande de faire le nécessaire s’il trouve son meurtrier. En vérité elle n’a pas été assassinée, mais violée, et c’est en s’enfuyant que le froid l’a tuée en lui faisant exploser les poumons. Une équipe se forme avec Cory, Ben, le shérif, et Jane. L’enquête va les mener auprès d’une bande de jeunes délinquants dont le fils de Martin fait partie. Ils vont apprendre que Natalie avait un petit ami qui travaillait dans le forage de pétrole. Mais ils vont découvrir peu après que celui-ci est aussi mort dans des circonstances très louches. Finalement tout cela va les amener à l’équipe de sécurité à laquelle le petit ami de Natalie appartenait. Les autorités vont affronter cette équipe car elles ont compris que c’était elle qui avait violé Natalie et tué son ami. Une bataille sanglante va s’ensuivre. Plusieurs personnes vont rester sur carreau. Alors que la police manque de succomber sous les tirs de cette équipe de sécurité, le retour opportun de Cory va leur donner l’avantage. Il abat en effet un à un cette bande moisie. Un seul va s’échapper, mais Cory le poursuit et le rattraper. Il va lui enlever ses chaussures et le faire courir dans la neige, sachant qu’il n’en reviendra pas. 

    Wind River, Taylor Sheridan, 2017 

    Le FBI a envoyé Jane Banner pour enquêter 

    Il y a effectivement des incohérences scénaristiques car nous apprenons ce qui s’est passé par le biais d’un flash-back, on ne comprend pas très bien comment la police l’a elle-même appris. La fusillade finale et le retour opportun de Cory est digne d’un western. Egalement après la bataille finale, on ne sait pas très bien qui est mort et qui est blessé. Mais peut-être n’est-ce pas là l’essentiel. Le film brasse de très nombreux thèmes. Cory est un homme solitaire qui ne trouve la force de continuer son parcours malgré les drames qu’il a dû traverser que dans le rapport qu’il entretient avec la nature. C’est un chasseur. Et c’est à partir de cette fonction qu’il tire sa morale. Cela lui permet de distribuer des sentences un peu à tout le monde : à Martin l’indien qui souffre de la perte de sa fille, mais aussi à Jane pour lui donner du courage à traverser un climat difficile. Et puis il y a les amérindiens, et forcément la culpabilité de l’homme blanc qui les a détruits. Cory donne encore une leçon au fils de Martin en lui expliquant que quel que soit le tort commis à l’endroit de sa race, il n’a pas d’autre choix que de continuer à vivre et à se battre. On verra donc des amérindiens qui vivent dans un grand dénuement, refoulés sur les marge de la société américaine qui les a dépouillés de tout. Mais dans l’immensité de ce désert blanc, en dehors d’un silence de fin du monde, il y a le rapport que Cory entretient avec la nature forcément hostile. Beaucoup n’ont pas leur place dans ces paysages, d’abord les employés de la compagnie pétrolière qui sont posés là dans des baraquements insalubres, comme une verrue au milieu de la figure, et puis ces motos-neige qui font des va-et-vient troublants. Une attention importante est accordée au décor désolé dans lequel vivent les amérindiens.

    Wind River, Taylor Sheridan, 2017 

    Les enquêteurs cherchent des indices 

    Sur le plan cinématographique, il n’y a pas grand-chose à dire, une belle photo, de larges panoramiques permettent de saisir la densité de l’environnement. Pour le reste ça manque de style – mais on pourrait dire la même chose pout tout le cinéma américain contemporain. Sheridan n’arrive pas à styliser suffisamment ses scènes pour que cela donne du sens. La grammaire cinématographique a été oubliée en cours de route. Certes les scènes d’action sont bien filmées et bien rythmées, mais il n’y en a peu. L’ensemble reste assez mou. Dans les meilleurs moments cela devient méditatif, dans les relations entre Cory et Martin par exemple. Mais cela intervient un peu comme un cheveu sur la soupe, après que le film proprement dit soit terminé puisque les méchants ont été exterminés.

     Wind River, Taylor Sheridan, 2017 

    Cory indique à Jane la direction dans laquelle elle doit regarder 

    L’interprétation est bonne, particulièrement Jeremy Renner dans le rôle de Cory. S’il souffre intérieurement, il n’en dit rien ou pas grand-chose pour ne pas s’apitoyer sur lui-même. Il joue les bons pères peu exigeants, l’ami attentionné, et en même temps il peut aussi verser discrètement une petite larme qu’il essuie rapidement. J’avais déjà remarqué la finesse de son jeu dans le très bon film de Ben Affleck, The town. Le rôle de Jane est tenu par Elisabeth Olsen. C’est un rôle un peu dans le genre de celui d’Emily Blunt dans Sicario, en moins tourmenté toutefois. Elle a assez d’énergie, pleure à bon escient, mais elle manque peut-être un peu de charisme. Et puis on sera content de retrouver l’excellent Graham Greene dans le rôle de Ben, le shérif de la réserve. Il est méconnaissable, mais toujours remarquable. La distribution a engagé pas mal d’acteurs amérindiens d’ailleurs. Comment faire autrement ?

     Wind River, Taylor Sheridan, 2017 

    Cory et Jane suivent la piste dans la neige 

    C’est dans l’ensemble un très bon film, malgré les lacunes qu’on a dites. La critique l’a encensé d’une manière déraisonnable cependant. Le public a suivi, encore que pour un film aussi sombre il ne faut pas s’attendre à passer les 100 millions de dollars ! Sa présentation à Cannes lui a permis d’atteindre de très bons scores sur les marchés hors des USA et du Canada.  Son défaut est sans doute de n’être ni un film noir, ni un thriller, ni même un western.

     Wind River, Taylor Sheridan, 2017 

    Les autorités doivent affronter la société de gardiennage des puits de pétrole

    Wind River, Taylor Sheridan, 2017 

    Taylor Sheridan sur le tournage



    [1] http://alexandreclement.eklablog.com/winter-s-bone-debra-granyk-2011-a114844914 

    [2] http://alexandreclement.eklablog.com/the-revenant-alejandro-inarritu-2015-a125071438 

    [3] http://alexandreclement.eklablog.com/sicario-denis-villeneuve-2015-a119674594 

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  •  Comancheria, Hell or high water, David Mackenzie, 2016

    Ce film rentre dans une nouvelle catégorie des films néo-noirs qui axe son propos sur une Amérique complètement malade et au bord de l’effondrement total. Non seulement tous les personnages de cette histoire n’ont rien de positif, mais leur comportement s’explique par un matérialiste plutôt direct. L’histoire a été écrite par Taylor Sheridan, le scénariste de Sicario, mais aussi le réalisateur du plus récent Wind River. C’est le genre de film qui fascine aussi bien les festivaliers de Cannes que les critiques de la côte Est qui n’arrivent pas à croire que l’Amérique c’est aussi ça, un pays complètement dégénéré dont le mode de développement n’a pas seulement détruit la nature, mais aussi les âmes. C’est un film de David Mackenzie qui n’a pas laissé de trace remarquable tout au long de sa carrière, sauf peut être le curieux Young Adam, d’après le récit plus ou moins autobiographique d’Alexander Trocchi, compagnon de route sulfureux de Guy Debord dans les années cinquante. 

    Comancheria, Hell or high water, David Mackenzie, 2016 

    Toby et Tanner parlent de leur mère disparue 

    Toby et son frère Tanner qui vient de sortir de prison ont décidé de braquer des banques pour se sortir de la misère, mais aussi pour se venger des banques dont les pratiques malhonnêtes, bien que légales, visaient à dépouiller la famille d’un ranch qu’on soupçonne de receler des grandes réserves de pétroles. Ils ne braquent que des petites banques et ne prennent que des coupures inférieures à 100 $. Ils ont tout d’amateurs. Mais en réalité Tanner a fait dix ans de prison et est très endurci. Le ranger Marcus Hamilton va partir à leurs trousses avec un amérindien, Alberto, sur qui il n’arrête pas de faire des blagues très douteuses. En vérité Les frères Howard ont un véritable projet. Cet argent qu’ils piquent à la Texas Midland Bank va leur servir de mise de fonds pour jouer au casino et remporter une somme qui leur permettra de racheter l’hypothèque qui court sur le ranch. Toby st séparé de la mère de ses enfants et donc il ne voit ceux-ci que rarement. Ce qui ne l’empêche pas de leur faire la morale. Pendant que les deux frères montent leur dernier coup, Marcu et Alberto les attendent dans la petite ville de Post. Selon Marcus, rien ne sert de leur courir après, et ce d’autant qu’il a compris, notamment grâce au témoignage de la serveuse d’un T-bone, que les deux braqueurs n’étaient pas tout à fait de la région, mais pas très loin. Cependant le dernier coup va mal tourner, cette fois ils braquent une banque un peu plus importante, et ils tombent sur des agents de sécurité qui leur tirent dessus, Toby est blessé, Tanner tue deux personnes. La poursuite commence. Les deux frères se séparent, et Tanner entraîne les poursuivants dans la direction opposée à celle de son frère. Marcus se joint à la chasse, il va abattre Tanner qui a tué Alberto, et Toby va passer entre les mailles du filet. Il va négocier son hypothèque et mettre le ranch au nom de ses enfants. Marcus prend sa retraite, mais il n’est pas satisfait, et retourne voir Toby à qui il confie qu’il n’est pas dupe de la manœuvre. Mais il ne peut plus rien contre lui, et le laisse vivre en paix, sachant que son pétrole va lui rapporter beaucoup d’argent.

    Comancheria, Hell or high water, David Mackenzie, 2016 

    Marcus Hamilton croise des cow-boys désenchantés 

    Le thème principal est celui de l’effondrement de l’Amérique, un effondrement que rien ne peut enrayer, même pas l’argent que Toby finira par gagner avec ses puits. L’effondrement est moral autant que matériel. Il faut voir ce Texas ravagé par les puits de pétrole qui sont creusé n’importe où, n’importe comment. Les incendies dont personne se préoccupe. Toutes ces âmes noires qui errent sans but d’une bière à une autre, jusqu’à un casino. Le second thème sous-jacent c’est celui de la rapacité des banques. Si un employé à l’honnêteté de dire les raisons qui ont poussé sa banque à mettre la mère des Howard sur la paille, les autres sont tous en train de chercher à contourner les règles de la décence commune pour s’enrichir. L’ambiguïté est toujours présente, Toby apparaît en fait comme un manipulateur, il excite son frère en lui avouant que sa mère ne l’a pas couché sur son testament. C’est une manière comme une autre de l’amener à la mort, de le fixer sur une conduite suicidaire. Car si Toby a encore ses enfants, et peut-être même un avenir avec son ex-femme, Tanner lui n’en a aucun. Marcus est le témoin de l’effondrement. Contrairement à ce qu’on a avancé, les blagues qu’il balance à longueur de temps à Alberto en faisant mine de se moquer des indiens sont destinés d’abord à remettre à sa place la vieille idée selon laquelle la civilisation apportée par les blancs était bien meilleure que celle des amérindiens. Mais comme ses concitoyens il comprend aussi la logique des frères Howard, les banques qui ne sont jamais condamnées pour leurs malversations, méritent bien finalement de payer un peu. Même les cow-boys paraissent usés, se demandant qu’est-ce qu’ils font encore là sur leurs chevaux, ils se rendent compte qu’ils ne sont plus que des pions sacrifiés sur l’autel de la rentabilité. Tout le monde semble aigre : par exemple la vieille serveuse qui sert des T-bones. Et les vieux regardent d’un œil très ironique la police en train de se dépatouiller avec des hold-ups un peu dérisoires. 

    Comancheria, Hell or high water, David Mackenzie, 2016 

    La serveuse du T-bone drague ouvertement Toby 

    Si les intentions du scénario nous paraissent intéressantes, leur mise en forme laisse un peu à désirer. Il y a des ruptures de ton qui viennent d’une mauvaise maitrise du rythme. Ça s’accélère cependant vers la fin, dès lors qu’il faut conclure, en rentrant dans l’action proprement dite la poursuite tragique de deux bandits, on n’a plus de temps pour les digressions, et c’est mieux. L’ensemble est assez platement filmé. La photo est travaillée, mais manque de style et de personnalité. David Mackenzie a des idées de mouvement d’appareil, mais c’est assez convenu comme cette façon de multiplier les panoramiques pour masquer les difficultés à saisir la profondeur de champ. C’est la chose la plus importante qu’on peut reprocher au réalisateur : il manque de style, versant dans le reportage terre à terre. Evidemment ça ne donne guère envie de visiter le Texas, mais en même temps on comprend peut-être mieux pourquoi ces gens qui semblent abandonnés de tous votent pour Trump. Comme on le voit, la dimension politique et critique est affichée.

     Comancheria, Hell or high water, David Mackenzie, 2016 

    Toby tente d’expliquer à son fils le droit chemin

    La distribution c’est d’abord Chris Pine et Ben Foster dans les rôles des deux frères rebelles. Ils sont plutôt bons, parfois un peu cabotins. Leur différence de physique permet à Mackenzie de renforcer les oppositions de caractères. Ben Foster dans le rôle de Tanner est tout de même un peu plus convaincant. Jeff Bridges est le ranger Marcus. Il joue un peu sur le même registre que dans True grite, le vieux justicier bougon et désabusé qui fait semblant de ne croire en rien. Je le trouve plutôt bon. Il y a de belles initiatives dans la distribution, histoire d’éviter à tout pris le caractère glamour. Ainsi les filles qui draguent Toby ne sont pas particulièrement attirantes et sexy, au contraire, elles apparaissent aussi comme des victimes, que ce soit la serveuse un peu enveloppée du snack, ou cette fille qui au casino lorgne sur les jetons de Toby. Celle-là est maigre, vraiment triste. On verra apparaître deux fois les réflexions des amérindiens sur leur propre histoire – c’est assez typique de Taylor Sheridan – de la part d’Alberto, et lors de l’affrontement de Tanner au casino avec un vrai comanche. Il est curieux de voir les amérindiens en exil dans leur propre pays, mais c’est hélas le lot de tous les pays colonisés. 

    Comancheria, Hell or high water, David Mackenzie, 2016 

    La serveuse acariâtre explique à Marcus et Alberto ce qu’ils doivent manger 

    Le film a été surestimé par la critique. Il y a trop de relâchement dans le scénario pour que ce soit un grand film. Et la mise en scène est très convenue. Néanmoins ne boudons pas notre plaisir, le film se voit très bien. Il a fait un flop retentissant en France, mais il a suffisamment fait d’entrées principalement aux Etats-Unis pour boucler son budget très largement. C’est d’ailleurs assez étrange que ce film ait fait un bon succès aux Etats-Unis, ce qui semble signifier que les Américains sont plutôt intéressés par la critique de leur société. 

    Comancheria, Hell or high water, David Mackenzie, 2016 

    Au casino Tanner tombe sur un vrai comanche

     Comancheria, Hell or high water, David Mackenzie, 2016 

    A la retraite Marcus rend visite à Toby

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  •  Le détraqué, The mad bomber, Bert I. Gordon, 1973

    C’est un petit film complètement fauché, mais qui pourtant présente un certain intérêt. Le premier est que l’histoire est de Marc Behm, le Marc Behm de Mortelle randonnée, mais aussi l’auteur des scénarios de Charade, de cette daube La blonde de Pékin, etc. Ce n’est pas si anodin que cela de le rappeler, parce que justement dans The mad bomber, parfois aussi rebaptisé en anglais Police connection, porte la marque de certaines obsessions de cet auteur.

    Le détraqué, The mad bomber, Bert I. Gordon, 1973 

    L’atrabilaire Dorn n’aime pas le désordre et le fait savoir 

    William Dorn est un homme traumatisé par la mort de sa fille qui a fait une overdose de drogue. Il en rend responsable les institutions de la société, son université, l’hôpital où elle fut soignée. Il a décidé de faire sauter ces établissements. Il fait sauter l’université. Mais à la deuxième bombe, il croise la route d’un violeur, George Fromley, qui agresse une malade muette. Geronimo Minelli est un policier endurci qui n’hésite pas à faire usage de son arme. Il va traquer le poseur de bombes. Rapidement il comprend que le violeur et le poseur de bombes sont deux personnes différentes. Et donc son idée est de traquer le violeur pour atteindre le poseur de bombes. Il se trouve sur ce point en désaccord avec son chef qui juge qu’il perd son temps. Minelli pourtant va finir par arrêter le violeur. Mais celui-ci ne veut pas parler. Il va le menacer, et après avoir visité sa maison, il se rend compte que Fromley est un vrai obsédé du sexe. En faisant pression, il va l’amener à coopérer et ils vont arriver à tracer un portrait-robot très satisfaisant. A partir de là, Minelli va remonter la filière et comprendre pourquoi Dorn est aussi en colère. Mais lorsque la police cerne la maison de Dorn, il n’y a personne, celui-ci échappe à l’arrestation de justesse. La chasse est ouverte : Minelli poursuit Dorn qui dans un sursaut d’orgueil ou de démence va tenter de se faire sauter, avec le maximum de personnes. Il se balade avec une camionnette bourrée de dynamite. Minelli finira par l’abattre. 

    Le détraqué, The mad bomber, Bert I. Gordon, 1973 

    Dorn dépose ses bombes dans tous les endroits qui lui rappellent sa fille 

    C’est une histoire dans laquelle il n’y a que des déçus de la vie. Dorn n’a plus qu’un but se venger, mais Minelli est aussi un flic plein d’amertume, on comprendra qu’il prend sa revanche lui aussi parce que sa femme l’a quitté. Dans cet étrange trio, c’est encore Fromley qui apparait le plus tordu. Le thème central est la mélancolie de l’homme abandonné de tous ceux qu’il aime. Et c’est cet abandon qui va déterminer les crimes. Cela se passe à Los Angeles, notamment dans l’univers glauque du strip-tease, et comme Fromley aime filmer sa femme à poil, ça donne l’occasion de reluquer des femmes nues un peu partout. Cela ne semble pourtant pas émouvoir Minelli car son obsession à traquer Dorn à annihiler tout désir sexuel.  Le film a été tourné au début des années soixante-dix, et ça se voit dans la manière dont on parle de sexe et de drogue. On est encore à une époque où on peut s’indigner de la dépravation des mœurs. En même temps apparait vers cette époque le thème du tueur anonyme qui fait peut à toute une ville de 7 millions d’habitants. Avec le terrorisme, la paranoïa allait donner du corps à ce genre d’angoisse.

     Le détraqué, The mad bomber, Bert I. Gordon, 1973 

    Minelli n’hésite pas à faire usage de son arme 

    Bien qu’il y ait des scènes intéressantes, la réalisation est plutôt médiocre. Il faut dire que Bert I. Gordon est un spécialiste de films de série B, alors que la mode en est déjà passée. Il filmait souvent des histoires avec des animaux géants, ou des géants tout court. Mais ici il n’y a pas d’extravagance particulière. Il y a par contre des scènes assez bien menées, comme la manière dont les policiers piègent les violeurs, ou encore l’affrontement entre Minelli et Fromley. Quelques ralentis, comme dans la première explosion sont bienvenus. Mais dans l’ensemble, c’est un film fauché, et ça se voit, le cadre est très resserré, on évite les mouvements de foule.

     Le détraqué, The mad bomber, Bert I. Gordon, 1973 

    George Fromley collectionne les films pornos de sa femme 

    L’interprétation est des plus curieuses. C’est une distribution d’has been. Minelli est interprété par Vince Edwards qui avait commencé dans les années cinquante une très belle carrière, notamment en jouant dans The killing de Kubrick, et puis il ne fera que dégringoler les échelons de la hiérarchie hollywoodienne. Ici il est manifestement très fatigué, vouté, mais après tout, ça colle avec le rôle. Sauf que parfois on le sent un peu absent. Chuck Connors est Dorn. Très grand, raide comme la justice, il a l’air fou et méchant comme il faut. Et puis on retrouve Neville Brand, le second rôle des films noirs, très souvent cantonné aux films de série B, dans le rôle de Fromley. Il avait atteint le summum de sa carrière en interprétant Al Capone dans le très bon film de Phil Karlson, The Scarface mob[1]. Comme il avait toujours l’habitude jouer les dingos, il est tout à fait dans le coup, notamment lorsqu’il s’excite sur le film de sa femme à poil. C’est au moment où il semble qu’il va jouir que la bombe de Dorn éclate !

     Le détraqué, The mad bomber, Bert I. Gordon, 1973 

    Minelli va faire parler Fromley par tous les moyens 

    Comme on le comprend, ce film n’a eu ni l’honneur de la critique, ni même celui du public. Sans doute était-il distribué furtivement dans les circuits de salles de seconde catégorie. Le miracle du numérique est qu’on fasse ressortir ce type de production du fin fond des tiroirs où tout le monde l’avait oublié. Pourtant, malgré toutes ses limites, The mad bomber garde un certain charme, sans doute cela vient-il de la mélancolie du poseur de bombe. Les scènes où Fromley traque une jeune femme pour la violer ont aussi pas mal de rythme. A défaut d’être un grand réalisateur, Bert I. Gordon savait donner du rythme à son histoire. Ce qui fait que ce petit film pas du tout indispensable peut se voir sans ennui.

     Le détraqué, The mad bomber, Bert I. Gordon, 1973 

    Dorn s’est fait sauter



    [1] http://alexandreclement.eklablog.com/les-incorruptibles-contre-al-capone-the-scarface-mob-phil-karlson-1959-a114844822 

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